C. FÉDÉRER LES ÉNERGIES : UN PILOTAGE PLUS RÉACTIF, PLUS EFFICACE ET PLUS INNOVANT

1. Insuffler une nouvelle dynamique, en clarifiant le pilotage à tous les niveaux

a) Fixer une ligne d'action durable : les enjeux de la révision du quatrième Schéma prévisionnel national des formations

Présenté en juin 2004 comme la « feuille de route » de l'enseignement agricole pour la période 2005-2009, le quatrième Schéma prévisionnel national des formations (SPNF) n'est pas apparu, de toute évidence, comme un projet capable de rallier l'ensemble des acteurs autour d'objectifs forts et partagés.

De l'avis quasi général, ce schéma apparaît comme peu novateur et manque clairement d'ambition, ne faisant qu' entériner le statu quo .

Cela se traduit notamment par la volonté :

- de contenir, d'une part, la progression des effectifs, en particulier dans les classes de 4 e et de 3 e dont l'attractivité est pourtant forte et la réussite indéniable ;

- de recentrer le système, d'autre part, sur le secteur de la production, « coeur de métier » de l'enseignement agricole, contraignant, en parallèle, l'évolution des secteurs des services et de l'aménagement.

C'est pourquoi votre rapporteur considère que la décision, annoncée en juin dernier par le ministère de l'agriculture, d'engager des concertations en vue de la révision du 4 e schéma, est tout à fait bienvenue , car elle répond à des attentes fortes .

Cette refonte répond à un double souci :

- d'ordre formel, dans un premier temps, puisqu'il s'agit de prendre en compte, dans la partie relative au pilotage, les nouvelles procédures de mise en oeuvre de la déconcentration ;

- d'ordre plus prospectif, ensuite, puisque cet objectif initial a été étendu à une relecture intégrale du schéma national, mobilisant l'ensemble des partenaires du monde de l'enseignement agricole.

Cette réflexion, engagée à partir de la rentrée 2006, et dont l'échéance est fixée au 1 er semestre 2007, est pilotée par un groupe de travail national, et se déclinera en région, par des réunions associant les acteurs de terrain.

Enfin, elle prendra appui sur les conclusions et recommandations des récents rapports parus sur l'enseignement agricole : le rapport du journaliste M. François Grosrichard, celui de la mission d'audit de modernisation de l'État, celui -en cours de préparation- de l'ancien recteur M. André Legrand sur l'exercice des cinq missions ; enfin, le présent rapport apportera, dans ce cadre, un éclairage et une contribution sur les enjeux majeurs à prendre en compte pour adapter l'enseignement agricole aux défis à venir.

b) Le niveau régional, échelon stratégique d'évolution du système

Conforté par le double processus de décentralisation des formations professionnelles et de déconcentration, l'échelon régional constitue désormais le niveau stratégique où se déclinent, dans le cadre du projet régional de l'enseignement agricole (PREA) , les grandes orientations nationales.

En effet, de par leur proximité avec les territoires et leur tissu local, les établissements d'enseignement agricole ont une identité régionale forte : les formations ne sauraient être tout à fait les mêmes en Bretagne ou en Rhône-Alpes.

Comme l'a ainsi souligné M. François Grosrichard dans son rapport, « la campagne française est multiforme », et les métiers varient d'une région à l'autre : « le réseau des établissements d'enseignement et de formation agricoles devra évidemment s'adapter, bassin par bassin d'emploi ou de vie, à cette donne géographique multiforme et changeante. » 51 ( * )

Votre rapporteur a pu constater, à travers ses déplacements en régions, que l'élaboration des PREA avait permis de fédérer l'ensemble des acteurs, au niveau local, autour d'objectifs parfois plus audacieux, novateurs et ambitieux que ceux fixés d'« en haut », sans prise en compte des spécificités liées au contexte local.

Si elle pouvait prendre appui sur une impulsion nationale forte et des engagements clairs et durables de l'État, cette organisation déconcentrée serait le meilleur moyen de réussir à insuffler une nouvelle dynamique au système : en effet, les changements qui sont nécessaires pour adapter le système de formation ne seront compris, appropriés et soutenus que s'ils se fondent sur la connaissance approfondie des situations et la volonté des acteurs de terrain.

