TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION DES REPRÉSENTANTS DES MINISTÈRES CHARGÉS DE L'AGRICULTURE ET DU BUDGET ET DE L'OFFICE NATIONAL INTERPROFESSIONNEL DE L'ÉLEVAGE ET DE SES PRODUITS

Présidence de M. Jean Arthuis, président

Séance du mercredi 26 septembre 2007

Ordre du jour

Audition de suivi sur le rapport n° 432 (2005-2006) relatif au service public de l'équarrissage de M. Joël BOURDIN et de Mme Nicole BRICQ, rapporteurs spéciaux.

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La séance est ouverte à 9 heures 35

M. Jean Arthuis, président - Nous reprenons nos travaux. Nous étions réunis plus tôt pour une audition pour suite à donner. La présente réunion constitue davantage une « piqûre de rappel ».

La Cour des comptes a réalisé, entre les années 2005 et 2006, à la demande de la commission des finances, et en vertu de l'article 58-2° de la LOLF, une enquête portant sur le fonctionnement du service public de l'équarrissage (SPE). Ayant à coeur de valoriser les travaux de la Cour des comptes, et de favoriser la concrétisation de ses recommandations, la commission des finances avait procédé le 28 juin 2006, comme cela est la règle, à une audition pour suite à donner. Au cours de celle-ci, le président de la 7ème chambre de la Cour des comptes avait formulé plusieurs critiques portant, non pas sur l'activité des équarrisseurs en elle-même, mais plutôt sur la gestion et le financement du service public de l'équarrissage.

S'agissant de la gestion du service public de l'équarrissage, la Cour des comptes a mis en évidence un certain nombre de failles, notamment l'impuissance de l'Etat et de ses représentants locaux à faire jouer les règles de concurrence et de passation des marchés publics, l'insuffisance du contrôle du service fait par les équarrisseurs, ainsi que les difficultés financières associées à la gestion du SPE.

Du point de vue financier, la Cour des comptes a souligné les incertitudes économiques et financières liées à la mise en oeuvre de la réforme votée en loi de finances initiale pour 2006. La Cour des comptes a ainsi estimé que le recours à un appel d'offres national pour l'exécution de ce service ne suffirait pas à instaurer d'emblée un régime de concurrence dans une profession très concentrée. En outre, la Cour des comptes avait indiqué que des incertitudes continuaient de peser sur le bilan financier du service public de l'équarrissage, étant donné les contentieux administratifs coûteux en cours, et les difficultés rencontrées par les pouvoirs publics à obtenir des éleveurs une participation significative.

L'ensemble des ces débats a fait l'objet d'un rapport d'information de nos collègues Joël Bourdin, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », ainsi que de Nicole Bricq, rapporteure spéciale de la mission « Sécurité sanitaire ». Sur la base de ce rapport, un débat en séance publique a été organisé au mois de novembre 2006. La présente audition a donc pour but, un an après ce débat, de dresser un premier bilan de la réforme du service public de l'équarrissage engagée en 2005, en formation dite de « petit hémicycle », soit dans les mêmes conditions de publicité qu'en séance publique. La commission attend donc des réponses sur les résultats de la procédure d'appel d'offres lancée en juillet 2006, son impact quant à la situation concurrentielle du secteur, les coûts du SPE, ainsi que sur le contrôle du service, son financement et l'état d'avancement des contentieux.

Nous recevons, pour la Cour des comptes, M. Christian Descheemaeker, président de la 7ème Chambre, MM. Jean-Pierre Lafaure et Francis Brun-Buisson, conseillers maîtres, et M. Jean-Pierre Sékély, rapporteur. Le ministère de l'agriculture et de la pêche est représenté par Mme Monique Eloit, directrice générale adjointe de l'alimentation, chef des services vétérinaires de France, ainsi que par M. Eric Allain, directeur général adjoint des politiques économique, européenne et internationale. Nous entendrons également M. Yves Berger, directeur général de l'Office national interprofessionnel de l'élevage et de ses produits (ONIEP) et M. Adrien Mianowski, adjoint au chef du bureau « Agriculture » à la direction du budget du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Je donne sans plus tarder la parole à M. Christian Descheemaeker, président de la 7 ème chambre de la Cour des comptes, qui a bien voulu conduire des travaux complémentaires afin de dresser un premier bilan de la réforme du service public de l'équarrissage.

M. Christian Descheemaeker - Mon exposé sera un résumé des observations consécutives au contrôle de suivi mené par la Cour des comptes. Le document officiel sera transmis aux membres de la commission sous quelques jours, sous la signature du Premier président.

Je rappellerai brièvement les évolutions du cadre technique et juridique du service public de l'équarrissage depuis 2005. J'aborderai ensuite l'exécution du service public, ainsi que la question de son financement.

A partir du 1 er octobre 2005, le champ des prestations du service public de l'équarrissage a été réduit à l'élimination des animaux trouvés morts. Il s'agit donc là d'une restriction sensible par rapport au système antérieur, toute une série de déchets ayant été exclue du champ du SPE. Nous nous en tiendrons ici au fonctionnement du service public, tout en gardant à l'esprit que les équarrisseurs ont à traiter, par voie contractuelle, bien d'autres déchets. Ce second aspect constitue un autre pan, bien plus important en volume, de leur activité.

La réforme transférait à l'ONIEP, dès juillet 2006, la gestion de l'exécution du marché. Ceci représentait, aux yeux de la Cour des comptes, une amélioration très nette. En effet, le système précédent présentait un fonctionnement critiquable, dans lequel le préfet prenait des réquisitions alors que le directeur général du CNASEA était l'ordonnateur des sommes versées aux équarrisseurs. Désormais, le directeur général de l'ONIEP est devenu l'unique ordonnateur. C'est là, du point de vue administratif, un net progrès. Je rappelle enfin que, depuis juillet 2006, l'exécution du service public de l'équarrissage est réalisée dans le cadre d'un marché public national conclu, par lots départementaux, pour trois ans.

