E. LA PROMOTION

- Le régime actuel

C'est un euphémisme que de dire que peu a été fait à l'échelle communautaire pour la promotion du vin européen. Deux textes principaux régissent la question : le règlement (CE) n° 2702/1999 du Conseil du 14 décembre 1999 relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles dans les pays tiers 10 ( * ) et le règlement (CE) n° 2826/2000 du Conseil du 19 décembre 2000 relatif à des actions d'information et de promotion en faveur des produits agricoles sur le marché intérieur 11 ( * ) .

Le régime de soutien mis en place par ces deux textes transversaux souffre d'importantes limites : la contribution financière de l'Union européenne est plafonnée à hauteur de 50 % pour chaque action, le reste étant pris en charge par les professionnels à travers leurs structures de regroupement ; la procédure de sélection des projets est particulièrement longue et complexe ; surtout, les financements européens ainsi dégagés -une cinquantaine de millions d'euros chaque année au profit de l'ensemble des produits agricoles- sont dispersés entre une multitude d'actions dont seule une petite partie profite au secteur vitivinicole. En résumé, la faiblesse de la dotation budgétaire allouée à la promotion et l'absence d'un cadre règlementaire dédié constituent deux obstacles majeurs pour le soutien au secteur.

Par ailleurs, les entreprises européennes semblent distancées par celles des pays nouvellement producteurs dans leur stratégie de promotion sur les pays tiers. En effet, ces dernières recourent de façon massive à des outils de prospection et de marketing tels que la réalisation d'enquêtes, les campagnes publi-promotionnelles ciblées, le sponsoring d'évènements sportifs et culturels, l'usage de technologies modernes de communication (Internet, sms...). Les organismes de promotion des nouveaux pays producteurs sont chargés, quant à eux, de soutenir plusieurs types d'industries. Le maintien de centres uniques d'impulsion et de coordination évite les dispersions et améliorent l'efficacité des campagnes. Les moyens considérables dégagés pour financer la prospective et la promotion ont permis à leurs entreprises de connaître de façon plus fine les attentes des consommateurs actuels et de positionner leur stratégie marketing en conséquence. Sans doute une large partie de la conquête récente de nouvelles parts de marché par ces pays en résulte-t-elle.

- Les propositions de la Commission européenne

La Commission européenne a, d'une façon générale, affiché sa volonté de réaffecter les économies réalisées par la réduction de certains budgets de l'OCM vers des actions positives. Au premier rang de celles-ci figure le soutien à la promotion, présenté comme le moyen prioritaire d'une reconquête des marchés par les vins européens.

Sur le plan des mesures concrètes, les propositions avancées par la Commission ne soulèvent toutefois pas l'enthousiasme. Dans les réunions des groupes de travail organisées au Conseil, la Commission a en effet clairement précisé qu'elle n'envisageait pas de doter la future OCM d'outils de promotion et de communication. Elle s'est contentée de renvoyer aux instruments transversaux existants, ainsi qu'aux possibilités ouvertes dans le cadre du développement rural.

Sur un plan strictement financier, la Commission européenne proposerait d'affecter 120 millions d'euros chaque année à la promotion du secteur de 2009 à 2015, selon les éléments ayant filtré de son plan de réforme.

- La position de votre commission des affaires économiques

Si des points positifs doivent être mis en avant, alors il sera permis de se féliciter de l'accroissement non négligeable de la prise en compte financière par la Commission de l'impératif de promotion : la sécurisation de 120 millions d'euros correspondrait en effet à un quasi-décuplement des fonds mobilisés pour soutenir le secteur des vins. Si ces efforts financiers sont louables, ils restent cependant encore largement insuffisants au regard des besoins de soutien des produits vitivinicoles européens et des objectifs fixés par la Commission européenne , celle-ci ayant motivé la réduction de certaines aides au sein de l'OCM par sa volonté d'augmenter substantiellement les moyens alloués à la conquête de nouveaux marchés.

Par ailleurs, votre commission des affaires économiques ne peut que se réjouir de constater que la Commission européenne, en reconnaissant la légitimité de mener des actions tendant à promouvoir la consommation de produits vinicoles -si tant est, naturellement, qu'elle reste modérée- ne cède pas aux opinions les plus radicales appelant à lutter contre toute consommation de vin.

S'il est donc appréciable que le volet « promotion », quasi-négligé jusqu'à présent, fasse aujourd'hui l'objet d'un réel effort, certaines limites d'importance n'en demeurent pas moins, outre celle de nature financière.

Tout d'abord, votre commission regrette que ne soient pas mis en place des outils règlementaires et financiers spécifiquement dédiés au secteur vitivinicole. Là où nos concurrents les plus directs n'hésitent pas à mobiliser des moyens considérables pour soutenir leurs producteurs, ce choix a minima semble en décalage avec la volonté affichée de redonner de la compétitivité au secteur. Il serait donc opportun de « verticaliser » les aides à la promotion du vin en les identifiant clairement au sein de lignes et programmes spécifiques , et non en les dispersant au milieu de plans généraux de soutien au secteur agroalimentaire. Il serait par ailleurs utile de renforcer la cohérence entre les actions menées au niveau national et celles relevant de l'échelon communautaire afin que chacun des acteurs soit facilement identifiable et que des doublons ne soient pas à regretter.

