3. M. Laurent SELLES, Chef d'unité adjoint, DG Entreprises et industrie, Commission européenne

C'est une gageure de présenter en dix minutes la législation européenne... Commençons par le début. Nous avons le Marché intérieur, et l'article 95 du Traité. La loi européenne s'applique obligatoirement, et il n'y a pas de législation nationale. Les constructeurs automobiles ne peuvent mettre sur le marché que des véhicules conformes à la réglementation européenne. Des exceptions peuvent exister pour des petites séries ou des véhicules homologués à titre individuel, mais à 99,9 %, c'est la législation européenne qui s'applique. On n'est pas dans un cas de subsidiarité comme pour le code de la route, où notamment les vitesses sur l'autoroute sont différentes selon les Etats.

On parle d'homologation par type de véhicule. Avant de faire des lois, on a des principes, dont celui du développement durable, qui concerne trois axes : la croissance économique, le bénéfice social (la sécurité), et la protection de l'environnement. Certains ont pu penser que dans les années quatre-vingt-dix, lorsqu'on évoquait le développement durable, cela faisait uniquement référence à l'environnement. Il faut également considérer le développement économique car on ne peut pas faire de l'environnement lorsqu'on n'a pas d'argent. Il est toujours très important de considérer les trois axes.

On ne fait pas de la réglementation en prescrivant des solutions. On laisse le libre choix aux industriels et le champ libre à la créativité des chercheurs, des développeurs. On ne légifère donc jamais sur les solutions, mais seulement sur les niveaux nécessaires à atteindre, les valeurs limites par exemple.

On connaît les principaux polluants, avec les transports routiers : les hydrocarbures non brûlés, les oxydes d'azote, qui ont été évoqués, les particules, et le monoxyde de carbone. Il faut appliquer le principe de proportionnalité. Les particules PM sont cancérigènes et les oxydes d'azote provoquent l'asthme. Pour esquisser rapidement le passé, avec une échelle relative on constate les progrès des différents niveaux des directives européennes : Euro 1 à Euro 4, en application depuis le 1 er janvier 2005, et nous préparons Euro 5 pour 2009-2010. Pour les voitures essence, on est assez proche du niveau bas. Pour les voitures diesel, avec Euro 4, les particules sont encore à un niveau significatif et les oxydes d'azote restent présents. Il faudra évaluer une action sur ces polluants, toujours à l'aune des trois critères du développement durable (économie, social et environnement). On prépare maintenant Euro 5. Si la proposition de la Commission est adoptée avant la fin de l'année (elle a été envoyée au Conseil et au Parlement), et si la codécision se fait assez rapidement, l'adoption pourra se faire en 2007 pour permettre une mise en application des niveaux pour les voitures particulières en 2008-2009. Pour les poids lourds (on utilise également les termes Euro IV et Euro V, en chiffres romains), on attend en 2008 la mise en application d'Euro V, qui va avoir un effet très important.

Entre Euro 4 et Euro 5, pour la partie diesel, on va réduire de 80 % les émissions de particules, qui sont suspectées d'être cancérigènes. Sur le NOx, la baisse est de seulement 20 %. En effet, la technologie n'est pas encore prête. On ne sait pas faire des systèmes à grande échelle pour supprimer les émissions de NOx des voitures particulières à un prix acceptable. Etant donné le surcoût de 2 000 €, les clients préfèrent acheter des petits véhicules à essence, qui vont consommer plus. Il s'agit donc de prévoir les aspects pervers des lois, qui sont contreproductifs. On accuse l'Union européenne, et notamment la Commission, d'être sur-réglementée, ce qui pénalise les industriels. Sur les quatre polluants principaux (particules, NOx, monoxyde de carbone et hydrocarbures non brûlés), Euro 4 diesel est en application depuis le 1 er janvier 2005. En 2009, on aura Euro 5. Vous avez sur le schéma les niveaux équivalents japonais pour les diesel et essence en 2009, et les niveaux américains et californiens, autour de 2008-2009. A l'horizon 2009, les Européens, les Américains et les Japonais seront à peu près cadrés. Il convient cependant de relativiser, car les cycles d'essais sont différents. Il ne faut donc pas prendre ce schéma de façon rigoureuse, mais il donne une assez bonne image. Lorsque la Commission propose des législations, il convient de regarder ce qui se passe au Japon ou aux Etats-Unis. Sur les grandes régions automobiles du monde, les autorités convergent assez bien et ont de bons recouvrements.

C'est une bonne chose que l'on ait évoqué les poids lourds, car c'est un point important. Les médias se sont focalisés sur la voiture particulière, mais il convient d'appliquer le principe de proportionnalité. Je passe sur les détails car je n'ai pas le temps d'approfondir (vous avez les références sur les sites). On travaille pour Euro 5 sur les camions avec une limite NOx à 2 g par km. La réduction catalytique sélective va imposer d'avoir un réservoir d'urée à bord des camions. Dans les stations-service, on pourra donc vérifier l'urée. C'est peut-être contraignant, mais c'est très efficace. Il ne faut pas que les chauffeurs oublient de remplir leur réservoir régulièrement. Pour cela, il convient de trouver un moyen coercitif. C'est la police qui doit faire appliquer la loi, vérifier que les chauffeurs respectent leur temps de conduite, par exemple, mais aussi qu'ils ne polluent pas. Il convient également de trouver des moyens pour les inciter. On pense notamment à un système qui réduit le couple : lorsque le réservoir d'urée est à un niveau zéro, le couple moteur diminue tellement, que le chauffeur n'aura de cesse de s'arrêter dans une station-service pour refaire le plein d'urée.