Tout d'abord, l'augmentation des tarifs et des coûts pèse lourdement sur la gestion du service public de l'équarrissage. La mise en concurrence, qui a abouti au marché de juillet 2006, n'a pas produit d'effets positifs sur l'exécution du SPE. Au contraire, les tarifs ont sensiblement augmenté. Le secteur reste caractérisé par l'existence de monopoles géographiques locaux, liés à la concentration ancienne des structures industrielles. En France, deux groupes, Saria et Caillaud, se partagent ainsi cette activité. Au cours de leur existence, tous deux ont appartenu à des groupes publics français, sans pour autant s'être situés dans le giron direct de l'Etat.

Le marché public à lots départementaux passé en mai 2006 n'a pas permis l'apparition de nouveaux intervenants. Ainsi, 88 lots sur 92 ont fait l'objet d'une candidature unique, dans la continuité de la période précédente. Du point de vue des finances publiques, un autre motif d'inquiétude est apparu lors de ce marché, avec une augmentation de 19 % du prix moyen. Pour rappel, l'équarrissage recouvre trois prestations : la collecte des cadavres, leur transformation en farine ou en graisse, puis leur incinération. Le coût de la prestation est ainsi passé de 241 à 287 euros entre le premier et le second semestre 2006. La hausse des prix des carburants explique peut-être en partie cette augmentation.

On constate parallèlement, lors d'un examen plus approfondi du secteur, que les équarrisseurs ont réduit le coût de leurs prestations hors service public. Même si une différence de tonnage sépare l'activité de service public et l'activité privée, il apparaît que, tandis que le prix de la prestation de service public augmentait, le tarif moyen de la prestation privée diminuait.

La Cour des comptes ne peut que constater les faits. Elle observe également que des comparaisons internationales laissent apparaître des différences de tarifs substantielles. Celles-ci appellent toutefois une méthodologie commune, ce qui n'est pas le cas. La Cour des comptes recommande donc la conduite d'une étude reposant sur un dispositif unique

Il apparaît que, si l'organisation du service public de l'équarrissage s'est améliorée, les charges s'alourdissent. L'ONIEP gère mieux l'exécution de ce service, autant du point de vue de la facturation que du contrôle des tournées ou des stocks. Sans doute, la situation précédente n'était-elle guère satisfaisante. Il convient toutefois de mettre les progrès constatés au crédit de l'ONIEP.

Les dépenses globales, au titre du service public de l'équarrissage, sont passées de 191 à 154 millions d'euros. Cette diminution est toutefois principalement le fait de la réduction de son périmètre d'activité. Les projections révèlent, à périmètre constant, une importante hausse du coût du service, de 131 millions d'euros en 2005 à 154 millions d'euros en 2007.

L'exécution du service elle-même comporte des risques d'augmentation supplémentaire des coûts. Trois risques principaux ont été recensés. Il apparaît, au stade de la collecte, un risque de surévaluation des volumes enlevés. La méthode selon laquelle le volume enlevé est estimé fait l'objet de différentes critiques. Le tonnage est-il un meilleur indicateur que le nombre de passages réalisés au cours d'une tournée ? Le taux de transformation en farine représente un deuxième risque. Ces farines sont principalement utilisées comme combustible. Le marché retient un taux de transformation de 28 %. Or une modification de ce pourcentage, dans la réalité, déséquilibre le résultat économique du service public, en faveur du prestataire. Le troisième risque se situe au stade de l'élimination. Il semblerait que la diminution du coût de l'incinération ne soit pas répercutée sur le SPE. C'est pourtant un facteur important de diminution des coûts.

Le financement du service public de l'équarrissage n'est pas assuré. Le compte du SPE, tel que tenu par l'ONIEP, révèle une insuffisance de financement persistante. Un passif hérité du CNASEA transmis, en même temps que des factures impayées, n'est toujours pas résorbé. L'ONIEP n'a pas réussi, au cours de son premier exercice de gestion, à restaurer son équilibre financier. En effet, l'ONIEP n'a pas reçu les sommes nécessaires, et affiche désormais une prévision d'insuffisance de financement atteignant 50 millions d'euros pour la fin de l'année 2007. L'Office n'a plus d'autre solution que de rééchelonner ses paiements, au-delà de 45 jours, entraînant ainsi le paiement d'intérêts moratoires.

M. Jean Arthuis, président - A combien s'élèvent ces derniers ?

M. Christian Descheemaeker - Je ne dispose pas du chiffre actuel. En revanche, sous la gestion de la CNASEA, ces intérêts atteignaient 412.000 euros pour la période 2003-2006. 250.000 euros d'intérêts ont été enregistrés au seul titre de l'année 2003, contre un montant nul en 2004. Selon les années, la situation de trésorerie a connu des états extrêmement variables.

M. Jean Arthuis, président - Ce montant représente 1 % de la dette. Cela paraît peu élevé. Ce point semble révéler la relation ambiguë que semble entretenir le créancier avec l'opérateur de l'Etat. Conscient de produire une facture d'un montant élevé, il n'applique pas strictement les intérêts moratoires qui lui sont dus. Cela semble révéler un arrangement pour le moins étrange...

M. Christian Descheemaeker - A l'époque, la période de paiement n'était pas de 45 jours, mais de six mois.

Outre cette insuffisance de financement persistante, la charge budgétaire du service public de l'équarrissage a systématiquement augmenté en cours d'exercice. Chaque fin d'année voit ainsi apparaître, malgré une véritable volonté de rigueur initiale, un net dépassement budgétaire. Lors de l'exercice 2006, la loi de finances initiale allouait au service public de l'équarrissage une subvention de 44 millions d'euros, majorée de 34 millions par la loi de finances rectificative, auxquels s'ajoutent 16 millions d'euros de redéploiement de crédits de l'ONIEP. En tenant compte de l'abattement de 2 millions réalisé au titre de la régulation, le montant final atteint 92 millions d'euros, soit un moment très éloigné des premières prévisions.

