F. CULTURE, SCIENCE ET ÉDUCATION

Les dangers du créationnisme

La présentation devant l'Assemblée parlementaire du texte dénonçant les dangers du créationnisme était en soi une première victoire. Lors de la troisième partie de la session 2007, le rapport alors défendu par M. Guy Lengagne (Pas-de-Calais - SOC) avait, en effet, été renvoyé en commission sans aucune raison objective. Le mandat de M. Lengagne ayant pris fin, Mme Anne Brasseur (Luxembourg - ADLE) a été nommée rapporteur d'un nouveau projet de résolution.

Celle-ci invite les États membres à être vigilants quant à la progression des thèses créationnistes en milieu scolaire. Ces thèses ne se fondent sur aucun raisonnement scientifique et sont conçues comme une réaction à la théorie de l'évolution. Elles prennent diverses formes, qu'il s'agisse du créationnisme strict rejetant tout discours scientifique sur l'origine du monde, du créationnisme dit scientifique selon lequel Dieu intervient au sein de chaque processus concourant à l'évolution et cela sur une période plus longue que celle décrite dans la Genèse, ou d'un créationnisme dit progressif ne rejetant pas totalement l'évolution. L' Intelligent design défend l'hypothèse, par essence invérifiable, de l'intervention d'une intelligence dite supérieure. Aux États-Unis, le vernis scientifique apporté à ces travaux a conduit ses promoteurs à demander à ce que l' Intelligent design soit enseigné dans les cours de biologie, au même titre que la théorie de l'évolution.

Le créationnisme, sous toutes ses formes, prospère, de fait, sur la part d'incertitude contenue dans tout raisonnement scientifique pour présenter la théorie de l'évolution comme une idéologie ou une philosophie naturelle. Par delà la question religieuse, le rapport de la commission de la culture, de la science et de l'éducation rappelle les incidences potentielles que pourrait avoir l'enseignement d'une théorie déniant toute validité à l'évolution, concept pourtant fondamental en matière de recherche médicale. Parallèlement, les méthodes utilisées par les prédicateurs américains ou par les fondamentalistes musulmans pour diffuser les principes créationnistes relèvent pour l'essentiel de la manipulation d'information, voire de l'endoctrinement, au mépris des valeurs défendues par le Conseil de l'Europe.

Phénomène initialement circonscrit au continent américain, le créationnisme touche aujourd'hui l'Europe, où l'on trouve désormais un créationnisme d'obédience musulmane aux côtés du créationnisme chrétien traditionnel. Comme l'Espagne, la Suisse, la Pologne ou la Belgique, la France est directement concernée par cette montée en puissance, comme en témoigne la tentative d'introduire dans les bibliothèques scolaires un Atlas de la création rédigé par un créationniste turc musulman, M. Harun Yahya, en janvier 2007. Après enquête, le ministère de l'Éducation nationale a demandé aux recteurs d'académie le retrait de l'ouvrage des établissements. La diffusion, en octobre 2005, d'un documentaire sur ARTE intitulé « Homo sapiens. Une nouvelle histoire de l'homme » autour des travaux controversés de la paléontologue chargée de recherche au CNRS Anne Dambricourt-Malassé, avait également appelé l'attention sur le volet chrétien de la doctrine. On notera néanmoins que le Vatican, comme un certain nombre d'organisations musulmanes, condamnent ces thèses.

La résolution du Conseil de l'Europe s'inscrit dans ce contexte pour défendre et promouvoir le savoir scientifique et s'opposer à l'enseignement du créationnisme en tant que discipline scientifique. Elle ne néglige pas pour autant l'enseignement du fait culturel et religieux. M. Jacques Legendre (Nord - UMP) est intervenu, en qualité de Président de la commission de la culture, de la science et de l'éducation, pour souligner ainsi la nécessaire distinction entre science et religion en milieu scolaire :

« Quelques mots pour rappeler que c'est la commission de la culture, de l'éducation et de la science qui a été saisie de ce rapport. Sciences et éducation : nous nous sentions totalement concernés.

Notre Assemblée charge notre commission d'être particulièrement active dans ce que l'on appelle « le dialogue interculturel et interreligieux ». Nous le ressentons profondément comme un honneur. Cela justifie que notre commission respecte tous les interlocuteurs et en particulier respecte toutes les religions. C'est l'esprit même du Conseil de l'Europe. Parce que nous sommes en charge de l'éducation, il est très important, au sein de l'école, que soit distingué ce qui relève de l'éducation scientifique et ce qui relève de l'éducation religieuse. Le créationnisme est un élément respectable, comme d'autres, de l'éducation religieuse.

La théorie de l'évolution est un élément des théories scientifiques. Il nous a paru important que les choses soient clarifiées. Il faut rappeler que l'éducation religieuse peut inclure et présenter à l'école une vision créationniste, mais que l'éducation scientifique ne peut concerner que la théorie de l'évolution. Nous le savons, des maladresses ont pu être commises. Le travail d'une Assemblée consiste à présenter des amendements pour corriger le texte - c'est tout à fait légitime. Dans quelques instants, nous allons d'ailleurs annoncer que nous acceptons un certain nombre d'amendements. »

Les amendements adoptés à l'occasion du débat en séance permettent au texte de ne pas heurter directement les convictions religieuses au moyen d'une rédaction plus souple. Ils rappellent également la nécessité d'une critique scientifique rigoureuse de la théorie de l'évolution. Signe de profonds clivages au sein de l'Assemblée, le texte a été adopté par 48 voix contre 25.

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