Adoption du rapport le 20 juin 2007

Réunie le mercredi 20 juin 2007 sous la présidence de M. Philippe Marini, président , la mission a procédé à l'examen du rapport sur la notion de centre de décision économique.

Avant de donner la parole à M. Christian Gaudin, rapporteur, le président s'est tout d'abord félicité de l'ampleur et de la richesse des travaux menés par la mission commune d'information, rappelant qu'elle avait :

- procédé à l'audition de 23 personnalités, le rapporteur ayant, en outre, réalisé des auditions complémentaires ;

- effectué des déplacements en France (Marseille, Grenoble, Alsace) et dans l'Union européenne (pays nordiques, Pays-Bas) ;

- demandé la réalisation d'études aussi bien au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie du précédent gouvernement qu'à un cabinet de consultants.

Il a précisé que le rapport de la mission inclurait en annexe lesdites études ainsi que les comptes-rendus intégraux des auditions plénières.

M. Philippe Marini, président , a ensuite indiqué que le projet de rapport comportait trois parties, dont deux parties de diagnostic et une partie de propositions, qu'il a entrepris de détailler.

Il a ainsi déclaré que la première partie visait à faire un point sur le positionnement des firmes globales dans le contexte de la mondialisation de l'économie, ainsi qu'à poser les termes du débat sur la nationalité des entreprises et sur leurs liens avec les territoires de leur pays d'origine d'une part et des pays tiers d'autres part.

M. Philippe Marini, président , a ensuite expliqué que l'objet de la deuxième partie du projet de rapport était d'établir la position de la France dans un tel contexte, tant en termes de compétitivité de ses entreprises qu'en termes d'attractivité de son territoire. A cet égard, il a souligné la position à la fois forte et fragile de notre pays, dont la puissance économique repose sur des grands groupes dont le capital est dispersé et qui ne dispose ni de structures d'enseignement supérieur et de recherche adaptées ni d'un tissu de grandes PME susceptible de faire émerger les leaders de demain. D'autre part, pour ce qui concerne l'attractivité de la France, il a fait état d'un constat équilibré de la mission, tout en regrettant l'image « brouillée » de notre pays.

Enfin, au sujet de la troisième partie, il a indiqué que les propositions que le rapporteur allait soumettre à la mission commune d'information se structuraient autour de quatre rôles de l'Etat : l'Etat stratège, l'Etat régulateur juridique, l'Etat régulateur économique et l'Etat actionnaire (directement ou au travers d'instruments tels que la Caisse des dépôts et consignations).

M. Philippe Marini, président , a conclu son propos liminaire en invitant le rapporteur à présenter ses projets de propositions à la mission.

M. Christian Gaudin, rapporteur , s'est associé aux remerciements adressés par M. Philippe Marini, président, aux membres de la mission, pour la contribution qu'ils avaient apportée à la réflexion commune. Il a souligné l'intérêt qu'avait représenté, à ses yeux, l'engagement d'une démarche conjointe à trois commissions permanentes du Sénat, permettant de conjuguer des points de vue et des angles d'approche complémentaires. Il a exposé la philosophie qui avait guidé l'élaboration des propositions du rapport de la mission : agir sur les « causes », c'est-à-dire les déficits d'attractivité et d'efficacité, et donc sur un plan économique, plutôt que sur les « effets », en l'occurrence les tentatives de prises de contrôle, par la mise en place d'obstacles juridiques qu'il a jugés « sans doute illusoires ». Il a fait valoir que, du point de vue de la mission, la protection la plus efficace des entreprises tenait à la qualité de leurs performances, et l'amélioration de la protection des territoires au renforcement de leur compétitivité. Il a précisé que l'Etat n'avait pas à se substituer aux entreprises, mais qu'il pouvait, cependant, contribuer à la mobilisation des forces des agents économiques nationaux, par une action volontariste.

Il a alors présenté ses propositions, au nombre de 28, regroupées en trois grandes séries distinctes. La première série consistait dans 8 mesures de gouvernance des entreprises, tendant à maintenir les centres de décision sur le territoire national. M. Christian Gaudin, rapporteur a distingué quatre rubriques.