Pour ce faire, les bons principes qui ont déjà trouvé à se concrétiser, en partie, dans certaines régions, notamment celles où votre rapporteur s'est rendu -Bourgogne et Midi-Pyrénées-, doivent s'étendre à l'ensemble d'entre elles et s'ancrer dans les habitudes de travail :

- la culture du dialogue et de la concertation , associant l'ensemble des partenaires (rectorat et région notamment) et des « familles » d'établissements ; s'agissant, ainsi, des décisions -combien sensibles- relatives à la carte des formations et des établissements, les inquiétudes et incompréhensions, sources de blocage, peuvent être levées quand les décisions sont justifiées, expliquées et prises de façon concertée ; en effet, l'évolution des structures de formation ne saurait répondre au seul motif arbitraire de réaliser des économies budgétaires ;

- la transparence sur les moyens alloués à chacun et leurs critères d'attribution doit contribuer à restaurer un climat de confiance et à dissiper les suspicions et rivalités entre les différentes « familles » d'établissements ; à cet égard, votre rapporteur rappelle que la mission d'audit sur l'enseignement agricole, dans le rapport précité, a démontré que les distorsions de coût, rapportés à l'heure « face à face élève », étaient faibles, voire inexistantes, entre les établissements publics et privés , contrairement à une idée répandue ;

- la remontée des informations , à la fois des établissements vers les directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) et des DRAF vers la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER), doit permettre d'identifier les besoins prioritaires et d'y répondre au mieux , en procédant aux ajustements nécessaires des moyens, dans la limite des enveloppes disponibles ;

- enfin, en corollaire, la culture de l'évaluation doit se décliner au niveau régional, à partir de la définition d'indicateurs de résultats adaptés.

En parallèle, les DRAF et leurs chefs de service régional de formation et de développement (CSRFD) doivent faire l'objet d'un « accompagnement au changement » : il s'agit de clarifier la répartition des compétences entre eux et de les amener à s'approprier ces nouvelles prérogatives et méthodes de travail. En effet, les DRAF ne s'investissaient en général, jusqu'alors, que très peu dans leur rôle de « recteur vert » : la mission de formation restait le « domaine réservé » du directeur général de l'enseignement et de la recherche (DGER), la politique nationale étant appliquée par le CSRFD.

Or, comme l'a relevé le rapport de la mission d'audit de modernisation, les DRAF devront désormais s'impliquer davantage « dans l'exercice de l'« autorité académique » en direction des partenaires locaux au premier rang desquels il faut citer les conseils régionaux et les rectorats » ; « pour sa part, le CSRFD se trouve en situation d'exercer à la fois un rôle de contrôle et un rôle hiérarchique (par délégation du DRAF) vis-à-vis des directeurs et de l'ensemble des personnels de l'État. Il doit avoir en conséquence une légitimité et une autorité sur ces deux volets. »

C'est pourquoi il est nécessaire de clarifier la définition et la répartition des rôles, mais aussi d'adapter les profils de compétences à ces tâches et responsabilités nouvelles. Une circulaire en ce sens est en cours de rédaction au ministère.

A cet égard, le choix des hommes et leur formation revêtent une grande importance. Il s'agit notamment de veiller à valoriser les compétences de management et les capacités de dialogue.

c) Des établissements plus forts et plus solidaires : dépasser les logiques de concurrence

Votre rapporteur compte sur la capacité à mobiliser, au niveau local, les acteurs et partenaires autour d'un projet fédérateur pour dépasser les logiques de concurrence entre établissements et valoriser, au contraire, les complémentarités :

- au sein de l'enseignement agricole, d'une part : en effet, celui-ci doit afficher une cohésion et une cohérence entre ses composantes , publiques et privées, afin de consolider sa place dans le système éducatif ; à cet égard, la déconcentration rend nécessaire que les différentes composantes de l'enseignement agricole soient dotées d'une représentation régionale capable de porter et défendre leurs intérêts : si les fédérations des établissements privés sont déjà structurées par région, ce n'est pas encore le cas, toutefois, dans l'enseignement public ;

- entre l'enseignement agricole et l'éducation nationale, d'autre part : le PRDFP 52 ( * ) constitue, en ce sens, un outil de cohérence de l'offre de formation ; encore faut-il instituer, en parallèle, un dialogue régulier et équilibré entre le conseil régional, le recteur et le DRAF, qui n'a pas encore forcément cours dans toutes les régions.

