SYNTHÈSE DU RAPPORT ET DES PROPOSITIONS

Le constat : faute d'appliquer correctement le droit communautaire de l'environnement, la France s'expose à des pénalités financières importantes

Ø Le droit communautaire de l'environnement : un poids considérable

- 85 % du droit de l'environnement français a une origine communautaire ;

- un impact important sur le budget de l'écologie : en 2006, la mise en oeuvre de Natura 2000 mobilise 40 millions d'euros en autorisations d'engagement et 25,4 millions d'euros en crédits de paiement ; dans le secteur de la politique de l'eau, la mise en place des directives communautaires représente près de 40 % des moyens d'engagement des agences de l'eau sur la période 2003-2006 (3,2 milliards d'euros).

Ø La Commission européenne a les moyens de le faire appliquer

- en cas de manquement des Etats membres à leurs obligations, trois étapes sont prévues: lettre de mise en demeure, avis motivé puis saisine de la Cour de justice (CJCE). Si un Etat membre n'exécute pas un premier arrêt de la CJCE, une sanction pécuniaire peut lui être infligée (articles 226 et 228 du traité instituant la Communauté européenne) ;

- les deux premiers Etats condamnés furent la Grèce en 2000 et l'Espagne en 2003, puis la France, qui compte déjà deux condamnations (pêche de « poissons sous taille » en 2005 et responsabilité du fait des produits défectueux en 2006).

Chers merluchons ! (arrêt du 12 juillet 2005)

Pour ne pas avoir exécuté un premier arrêt de la CJCE datant de 1991, dans une affaire de pêche de « poissons sous taille », la France a été condamnée à payer à la fois une somme forfaitaire de 20 millions d'euros et une astreinte de 57,8 millions d'euros par période de 6 mois : une somme répartie entre 5 ministères...

Ø La pression sur les Etats membres, notamment financière, s'est accrue

- dans l'arrêt dit des « poissons sous taille » (12 juillet 2005), la CJCE a réaffirmé son pouvoir de pleine juridiction en matière de sanctions pécuniaires - elle n'est pas liée par les propositions de la Commission - et a interprété de manière extensive le traité instituant la Communauté européenne, en jugeant qu'un Etat qui n'a pas appliqué un premier arrêt peut être condamné à payer à la fois une somme forfaitaire et une astreinte ;

- la Commission a revu sa doctrine dans un sens plus restrictif : à l'avenir, elle demandera systématiquement à la CJCE le cumul d'une astreinte et d'une somme forfaitaire, un montant minimal de somme forfaitaire étant fixé pour chaque Etat membre (10,9 millions d'euros pour la France) et elle ne se désistera plus en cas de régularisation en cours d'instance ;

- la Commission privilégie toutefois la voie de la coopération et ne considère l'action contentieuse et les sanctions pécuniaires que comme l'ultime moyen de parvenir à la pleine exécution du droit communautaire.

Ø La France est dans une situation difficile

- en 2004, la France a été l'Etat le plus condamné pour manquement, l'environnement étant l'un des secteurs les plus porteurs de contentieux ;

- le ministère de l'écologie et du développement durable est responsable de 82 procédures précédant une première condamnation et l'on comptait, en janvier 2006, 14 affaires environnementales pouvant entraîner une sanction pécuniaire (sur 30 au total).

Les 14 affaires environnementales à risque en janvier 2006

Sur les 14 affaires pendantes en janvier 2006 qui pouvaient entraîner une sanction pécuniaire à l'encontre de la France, 9 étaient pilotées par le ministère de l'écologie et du développement durable, 3 étaient pilotées par le ministère de la santé et des solidarités et 2 étaient pilotées par le ministère de la recherche.

Le ministère de l'écologie et du développement durable considérait que 6 de ces affaires présentaient un risque fort et 8 un risque faible.

Parmi les affaires les plus sensibles, on notait l'insuffisante désignation de sites protégés au titre de Natura 2000, le problème de la pollution de l'eau par les nitrates en Bretagne, le contentieux lié au rejet d'eau douce et de limon par une centrale EDF dans l'étang de Berre ou encore la mise en oeuvre de la directive « eaux résiduaires urbaines », qui impose aux collectivités territoriales d'importants travaux d'assainissement.

Ø Bien que récemment réduit, l'enjeu budgétaire lié aux dossiers litigieux reste élevé

- deux affaires ont été classées par la Commission (dates de chasse et pollution de l'eau destinée à la consommation humaine en Bretagne) tandis que le ministère de l'écologie et du développement durable a annoncé le respect des engagements pris sur le dossier Natura 2000, les sites manquants ayant été désignés avant le 30 avril 2006 ;

- le risque budgétaire lié aux dossiers litigieux reste élevé : entre 109 millions d'euros et 1,2 milliard d'euros, pour la seule somme forfaitaire, si la clôture des contentieux Natura 2000 est confirmée.

Comment en est-on arrivé là ?

Ø Les enjeux sont mal appréhendés lors de l'élaboration de la législation

- les études d'impact réalisées par la Commission sont lacunaires, en particulier d'un point de vue budgétaire, et ne sont pas déclinées à l'échelon national : les ministres et les députés européens n'ont donc pas toujours conscience de la portée budgétaire, pour les Etats membres, des projets de directive ou de règlement qui leur sont soumis, ni des difficultés potentielles d'application ;

- l'application différée dans le temps, en raison du délai de transposition des directives, est déresponsabilisante ;

- l'approche gouvernementale est trop administrative et les liens entre les institutions françaises et le Parlement européen sont encore insuffisants.

