III. RETOUR SUR LES CONDITIONS D'UNE RÉDUCTION DU TAUX D'ÉPARGNE DES MÉNAGES

La condition de désépargne privée posée par la stratégie de désendettement public suppose une baisse du taux d'épargne des ménages que des politiques volontaristes peuvent favoriser.

A. LA DEMANDE DES MÉNAGES DEVRA CROÎTRE PLUS QUE LE REVENU...

Dans le contexte d'ajustement structurel des comptes publics, une des conditions déterminantes pour la croissance réside dans l'enclenchement d'un processus de désépargne des agents privés, en particulier des ménages. La question se pose donc de savoir quelles sont les conditions et les conséquences d'un tel enchaînement.

La croissance de la consommation à long terme (et son inverse, le taux d'épargne) dépend traditionnellement du revenu, de l'inflation et du chômage.

A priori , dans le moyen terme, la seule évolution significative serait celle du chômage qui jouerait positivement.

Toutefois, ces différentes variables ne permettent pas toujours d'expliquer correctement les évolutions de la consommation.

On peut donc estimer qu'une baisse supplémentaire du taux d'épargne est possible, soit que des variables complémentaires soient prises en compte, soit que l'horizon de décision des ménages dépasse le seul court-moyen terme.

B. ... CE QUI EST ENVISAGEABLE SOUS CERTAINES CONDITIONS VOLONTARISTES

Ainsi, dans la période qui vient de s'écouler, la consommation a augmenté davantage que le revenu disponible brut des ménages. Le taux d'épargne s'est nettement replié (tableau n° 8).

Tableau n° 8
ÉVOLUTION DU TAUX D'ÉPARGNE DES MÉNAGES - 2001-2005

(en % du revenu disponible brut)

2001

2002

2003

2004

2005

Variation
2005 / 2001

15,8

16,9

15,8

15,8

14,9

-0,9

Le taux d'épargne des ménages a reculé de 0,9 point entre 2001 et 2005 et même de 2 points si l'on prend 2002 comme année de base.

Ainsi, il paraît nécessaire de compléter les analyses traditionnelles par la prise en compte d'autres éléments .

Plusieurs travaux récents conduits au Sénat, par votre Commission des finances et par votre Délégation, ont permis de mettre en évidence, les premiers, le rôle des effets de richesse liés à l'augmentation de valeur du patrimoine immobilier des ménages 6 ( * ) , les autres, l'impact de l'expansion du crédit 7 ( * ) .

Dans le premier cas, les effets de richesse ont permis de concrétiser des plus-values qui auparavant n'étaient que latentes, et dont une partie affectée à la consommation, sans contrepartie en terme de revenu, a entraîné mécaniquement une baisse du taux d'épargne.

Dans le second cas, on a montré que la progression du crédit aux ménages, qui au demeurant a joué un rôle sur la hausse des prix des actifs immobiliers, phénomène naturel tant que l'offre de logements ne s'ajuste pas, a libéré la consommation de ceux qui en ont profité (graphique n° 3).

Graphique n° 3
LE CRÉDIT HABITAT AU CoeUR DES MOUVEMENTS DU TAUX D'ÉPARGNE

Ces derniers phénomènes sont-ils appelés à se poursuivre ? C'est une question importante pour les perspectives économiques à moyen terme, du moins dans l'hypothèse où le déficit public serait réduit comme annoncé.

Du côté négatif de la réponse, on cite, successivement, la perspective d'un atterrissage (plus ou moins doux) des prix de l'immobilier, et les doutes sur la soutenabilité d'un endettement des ménages qui atteint aujourd'hui 65 % de leur revenu, d'autant que les taux d'intérêt seraient désormais orientés à la hausse.

D'un autre côté, le faible taux d'endettement des ménages en France, la « resolvabilisation » dont ils profiteraient en cas d'atterrissage en douceur des prix de l'immobilier consécutif à une reprise de l'offre de logements, qui est en cours, conduisent à plus d'optimisme tout comme la stabilité des charges d'emprunt des ménages malgré la montée de leur endettement.

Votre rapporteur entend souligner qu'en ce domaine beaucoup dépendra de notre capacité à valoriser les différents atouts dont dispose la France.

D'un point de vue conjoncturel , le maintien de conditions monétaires accommodantes est une nécessité à laquelle la BCE devrait être sensible, compte tenu de l'absence de tensions inflationnistes prévisibles et des efforts entrepris pour assainir les comptes publics.

Sur un plan plus structurel , il apparaît en premier lieu essentiel qu'une politique cohérente d'accès des ménages au crédit soit définie . Un certain nombre de mesures ont déjà été prises en ce sens, comme la mise en place d'un système d'hypothèque rechargeable, ou l'amélioration des conditions d'accès au crédit des personnes subissant un handicap. Il faut aller plus loin : lever les obstacles économiques à la diffusion du crédit ; rééquilibrer les relations entre emprunteurs et banquiers.

Votre rapporteur ne peut, à ce sujet, que rappeler les recommandations qu'il a récemment formulées, dans le cadre du rapport précité, sur l'ensemble de ces problèmes.

En second lieu, les perspectives de baisse du chômage pourraient réduire la propension des ménages à constituer une épargne de précaution, d'autant plus que la baisse programmée des besoins de financement public pourrait diminuer le besoin d'épargne des ménages . Ce dernier enchaînement suppose toutefois que le raisonnement selon lequel l'effort actuel d'épargne des ménages comporte un provisionnement des tensions financières que pourrait connaître à terme des finances publiques déficitaires soit valide.

Enfin, dans le même esprit, les nouvelles perspectives démographiques publiées par l'INSEE se traduisent par un important allègement des besoins de financement des systèmes de pension et de santé 8 ( * ) que les ménages doivent pleinement prendre en compte, ce qui suppose un effort d'explication rompant avec le catastrophisme habituel aux commentaires sur l'état futur de nos finances publiques .

* 6 Rapport n° 6 (2005-2006) de M. Philippe MARINI, au nom de la commission des finances : « Les perspectives du marché immobilier et son contexte macroéconomique », 5 octobre 2005.

* 7 Rapport n° 261 (2005-2006) de M. Joël BOURDIN, au nom de la délégation du Sénat pour la planification : « L'accès des ménages au crédit en France », 16 mars 2006.

* 8 Voir le chapitre : « Quelle démographie pour quelle croissance potentielle ? »

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