2. La police sanitaire exercée par l'AFSSAPS face à l'utilisation d'éthers de glycol dangereux dans les cosmétiques

Dans ce cadre, l'AFSSAPS a été conduite à saisir, en 2001, sa commission de cosmétologie pour l'interroger sur les éthers de glycol utilisés par l'industrie cosmétique dans les crèmes pour le corps ou pour le visage, les produits capillaires et les produits de maquillage .

Dans ces produits, les éthers de glycol sont utilisés comme solvants/solubilisants, promoteurs d'absorption cutanée, conservateurs ou bactéricides.

La commission de cosmétologie de l'AFSSAPS a demandé aux industriels de réaliser des études sur le passage transcutané des éthers de glycol pour lesquels le calcul de l'exposition basée sur une pénétration de 100% pouvait conduire à un risque pour le consommateur 20 ( * ) .

Les sept éthers de glycol utilisés en 2005 par l'industrie cosmétique sont :

Série E : EGPhE (phénylglycol), EGBE (butylglycol), DEGBE (butyldiglycol), DEGEE (diéthyldiglycol),

Série P : DPGME (méthyldipropylèneglycol), 2PG1ME (2-méthylpropylèneglycol 1-méthyl éther), TPGME (méthyltripropylène-glycol).

Il résulte de l'étude de l'AFSSAPS que :

L'EGPhE (phénylglycol), conservateur dans les produits cosmétiques , pour lequel une hématoxicité est observée chez l'animal, à fortes doses, présente une marge de sécurité très supérieure à 100 chez l'homme et, de ce fait, n'entraîne pas de risque pour la santé du consommateur aux conditions actuelles d'utilisation .

L'EGBE (butylglycol) , utilisé dans les teintures capillaires , pour lequel une hématoxicité est observée chez l'animal, à fortes doses, doit, pour présenter une marge de sécurité d'au moins 100 chez l'homme , être l'objet de limitation de sa concentration à 2% maximum dans les teintures non diluées avant application (coloration non oxydante) et à 4% dans les teintures capillaires diluées à 50% avant utilisation.

Le DEGBE (butyldiglycol) , utilisé dans les teintures capillaires prêtes à l'emploi , à la concentration de 9%, pour lequel des effets hépatotoxiques, néphrotoxiques et hématotoxiques ont été observés chez l'animal, à fortes doses, doit, pour présenter une marge de sécurité d'au moins 100 chez l'homme voir son utilisation limitée au niveau européen, dans les teintures capillaires non diluées à une concentration maximale de 9% .

Le DEGEE (diethyldiglycol), excipent dans les crèmes pour le visage et le corps , pour lequel ont été observés une toxicité systémique chez l'animal, à fortes doses, des effets reprotoxiques chez l'animal avec du DEGEE à la pureté non contrôlée, et des effets toxiques rénaux graves chez l'homme doit, pour présenter une marge de sécurité d'au moins 100 chez l'homme , voir sa concentration maximale limitée à 1,5% dans tous les produits cosmétiques à l'exception des produits d'hygiène buccale dans lesquels le DEGEE ne peut pas être utilisé du tout . De plus, il est recommandé d'utiliser du DEGEE d'une pureté supérieure à 99,5% et contenant moins de 0,2% d'éthylène glycol.

En conséquence, sur la base de ces données toxicologiques et après avis de sa commission de cosmétologie, en date du 12 mai 2005, le Directeur général de l'AFSSAPS a pris, le 23 novembre 2005 (J.O du 15 décembre 2005) , une décision de police sanitaire visant à réglementer sur le territoire français l'EGBE, le DEGBE et le DEGEE ; cette décision a été notifiée à la Commission européenne dans le cadre de la clause de sauvegarde .

De plus, une présentation de l'évaluation de ces trois éthers de glycol et des propositions de réglementation pour l'EGBE et le DEGBE a été effectuée par l'AFSSAPS, en avril 2004, au groupe de travail permanent des produits cosmétiques de la Commission européenne (COMCOS).

Au-delà du seul cadre des éthers de glycol utilisés par l'industrie des cosmétiques, il est indispensable, pour recadrer l'intérêt des recherches actuelles sur les éthers de glycol et sur les substitutions possibles de ces substances, de prendre un peu de recul pour considérer le fait que les éthers de glycol ont déjà eux-mêmes été utilisés massivement pour remplacer d'autres solvants, les solvants chlorés, jugés plus dangereux . Quant aux solvants aromatiques (toluène, benzène...), ils font peur et leur emploi est donc très réduit.