Par ailleurs, si les marchés des pays émergents à la consommation de vin doivent être considérés de façon prioritaire, les marchés plus « traditionnels » ne doivent pas être négligés . Les Etats membres de l'Union européenne représentent en effet, schématiquement, 70 % des débouchés des vins français et les Etats-Unis 15 %. Avant de conquérir de nouveaux marchés, certes prometteurs, il conviendrait donc de renforcer notre présence auprès de notre clientèle « classique », de plus en plus concurrencée par nos propres partenaires européens.

Parallèlement au développement des stratégies « business to business » (B to B), très largement opéré ces dernières années avec la multiplication des salons et opérations promotionnelles touchant les professionnels du secteur, une attention toute spéciale devrait être portée au consommateur final, notamment lorsqu'il est issu de pays nouvellement producteurs et consommateurs . Souvent peu éduqué en matière vitivinicole, confronté à une offre complexe et soumis à des messages contradictoires, celui-ci demande aujourd'hui à être rassuré et informé sur les différents produits, leur origine, leurs spécificités... Autant d'éléments qui pourraient parfaitement relever d'une politique générique de soutien au secteur vitivinicole dans son ensemble et à une consommation modérée qui, en tant que telle, gagnerait à être menée à l'échelle communautaire.

Enfin, à mi-chemin entre la promotion et l'information, votre rapporteur, lui-même membre du Conseil de la modération qu'il avait contribué à créer 12 ( * ) , souhaite insister sur la nécessité d'une éducation du consommateur à des pratiques modérées et responsables . Sur ce point, sa position semble rencontrer celle des institutions européennes.

Dans sa proposition originelle de réforme de l'OCM, la Commission européenne entendait mettre l'accent sur la commercialisation des vins. Elle souhaitait, à cet effet, mener avec détermination une politique de promotion et d'information responsable.

Le rapport du Parlement européen sur le projet de texte de la Commission a souligné à son tour que le développement durable du secteur vitivinicole européen exigeait la réaffectation de ressources budgétaires substantielles, dans le cadre de l'OCM, à la promotion d'une consommation de vin responsable et raisonnable. Il a estimé que le renforcement de la tendance à une telle consommation « éduquée » constituait une contribution majeure à la protection des consommateurs européens et de la santé publique, ajoutant que les mesures et actions en ce sens devraient être développées via un partenariat réel entre l'Union européenne, les Etats membres, les régions et le secteur vitivinicole lui-même.

A la suite de ces préconisations, votre commission des affaires économiques tient à rappeler quelques éléments complémentaires. Consommé principalement par des adultes au cours des repas d'une façon modérée, le vin est parfaitement compatible avec une vie saine . Certains de ses composants, tels les polyphénols, présents dans les tanins, lui confèrent d'ailleurs des vertus sanitaires, dès lors qu'il n'est pas consommé avec excès.

La consommation croissante de vin de qualité, moins fréquente et importante en quantité, mais davantage qualitative, montre à cet égard que les européens boivent moins et mieux.

Parallèlement à ces évolutions encourageantes, sont apparus certains comportements sources de risques sanitaires, notamment chez les publics les plus jeunes. Comme cela a été évoqué dans la première partie de ce rapport, ces derniers accroissent de façon préoccupante les occurrences et volumes de consommation d'alcools forts. Or, il est indéniable que le vin, de par ses caractéristiques naturelles et ses conséquences sanitaires, ne peut être mis sur le même plan que ces alcools, tant au point de vue de sa réglementation que des messages promotionnels le soutenant. A cet égard, votre rapporteur a pris note et se félicite de la proposition de loi déposée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues du groupe socialiste, visant à distinguer le vin des autres boissons alcooliques dans l'accès à la publicité 13 ( * ) .

Il convient que la politique vitivinicole de l'Union européenne prenne en considération ces évolutions et poursuive une politique globale et cohérente d'information concernant les vins, en valorisant ces productions tout en assurant la protection des consommateurs . Cette politique doit être élaborée et appliquée à travers un partenariat étroit entre les autorités publiques et la filière. Les professionnels du secteur, à travers leurs organisations représentatives, ont un rôle important à jouer afin de contribuer à la réduction des problèmes liés à l'abus d'alcool, tout en valorisant de façon responsable et adaptée leurs productions.

A cet égard, votre commission s'associe pleinement aux initiatives déjà menées par la filière vitivinicole. Afin de répondre aux attentes de la direction générale santé-consommation de la Commission européenne, celle-ci a en effet d'ores et déjà organisé un plan d'action européen visant à promouvoir une consommation modérée et raisonnée, selon trois axes :

- la création d'un conseil d'information sur le vin, qui aurait pour mission de développer une base d'informations générales sur le vin et d'initier des projets en matière de recherche et d'innovation ;

- l'élaboration d'un programme « art de vivre » visant à éduquer le plus grand nombre à une culture du vin dont la consommation modérée et responsable fait pleinement partie ;

- la rédaction d'un code éthique en matière de communication, au respect duquel s'engagerait l'ensemble des opérateurs intervenant dans la commercialisation de productions vitivinicoles.

* 10 Modifié par le règlement (CE) n° 2060/2004 du Conseil du 22 novembre 2004.

* 11 Modifié par le règlement (CE) n° 2060/2004 précité.

* 12 Créé par l'article 69 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, que votre rapporteur avait alors rapportée au nom de la commission des affaires économiques.

* 13 Distinguer le vin des autres boissons alcooliques dans l'accès à la publicité, proposition de loi n° 317 (2006-2007) présentée par M. Roland Courteau et plusieurs de ses collègues.

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