Ø La transposition des directives a longtemps accusé un retard important

- la France se situe en milieu de tableau : 15 ème sur 25 au 8 mars 2006 ;

- des efforts importants ont été accomplis pour résorber le stock de directives environnementales à transposer : de 28 au 1 er janvier 2002 à 13 au 1 er janvier 2006 (dont 9 en retard de transposition).

Ø Le ministère de l'écologie a toutefois pris des dispositions pour assurer un suivi efficace de la transposition des directives

- il s'est doté d'une « task force juridique » pour faire face à cet enjeu ;

- la ministre de l'écologie et du développement durable estime que le risque financier lié au retard de transposition des directives est dorénavant « quasi nul » ;

- le commissaire européen chargé de l'environnement juge toutefois que la France doit mieux gérer le délai de transposition.

Ø Le pilotage est insuffisant lors de l'application des mesures

- le droit communautaire de l'environnement nécessite souvent des mesures d'application lourdes et impose aux Etats membres des obligations de résultat ;

- le ministère de l'écologie et du développement durable reste un « petit ministère » et dépend d'autres ministères pour la mise en oeuvre des actions par les services déconcentrés ;

- il n'est pas toujours chef de file sur les sujets environnementaux ;

- l'éclatement des polices de l'environnement (24 au total) complique encore la situation.

11 propositions pour remédier aux insuffisances actuelles

Sensibiliser les agents publics et développer l'évaluation

1) sensibiliser davantage les agents publics à l'importance du droit communautaire dans le domaine de l'environnement et accroître, de manière générale, leur « culture communautaire » ;

2) dès le départ et tout au long de la procédure d'élaboration de la législation communautaire, réaliser des études d'impact, non seulement juridiques mais également budgétaires et organisationnelles - pour l'Etat comme pour les collectivités territoriales - afin de disposer d'une vision claire des enjeux et des difficultés éventuelles ;

3) en aval, développer systématiquement une analyse coûts/bénéfices des mesures communautaires dans le domaine de l'environnement, afin d'apprécier pleinement les effets de la législation communautaire dans ce domaine et d'en tirer les conséquences ;

Faire coïncider le temps national et les exigences communautaires

4) se saisir très en amont, dès les livres verts et les livres blancs, des propositions de la Commission , afin de peser réellement sur le cours des débats ;

5) adapter les modalités de transposition des directives , afin d'utiliser pleinement le délai de transposition et de banaliser les transpositions de directives ;

Renforcer l'analyse politique des projets de législation, en resserrant les liens entre les institutions

6) conforter la place du Parlement national au sein du processus d'élaboration des textes communautaires, en demandant, par exemple, à chaque ministre de présenter systématiquement les enjeux des propositions de législation communautaire devant la commission compétente et/ou la délégation pour l'Union européenne ;

7) renforcer les relations entre le gouvernement, le Parlement national et le Parlement européen , afin d'établir de véritables relations de travail entre ces trois acteurs, ce que la présence du siège du Parlement européen sur le territoire national devrait favoriser ;

8) associer davantage au processus d'élaboration de la législation communautaire les collectivités territoriales , qui supportent de nombreux coûts résultant de dispositions communautaires dans le domaine de l'environnement : le Sénat, représentant des collectivités territoriales, devrait jouer un rôle majeur en la matière ;

Revoir l'organisation actuelle pour assurer une application effective et rapide du droit communautaire de l'environnement

9) renforcer la coordination interministérielle , tant au niveau de la transposition des directives que de l'application des mesures communautaires : dans un contexte de dépendance du ministère de l'écologie et du développement durable vis-à-vis des services d'autres ministères, cet élément est essentiel pour atteindre l'objectif d'appliquer pleinement le droit communautaire ;

10) simplifier l'organisation des polices de l'environnement , aujourd'hui très éclatées ;

11) assurer, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), un suivi systématique des actions entreprises par le ministère de l'écologie et du développement durable pour traiter les dossiers faisant l'objet de litiges.

Si la France paie largement le prix des insuffisances passées, il lui faut aujourd'hui changer de méthode pour éviter des sanctions pécuniaires potentiellement importantes et, surtout, restaurer une crédibilité très entamée.

I. LES SANCTIONS PÉCUNIAIRES : UNE ÉPÉE DE DAMOCLÈS BUDGÉTAIRE POUR LA FRANCE

A. LA COMMISSION DISPOSE DE MOYENS JURIDIQUES POUR LUTTER CONTRE LES MANQUEMENTS DES ETATS À LEURS OBLIGATIONS COMMUNAUTAIRES

Il convient de rappeler que les articles 226 et 228 du traité instituant la Communauté européenne (ci-après désigné comme « traité CE ») fournissent à la Commission les moyens de s'assurer de l'application effective du droit communautaire.

1. L'article 226 du traité instituant la Communauté européenne

L' article 226 du traité CE dispose ainsi que « si la Commission estime qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet Etat en mesure de présenter ses observations ».

En pratique, la première étape de cette phase précontentieuse passe par l'envoi d'une lettre de mise en demeure , invitant l'Etat membre à présenter ses observations, dans un délai généralement fixé à deux mois.

Si la réponse ne parvient pas dans les délais ou si la Commission la juge insuffisante, elle peut alors décider d'adresser à l'Etat membre considéré un avis motivé , par lequel elle lui expose les manquements et les actions correctrices à apporter, là encore, en général, dans un délai de deux mois.

A l'issue de cette phase précontentieuse, si l'Etat membre considéré ne s'est pas mis en conformité avec le droit communautaire, la Commission, en application de l'article 226 du traité CE, peut saisir la Cour de justice , qui rend un arrêt auquel les parties doivent se conformer. Comme le précise le premier paragraphe de l'article 228 du traité CE, « si la Cour de justice reconnaît qu'un Etat membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du présent traité, cet Etat est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt de la Cour de justice ».

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