F- Acteurs et stratégies de développement en Europe

Une comparaison des structures de distribution du crédit est délicate, du fait des différences d'organisation des différents réseaux. Le tableau suivant présente la structure d'organisation du réseau de distribution au sein de trois pays.

Tableau 23 : Distribution de crédit en Allemagne, Italie, Royaume-Uni

Le poids des acteurs sur le marché du crédit à la consommation est contrasté selon les pays : le modèle bancaire l'emporte au Royaume-Uni et en Allemagne. L'Italie est marquée par l'importance des institutions financières.

Selon les acteurs, les modes de distribution sont variés pouvant être assurés par des points de vente physiques (agences bancaires, agences du spécialistes ou magasins), par les call-centers , des distributeurs, le marketing direct ou par les sites Internet.

Figure 39 : Crédit à la consommation : Chaîne de valeur et modèles économiques

Source : AT Kearney

Comme nous l'avons déjà abordé dans ce document, rappelons que les stratégies d'entrée sur de nouveaux marchés sont multiples : un acteur peut profiter de son expertise nouvelle et compétitive et s'adosser à un réseau de distribution (Cetelem a suivi son partenaire Carrefour dans sa stratégie internationale) ; il peut également procéder à une acquisition, démarche qui a pour avantage d'assurer un développement rapide car basée sur une structure déjà existante.

Notons que l'effet de taille est majeur pour être compétitif tant en termes de coûts de gestion et de maîtrise du risque, que de coûts de développement.

Figure 40 : Les banques généralistes et les établissements spécialisés

Source : AT Kearney

Figure 41 : La Grande distribution

Source : AT Kearney

G- La protection des emprunteurs dans le droit de l'Union européenne : une volonté d'harmonisation

L'absence de règles communes limite les transactions transfrontalières et entraîne des différences au niveau de la protection des consommateurs dans les États membres. L'Union européenne a donc tenté d'harmoniser le cadre législatif des services financiers de détail.

Le crédit aux particuliers est affecté par la politique communautaire en matière de services financiers et la politique communautaire de protection des intérêts économiques des consommateurs.

Dès 1975, l'Europe s'est dotée d'une politique de protection du consommateur 67 ( * ) : plusieurs règles communautaires traitent de la politique des consommateurs et des méthodes de vente. Le consommateur n'est plus considéré comme un simple acheteur de biens ou de services, mais comme une personne concernée par les aspects de la vie sociale qui l'affectent directement en tant que consommateur.

Les règles communautaires existantes en matière de crédit à la consommation remontent pour l'essentiel à 1987 :

- la directive 87/102/CEE 68 ( * ) en matière de crédit à la consommation a établi le cadre communautaire du crédit à la consommation. Elle n'a fixé que des normes minimales de protection du consommateur, largement dépassées depuis par les réglementations nationales ;

- la directive 87/102/CEE a été modifiée et complétée par les directives de 1990 69 ( * )70 ( * ) et 1998 sur le crédit à la consommation qui ont introduit une formule mathématique unique pour calculer le taux annuel effectif global (TAEG) ;

- les directives sur le crédit à la consommation sont en cours de révision, afin de mieux refléter la situation actuelle du marché du crédit à la consommation.

En septembre 2002, la Commission européenne a présenté une proposition de nouvelle directive sur le crédit à la consommation 71 ( * ) . Elle intègre des dispositions visant à assurer une meilleure harmonisation des conditions d'accès au crédit à la consommation.

Après des mois de discussions, le Parlement européen s'est prononcé pour des normes minimales harmonisées. Le 28 octobre 2004, la Commission a adopté sa proposition modifiée 72 ( * ) .

Le texte retenu, en octobre 2004, est moins ambitieux que le projet de départ qui visait la création d'un véritable marché unique du crédit à la consommation.

La proposition modifiée adoptée par la Commission restreint, en effet, le champ d'application de la directive, alors que la proposition initiale couvrait l'ensemble des contrats de crédit conclus entre un consommateur et un professionnel. La Commission propose maintenant d'exclure les prêts d'un montant supérieur à 100 000 € et de soumettre certains types de crédits (en particulier les crédits de moins de 300 € et les découverts bancaires) à des régimes allégés.