En dehors de la pollution, on observe le changement climatique. Le CO 2 n'est pas un polluant, comme chacun le sait. On a une action sur l'offre, avec l'engagement volontaire des constructeurs du Japon, de la Corée du Sud, et de l'Union européenne, de réduire les émissions à 140 g/km pour les nouvelles voitures mises sur le marché d'ici à 2008-2009. Cela représente 25 % de réduction par rapport à 2000. On fait un monitoring de cette réduction, mais on agit aussi sur la demande, avec des incitations fiscales. Cela relève de la subsidiarité, et donc de la compétence des gouvernements nationaux. C'est tout de même assez efficace pour orienter, avec une fiscalité adaptée, l'usage de voitures qui consomment moins et qui donc produisent moins de CO 2 . Plusieurs méthodes sont possibles. En ce qui concerne le suivi de la réduction des émissions de CO 2 , nous finissons d'évaluer les chiffres pour l'année 2004, et l'on s'aperçoit que l'on est sur la courbe. On n'est pas sûr que les constructeurs européens pourront tenir leurs engagements pour arriver en 2008 à 140 g. Nous verrons l'année prochaine ce que l'on devra faire pour que cette limite soit atteinte. Faire des voitures et des camions propres, c'est une bonne chose, mais le carburant doit également l'être. On a déjà éliminé le plomb, les sulfures, avec l'exigence à 10 PPM en 2009, qui est une condition sine qua non pour introduire de nouvelles technologies et avoir des voitures propres en 2009.

Il faudra penser, vers 2008-2009, à préparer l'après-pétrole avec des carburants alternatifs. Des actions volontaristes ont été lancées il y a quelques années, mais avec l'augmentation du prix des carburants cette année, l'objectif de 20 % de part de marché des carburants alternatifs devient urgent. Cela fait l'objet de la réflexion dite « CARS 21 » menée par un groupe à haut niveau, comprenant M. BARROT, M. VERHEUGEN et le Ministre LOOS. On fait des analyses « du puits à la roue », on examine les questions de mélanges possibles. C'est assez complexe, car l'éventail des biocarburants est très large, ainsi que la façon de les utiliser. Il faut revenir aux analyses systémiques, « du puits à la roue », et au principe du développement durable, pour ne pas déplacer les problèmes, et les traiter globalement. C'est assez compliqué car cela touche à la politique agricole commune, et cela va nous occuper de nombreuses années.

En ce qui concerne l'hydrogène, dont on a beaucoup parlé, ce n'est pas un combustible. Aujourd'hui, 98 % de l'hydrogène est produit par du craquage d'hydrocarbures ou d'ammoniaque. Il convient de le produire de façon compatible avec Kyoto sans utiliser de carburants fossiles. Il y a des enjeux en matière de stockage, de coût et de complexité des membranes. Il faudrait gagner le Loto quatre fois pour avoir des voitures à hydrogène à grande échelle. On peut en faire tourner quelques-unes, mais sans aucune considération de prix. On est donc assez prudents sur l'hydrogène. C'est une question à long terme, pour après 2020.

En ce qui concerne notre fonctionnement, nous prenons l'avis des Etats membres, et le Parlement européen, en codécision avec le Conseil, prend les décisions, que nous proposons, et établit les politiques de l'UE. Il existe une confluence des différentes politiques. Chaque politique correspond à un article du Traité et il convient de trouver des solutions qui sont compatibles avec les politiques européennes. C'est ce qui fait souvent la difficulté. On peut avoir une très bonne idée, mais il faut la mesurer et la confronter aux différentes implications. Par ailleurs, en ce qui concerne la production, l'automobile c'est un tiers en Europe, un tiers en Asie et un tiers en Amérique. Sur les marchés, c'est similaire. L'approche sur le sujet ne doit pas être européenne, mais mondiale. Nous avons donc entrepris une migration de la législation européenne vers la législation des Nations unies, qui est plutôt un ensemble de règlements sans modalité de mise en oeuvre. La Président du Forum mondial pour la réglementation de la construction automobile est un représentant du Ministère des Transports français.

Enfin, il faut considérer la Chine. Avec le textile, on a oublié qu'on avait dix ans pour s'y préparer. Dans l'automobile, certains s'y sont préparés, comme Volkswagen depuis quinze ans. La Chine, c'est compliqué, mais on ne peut pas l'occulter. Tous les grands pays constructeurs sont présents. Je milite beaucoup pour que la Chine signe plus de règlements des Nations unies à Genève.

• M. Christian CABAL

Merci. C'est une perspective et prospective sur ce point. Je vais donner la parole à Mme Valérie PERNELET. Je rappelle que notre mission concerne les voitures particulières. Nous avions décidé au niveau de l'Assemblée de nous consacrer uniquement aux véhicules particuliers. Même si les poids lourds occupent une place importante dans la genèse de la pollution de l'air, les thématiques sont relativement distinctes, bien que les conséquences puissent être les mêmes. On peut espérer qu'un autre rapport soit engagé sur la question des poids lourds. Mais aujourd'hui, dans le cadre précis de ce rapport de l'Office, il s'agit uniquement des voitures particulières.

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