A l'heure actuelle, la précaution la plus efficace imaginée face aux polluants dangereux est la substitution en omettant souvent de considérer que cette substitution n'est valable que si la nouvelle substance utilisée est moins dangereuse que le produit initial . Or, précisément, la mésaventure consistant à remplacer une substance dangereuse par une autre substance dangereuse s'est déjà produite avec certains éthers de glycol. Ainsi, le N-méthyl pirrolidone jugé comme un solvant de substitution idéal en 2001 est apparu reprotoxique en 2005. Ce rappel étant effectué pour souligner qu'il n'est ni possible ni souhaitable de repartir de zéro mais qu' il convient de toujours se situer dans l'histoire de l'utilisation de nouvelles substances et de la connaissance de leurs effets sur la santé dont il importerait de ne pas éternellement répéter les erreurs car personne n'a sciemment le désir de remplacer un produit dangereux par un autre encore plus dangereux . Il ne s'agit pas là de l'application du principe de précaution mais d'une conduite fondée sur une prudence élémentaire.

Il faut rappeler aussi que les éthers de glycol constituent une famille d'environ 80 membres dont seulement une quarantaine a été utilisée et qu'il peut arriver chaque jour que d'autres éthers de glycol non employés jusqu'alors apparaissent à leur tour sur le marché et nécessitent donc autant d'études que toute autre substance.

L'UIC (voir son audition) a tenu à rappeler avec beaucoup de précision que le recours aux éthers de glycol est intervenu pour remplacer des solvants dont la toxicité avait été démontrée et que les éthers de glycol ont des profils toxicologiques très différents à l'intérieur de la série E comme de la série P .

Au sein de la série E (éthers éthyléniques) , plusieurs substances ont été interdites et les éthers de glycol les plus dangereux ont été remplacés par des dérivés considérés comme moins toxiques , soit des éthers de glycol de la série propylénique, soit des substances appartenant à d'autres familles.

Quant aux effets toxiques des éthers de glycol sur la santé, certains sont communs à la grande majorité des éthers de glycol et d'autres sont spécifiques à certains éthers de glycol. Aucun signe précurseur propre à alerter l'utilisateur n'existe si ce n'est à de très fortes concentrations .

Parmi les effets toxiques communs à tous les éthers de glycol figurent les atteintes neurologiques , les maux de tête et les vertiges pouvant aller jusqu'au coma mais ces effets n'accompagnent que les expositions aiguës à fortes doses .

Les éthers de glycol toxiques peuvent avoir des effets chez l'homme ou chez l'animal ; les recherches ne sont pas aussi avancées dans les deux registres et il faut prendre garde à ne pas transposer d'un domaine à l'autre ce qui ne peut l'être .

Les effets chez l'homme

Les effets chez l'homme ont été notamment recensés dans les conclusions de l'expertise collective de l'INSERM en 1999 et dans son actualisation en 2006. Il s'agit d'effets aigus, d'effets sur la reproduction et de cancérogénicité.

Les effets aigus peuvent consister en des troubles neurologiques, métaboliques et rénaux .

Les effets sur la reproduction consistent en un lien entre infertilité masculine et exposition professionnelle à l' EGEE , l' EGME et à leurs acétates, EGEEA , EGMEA, et peut-être au DEGDME (diméthyldiglycol ou diglyme). Pour les femmes, il peut s'agir d' anomalies des cycles menstruels ainsi que d'une diminution de la fertilité ou encore de risque d'avortements spontanés comme cela résulte d'études américaines menées dans les entreprises de l'industrie des semi-conducteurs.

Outre ces deux séries d'effets, il a été observé au Mexique, comme déjà mentionné plus haut, un syndrome malformatif particulier comportant des anomalies faciales, des réductions des membres et des retards mentaux ; ces malformations résulteraient de l'exposition professionnelle des mères pendant leur grossesse à un mélange d' EGME et d' éthylène glycol .

Quant à la cancérogénicité , il a été évoqué un taux anormalement élevé de cancers des testicules et de leucémies chez des salariés d' IBM , notamment à Corbeil-Essonnes, exposés à l' EGME , à l' EGEE et à leurs acétates ainsi qu'au DEGDME , entre 1974 et 1994. La presse a donné un large écho à ce phénomène mais aucun résultat n'est disponible à ce jou r.

L'expertise collective conduite par l'INSERM, les quelques études épidémiologiques menées sur la relation entre exposition aux éthers de glycol et différents types de cancer chez l'homme (leucémies, myéloïdes aiguës, cancers de l'estomac, cancers des testicules) ont été jugées comme n'apportant pas de résultats convaincants sur un effet cancérogène potentiel des éthers de glycol .