M. Jean Arthuis, président -100 % d'augmentation !

M. Christian Descheemaeker - Cette situation démontre l'insuffisance des recettes face aux charges du service.

A l'heure actuelle, le financement du service public de l'équarrissage n'est toujours pas assuré. Il représente une dépense globale de 150 millions d'euros. Or les ressources présentes atteignent au plus 138 millions d'euros, soit une insuffisance de financement de 12 millions d'euros. Cette prévision prend en compte l'application d'une taxe d'abattage devant apporter 90 millions d'euros et une contribution des éleveurs de 4 millions d'euros. Il existe des possibilités de moduler les taxes évoquées mais, pour l'instant, le compte n'y est pas.

Outre les 12 millions d'euros de besoin de financement, le contentieux représente une véritable épée de Damoclès. Les montants en jeu sont d'un ordre autrement important. La Cour des comptes ne peut toutefois se prononcer sur ce sujet, puisque la décision finale en reviendra au juge administratif.

M. Jean Arthuis, président - Vous évoquez ici le contentieux que la grande distribution a formé devant la Cour de justice des communautés européennes, contestant la taxe sur les achats de viande qu'elle avait dû acquitter au titre de l'équarrissage. A combien s'élève ce contentieux ?

M. Christian Descheemaeker - Il atteint 1,3 milliard d'euros d'une part, pour le contentieux portant sur la taxe sur les achats de viande, et plusieurs centaines de millions d'euros d'autre part, pour la taxe d'abattage.

M. Jean Arthuis, président - Ce montant est-il provisionné dans le bilan de l'Etat ? Peut-être la Cour des comptes, qui vient de certifier les comptes, dispose-t-elle de cette information ?

M. Christian Descheemaeker - A ma connaissance, non. Peut-être le Président Babusiaux a-t-il connaissance de cette information.

Je souhaiterais apporter quelques éléments de conclusion. Ce système a été élaboré dans le contexte de la crise dite de la « vache folle », qui avait entraîné la dévalorisation de nombreux sous-produits. L'adaptation des normes sanitaires françaises aux normes européennes est susceptible de faire évoluer positivement la situation, en autorisant à nouveau certaines valorisations. Celles-ci induiraient une nette diminution des dépenses.

M. Jean Arthuis, président - Ce système apparaît bien bancale. Peut-être Madame Eloit, que j'invite à prendre la parole, pourra-t-elle nous rassurer sur les perspectives à venir ?

Mme Monique Eloit - Merci de votre optimisme, Monsieur le Président. Le directeur général de l'alimentation est certes responsable du programme 206 auquel le budget relatif au financement du service public de l'équarrissage est rattaché, mais dans les faits, les aspects financiers et la gestion liés à ce domaine sont sous la responsabilité de la direction générale des politiques économique, européenne et internationale du ministère de l'agriculture et de la pêche. Je laisserai donc mes collègues répondre sur ces questions. Cette direction assure la gestion effective du budget.

Monsieur le Président Descheemaeker voyait des perspectives favorables dans d'éventuelles évolutions normatives en matière de valorisation. Depuis plusieurs mois, la France rejoint progressivement la réglementation communautaire, notamment en matière de valorisation des déchets. L'amélioration générale de la situation, tant en France qu'en Europe, laisse espérer un allègement significatif des mesures sanitaires. La Commission européenne a présenté, l'année passée, une feuille de route portant sur la révision de la réglementation liée à ces maladies. De nombreux groupes de travail sont actuellement à l'ouvrage. Ainsi, la revalorisation de nouveaux déchets est envisageable dès cette année.

La valorisation de certains cadavres particulièrement volumineux, tels ceux des non ruminants, pourrait être autorisée dans le courant du mois d'octobre par l'Agence française de sécurité sanitaire.

M. Eric Allain - Je reviendrai sur les différents aspects financiers évoqués par le Président Descheemaeker. Depuis 2006, la nouvelle gestion par l'ONIEP du service public de l'équarrissage s'est traduite par de nombreuses améliorations.

Il convient d'évoquer l'augmentation des coûts apparue lors de la mise en place du marché de 2006. La concentration historique des acteurs de ce secteur a contraint le ministère à n'attribuer que 13 lots, des procédures de marché négocié ayant été ouvertes ensuite. Il reste un marché à conclure pour le département du Rhône.

La hausse du cours des carburants a sans doute influé sur cet accroissement des coûts ainsi qu'un effet de rattrapage. Cela a laissé le maître d'ouvrage impuissant au moment de la passation des marchés.

S'agissant de la comparaison internationale, la Cour des comptes notait, dans un contexte réglementaire pourtant homogène, une grande hétérogénéité des prix. Malgré tout, la fiabilité des comparaisons n'est pas assurée : les réglementations sanitaires nationales, l'organisation économique des producteurs ou encore la concentration du secteur sont autant d'éléments influant fortement sur les prix. Nous reprenons à notre compte la recommandation de la Cour des comptes encourageant la conduite d'une comparaison reposant sur un protocole d'enquête rigoureux. Il s'agira ainsi de mieux situer la performance du système français au regard de ceux des Etats voisins.

Je laisserai l'ONIEP s'exprimer sur les questions ayant trait à la gestion.