A cette fin, les établissements et les équipes de terrain doivent être dotés de moyens d'actions renforcés, pour exprimer leur identité, développer des initiatives et améliorer leur efficacité :

- le projet d'établissement , généralisé par la loi d'orientation agricole de 1999, gagnerait en portée s'il faisait l'objet d'une contractualisation avec l'autorité déconcentrée : cela permettrait de donner aux équipes une meilleure visibilité sur les moyens dont ils disposent, sur la durée du projet, afin d'assurer une plus grande continuité dans la mise en oeuvre des actions ; en outre, ce projet devrait systématiquement s'articuler avec les projets de territoire , pour consolider l'ancrage territorial des établissements et favoriser une adaptation plus réactive du dispositif de formation aux besoins et aux demandes de son environnement ;

- par ailleurs, le « profil » des directeurs d'établissement suppose de plus en plus des qualités de « manager », pour le montage de dossiers financiers complexes ou pour assurer la représentation de l'établissement auprès de ses partenaires : leur formation doit être adaptée en conséquence et leur recrutement plus diversifié ;

- enfin, le directeur et son équipe jouent un rôle déterminant pour valoriser les complémentarités entre les centres constitutifs , alors que peuvent parfois apparaître des effets de concurrence nuisibles entre formation initiale scolaire, apprentissage et formation continue ; comme certains directeurs le demandent, les équipes de direction devraient bénéficier d'une plus grande latitude dans l'utilisation de leurs moyens : l'affectation des personnels sur l'établissement, et non sur un de ses centres , permettrait de procéder, avec plus de souplesse, aux ajustements nécessaires, en fonction des besoins et du projet de l'établissement.

Au-delà, l'organisation en réseaux des établissements publics et privés, doit être favorisée, en vue d'améliorer la qualité de l'enseignement et la bonne gestion du système.

Il s'agit de parvenir à une mutualisation des moyens en équipements, personnels ou compétences, qui serait nécessaire, notamment :

- pour soutenir le développement de l'ingénierie de formation, crucial pour adapter le contenu des formations aux mutations de l'environnement et pour préserver l'attractivité des formations dispensées dans les centres de formation professionnelle continue, sur un marché devenu très concurrentiel ;

- pour favoriser l'exercice des « autres » missions , en matière de développement ou de coopération internationale.

Les expériences de mutualisation doivent enfin s'étendre aux établissements relevant de l'éducation nationale, comme cela est rendu possible par la loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école du 23 avril 2005, qui prévoit la mise en place de réseaux au niveau de chaque bassin de formation, et comme la nouvelle architecture budgétaire y incite par ailleurs.

Certaines initiatives récentes vont dans ce sens :

- l'organisation, à titre expérimental pour la session 2007, d'épreuves écrites communes dans les disciplines générales, pour les concours de recrutement d'enseignants ;

- l'expérience plus générale de mutualisation initiée dans deux régions pilotes (Bourgogne et Midi-Pyrénées).

Au-delà, des enseignants ont exprimé leur souhait de voir se développer davantage de « passerelles » entre les deux systèmes, pour assurer des remplacements ou élargir les possibilités de détachement d'un système d'enseignement à l'autre, en particulier dans les disciplines générales. Les statuts des professeurs certifiés et des professeurs de lycée professionnel devraient être revus, en ce sens, pour faciliter ces souplesses de gestion.

Toutefois, de telles mesures sont à envisager avec précaution, pour ne pas remettre en cause l'équilibre entre les deux systèmes et les spécificités propres à chacun.

2. Cultiver l'identité du système autour d'une « culture commune » renouvelée : relancer l'effort d'innovation

a) Retrouver un rôle de « laboratoire pédagogique » aujourd'hui à bout de souffle

L'innovation pédagogique , fer de lance de l'enseignement agricole jusqu'au début des années 1980, est désormais en panne.