De plus, la réactualisation en 2006 de l'enquête INSERM de1999 précise que la plupart des tests de génotoxicité pour l'ensemble des éthers de glycol étudiés sont négatifs mais, en même temps, elle souligne un manque de données concernant plusieurs tests et met en évidence une génotoxicité des métabolites .

Les effets sur l'animal

Quant aux effets sur l'animal, il s'agit d'effets toxiques , d'effets sur la reproduction (fertilité et développement) et d'effets sur la mutagénicité et la cancérogénicité . Les effets toxiques aigus, irritants, sensibilisants et à doses répétées ont été maintes fois décrits.

Comme déjà indiqué, à travers la mise à jour 2006 de l'expertise collective de l'INSERM publiée en 1999 « Ethers de glycol, quels risques pour la santé ? », le groupe d'experts a analysé environ cent cinquante documents (articles scientifiques, rapports d'évaluation, documents fournis par les industriels) qui ont permis de confirmer ce qui était déjà suspecté, à savoir l'hémotoxicité et la reprotoxicité de substances déjà connues et de nouvelles informations sur des molécules pour lesquelles aucune donnée n'était publiée avant 1999.

En résumé, cette expertise a confirmé l'importante pénétration cutanée de la plupart des éthers de glycol, la nécessité de réaliser des études sur les marqueurs d'exposition chez l'homme , le caractère hémolysant chez l'animal de l'EGBE, de l'EGiPE (isopropylglycol) , de l'EGPhE et du DEGBE ; elle a confirmé aussi que la sensibilité des hématies des rongeurs à l' EGBE est 100 fois supérieure à celle des hématies humaines, le caractère hypoplasiant médullaire chez l'homme pour l'ancienne génération des éthers de glycol ( EGMEA et EGEEA ) ainsi que pour le DEGDME ; elle a mis en évidence une hématoxicité pour le TEGDME chez le rat, une toxicité pour les organes lymphoïdes du TEGDME et du DEGDME - l 'observation de ces effets n'a pu être décrite qu'avec de fortes concentrations d'éthers de glycol ; elle a montré que la plupart des tests de génotoxicité disponibles pour l'ensemble des éthers de glycol étudiés sont négatifs avec toutefois un manque de données concernant certains tests ; elle a précisé les classifications dans les différentes catégories d'agents cancérogènes retenus par la Commission européenne et le CIRC ; elle a confirmé la toxicité testiculaire du DEGDME , du TEGME (méthyltriglycol) et du 1PG2ME (2-méthylpropylèneglycol) ; elle a montré aussi une absence d'effets sur les gonades femelles pour le DEGBE , le DEGDME et le TEGME et une absence de toxicité testiculaire pour le DEGBE et le DEGEE ; elle a mis en évidence de nouvelles données pour l' EGME concernant ses effets sur la fertilité et le développement foetal ; elle a confirmé enfin la toxicité du DEGDME sur le développement foetal, une absence d'effets directs sur la reproduction du DEGEE et des effets du seul isomère bêta du PGME (1PG2ME ou 2-méthylpropylèneglycol) sur le développement foetal , or cet isomère est minoritaire dans les préparations commerciales.

Il reste néanmoins le problème de l'impact des métabolites des éthers de glycol qui, eux, ne sont pas pris en compte.

Les effets sur la reproduction animale concernent d'abord la fertilité dans la mesure où une toxicité testiculaire a été établie chez l'animal avec l' EGME , l' EGEE et leurs acétates, EGMEA , EGEEA , le DEGDME , l' EGDME et le TEGDME .

En revanche, l'absence d'effets préoccupants a été mise en évidence pour l'EGnPE (n-propylglycol), l'EGBE, le DEGEE, le TEGME, le 1PG2ME et le 2PG1EE (éthylpropylèneglycol) .

Là encore, doit être signalée la faille de l'absence de prise en compte des métabolites : EGBE donne , par exemple, un métabolite acide ABA , dont l'effet est tératogène sur une culture d'embryon de rat, pour des concentrations non supérieures à celles présentes chez l'homme.

En ce qui concerne l'atteinte à la descendance, il a été montré, suite à des effets foetotoxiques , un retard dans le développement et des effets tératogènes (malformations) et cela avec les éthers de glycol suivants : EGME, EGMEA , EGEE, EGEEA , EGDME , DEGME , DEGDME , TEGDME .

Les malformations en résultant touchent de nombreux organes : anomalies digitales, exencéphalie, fente palatine, dysplasie caudale, malformations cranio-faciale, anomalies squelettiques axiales et parfois morts foetales.