Au sein de la première rubrique, relative au droit des sociétés, il a proposé :

- 1° d'étendre l'usage des actions à droit de vote multiple, en s'inspirant par exemple de l'expérience des pays nordiques. Sur ce point, il a indiqué qu'il était possible de faciliter la création de nouvelles catégories d'actions comme de faire varier, selon la durée de détention des titres, les droits attachés à l'actionnaire ;

- 2° de consacrer, sur le plan juridique, la notion de groupe de sociétés, en créant un régime optionnel, inspiré de la pratique allemande. Il a précisé que cette réforme se traduirait par la mise en place d'une convention de contrôle et par le transfert de certaines obligations et responsabilités à la société « contrôlante » ;

- 3° d'utiliser la fiducie pour détenir des actions lors d'opérations de rapprochement. Il a rappelé que la fiducie avait été introduite dans le droit français par la loi du 19 février 2007.

Au sein de la deuxième rubrique, relative au droit du travail, il a envisagé :

- d'une part, de recommander l'accroissement de l'actionnariat des salariés. Il a souligné le rôle stabilisateur, pour la mise en oeuvre des stratégies à moyen et à long termes des entreprises, de ce type d'actionnariat ;

- d'autre part, de renforcer les droits à l'information des salariés, notamment à partir du modèle néerlandais, en vue d'obtenir des initiateurs d'offres publiques qu'ils explicitent leurs intentions industrielles.

La troisième rubrique de ces mesures relatives à la gouvernance visait la protection des secteurs sensibles. A cet égard, il a d'abord proposé, sur le plan interne, de mettre en oeuvre, d'une manière effective, le décret du 30 décembre 2005 sur les secteurs sensibles. Sur le plan international, ensuite, il a préconisé de négocier une pratique plus homogène de la réglementation anti-corruption de l'OCDE. Il a fait valoir que l'objectif, en la matière, était de ne pas handicaper les industries sensibles de notre pays par une application plus stricte que celle de ses concurrents.

La quatrième et dernière rubrique concernait les aspects linguistiques. En effet, il a rappelé que, tout au long des auditions auxquelles la mission avait procédées, le sujet était apparu comme fondamental, dans la mesure où la langue constituait un élément clé de la culture d'entreprise. En conséquence, tout en encourageant la maîtrise de l'anglais partout où elle s'avérait indispensable, il a proposé d'inciter à la préservation de l'usage du français comme langue de travail dans l'entreprise. Il a exposé que, dans cette optique, les dispositions de la loi du 4 août 1994, dite loi « Toubon », pourraient être complétées sur plusieurs aspects.

Puis il a présenté une deuxième série de propositions, tenant en 9 mesures destinées à favoriser la compétitivité et l'attractivité du territoire français.

En premier lieu, il a proposé 5 mesures en faveur des quartiers généraux des firmes globales et des centres de décision secondaires :

- 1° renforcer l'attractivité du site « France » pour les cadres de haut niveau et, plus généralement, pour les talents de niveau mondial, par la mise en place d'un régime de résident fiscal temporaire, sur le modèle des « non ordinary residents » britanniques ;

- 2° accroître la prévisibilité et la lisibilité du droit national, en particulier en matière de relations sociales et d'emploi, en vue d'atténuer une complexité préjudiciable à l'attractivité du territoire ;

- 3° assouplir certaines procédures administratives, telles que l'obtention des visas, dans le cadre d'une politique d'immigration « choisie » ;

- 4° clarifier la procédure de rescrit fiscal, tout en raccourcissant ses délais ;

- 5° orienter plus nettement l'Agence française des investissements internationaux (AFII) vers un travail d'analyse comparative (« benchmarking ») en matière de centres de décision au sens large. Il a précisé que ce travail tiendrait compte, en particulier, des emplois dans le secteur de la recherche, en prenant notamment pour référence les performances des pays nordiques et du Royaume-Uni.

En second lieu, il a appelé au renforcement, sur 4 points, de mesures de compétitivité bénéficiant à l'ensemble du tissu économique.

D'abord, il a proposé un renforcement de la compétitivité du droit français, non seulement en améliorant sa prévisibilité et sa lisibilité, mais encore en prenant, par anticipation, des mesures d'adaptation juridique aux nouveaux marchés. En particulier, il a précisé qu'il convenait de consolider les atouts de la place financière de Paris par certaines mesures techniques, par exemple en encourageant le développement de la finance islamique par la suppression des frottements fiscaux et juridiques.

Ensuite, il a proposé d'encourager les entreprises à accomplir des sauts de productivité, notamment par la reconfiguration des processus de production, la rationalisation des sites ou le rapprochement avec les clients, ou encore par la concentration sur des activités à plus forte valeur ajoutée.

Il a en outre préconisé d'aménager le droit des brevets, grâce à la ratification du protocole de Londres, et de poursuivre les négociations sur le brevet communautaire.