Il reste néanmoins de cette période féconde de solides acquis :

- l'interdisciplinarité et l'étude de milieu, garantes de la proximité des enseignements avec la réalité du terrain ;

- l'organisation modulaire de la formation, définie en termes d'objectifs et de compétences, dans le cadre d'un « itinéraire pédagogique » élaboré par l'équipe pédagogique pour la durée du cycle de formation ;

- l 'individualisation des parcours, en formation initiale et continue, avec, entre autres, le développement de parcours de formation à distance ;

- l'introduction du contrôle en cours de formation (CCF), dont le poids peut aller d'un tiers à la moitié pour la délivrance des titres et diplômes ; ce mode de contrôle continu permet de diversifier les modes d'évaluation (à l'oral ou à l'écrit, en travaux pratiques, individuels ou en groupe...), pour mieux apprécier les compétences des élèves.

La réussite de ces innovations, désormais ancrées dans les pratiques, se mesure notamment à l'influence qu'elles ont sur l'éducation nationale, qui se les approprie peu à peu (travaux et projets pluridisciplinaires, introduction du CCF lors de la rénovation du CAP, suivi individualisé...).

Votre rapporteur estime essentiel que l'enseignement agricole retrouve ce rôle d' « avant-garde » du système éducatif et de « laboratoire pédagogique » , que sa petite dimension lui permet de jouer.

Cela suppose, tout d'abord, de recenser, diffuser et valoriser les « bonnes pratiques » mises en place au niveau des établissements.

Par ailleurs, l'enseignement agricole dispose d'un dispositif d'appui , chargé de missions de recherche et développement, de formation continue des personnels, d'animation de réseaux, de production de ressources, etc., dont le fonctionnement et le rôle doivent être renforcés, pour poursuivre l'adaptation des formations et renforcer l'exercice en synergie des cinq missions.

Tel est l'objet de la réorganisation en cours (voir encart suivant), qui était devenue impérative face aux menaces pesant, ces dernières années, sur l'avenir des établissements publics nationaux .

LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'APPUI À L'ENSEIGNEMENT
AGRICOLE : UN DISPOSITIF EN MUTATION

Le dispositif d'appui à l'enseignement agricole se compose de 4 établissements publics nationaux (EPN) et de 2 établissements d'enseignement supérieur (l'ENFA de Toulouse et l'ENESAD de Dijon), chargés d'accompagner l'actualisation des savoirs enseignés, l'adaptation des certifications, l'évolution des métiers et des compétences des personnels, ainsi que l'évolution de l'organisation et du management des établissements.

A la suite d'un rapport du COPERCI (comité permanent de coordination des inspections) et de l'Inspection de l'enseignement agricole de septembre 2004, la décision a été prise de rapprocher les EPN ces établissements de l'enseignement supérieur et de mieux cibler les thématiques traitées dans chaque établissement.


Le CEMPAMA (Centre d'études du milieu et de pédagogie appliquée du ministère de l'agriculture) de Fouesnant

Créé en 1968 avec la volonté de développer les activités d'étude du milieu, le CEMPEMA propose des formations aux adultes (aquaculture) et aux enseignants.

Par un décret de mai 2006, cet établissement est intégré dans l'Institut national de l'enseignement supérieur et de recherche agronomique et vétérinaire de Rennes et ses missions sont recentrées sur les thématiques suivantes :

- transfert et accompagnement du changement des pratiques professionnelles ;

- développement du fait alimentaire dans l'enseignement ;

- gestion des territoires et des ressources naturelles (mer, littoral, terre).


Le CEP (Centre d'expérimentation pédagogique) de Florac

Le CEP a été créé en 1970, à la même époque que le Parc national des Cévennes avec lequel il entretient un partenariat privilégié.

Cet établissement est intégré, en 2006, au sein du pôle d'enseignement supérieur de Montpellier (SupAgro), avec trois thèmes de compétences : éducation et pédagogie ; territoires, ruralité et environnement ; coopération internationale.


Le CNPR (Centre national de promotion rurale) de Marmilhat

Créé en 1965, le CNPR constitue notamment le service public de formation à distance de l'enseignement agricole.

Il doit être intégré, d'ici 3 ans, dans l'ENESAD de Dijon. Pour accompagner cette phase transitoire, un contrat d'objectif a été signé avec l'établissement, autour des axes stratégiques suivants :

- adapter l'offre de formation à distance de l'enseignement agricole public et accompagner le développement de dispositifs de formation ouverte et à distance ;

- améliorer, dans le cadre du prochain rapprochement, les complémentarités avec l'ENESAD en matière de validation des acquis de l'expérience et de production-diffusion de ressources éducatives.