En revanche, pour l'EGnPE, l'EGBE, l'EGHE (exylglycol) , le DEGEE, le TEGME et le 2PG1EE , il a été conclu à l' absence d'effets préoccupants .

Par ailleurs, l'EGME présente la plus forte toxicité pour la reproduction tandis que le 1PG2EE (1-propylèneglycol 2-éthyléther) , le DEGEE et le TEGME ne présentent pas d'effets .

De leur côté, les éthers de glycol de la série P commercialisés ont été testés pour leur toxicité dans le développement et les résultats ont été négatifs.

Pour en venir à la mutagénicité et à la cancérogénicité , la plupart des études de mutagénicité in vitro ainsi que les résultats in vivo ont donné des résultats négatifs. Les éthers de glycol étudiés ne présenteraient aucun profil génotoxique.

Quant à la cancérogénicité , seuls trois éthers de glycol ont fait l'objet d'une étude de cancérogénicité à long terme chez l'animal, le 2PG1ME, le PGtBE et l'EGBE. Le premier a donné des résultats négatifs chez le rat et la souris tandis que pour l'EGBE, les essais chez le rat ont été négatifs mais ceux chez la souris ont révélé l'apparition de tumeurs malignes (carcinomes du préestomac, hémangiosarcomes et hépatocarcinomes) et ce résultat est particulièrement instructif puisque, non seulement les extrapolations de l'animal à l'homme paraissent souvent, voire toujours aventurées mais encore parce que le fait de tester les effets d'un produit sur le rat plutôt que sur la souris peut amener à des conclusions tout à fait opposées . Cependant, l'industrie chimique considère que, pour les tumeurs considérées chez la souris, l'effet cancérogène ne peut être extrapolable à l'homme dans l'état actuel des connaissances pour des raisons mécanistiques , mais cela est contesté par d'autres toxicologues.

Sur la base des conclusions d'un groupe d'experts, l'INRS a proposé en 2004 un classement en catégorie 3 de l'EGBE mais cette proposition n'a pas été retenue au niveau européen.

Il est à noter qu'existent également des substances déclarées inclassables quant à leur cancérogénicité pour l'homme en raison du niveau insuffisant des indications chez l'homme et des indications limitées chez l'animal de laboratoire. Ont été ainsi déclarés inclassables par le CIRC en 2004 le butylglycol (EGBE) et le 2-terbutylpropylèneglycol (le 2PG1tBE). Ce classement particulier ne signifie pas que ces substances ne sont pas cancérogènes mais que les données disponibles ne permettent pas de conclure.

Face à cette complexité des résultats de la recherche, ont été mis en place une classification des substances et un étiquetage harmonisé complétés par une évaluation des risques et des limitations pour la mise sur le marché et les conditions d'emploi des substances.

La directive européenne 67/548/CEE a défini des critères pour déterminer le caractère dangereux ou non des produits chimiques et en induire une classification détaillée ; ce texte européen a été transposé en droit français. C'est ainsi que treize dérivés de l'éthylène glycol et neuf du propylène glycol ont été l'objet d'une classification et d'un étiquetage harmonisés . Tandis que neuf autres dérivés de l'éthylène glycol et trois du propylène glycol sont en cours de classification. A cet égard, il faut souligner que les éthers de glycol les plus utilisés ont été expertisés au niveau européen et des phrases de risque reflétant du mieux possible leur toxicité ont été associées à l'utilisation de ces éthers de glycol.

Mais, pour seize sur dix-neuf d'entre eux, dont la fabrication ou l'importation ne dépasse pas 1000 tonnes (classement HPV), il n'existe pas à ce jour de données sur leur cancérogénicité.

A noter qu' au fil du temps les classifications et les étiquetages changent . Ainsi, deux éthers de glycol, le TEGDME et l' EGDME , sont devenus classés reprotoxiques de catégorie 2 en 2004, tandis qu'un éther de glycol demeurait en discussion, l' EGDEE .

Les neuf éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2 sont en conséquence étiquetés avec la phrase de risque suivante « Peut altérer la fertilité » et/ou « Risques pendant la grossesse d'effets néfastes pour l'enfant ». Il s'agit de : EGEE , EGEEA , EGME , EGMEA , EGDME (dyméthylglycol ou diglyme), DEGDME , TEGDME , 1PG2ME , 1PG2MEA .

Un éther de glycol a été classé toxique pour la reproduction de catégorie 3, le DEGME (méthyldiglycol) .

C'est dans ce cadre que l'INRS, pour ce qui concerne les travailleurs, les ministères chargés de la santé et de l'environnement, en ce qui concerne les consommateurs et l'environnement, ont entrepris d' évaluer le risque de quatre éthers de glycol : le n-buthylglycol (EGBE), le 1-méthylpropylèneglycol (2PG1ME) et leurs acétates, EGBEA, 2PG1MEA, qui sont aujourd'hui les éthers de glycol les plus utilisés .