En ce qui concerne le coût du SPE, un mode d'évaluation à la tonne a bien été privilégié, pour différentes raisons. Ce système garantit en premier lieu la traçabilité des produits. Il permet en second lieu un contrôle sûr des prestations effectuées. Sans doute existe-t-il encore une marge d'erreur dans la pesée des carcasses relevant du service public de l'équarrissage. Pour autant, elle ne permet pas de remettre en cause un système fondé sur l'évaluation des volumes.

Des clauses de révision du marché existent, notamment en cas d'évolution du cadre réglementaire et des conditions de valorisation des sous-produits. Aucune révision n'a pu à ce jour être mise en oeuvre, mais cela n'est pas exclu.

Sur la question du déficit cumulé de 50 millions d'euros, la question n'est pas résolue.

M. Jean Arthuis, président - A combien s'élève la dette ?

M. Eric Allain - Elle s'élève à 30 millions d'euros à ce jour.

M. Jean Arthuis, président - Le Conseil des ministres approuve en ce moment même le projet de loi de finances pour 2008. Quel montant avez-vous prévu au titre du service public de l'équarrissage ?

M. Eric Allain - La contribution de l'Etat atteint 44 millions d'euros. L'équilibre du service public de l'équarrissage résulte de décisions prises le 19 juillet 2007. Le coût prévisionnel est maintenu à 151 millions d'euros, en laissant de côté les 50 millions d'euros, qui sont un report de charges.

M. Jean Arthuis, président - Ils devront pourtant être pris en compte un jour. Quelle interprétation donnez-vous de la sincérité des comptes ?

M. Eric Allain - La demande budgétaire du Ministère est construite sur la reconduction de la subvention du SPE. Aucune solution n'a pour l'heure été identifiée quant à la résorption de ce report de charge.

M. Jean Arthuis, président - Ce système ne tient pas la route ! L'ONIEP a reçu des compliments de la Cour des comptes. Je l'invite à s'exprimer à son tour.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Compliments relatifs, par rapport au CNASEA !

M. Jean Arthuis, président - Le CNASEA est pour un modèle de gestion !

M. Yves Berger - L'ONIEP a effectivement mis en place un dispositif rénové. Avec un effectif identique à celui du CNASEA, nous avons pu alléger notre dispositif de paiement et de contrôle des factures. Des contrôleurs de terrain répondent à l'ensemble des besoins exprimés et sont susceptibles, selon les cas, de répondre à des demandes ponctuelles.

Le service public de l'équarrissage est confronté à un problème de financement, d'une part, et à un problème de gestion quotidienne, d'autre part. Lors du transfert du service, l'ONIEP a ainsi reçu plus de 4.000 factures anciennes.

M. Jean Arthuis, président - Encaissez-vous la contribution des éleveurs ?

M. Yves Berger - Non. Cette contribution existe déjà pour les élevages porcins, qui traitent directement avec les équarrisseurs. Un système équivalent est actuellement à l'étude pour les éleveurs de volailles. Jusqu'à présent, les équarrisseurs facturaient directement aux éleveurs le coût du ramassage. Des travaux sont en cours pour la filière ovine et bovine. Il s'agit là d'une source de financement estimée à 12 millions d'euros.

M. Jean Arthuis, président - On va en récupérer deux cette année !

M. Yves Berger - Le secteur de la volaille a connu un certain retard dans la mise en place de son dispositif. Les éleveurs de bovins vont, quant à eux, tenir leurs engagements quant à la mise en oeuvre d'une contribution effective début 2008. Les sommes nouvelles, d'un montant sans doute modeste, seront le fait du nouveau dispositif. Tout retard pris dans la mise en place des nouveaux taux de taxe coûte 250.000 euros par semaine. Dès lors, je m'explique difficilement l'absence de coordination interministérielle pour signer un arrêté prêt depuis deux mois.

M. Jean Arthuis président - Les ministères doivent intervenir à leur tour. Comment expliquer cette inertie ?

M. Eric Allain - Ces projets d'arrêtés ont été transmis au ministre du budget fin juillet.

M. Adrien Mianowski - Ils se trouvent en ce moment dans les mains du directeur de cabinet adjoint du ministre. Ce dossier devrait donc rencontrer une résolution imminente.

M. Jean Arthuis, président - C'est comme au rugby, on se passe le ballon !

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Oui, mais les passes en avant sont interdites...

M. Jean Arthuis, président - Il conviendrait effectivement de régler tout cela au plus tôt. Le représentant du budget souhaiterait-il apporter des observations complémentaires ? Confirmez-vous le montant de 44 millions d'euros ? Cela ne semble donc pas représenter fidèlement les prévisions. La parole est désormais à Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Je ne reprendrai pas le détail des interventions précédentes. Nous constatons toutefois, aujourd'hui, le peu d'avancées réalisées en dépit des réformes mises en place, et même une dégradation d'année en année de la situation financière du SPE. Deux questions essentielles subsistent : celle tout d'abord du marché public en lui-même, sa structure et son fondement qui n'ont pas permis d'assurer une mise en concurrence des prestataires, comme nous l'avions déjà précisé dans notre rapport de 2006 ; celle ensuite du financement du SPE.

Il convient tout d'abord de revenir sur la structure du marché, afin de tirer des conclusions pour l'avenir du dispositif. On ne peut continuer à entretenir une illusion, une fiction quelque part, de financement. Les sommes ne sont pas fondamentalement importantes mais relèvent d'un certain nombre de dysfonctionnement et carences.

En ce qui concerne le marché, je m'interroge sur le choix d'une approche globale de celui-ci, c'est-à-dire portant sur l'ensemble de la chaîne de traitement (la collecte, le traitement et l'élimination). Pour bien connaître le coût de traitement d'autres types de déchets, il me semble que d'autres systèmes auraient pu être retenus.

Je souhaiterais savoir si vous avez procédé à une analyse des coûts de l'ensemble des éléments de la chaîne. En effet, dans un système de marché global, la structure de coût d'un maillon de la chaîne peut se répercuter sur l'ensemble de celle-ci.