Le CEZ (Centre d'enseignement zootechnique) de Rambouillet

Depuis 1955, le CEZ développe, au sein du domaine de la Bergerie nationale, des activités d'appui en matière de développement local, d'éducation à l'environnement et d'agriculture durable. Une mission a été lancée par le ministère pour assurer l'avenir de cet établissement, en tenant compte de ses spécificités.


L'ENESAD (École nationale d'enseignement supérieur agronomique de Dijon)

Cet établissement d'enseignement supérieur développe ses missions de formation initiale et continue dans deux grands domaines de compétences :

- les sciences et techniques agronomiques et agroalimentaires, l'économie et la sociologie rurales (formations d'ingénieurs, 3 e cycles, recherche et formation continue) ;

- les sciences et techniques de l'éducation, de la formation et de la communication (production, édition et diffusion de documents et matériels éducatifs, vulgarisation scientifique et technique).

Le conseil d'administration de l'ENESAD a approuvé en 2005 la création d'un Institut regroupant les services contribuant à la mission d'appui au système éducatif. Ces activités seront clairement identifiées dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens en cours de préparation.


L'ENFA (École nationale de formation agronomique) de Toulouse

Cet établissement chargé de la formation initiale des enseignants participe également à la mission d'appui du système à travers son activité de formation continue.

b) La formation des enseignants, socle de transmission et de renouvellement des spécificités

La formation initiale et continue des personnels de l'enseignement agricole est assurée « en interne », par l'ENESAD en ce qui concerne les personnels de direction, l'ENFA de Toulouse -sorte d'« IUFM 53 ( * ) vert »- pour les enseignants de l'enseignement public et par les centres de formation d'Angers et de Chaingy pour les personnels des établissements privés.

L'équipe de direction de l'ENFA, ainsi que les enseignants et responsables du système, ont exprimé leur attachement à défendre un dispositif en adéquation avec les particularités de l'enseignement agricole, et jugé globalement plus performant que celui constitué par les IUFM.

LES 4 AXES DU RÉFÉRENTIEL DE FORMATION DES ENSEIGNANTS

Le contenu de la formation des enseignants de l'enseignement agricole est adapté aux particularités du système. Elle s'articule autour de 4 principaux axes :

- l'analyse et la gestion des apprentissages (analyse des difficultés des élèves, sensibilisation à l'actualisation des compétences...) ;

- l'analyse de système (préparation à l'approche de problèmes complexes, analyse de l'environnement et du territoire, formation à l'interdisciplinarité...) ;

- l'ingénierie de projet (préparer les élèves à l'élaboration et la conduite de projet) ;

- la fonction éducatrice et le développement personnel (ouverture culturelle, formation psychosociologique, formation à la prévention des risques et à l'éducation citoyenne...).

Toutefois, ce dispositif de formation a été soumis à de rudes coupes budgétaires ces dernières années :

- les crédits de formation continue des personnels ont subi une baisse drastique , comme le montre le tableau suivant.

ÉVOLUTION DU BUDGET DE LA FORMATION CONTINUE

2001

2002

2003

2004

2005

Budget

( en millions d'euros )

3,986

2,326

1,968

1,329

1,250

Source : ministère de l'agriculture. DGER.

- en outre, les fédérations d'établissements privés ont déposé au printemps dernier un recours devant la commission de conciliation, à la suite de la diminution de 40 % de leurs crédits de formation.

Or, les enjeux de l'intégration des nouvelles générations d'enseignants sont majeurs dans un contexte de renouvellement massif du corps. En effet, contrairement à leurs aînés, souvent issus du monde professionnel, les professeurs sont aujourd'hui recrutés après un cursus universitaire, par voie de concours recentrés sur les savoirs académiques. Ils n'ont, de fait, qu'une faible connaissance concrète des milieux professionnels et des métiers pour lesquels se préparent leurs élèves.

Par ailleurs, parents et enseignants s'inquiètent de la tentation de plus en plus forte au repli dans la salle de classe , qui va à l'encontre de la particularité de l'enseignement agricole, consistant à confronter sans cesse les enseignements théoriques aux expériences de terrain.