La Commission de Bruxelles maintient en revanche les points suivants :

- les prêteurs bénéficieront de meilleures possibilités d'évaluer les risques débiteurs mais seront par contre tenus de vérifier la capacité de remboursement de leurs clients et de leur proposer les prêts les mieux adaptés à leur situation ;

- les emprunteurs bénéficieront d'une transparence accrue sur les produits (information standardisée sur l'offre de crédit comprenant le taux annuel, le montant des mensualités et des pénalités éventuelles) et pourront comparer plus facilement les offres de crédit sur une base transfrontalière ;

- le consommateur a un droit de rétractation de 14 jours et peut rembourser par anticipation ; les éventuels frais facturés par le prêteur, dans un tel cas, devant être équitables et objectifs

Calendrier indicatif :

La Commission européenne a proposé le 29 octobre 2004 une proposition de directive modifiée ;

Le Conseil des ministres doit à présent adopter sa Position commune (prévue dans le courant du 1 er semestre 2005) ;

Aucun calendrier de transposition de ce texte communautaire dans les différents droits nationaux n'est pour l'instant arrêté.

L'application de règles harmonisées en matière de crédit à la consommation dans l'ensemble de l'Union européenne devrait donc prendre quelques années...

Toutefois, la dimension croissante du cadre européen est une donnée qui va marquer la relation banque-consommateurs au cours des prochaines années.

Tableau 24 : Comparaison du cadre légal du crédit consommation en Europe

Allemagne

Belgique

Espagne

Grande-Bretagne

Italie

Les obligations légales de l'offre

Texte de base sur le crédit à la consommation

Loi du 20/12/985

Loi du 12 juin 1991 relative au crédit à la consommation (modifiée par les lois des 6 juillet 1992, 11 février 1994, 11 décembre 1998, 7 janvier 2001 et 24 mars 2003 )

Loi 7/1995 du 23/03/1995 Ley de crédito consumo

Loi de 1974 sur le Crédit à la consommation

Une nouvelle loi sur le crédit est à l'étude : Consumer Crédit Bill73 ( * )

Décret n°385 du 1/09/1983

Decreto legislativo n° 385/1993

Decreto legislativo n° 63/200

Les taux effectifs sont-ils plafonnés par des taux d'usure ?

Fixation jurisprudentielle. Il y a usure lorsque le taux d'intérêt spécifié sur le contrat est supérieur de 12% au taux d'intérêt habituel

Il n'existe pas de taux d'usure. L'arrêté royal du 4/08/92 fixe des grilles de TAEG maxima, suivant le type de crédit accordé, le montant ainsi que la durée de remboursement.

Fixation jurisprudentielle. La Loi du 23/07/08 sur la répression de l'usure énonce que les taux pratiqués ne doivent pas être "nettement supérieurs au taux normal". Il appartient aux tribunaux de statuer en cas d'écart trop important.

Il n'existe pas de taux d'usure officiel. La loi interdit des taux considérés comme exorbitants ou contraire aux pratiques usuelles.

Le taux d'usure est réévalué chaque trimestre selon la Loi du 07/03/96.

Les droits de l'emprunteur

La possibilité de se rétracter après la signature

Oui : délai de réflexion de 7 jours, sauf crédit hypothécaire

Oui : délai de 7 jours ouvrables à compter de la signature du contrat

Non : pas de délai légal

Oui : 5 jours à compter de la réception d'une offre contractuelle

Non sauf dans le cas où le crédit a été souscrit par correspondance ou par télématique.

La possibilité d'un remboursement anticipé

Oui

Oui

Oui

Oui

Oui

La possibilité de dénoncer le contrat

Non

Non

Non

Oui

Oui

Allemagne

Belgique

Espagne

Grande-Bretagne

Italie

Les recours de l'emprunteur

La possibilité d'obtenir des délais de paiement / gestion des difficultés passagères

Non

Oui : la solution amiable est toujours recherchée

Non

Oui

Non : ce recours n'existe pas officiellement. La solution amiable est toujours recherchée

Les recours légaux en cas de difficulté grave chez l'emprunteur

La Loi prévoit la possibilité d'ouvrir une procédure d'insolvabilité.