Enfin, il a estimé qu'il était impératif d'internationaliser la recherche et les universités françaises, en prenant soin de développer les synergies autour des pôles de compétitivité. Prenant l'exemple du secteur automobile, il a fait observer que la France souffrait d'un déficit de partenariats entre constructeurs et équipementiers petits ou moyens, mais aussi de recherches soutenues par l'Etat et les universités.

Il a alors détaillé la troisième et dernière série de ses propositions, soit 11 mesures structurelles de consolidation économique à moyen et à long termes, regroupées en quatre volets.

Le premier volet visait à favoriser l'épargne longue. Dans ce but, il a formulé trois propositions.

En premier lieu, il a préconisé le développement de l'épargne retraite, en suivant plus attentivement l'élaboration des normes internationales. Notamment, il a appelé à un effort d'infléchissement de la future directive communautaire « Solvabilité II », de telle sorte que les investisseurs institutionnels français ne soient pas handicapés et que la part relative des placements en actions soit maintenue et renforcée.

En deuxième lieu, il a préconisé que soit encouragé le « capital patient », pour l'amorçage des jeunes entreprises. C'est dans cet esprit qu'il a souhaité le réexamen et la simplification du régime des outils de capital-risque et de placement dans l'innovation.

En troisième et dernier lieu, il a préconisé un encouragement de l'actionnariat de type familial, dont il a souligné le caractère fortement stabilisateur pour le capital. A cet effet, il a proposé d'atténuer les handicaps fiscaux susceptibles d'affecter la pérennité cet actionnariat.

Le deuxième volet de mesures entendait poursuivre l'allègement des charges pesant sur les entreprises. A cet égard, il a proposé :

- 1° d'abaisser le taux facial de l'impôt sur les sociétés. Il a précisé que, dans un premier temps, cette baisse pourrait être réalisée à un niveau légèrement inférieur à 30 %, par le « recyclage » de niches fiscales et de certaines aides aux entreprises. De manière concomitante, il a jugé nécessaire d'harmoniser l'assiette de cet impôt, en soutenant à Bruxelles l'initiative communautaire « ACCIS » ;

- 2° d'étendre la diffusion du régime du bénéfice mondial consolidé. Dans cette perspective, il a souhaité que la mission demande au gouvernement d'examiner, à la lumière des expériences étrangères, les avantages et les inconvénients que présente le maintien du principe de territorialité de l'impôt sur les sociétés ;

- 3° de renforcer l'attractivité du régime d'intégration fiscale par l'introduction de modalités intermédiaires, à caractère optionnel ou se substituant au dispositif actuel. Il a envisagé que l'intégration soit proportionnelle, à partir d'un seuil de détention de 75 %, puis intégrale au-delà de 95 % ;

- 4° d'expérimenter la TVA sociale, afin d'alléger les charges et de mieux répartir le poids de la protection sociale entre produits nationaux et produits importés.

Le troisième volet de ces propositions structurelles s'attachait à renforcer la résilience du tissu économique national. A cet égard, il a recommandé, au niveau des territoires, la promotion des écosystèmes susceptibles de s'auto-renforcer, de nature à rendre les adaptations moins douloureuses et, par conséquent, plus faciles, en assurant une « défense opérationnelle économique du territoire ». En particulier, il a appelé à la réforme des universités, en vue de la création d'un vivier de talents rendant plus liquide et plus profond le « marché des compétences ». Sur ce plan, il a proposé de renforcer les actions en faveur des chercheurs français à l'étranger, en veillant aux conditions de leur retour, et, à la fois, de développer l'accueil des étudiants et chercheurs étrangers à haut potentiel.

Le quatrième et dernier volet tendait à favoriser la constitution de champions nationaux ou européens ayant une taille critique au niveau mondial. Il a présenté, dans cette perspective, trois propositions :

- d'une part, utiliser les positions d'actionnariat direct et indirect et ne pas hésiter à favoriser les rapprochements au niveau national ou européen, afin d'éviter que les entreprises françaises, du fait de leur petite taille, ne deviennent des proies faciles pour des « prédateurs » ;

- d'autre part, s'attacher à faire évoluer la politique de la concurrence de la Commission européenne, en vue de favoriser la constitution de champions européens ;

- enfin, promouvoir, au niveau européen, les programmes coordonnés dans les domaines de haute technologie, par exemple l'adoption de standards techniques communs en matière de télécommunications.

Pour conclure son exposé, M. Christian Gaudin, rapporteur , a fait valoir que les 28 propositions qu'il venait de développer, quelle que soit leur ampleur respective, répondaient toutes à la nécessité « promouvoir la souveraineté économique de la France à l'heure de la mondialisation ». Il a proposé en conséquence ce sous-titre pour le rapport de la mission.