Je souhaiterais maintenant revenir sur le choix du tonnage comme unité d'oeuvre car les réponses apportées précédemment ne m'ont pas convaincue.

M. Allain indiquait que le système de tonnage assurait des garanties de traçabilité et facilitait le contrôle du service fait. Or, le critère du tonnage, en supprimant la partie forfaitaire liée au passage en ferme, pénalise les éleveurs de bovins concernés par des tonnages importants. Il conviendrait donc de prendre également en compte la fréquence des collectes.

En outre, je m'interroge sur les raisons ayant conduit au choix de lots départementaux, car l'examen de la carte des centres de traitement et de collecte et même, pourrait-on dire, la cartellisation du secteur de l'équarrissage, remet en cause la pertinence du choix de l'échelle départementale. Celle-ci ne correspond à aucune réalité opérationnelle.

Enfin, le fondement juridique retenu pour le SPE - le marché de prestation de service-, empêche la Cour des comptes, semble-t-il, d'investiguer les comptes des acteurs privés intervenant dans le dispositif. D'autres systèmes, comme notamment la délégation de service public, autorisent au contraire les chambres régionales des comptes et la Cour des comptes à procéder à ce type d'enquête. Celle-ci peut ensuite se prononcer sur les progrès réalisés par les délégataires. La structure actuelle, si elle est conservée, et si son fondement juridique est maintenu, ne permettra aucune amélioration significative de la situation. Les mêmes causes continueront de produire les mêmes résultats.

Par ailleurs, en ce qui concerne le financement, je souhaite revenir sur la fiction aujourd'hui entretenue. Combien de temps, pensez-vous, que les abatteurs, qui subissent d'ores et déjà les augmentations régulières de la taxe d'abattage, vont durablement supporter cet état de fait, alors que les autres filières ne paient pas ? C'est une fiction que de continuer à fonder un budget sur une contribution des éleveurs. Les éleveurs ne paieront pas les 12 millions d'euros nécessaires. Dès lors, la question de la pérennité du service public de l'équarrissage se pose. L'Etat, mauvais payeur, semble incapable, dans les conditions actuelles, de peser sur le marché face aux équarrisseurs. Si vous disposez d'éléments infirmant ce que je viens de dire, je les attends avec impatience. Mme Monique Eloit ayant déjà répondu sur la question de la valorisation, je retire ma question.

M. Jean Arthuis, président - La parole est au co-rapporteur, Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Beaucoup de choses ont été dites. Deux problèmes se posent. Le premier concerne la gestion, l'autre, l'équilibre entre les recettes et le financement. Au cours de la dernière période, le volume collecté a diminué, alors que les prix ont augmenté. Pareil constat interpelle, et demande un examen attentif de la structure de marché. Il est certain que le duopole n'est pas la structure la plus favorable au jeu de la concurrence.

Ce constat m'inspire différentes questions. Les coûts fixes sont-ils si importants dans ce secteur ? Constate-t-on la même chose dans le secteur privé de l'équarrissage ?

M. Jean Arthuis, président - Nous savons que pour les marchés ne relevant pas du service public, les coûts ont baissé. Alors que les tarifs des prestations éligibles au SPE ont augmenté de 19 %, les tarifs hors SPE ont, eux, diminué.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Il semble donc que nous soyons confrontés à un problème de répartition interne des coûts. Il semble y avoir une imputation défavorable des coûts au SPE. C'est là une simple interrogation que je soumets sans suspicion aucune.

Il conviendrait d'identifier le maillon de la chaîne de traitement sur lequel pèsent les coûts fixes, et peut-être envisager un fractionnement du marché public, en distinguant la fonction de collecte, de traitement et d'élimination.

M. Jean Arthuis, président - Le transport représente deux tiers du coût total de la prestation. Si, à l'évidence, le traitement ne peut être le fait que d'opérateurs spécialisés, ayant préalablement consenti de lourds investissements, il semblerait que le transport puisse, quant à lui, voir jouer la concurrence.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Ma question reste entière. Toujours au sujet de la gestion, le mode de contrôle m'interpelle. Les contrôles réalisés ne semblent pas assez affirmés, et paraissent susceptibles d'amélioration.

Enfin, ma dernière remarque portera sur les recettes. Il me semble nécessaire de réfléchir à un mode de financement plus clair, reposant sur une participation plus équilibrée des différentes filières.

M. Jean Arthuis, président - J'inciterai les représentants des ministères à regrouper, dans un premier temps, les réponses ayant trait au mode opératoire du service. Est-il possible de scinder collecte et traitement ? Pourquoi une approche globale du marché a-t-elle été retenue ? De quelle autorité ce type de décision ressort-il ?

M. Eric Allain - Ces décisions entrent dans le champ de compétence du ministère de l'agriculture. A cette époque, il s'agissait de la direction générale des politiques économique et internationale (DGPEI).

M. Jean Arthuis, président - Quels éléments ont conduit le ministre de l'agriculture à ne pas dissocier le marché de la collecte de celui du traitement ?

M. Yves Berger - Je me permettrai donc de répondre à cette question car précédemment au 16 juillet, l'office de l'élevage a été en quelque sorte conseiller technique sur ce sujet, avec la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) non représentée ce matin et avait aidé à l'élaboration du cahier des charges du marché public. Nous nous étions interrogés sur la pertinence d'une éventuelle séparation des lots. A l'époque, cette solution avait été écartée car, jusqu'en 2005, nous avions été confrontés à plusieurs appels d'offres infructueux. Nous craignions donc de devoir reconduire un processus de réquisition. En proposant des lots groupés, nous espérions éviter que la collecte soit assurée sans que le traitement des déchets et leur élimination ne soient garantis. C'est donc la volonté de sortir du processus de réquisition qui a motivé le recours à des lots groupés.