La propose une médiation entre l'emprunteur et le créancier afin de trouver une solution.

La Loi ne prévoit rien. Cependant, le Code Civil réglemente les procédures à suivre dans le cas d'endettement des personnes physiques.

Il n'y a pas de recours juridique. Sans l'accord de l'organisme prêteur, les obligations de l'emprunteur ne peuvent être annulées.

Il n'y a aucun recours légal. Cependant, un office de médiation a été créé en 1993 pour répondre aux problèmes de surendettement.

La protection de la vie privée

La protection des informations personnelles

Il existe une Loi spécifique sur la protection des informations données par l'emprunteur

La Loi de 1991 et l'arrêté Royal du 20/11/92 contiennent un certain nombre de dispositions spécifiques sur la protection des informations personnelles.

La Loi du 13/12/99 sur la protection des données à caractère personnel garantit et protège les droits fondamentaux des personnes physiques.

La "Common Law" impose au prêteur un devoir étendu de confidentialité. Le Data Protection Act - 1998 vise à assurer un traitement des informations qui ne porte pas atteinte à la vie privée.

La Loi du 31/12/96 n° 675, appelée "Garante", réglemente le traitement des renseignements personnels.

L'existence de fichiers

Deux fichiers positifs : la Schufa et Experien ; mais leur consultation n'est pas obligatoire

Un fichier positif : la Centrale des Crédits aux Particuliers de la Banque Nationale de Belgique enregistre depuis le 1er juin 2003

Un fichier positif tenu par la Banque Nationale d'Espagne - mais qui ne concerne que les montants importants - et deux fichiers négatifs

Existence de nombreux fichiers publics et privés comprenant des informations positives et négatives sur l'historique des crédits et des comptes

Fichier positif et négatif créé en 1988 et 1990

Sources :

Cofidis, « Le crédit à la consommation en Europe « , Note d'information n°9, juin 2001 ( http://www.cofidis.com/CofidisCom/SHARED/d4m10y2004h18m18s9m93.pdf )

Commission Européenne, « Guide du crédit à la consommation dans 5 pays d'Europe : l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, la France et le Royaume-Uni  » ( http://europa.eu.int/comm/dgs/health_consumer/library/pub/pub05_fr.pdf )

The European Credit Research Institute : Newsletters & Legal Observatory : http://www.ecri.be/HTM/legal_obs/legalobserve.htm

* 67 Résolution du Conseil du 14 avril 1975 concernant un programme préliminaire de la Communauté économique européenne pour une politique de protection et d'information des consommateurs, JOCE C 092, 25 avril 1975 pp 1-16.

* 68 Directive 87/102/CEE du Conseil du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation, modifiée en dernier lieu par la directive 98/7/CE du 16 février 1998.

* 69 Directive 90/88/CEE du Parlement Européen et du Conseil du 22 février 1990, JO L61 10/03/90.

* 70 Directive 98/7/CEE du Parlement Européen et du Conseil du 16 février 1998, JO L 01/04/98.

* 71 Proposition de Directive du Parlement européen et du conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de crédit aux consommateurs, Bruxelles, le 11.9.2002( http://europa.eu.int/eur-lex/fr/com/pdf/2002/com2002_0443fr01.pdf ).

* 72 Proposition de Directive du Parlement européen et du conseil relative à l'harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit aux consommateurs abrogeant la directive 87/102/CE et modifiant la directive 93/13/CE, Bruxelles, le 28.10.2004 ( http://europa.eu.int/comm/consumers/cons_int/fina_serv/cons_directive/credit_cons_fr.pdf ).

* 73 Le gouvernement britannique reformera les règles de crédit à la consommation pour 1 ère fois en 30 ans : annonce faite le 23/11/2004 dans le discours annuel de la reine au Parlement : The Bill was introduced into the House of Commons on 16 December 2004. It was considered by House of Commons Standing Committee E on the 25th and 27th of January 2005.

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