B. DES ARCHITECTURES ADMINISTRATIVE ET BUDGÉTAIRE NON HARMONISÉES

L'optimisation des moyens budgétaires de la mission « Sécurité sanitaire » se trouve, par ailleurs, gênée par la non harmonisation des structures administratives et budgétaires . Le périmètre trop étroit de la mission, ainsi que la difficile articulation des budgets des opérateurs au budget de l'Etat , privent, en effet, les responsables de programme des moyens d'arbitrage nécessaires au pilotage de la mission dans une logique de performance.

1. Essence et existence de la mission : un périmètre trop étroit

a) 13 programmes rattachés à d'autres missions concourent à la politique publique de sécurité sanitaire

La mission « Sécurité sanitaire » ne représente en effet qu'une partie étroite de cette politique publique. Or, si l'on considère qu'il doit y avoir cohérence entre politique publique et mission budgétaire, l'étroitesse du périmètre de la mission met en cause l'existence même de cette dernière .

Comme le soulignait le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP) 64 ( * ) , « le programme « Veille et sécurité sanitaires » ne représente qu'une petite partie de la politique publique de sécurité sanitaire puisque pas moins de dix autres programmes concourent , de fait, à cette politique ».

En ce qui concerne le second programme de la mission, le programme n° 206 « Sécurité et qualité sanitaires des aliments », le schéma de déversement analytique fait apparaître que quatre autres programmes participent à la politique de sécurité sanitaire.

Surtout, les fonctions support de la mission sont portées par d'autres missions budgétaires : les dépenses du titre 2 (dépenses de personnel) et du titre 3 (moyens de fonctionnement courant) destinées au programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires » sont portées par le programme « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » de la mission « Solidarité et intégration », de même, mais dans une moindre mesure, tous les emplois qui concourent au programme n° 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » ne sont pas rattachés à ce dernier, mais à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » 65 ( * ) .

Les 13 autres programmes concourant à la politique de sécurité sanitaire

Programme

Mission

Ministère pilote

Actions financées

Programme n° 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions »

Mission « Ecologie et développement durable »

Ministère chargé de l'environnement

Financement partiel de l'AFSSET, dont le ministère assure la co-tutelle

Programme n° 189 « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions »

Mission « Recherche et enseignement supérieur »

Ministère chargé de l'environnement

Action 02 : recherche et prévention des risques sanitaires environnementaux ;

Financement partiel de l'AFSSET, dont le ministère assure la co-tutelle

Programme n° 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

Mission « Travail et emploi »

Ministère chargé du travail

Financement partiel de l'AFSSET dont le ministère assure la co-tutelle

Programme n° 108 « Administration territoriale »

Mission « Administration générale et territoriale de l'Etat »

Ministère de l'Intérieur

Action 01 « coordination de la sécurité des personnes et des biens » intégrant la sécurité et la défense civiles

Programme n° 128 « Coordination des moyens de secours »

Mission « Sécurité civile »

Ministère de l'Intérieur

Action 01 « préparation et gestion des crises »

Programme n° 161 « Interventions des services opérationnels »

Mission « Sécurité civile »

Ministère de l'Intérieur

Intervention en cas de crise

Programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins »

Mission « Santé »

Ministère chargé de la santé

Sécurité sanitaire du système de soins

Programme n° 204 « Santé publique et prévention »

Mission « Santé »

Ministère chargé de la santé

Santé publique et prévention

Programme n° 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires »

Mission « Solidarité et intégration »

Ministère de chargé de la santé

Financement des personnels et des moyens de fonctionnement agissant pour le programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaire »

Programme n° 154

« Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural »

Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

Ministère chargé de l'agriculture

Financement des personnels et des moyens de fonctionnement des directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF)

Programme n° 215

« Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

Ministère chargé de l'agriculture

Financement des moyens de l'administration centrale, des moyens des directions régionales de l'agriculture et de la forêt (DRAF) et des moyens communs

Programme n° 227

« Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés»

Mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales »

Ministère chargé de l'agriculture

Participe au financement de l'action 05 « élimination des farines et coproduits animaux » du programme 206 « Veille et sécurité sanitaires »

Programme n° 199

« Régulation et sécurisation des échanges de biens et services »

Mission

« Développement et régulation économiques »

Ministère chargé de l'économie

Source : PAP 2007

b) Une porosité des programmes « Veille et sécurité sanitaires » et « Santé publique et prévention »

Mais c'est surtout la porosité des programmes n° 228 « Veille et sécurité sanitaires » et n° 204 « Santé publique et prévention » qui pose des difficultés de gestion. Ces deux programmes, sous la responsabilité du directeur général de la santé, relèvent en effet de deux missions différentes, mission « sécurité sanitaire » pour le premier et « Santé » pour le second. Or, comme le souligne le CIAP : « Ces deux programmes sont plus enchevêtrés que juxtaposés, ce qui pose un réel problème de pilotage (incapacité d'individualiser les personnels relevant de l'un ou l'autre des programmes ) » 66 ( * ) .

Cette difficulté tient, en partie, à la distinction délicate entre prévention et précaution. Selon le CIAP, « la prévention fait plutôt appel à la responsabilité individuelle et consiste à « préconiser » (promotion, éducation, incitations à des comportements), mais l'individu reste « libre » », alors que « la sécurité sanitaire s'adresse à l'ensemble de la population, dans une logique de protection, et encadre, fixe et impose des règles, des limites (pouvoir régalien, restriction de libertés) ; l'individu est dans ce cas « contraint ». »

Or, cette distinction est source de confusion. Le cas est particulièrement significatif, s'agissant de l'INVS, dont les missions de veille peuvent, selon la nature des risques, relever de la prévention ou de la sécurité sanitaire.

2. Le statut et le périmètre des opérateurs en question

L'articulation du budget des opérateurs de la mission au budget de l'Etat soulèvent également des interrogations s'agissant des marges de manoeuvre réelles dont dispose le responsable de programme. Comment celui-ci peut-il en effet pleinement exercer son rôle, quand certains opérateurs ne semblent pas relever à proprement parler de la sécurité sanitaire, voient leur financement éclaté entre plusieurs programmes ou tendent à s'autofinancer ?

a) Un hiatus entre certains opérateurs et la mission

Une première difficulté tient aux agences à inclure dans le périmètre de la mission . Si le rattachement de l'INVS, l'AFSSAPS, l'AFSSA et l'AFSSET ne pose pas de difficultés, la réponse est plus délicate pour l'EFS et l'ABM.

L'EFS a été créé par la loi du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle sanitaires 67 ( * ) . Cependant, aux dires mêmes de son Président, il ne s'agit pas à proprement parler d'une agence de sécurité sanitaire . En effet, l'EFS est avant tout un organisme chargé de la qualité et de la production des produits sanguins et labiles (PSL) ; la fonction de police dans ce domaine étant assurée par l'AFSSAPS.

De l'avis de sa directrice générale, l'ABM présente, elle aussi, davantage les caractéristiques d'une agence de gestion de l'activité de soin plutôt que d'une agence sanitaire. Si le fait d'être rattachée à la mission « Sécurité sanitaire » ne pose pas de difficultés particulières à l'ABM dans ses activités quotidiennes, il semble néanmoins que celle-ci relève davantage du programme n° 171 « Offre de soins et qualité du système de soins » de la mission « Santé », dont le responsable de programme est le directeur de l'hospitalisation et de l'offre de soins.

b) Un éclatement du financement de certaines agences

La question de l'articulation des budgets des opérateurs à celui de l'Etat est ensuite posée lorsqu'un même opérateur participe à plusieurs programmes ministériels, et reçoit à ce titre des subventions de plusieurs ministères .

Cette question se pose pour deux agences, en particulier : l'AFSSA et l'AFSSET. Si l'AFSSA ne reçoit plus, depuis 2007, de subventions de la DGCCRF, elle continue à être financée par les ministères chargés de la santé et de l'agriculture. Quant à l'AFSSET, trois ministères contribuent à son financement, les ministères chargés de la santé, du travail et de l'environnement.