Sans doute, comme le notait Mme Bricq, l'échelon départemental n'est-il pas le niveau le plus pertinent. En revanche, il n'était, à l'époque, pas possible d'agir autrement. C'est une décision qu'il convient de replacer dans le contexte du système de réquisitions départementalisées. Elle avait pour principal objectif la sécurité de la réponse à l'appel d'offre.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Qu'en est-il aujourd'hui ?

M. Yves Berger - Il serait sans doute possible, désormais, de procéder différemment. Le contexte a changé, nous avons une meilleure connaissance du secteur et nous entretenons des rapports plus étroits avec la plupart des intervenants. Cependant, la procédure d'appel d'offres fait que les prix doivent rester fixes pour une période de trois ans. Nous connaissons aujourd'hui les coûts d'élimination des farines. Toutefois, il n'est pas possible, dans l'appel d'offres actuel, de faire évoluer la situation. Nous devrons attendre pour cela la reconduction du marché.

M. Jean Arthuis, président - Il convient de commencer dès aujourd'hui à préciser les contours de ce prochain appel d'offres. Or vous convenez de la possibilité de séparer collecte et traitement. A votre connaissance, arrive-t-il que les prestataires sous traitent le transport ou la collecte ?

M. Yves Berger - La collecte est sous traitée dans certains cas. Pour autant, elle demande des équipements dédiés. De plus, selon les situations, d'importantes variations de coûts peuvent survenir. Le ramassage effectué dans les abattoirs, donc hors SPE, ou dans les fermes dans le cadre du SPE, sont deux prestations radicalement différentes. En effet, la prestation livrée à un abatteur privé, proposant un volume concentré et un tonnage adapté aux camions de ramassage, permet relativement facilement d'optimiser les coûts. Il n'en va naturellement pas de même pour le service public de l'équarrissage. Cela étant, je conviens tout à fait de la nécessité de préparer l'avenir au plus tôt.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Nous apprécierions d'obtenir quelques chiffres, pour la discussion budgétaire, sur la part sous-traitée de la collecte.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - La réduction des coûts induite par une meilleure valorisation des sous-produits issus de l'équarrissage devra également faire l'objet d'une analyse attentive.

En effet, un intervenant évoquait plus tôt un éventuel ajustement des normes sanitaires au niveau européen : celui-ci offrirait des perspectives de valorisation élargies. Il serait intéressant de procéder à un calcul prospectif permettant d'appréhender les conséquences d'un ajustement des normes sanitaires, et donc d'une meilleure valorisation, sur les coûts du SPE.

M. Yves Berger - On ne saurait à ce sujet espérer des résultats rapides. Actuellement, l'ensemble des espèces animales fait l'objet d'un traitement de collecte unique. Toutefois, si certaines espèces devaient faire l'objet de nouvelles autorisations de valorisation, des systèmes de collecte différenciés devront être mis en place et des usines devront être dédiées au traitement de chaque catégorie de sous produits. Se pose alors la question de la rentabilité économique d'un tel système. Des simulations devront être conduites au préalable car ces modifications réglementaires se heurteront sans doute à des difficultés techniques, et on ne saurait donc en espérer une évolution automatique de la situation.

M. Jean Arthuis, président - Un deuxième ensemble de questions portait sur l'unité d'oeuvre retenue. Pourquoi le seul critère du tonnage a-t-il été retenu et non le nombre de passages en ferme ?

M. Yves Berger - La facturation au poids paraît financièrement plus intéressante qu'un système reposant sur le nombre d'enlèvements ou de déplacements. Dans l'élaboration du cahier des charges, l'Office a milité pour le choix du poids. Ce critère reste d'une gestion administrative plus simple. Ainsi, aujourd'hui, cinq agents à temps plein suffisent, agence comptable incluse, à assurer la gestion administrative du service public de l'équarrissage.

Toutefois, il faut souligner, et cela a été un motif de surprise pour moi, que les données précédant l'année 2006 provenaient du syndicat des équarisseurs.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Le seul indicateur du poids a été retenu alors qu'aucun système informatique embarqué sur les camions n'en permet le contrôle.

M. Yves Berger - Il nous importe, avant tout, de connaître le poids qui arrive à l'unité de traitement. Celui-ci doit correspondre à la somme des bordereaux d'enlèvements. Du point de vue du coût du service public de l'équarrissage, l'absence de pesée embarquée ne pose aucune difficulté. L'on procède par différence, en distinguant le poids du camion vide, et celui du camion plein.

M. Jean Arthuis, président - Sur la question poids/distance, il conviendrait d'identifier un indicateur qui combine les deux. S'agissant maintenant du marché public, pourrait-on imaginer, puisqu'il s'agit d'un service public, qu'il puisse y avoir concession de service public ? Ainsi, l'administration garderait un accès aux comptes du concessionnaire, et au-delà d'un certain niveau de ressources, le résultat pourrait être réparti entre le concessionnaire et le concédant. Cette formule a-t-elle été envisagée ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - De la même manière, des simulations devraient être conduites afin d'évaluer les conséquences d'une éventuelle privatisation du service, système que nombre de pays voisins ont retenu.

M. Jean Arthuis, président - Dans un système privatisé, certaines exploitations pourraient préférer enfouir les cadavres plutôt que de les traiter. La prestation perdrait dès lors en qualité. Avec un service public, la mutualisation garantit l'enlèvement et le retraitement des déchets. Mais il convient alors de savoir qui doit financer ce service.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Le paysage européen de l'équarrissage est très hétérogène, allant de la privatisation au « tout Etat ». Ces systèmes se différencient tant par leur mode d'organisation que par leurs fondements juridiques. Des expériences ont été conduites, notamment aux Pays-Bas, proposant ainsi en quelque sorte un intéressement à la marge.