C'est pourquoi la consolidation du dispositif de formation initiale et continue constitue un élément clé pour préserver, transmettre et renouveler les identités professionnelles et les spécificités de l'enseignement agricole (travail en équipe, pluridisciplinarité, contact avec le terrain, connaissance des métiers et des milieux professionnels, coopération internationale, culture de projet, exercice en synergie des 5 missions, etc.) et donc accompagner les nécessaires adaptations des enseignements.

En ce sens, il est nécessaire d'assurer un lien plus étroit entre les formateurs et le monde de la recherche , afin de permettre l'actualisation permanente des savoirs à l'évolution des connaissances scientifiques.

Cela passe notamment par un rapprochement entre l'enseignement technique, l'enseignement supérieur et la recherche agricoles : leur coexistence, sous une même tutelle ministérielle, est un potentiel à valoriser pour maintenir et renforcer la qualité du système de formation.

3. Développer les interfaces entre l'enseignement technique, l'enseignement supérieur et la recherche agricoles

a) Intensifier les échanges pour maintenir la qualité scientifique des enseignements

Les liens très ténus que l'enseignement technique agricole entretient avec le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur sont un point faible régulièrement pointé du doigt.

Aussi bien M. François Grosrichard que la mission d'audit de modernisation l'ont mis en exergue dans leurs rapports.

Cette dernière constate ainsi que « l'enseignement technique doit rester dans la mouvance des évolutions scientifiques » et que ses enseignants, en particulier ceux qui interviennent dans les classes de BTSA ou de licence professionnelle, doivent rester confrontés à la « science en train de se faire » .

Les enseignements dispensés sont en effet le siège de débats pour lesquels les connaissances ne sont pas stabilisées (organismes génétiquement modifiés -OGM-, questions éthiques, sécurité alimentaire, etc.).

C'est pourquoi les échanges entre l'enseignement technique et l'enseignement supérieur, qui reste irrigué par les apports de la recherche, sont à intensifier :

- d'un côté, pour favoriser des stages d'immersion de professeurs du second degré au sein de laboratoires de recherche ;

- de l'autre, afin d'inciter les chercheurs et enseignants-chercheurs à intervenir dans les lycées, par exemple pour animer des débats avec les élèves.

D'autres points de contacts sont à rechercher, pour favoriser les passages des élèves, encore trop peu fréquents, de l'enseignement technique vers l'enseignement supérieur :

- en mettant en place des formes de tutorat entre étudiants et élèves ;

- en développant et diversifiant l'offre de formation « post-BTSA », permettant aux titulaires d'un BTSA de poursuivre leurs études vers des formations longues à l'université ou en école d'ingénieur.

b) Développer les licences professionnelles

Instituées par un arrêté du 17 novembre 1999, les licences professionnelles sont destinées à répondre à de nouveaux besoins de qualification dans des métiers et des secteurs émergents . Ces diplômes à vocation d'insertion sont élaborés en étroite association avec les milieux professionnels et sont marqués par le sceau de l'innovation.

On compte, en 2006, 129 licences professionnelles 54 ( * ) faisant intervenir un établissement d'enseignement agricole ; parmi celles-ci, 31 sont proposées en co-habilitation par des établissements d'enseignement supérieur agricole.

Leur développement constitue une opportunité de renforcer les liens de coopération entre l'enseignement technique agricole et l'enseignement supérieur.

Cependant, votre rapporteur a pu constater, au cours de ses auditions et de ses déplacements, les difficultés rencontrées par les établissements d'enseignement technique , d'une part, pour mobiliser les financements , « captés » par l'université, et, d'autre part, pour susciter un plus grand investissement des établissements d'enseignement supérieur agricole dans les projets.

C'est pourquoi il convient de clarifier les règles du jeu entre les établissements d'enseignement technique et supérieur agricoles et les universités, en vue de favoriser l'expansion de ces formations, qui correspondent à des débouchés porteurs.

c) Consolider la politique des pôles d'enseignement supérieur

La constitution des pôles régionaux de compétences permet de doter le système d'une véritable « vitrine à l'international ». C'est également une opportunité de fédérer les acteurs de la formation agricole autour d'une nouvelle ambition d'excellence scientifique.