Programmes concourant au financement de l'AFSSA et de l'AFSSET

(en euros)

Agence

Programme

Montant en AE et CP

AFSSA

Programme n° 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation »

Programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaires »

49.096.000

6.658.000

AFSSET

Programme n° 181 « Prévention des risques et lutte contre les pollutions »

Programme n° 189 « Recherche dans le domaine des risques et des pollutions »

Programme n° 228 « Veille et sécurité sanitaire »

Programmes n° 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail »

3.200.000

1.105.000

2.996.000

10.030.000

Source : PAP 2007

Inversement, l'INVS est financé uniquement par le ministère de la santé , alors que certaines de ses activités relatives à la « santé au travail » et à la « santé environnement » peuvent contribuer aux résultats de programmes relevant des ministères chargés du travail et de l'environnement .

c) Une diversité des modes de financement des opérateurs

Enfin, si la majorité des opérateurs de la mission reçoit des subventions pour charges publiques, certaines agences tendent de plus en plus à s'autofinancer. Certains contrats d'objectifs et de moyens incitent d'ailleurs les agences à mobiliser des ressources propres 68 ( * ) . La question se pose alors de savoir si cette tendance à l'autofinancement ne modifie pas la nature du contrôle et du pilotage que le responsable de programme est en mesure d'exercer sur ces établissements.

Deux agences sont principalement concernées : l'EFS et l'AFSSAPS.

Depuis 2007, l'EFS ne reçoit plus de subventions publiques (jusqu'alors, une subvention lui était versée, au titre de la charge des contentieux transfusionnels). De l'avis de son Président auditionné par votre rapporteure spéciale, l'EFS n'est pas un opérateur de l'Etat et n'est dès lors plus réellement concerné par les principes de la LOLF. Ces propos interrogent votre rapporteure spéciale sur la notion même d'opérateur agissant au sein de la puissance publique.

Quant à l'AFSSAPS , 16 % de ses ressources proviennent de subventions 69 ( * ) , 71,8 % de ressources fiscales (taxes affectées) et 12,2 % de ressources propres 70 ( * ) .

Pour certains interlocuteurs de votre rapporteure spéciale, l'affectation de taxes spécifiques, considérées comme des « ressources publiques » présente certains avantages : commodité de gestion, bon rendement des taxes affectées, responsabilisation. Ce mode de financement n'aurait, par ailleurs, pas d'influence sur l'exercice des missions de l'agence, ni son contrôle. Cependant, votre rapporteure spéciale estime que l'affectation de taxes à des opérateurs de l'Etat constitue une entorse à l'esprit de la LOLF et rejoint, sur ce point, la réflexion de votre rapporteur général sur le concept d'« agencisation de l'Etat » 71 ( * ) .

Quant à l'INTS, aucun lien financier ne le relie au programme « Veille et sécurité sanitaires ».

* 64 CIAP, Rapport d'audit n° 2006-AI-R-39-01 sur le programme n° 228 et Rapport d'audit n° 2007-R-57-01 mars 2007 sur le programme n° 206.

* 65 Sur les 5.850 ETP qui contribuent au programme, 5.136 sont rattachés au programme n° 206.

* 66 CIAP, Rapport d'audit n° 2006-AI-R-39-01 sur le programme n° 228.

* 67 Loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle sanitaires.

* 68 « En contrepartie de la prise en charge de l'évolution des dépenses inéluctables et obligatoires par les tutelles, l'AFSSA s'engage à rechercher, par tous les moyens appropriés, des ressources hors subventions pour charges de service public » : extrait de l'article 5.2 du Contrat d'objectifs et de moyens de l'AFSSA.

* 69 Subventions de l'Etat et autres subventions et dotations.

* 70 Selon les données figurant dans le projet annuel de performances pour 2007.

* 71 Rapport général n° 78 (2006-2007) du 23 novembre 2006, Tome I, M. Philippe Marini, rapporteur général.

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