M. Jean Arthuis, président - Cette hypothèse a-t-elle fait l'objet d'études ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Comme je l'indiquais précédemment, une modification de la forme juridique retenue pour le SPE paraît nécessaire.

M. Eric Allain - Le système actuel restera en vigueur jusqu'en juillet 2009. Ses différents acteurs, les éleveurs comme les pouvoirs publics, en ont bien admis les différentes faiblesses, tant du point de vue de ses modalités de fonctionnement que de son économie générale. Les hypothèses que vous évoquez seront examinées dans le cadre de la réflexion que nous conduirons dans les prochains mois.

M. Jean Arthuis, président - Même si cette question relève de la souveraineté des Etats-membres, existe-t-il une réflexion au niveau communautaire sur ce sujet ?

M. Eric Allain - Pas à ma connaissance. Toutefois, un même impératif sanitaire doit présider à l'élaboration de ces dispositifs.

M. Jean Arthuis, président - Le mode de financement actuel du système est susceptible d'être contesté par la Commission européenne, s'il représente un manquement aux règles de concurrence loyale. Dans ces conditions, il serait intéressant de définir un règlement applicable de manière uniforme sur l'ensemble du territoire européen. Le gouvernement peut-il prendre une initiative en ce sens ?

M. Eric Allain - Sur le point de la compatibilité avec le droit communautaire, le système actuel est exempt de critiques, autant en matière de distorsion de concurrence que de financement croisé, depuis que, le 30 mars 2004, la Commission européenne en a approuvé le dispositif de financement.

M. Jean Arthuis, président - Pourtant, les montants inscrits en loi de finances initiale, ne sont pas conformes à la réalité du coût du SPE. Je critique votre attitude car vous devriez inscrire une évaluation raisonnable et sincère de la situation, ce qui n'est pas le cas, d'autant plus que deux contentieux sont encore pendants et ne font l'objet d'aucune provision. Le système est donc véritablement insatisfaisant.

M. Eric Allain - Il convient de bien distinguer deux situations : le nouveau schéma de financement élaboré en juillet et l'ancien. Le nouveau système a été élaboré en concertation avec les différentes professions et est aujourd'hui équilibré. Pour autant, la résorption du report de charges de 50 millions d'euros reste un problème complexe. Une solution doit être trouvée, mais qui ne peut passer par une contribution massive des éleveurs.

M. Jean Arthuis, président - Terminons sur la question du marché public. La nouvelle procédure d'appel d'offres aura lieu en 2009 mais il convient d'ores et déjà de préparer cette date avec la plus grande rigueur. Dans cette optique, différentes hypothèses devront être évaluées, et des simulations être conduites.

Evoquons à présent le financement du service public de l'équarrissage Celui-ci repose aujourd'hui principalement sur la taxe d'abattage, une subvention de l'Etat, et une contribution des éleveurs. Or ce système paraît discriminatoire et aléatoire.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Je souhaiterais revenir sur la réforme de juillet 2007 qui n'est pas encore signée. L'objectif en était d'assurer la participation de l'ensemble des éleveurs, y compris de bovins, afin d'obtenir une contribution annuelle de leur part atteignant 12 millions d'euros. Comment espérer que l'ensemble des éleveurs acceptera ce système ? Il ne s'agit pas là d'un problème purement financier, mais aussi politique.

M. Eric Allain - Cette évolution est aujourd'hui concrète. Deux projets d'arrêtés sont actuellement entre les mains de Bercy.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Pourquoi les éleveurs commenceraient ils aujourd'hui à payer alors qu'ils ont, par le passé, refusé de payer ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Quelles sont les catégories d'éleveurs les plus touchés par la taxe d'abattage ?

M. Eric Allain - Je précise que cette taxe est répercutée par les abatteurs vers l'aval.

M. Jean Arthuis, président - Il n'en reste pas moins, au final, que l'éleveur paie.

M. Eric Allain - Le coût du service public de l'équarrissage pour 2007-2008 atteint 97 millions d'euros. La filière « ruminants » y contribuera à hauteur de 62 millions d'euros, auxquels s'ajoute une participation directe des éleveurs de 7,2 millions d'euros. L'Etat apportera une subvention de 27,5 millions. l'Etat finance donc 28 % du SPE, le solde étant assuré par les filières et les professionnels , soit au travers de la taxe, soit au travers de la contribution directe des éleveurs. Il en va de même pour les autres filières. La prise en charge par l'Etat varie selon les cas mais reste voisine de 30 %, sauf pour la filière équine où elle est de l'ordre de 78 %, mais cette filière ne représente qu'un coût de 3 millions d'euros pour le SPE.

M. Jean Arthuis, président - Comment sont financées les filières ? A quel moment ces taxes sont-elles perçues ?

M. Yves Berger - Un arrêté du 13 juillet 2006 prévoyait une participation de 0,20 euro hors taxe par kilo de cadavre enlevé pour les éleveurs de porcs et de volailles. L'arrêté en cours de signature a légèrement réévalué cette participation et prévoit la création d'une taxe supplémentaire pour les éleveurs de bovins. Cet arrêté crée une obligation pour les éleveurs de contracter une créance de droit privé, et non une contribution.

Dans le système du porc, où une interprofessionnalisation existe déjà, les éleveurs ont choisi de créer une association, ATM (animaux trouvés morts) porc, chargée de lever des cotisations interprofessionnelles, de payer directement les équarrisseurs. Cette dernière mesure va tout à fait dans le sens des équarrisseurs, en allégeant significativement leur charge administrative. La filière des volailles étudie la mise en place d'un système similaire. Il faut espérer que la filière bovine suivra bien en début d'année prochaine. Toutefois, en l'absence d'un système interprofessionnel assurant un rôle d'intermédiaire, l'équarrisseur enverra des factures individuelles à chaque éleveur.