Ces pôles ont en effet vocation à favoriser :

- la nécessaire synergie entre l'enseignement supérieur, la recherche et le développement , pour le transfert de technologie et la valorisation des connaissances ;

- l'affichage d'une politique scientifique cohérente ;

- l'ouverture aux partenaires (universités, grandes écoles, milieux professionnels, etc.).

Par ailleurs, ce serait un facteur d'entraînement pour l'ensemble du système de formation agricole que les établissements d'enseignement technique trouvent à s'inscrire dans la dynamique de ces pôles .

Leur participation est une condition à prendre en compte, alors que la DGER va engager, dès 2007, une phase de contractualisation avec les pôles, précisant les projets définis et les financements correspondants.

A ce stade, cette politique a par ailleurs besoin d'une impulsion forte :

- pour définir les modalités de gouvernance des pôles ; les pôles francilien et montpelliérain ont pris de l'avance, en se structurant en EPCSCP 55 ( * ) de type « grand établissement » (« Agro Paris Tech », qui sera créé au 1er janvier 2007 par le regroupement entre l'INA PG, l'ENGREF et l'ENSIA, et « Montpellier Sup Agro ») ; toutefois, ce n'est pas encore le cas partout ;

- pour assurer, quand cela est possible, une articulation des thématiques avec celles des « pôles de compétitivité » ou « pôles d'excellence rurale », afin d'intégrer le système de formation agricole dans ces nouvelles dynamiques de développement des territoires ; à titre d'exemple, « Toulouse Agri Campus » a travaillé à la mise en place d'un pôle de compétitivité « agrobiosciences », qui a permis à la région, à côté des secteurs aéronautique et santé, de faire identifier cette troisième thématique pour la prochaine campagne d'habilitation ; en ce sens, le pôle à vocation mondiale, à Angers, sur les aspects « végétal spécialisé », et celui de Dijon -le pôle d'innovation « Vitagora »- sur le thème « goût, nutrition, santé », devront servir de locomotive et d'appui 56 ( * ) ;

- pour intensifier la concertation et les partenariats avec les établissements relevant de l'éducation nationale, afin de valoriser les complémentarités ; certaines initiatives sont allées dans ce sens, dès lors que les blocages et rivalités ont été dépassés : pour le pôle montpelliérain, un projet scientifique a été défini de façon concertée par les ministres chargés de l'agriculture et de l'enseignement supérieur afin que celui-ci constitue, dans le secteur agronomique, un des futurs « réseaux thématiques de recherche avancée » tels que définis dans la récente loi d'orientation pour la recherche.

* *

*

Notre potentiel de formation agricole doit ainsi repenser son image et son projet afin de valoriser son identité au sein du paysage éducatif, mettre en avant ses complémentarités, et retrouver une dynamique d'évolution et d'innovation, garantissant l'attractivité et l'excellence de ses formations, au service, à la fois, des objectifs de qualification des jeunes, et des enjeux cruciaux pour l'avenir de notre agriculture et de nos territoires.

* 51 Rapport précité.

* 52 Plan régional de développement des formations professionnelles.

* 53 Institut universitaire de formation des maîtres.

* 54 Elles recouvrent les domaines suivants : agronomie (14), aménagement du paysage (7), aménagement du territoire et urbanisme (11), commerce (13), industrie alimentaire et alimentation (32), management des organisations (10), productions animales (5), productions végétales (8), protection de l'environnement (13) ; en outre 16 licences professionnelles couvrent des domaines connexes, comme la production industrielle, le développement du patrimoine culturel, les espaces naturels, etc.

* 55 EPCSCP : établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel.

* 56 66 pôles de compétitivité sont labellisés, parmi lesquels 6 pôles mondiaux et 10 pôles à vocation mondiale (dont le pôle « industries et agro-ressources en Champagne ») : on citera, également, dans le domaine agricole au sens large, le « pôle européen d'innovation fruits et légumes » à Avignon, le « pôle fibres naturelles Grand'Est », « Valorial, l'aliment de demain » -le pôle d'agroalimentaire en Bretagne-, le pôle « Capénergie » en Rhône-Alpes et en Corse, etc.

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