Un débat s'est alors engagé.

Mme Nicole Bricq s'est félicitée de la qualité du travail accompli et de la bonne collaboration établie au sein de la mission. Elle a approuvé la mention, dans le titre du rapport, de la notion de « mondialisation », notamment de préférence à celle de « monde global ». Elle a indiqué que certaines corrections rédactionnelles restaient à apporter au projet de rapport, et elle a annoncé qu'elle ferait parvenir une contribution écrite destinée à figurer en annexe de ce dernier. Puis elle a commenté les propositions formulées par M. Christian Gaudin, rapporteur .

S'agissant des mesures relatives au droit des sociétés, elle a estimé qu'elle ne disposait pas d'éléments d'expertise suffisants pour se prononcer. Elle a excepté de ce constat la mise en oeuvre de la fiducie, dont elle a rappelé le soutien que lui avait apporté son collègue M. Robert Badinter, lors de la discussion du projet de loi visant à introduire cette institution dans le droit français.

Concernant le droit du travail, elle a fait part de son attachement au « droit économique des salariés ». Elle s'est déclarée attentive à ce que des sociétés ne puissent pas procéder au montage de holdings dépourvues de salariés sur le territoire de leur siège théorique. Dans cette optique, elle a souhaité le développement du comité de groupe européen. Par ailleurs, elle a estimé qu'une consultation des salariés d'une entreprise cible d'une OPA, sur le projet industriel de l'auteur de cette offre, devait être organisée le plus en amont possible. Selon elle, les dispositions de la loi du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition, sur ce point, s'avéraient insuffisantes.

En outre, elle a regretté le recours, dans le projet de rapport de la mission, à la notion de « contrat unique de travail », en faisant valoir que le Premier ministre, dans sa récente lettre de cadrage préalable à la négociation avec les partenaires sociaux, n'avait mentionné qu'une « mise en cohérence » des contrats de travail. Selon elle, la complexité du droit du travail français s'avérait indéniable, mais le régime du contrat de travail n'était pas en lui-même problématique. De même, elle a déploré un « acharnement » à l'encontre du plafond légal des heures de travail.

Quant aux secteurs sensibles, elle a rappelé que la Commission européenne percevait d'une manière critique le décret précité du 30 décembre 2005. Elle a dénoncé la primauté donnée par les autorités communautaires aux règles du droit de la concurrence sur les considérations d'ordre économique. Pour le reste, elle a souhaité que la France définisse la notion de « secteur stratégique ». Elle a estimé que ce « label » devrait être appliqué à toute entreprise pour laquelle la participation de l'Etat au capital, directe ou indirecte, assurait une protection utile.

Sur le plan de la fiscalité, Mme Nicole Bricq a émis plusieurs réserves en réaction aux propos de M. Christian Gaudin, rapporteur. En premier lieu, elle a reconnu nécessaire de clarifier la procédure du rescrit, mais a contesté qu'il soit pertinent d'en étendre le champ d'application.

En deuxième lieu, elle s'est interrogée pour savoir si les mesures proposées dans les domaines de l'intégration fiscale et du régime du bénéfice mondial consolidé pourraient bénéficier aux PME. Ayant rappelé que la France connaissait un déficit structurel en PME de croissance, elle a fait observer que les mesures d'optimisation fiscale, d'ordinaire, profitaient avant tout aux très grandes entreprises, qui disposaient de meilleurs conseils juridiques.

En troisième lieu, elle a fait part des différences qui existaient entre les PME et les grandes entreprises dans le cadre de l'impôt sur les sociétés. Elle a déclaré que le taux réel d'imposition, en la matière, était d'ores et déjà inférieur à 30 %.

En quatrième lieu, elle a exprimé son désaccord sur l'opportunité d'expérimenter la TVA sociale. Elle a souligné que les conditions particulières de la mise en oeuvre d'une semblable réforme, tant au Danemark qu'en Allemagne, ne permettaient pas d'augurer d'effets positifs dans le cas français, ni en termes de compétitivité, ni quant aux délocalisations. Elle a estimé que le problème du financement de la protection sociale pouvait être traité par d'autres solutions.

En dernier lieu, elle a souligné que la fiscalité directe française n'était jamais citée par les dirigeants d'entreprise, comme un problème majeur d'attractivité du territoire. Elle a rappelé que l'accent était mis, en revanche, sur la qualité exceptionnelle des formations et des infrastructures nationales.