M. Jean Arthuis, président - Ces factures présentent des montants minimes. Ainsi, le coût d'émission et de recouvrement de la facture sera sans doute supérieur à son montant facial...

M. Yves Berger - C'était là le pari pris par certains éleveurs : ils estimaient le coût trop faible pour que les équarrisseurs prennent la peine d'envoyer ces factures. Elles leur sont pourtant bien arrivées. Le fruit de cette créance ne rentre donc jamais dans les recettes de l'Office.

M. Jean Arthuis, président - L'équarrisseur impute les recettes sur la facture transmise ultérieurement à l'Office.

M. Yves Berger - Le système est conçu de manière à ce que tout défaut de paiement de la part des éleveurs soit pris en charge par les équarrisseurs et rien par l'Etat.

M. Jean Arthuis, président - Ce sont en fait les éleveurs qui paient. Alors, pourquoi ne pas poser un principe selon lequel l'éleveur paie par kilo de viande abattue une contribution qui serait perçue au moment de l'abattage ?

M. Yves Berger - Peut être les éleveurs décideront-ils entre eux de mettre en place pareil système.

M. Jean Arthuis, président - Ce type d'organisation nous dispenserait d'un dispositif qui paraît particulièrement complexe.

M. Yves Berger - Les éleveurs ont réalisé que les sommes en jeu restaient tout à fait modiques, ne dépassant qu'exceptionnellement 50 euros par an. L'amélioration de la technicité ainsi que la mortalité moindre des élevages y sont pour beaucoup. On responsabilise l'éleveur si on lui fait payer quelque chose individuellement.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Ne serait-il pas intéressant de revenir vers un système de redevance plus simple ? Je comprends le mécontentement des éleveurs de bovins exposés au versement d'une contribution à deux reprises pour une même prestation.

M. Jean Arthuis, président - Il conviendrait d'éviter toute double perception. Une perception unique au niveau de l'abattoir devrait être privilégiée.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial - Peut-être faudra-t-il en changer l'appellation, et préférer le terme de redevance.

Mme Nicole Bricq, rapporteure spéciale - Ou encore celui de cotisation volontaire obligatoire.

M. Jean Arthuis, président - Il convient d'éviter deux chaînes de facturation parallèles.

M. Michel Moreigne - Une solution devra être identifiée dans les meilleurs délais. Il convient d'éviter que l'augmentation des prélèvements ne conduise certains éleveurs à abandonner les cadavres d'animaux sur la voie publique pour se soustraire à leur obligation contributive. A défaut, les collectivités locales devront assumer, une fois encore, les surcoûts du dispositif, en enlevant les cadavres présents sur la voie publique.

M. Jean Arthuis, président - C'est effectivement là un risque réel. Certains éleveurs préféreront enfouir les cadavres dans les ornières.

M. Yves Berger - Selon une idée largement répandue, en l'absence d'un service public, ou en réaction à une taxe excessive, les éleveurs pourraient éliminer eux-mêmes les cadavres. Mais on pourrait imaginer un système où les cadavres seraient éliminés sur place par les éleveurs selon des modalités encadrées et approuvées. Il s'agit là d'une piste à envisager, même s'il conviendrait bien sûr d'en préciser rigoureusement les modalités.

Par ailleurs, je tiens à signaler qu'il existe actuellement un moyen de contrôle des enfouissements spontanés. L'outil informatique « Cigal », si un éleveur devait faire disparaître de lui-même ses animaux, permettrait de repérer les bêtes d'élevage nées, mais dont la sortie (abattage ou décès) n'aurait jamais été enregistrée. De ce point de vue, le système est fiable et présente certaines garanties en matière de contrôle. Il récolte de manière constante des flux d'information. Il permet d'alimenter la base de données de la direction générale de l'alimentation (DGAL), qui permet elle-même de contrôler l'activité des équarrisseurs.

M. Jean Arthuis, président - Cet après midi, Mme Lagarde et M. Woerth viendront proclamer devant la commission des finances que le budget, approuvé ce matin en conseil des ministres, est sincère. Pourtant, le système du service public de l'équarrissage laisse d'ores et déjà prévoir des modifications à intégrer dans la loi de finances rectificative. Quelle somme a été prévue à ce titre ?

M. Adrien Mianowski - Pareille estimation paraît précoce.

M. Jean Arthuis, président - Vous savez très bien combien doit être prévu. Ne racontez pas d'histoire. Ici la langue de bois est prohibée.

M. Adrien Mianowski - Monsieur le président, ce n'est pas de la langue de bois. Les hypothèses de travail sur la loi de finances rectificative n'intègre pas de travaux sur le service public de l'équarrissage.

M. Jean Arthuis, président - Si cela devait se passer normalement, combien devriez-vous prévoir ?

M. Adrien Mianowski - Joker !

M. Jean Arthuis, président - Méfiez-vous. On va demander cela à Mme Lagarde ou M. Woerth cet après-midi. Cette audition n'a pas d'autre objet que de vous aider, les uns et les autres, à définir des procédures et des pratiques qui nous fassent sortir de cette espèce d'ornière, dans laquelle nous nous trouvons chaque année. On pense qu'on a réglé la question et à chaque audition, on s'aperçoit qu'on est dans la même situation. Donc cela ne peut pas durer. Merci pour tout ce que vous pourrez faire. Soyons-bien conscients que 2009, ça se prépare dès maintenant.

Le temps de l'annualité budgétaire est révolu : l'échelle pluriannuelle devra désormais être privilégiée. Soyons conscients que les meilleures réformes ne sont pas celles portant les résultats les plus rapides. Merci à tous.

Avant de lever la séance, je mets aux voix la publication du rapport.

La Commission est unanimement favorable à la publication du rapport.

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