Enfin, elle a fait observer qu'il n'était pas nécessaire d'accorder aux « paradis fiscaux » européens (le Luxembourg, Chypre, Guernesey), au sein du rapport de la mission, une place qu'elle jugeait, dans le projet de ce rapport, excessive.

M. Philippe Marini, président , a remercié Mme Nicole Bricq pour sa très grande implication et l'intérêt de ses observations sur la forme comme sur le fond. Concernant, en premier lieu, le droit du travail, il a proposé que la formulation « droit à consultation préalable des salariés » se substitue à celle, sans doute trop neutre, de « droit à l'information ». Il a ajouté que, dès lors qu'une des propositions du rapport tendait à la promotion de la notion juridique de groupe, son prolongement logique en droit social serait le renforcement du comité de groupe. Il a par ailleurs estimé que l'idée d'un contrat de travail unique était très mobilisatrice mais difficile à mettre en oeuvre, et que la formulation du rapport, déjà suffisamment nuancée, pouvait correspondre aux souhaits de Mme Nicole Bricq.

Il a considéré qu'une proposition explicite d'inclusion de l'énergie parmi les secteurs jugés stratégiques serait malaisée à formuler et pourrait se révéler contre-productive, laissant entendre a contrario que les secteurs ne figurant pas dans cette liste seraient très exposés et livrés à eux-mêmes, alors que la puissance publique ne pouvait être complètement indifférente à une entreprise comme Danone, qui ne relevait manifestement pas des secteurs stratégiques mais dont la culture était fortement ancrée en France. Il a proposé que cette dimension stratégique soit restituée dans une proposition de « réflexion sur la définition du périmètre des secteurs présentant réellement un caractère stratégique au regard de la souveraineté économique de la France ».

Mme Nicole Bricq a rappelé que, de son point de vue, le caractère stratégique d'un secteur d'activité impliquait une présence directe ou indirecte de l'Etat au capital. Elle a ainsi fait référence aux propos tenus lors de son audition par M. Jean-François Dehecq, président de Sanofi-Aventis, selon lequel l'action volontariste de l'Etat durant les années cinquante et soixante avait permis le maintien d'une industrie en France.

M. Philippe Marini, président , a souligné qu'il convenait de bien distinguer ce qui relevait de la perception individuelle de l'intérêt général par un « grand commis de l'Etat » tel que Pierre Guillaumat, de la volonté clairement exprimée par l'Etat de promouvoir une filière, telle que le nucléaire.

En matière de fiscalité, il a précisé que le rapport proposait un plus grand recours au rescrit fiscal et une amélioration de sa sécurité juridique, plutôt qu'une extension de son champ matériel, et que les critiques formulées sur les « niches » et dépenses fiscales permettaient d'établir le lien entre le taux nominal élevé de l'impôt sur les sociétés et la relative étroitesse de sa base. Il a ajouté que la proposition d'application du régime du bénéfice mondial consolidé aux petites et moyennes entreprises (PME) consistait en une option, qui serait de facto réservée aux entreprises réellement internationalisées, disposant de la taille critique et des capacités pour gérer les contraintes administratives liées à ce régime, telles que l'établissement d'une double comptabilité fiscale. Il a proposé une clarification de la rédaction de la proposition correspondante, et a rappelé que la promotion de ce régime était cohérente avec la recommandation portant sur la reconnaissance juridique du groupe. Concernant la TVA sociale, il a déclaré que sa mise en oeuvre demeurait incertaine, mais qu'en tout état de cause, un effort de pédagogie dans le débat à venir se révèlerait nécessaire et utile.

Puis il a partagé la préoccupation de Mme Nicole Bricq sur l'importance d'un abondement régulier et pérenne du Fonds de réserve des retraites (FRR), mais a contesté sa suggestion portant sur une orientation prioritaire des investissements du Fonds vers les sociétés françaises. Il a ainsi rappelé que le FRR était, avec la Caisse des dépôts et consignations, le seul véhicule institutionnel dont la stratégie de placement en actions était aussi développée, et qu'accorder une priorité aux seules actions de sociétés françaises serait contraire au droit communautaire. Il a ajouté que la vocation du FRR consistait à garantir le pouvoir d'achat des futurs retraités, plutôt que de s'impliquer dans des opérations de « Meccano industriel ».

A l'issue de ce débat, après que Mme Nicole Bricq ait fait savoir qu'avec son collègue Bernard Dussaut, elle s'abstiendrait et qu'elle ferait parvenir au président de la mission la contribution écrite de son groupe, la mission a adopté le rapport et décidé d'en autoriser la publication avec ses annexes .

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