Mais il ne faut pas oublier que tous ces examens, effectués dans un but de classification et d'étiquetage, doivent par ailleurs faire l'objet d'une évaluation de risque dans le cadre du règlement européen 793/93 relatif aux substances existantes .

Une fois la classification pour l'étiquetage opérée et l'évaluation de risque effectuée, il reste à définir les limitations relatives à la mise sur le marché et à l'emploi de ces substances.

La mise sur le marché des substances

La mise sur le marché des toxiques pour la reproduction

La mise sur le marché des toxiques pour la reproduction est réglementée par la directive européenne 76/769 transposée en droit français en 1997 ; elle interdit la mise à disposition du grand public des produits classés toxiques pour la reproduction de catégorie 1 et 2. Quant à l'usage professionnel , il fait l'objet d'une classification spécifique .

La mise sur le marché des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques

Le ministère chargé de la santé interdit la mise sur le marché et l'importation à destination du public des produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques des catégories 1 et 2. Mais cette disposition ne vise que les préparations contenant 0,5 % ou plus de la substance dangereuse .

La mise sur le marché des cosmétiques

Pour les cosmétiques, l'AFSSAPS a interdit l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, la détention en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit, l'utilisation de certains produits destinés à l'homme (médicaments et cosmétiques) contenant de l'EGEE, de l'EGEEA, de l'EGDME, de l'EGME, de l'EGMEA, du DEGDME, du TEGDME .

Les utilisations professionnelles de substances

Les utilisations professionnelles des produits chimiques dangereux sur les lieux de travail sont réglementées par le code du travail qui impose aux utilisateurs professionnels d' évaluer les risques aux postes de travail et de mettre en oeuvre les mesures de protection collective prévues par le code du travail. Ces utilisateurs doivent également respecter les valeurs-limites légales d'exposition professionnelle .

Par décret n° 2001/97 du 1er février 2001, dit décret CMR , ont été étendues aux substances chimiques présentant des dangers de toxicité pour la reproduction de catégorie 1 ou 2 les mêmes contraintes que celles appliquées depuis 1993 aux substances cancérogènes . De la sorte, les éthers de glycol les plus dangereux sont soumis à des règles d'utilisation assorties d'une recommandation de substitution adressée à l'employeur ; à défaut de celles-ci, est imposé un renforcement du niveau de confinement des équipements qui doivent tendre vers des procédés clos. Si, malgré tout, l'exposition ne peut être évitée, une évaluation a priori des risques est réalisée sous la responsabilité de l'employeur et ce, pour chaque poste de travail concerné.

Dans le même esprit, ce décret précise que les femmes enceintes ou les femmes allaitantes, ne peuvent être affectées ou maintenues à des postes de travail les exposant à des agents avérés toxiques pour la reproduction . Certes, ces dispositions concernent le monde du travail qui n'est pas l'objet du présent rapport mais les précautions prises pour les éthers de glycol repérés comme dangereux dans l'univers professionnel ne sont pas sans faire naître quelques craintes sur les précautions non prévues pour les éthers de glycol utilisés dans le milieu extra professionnel et dont les dangers n'ont pas encore été repérés . En effet, l'individu, qui n'a peut-être pas pu éviter l'exposition professionnelle, subira, cette fois-ci de plein fouet, une ou plusieurs expositions extra professionnelles sans que la conscience de cette imprégnation par doses successives et cumulées puisse, de près ou de loin, lui servir d'alarme ou lui permettre de lancer - et auprès de qui ? - une alerte aussi nécessaire que légitime.

A noter qu'en 2006 un arrêté a fixé de nouvelles valeurs-limites d'exposition professionnelle réglementaire indicative pour l' EGBE et l'EGBEA.

L'évolution de la production et de la commercialisation des éthers de glycol en France

Face à l'estimation même des substances et à leur limitation d'emploi par rapport aux préoccupations santé-environnement, il est important de mettre en regard les quantités utilisées, les lieux de production, les filières de commercialisation et surtout l'évolution de ces divers facteurs dans le temps pour apprécier si l'action conjuguée de la recherche, des réglementations des enquêtes épidémiologiques et des précautions prises par les industriels va, ou non, dans le sens d'une amélioration.

A cet égard, sur les neuf éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2, aucun d'entre eux n'est produit en France .

Sur ces neuf substances, six sont commercialisées en France mais quatre ne le sont qu'en quantités marginales et certaines d'entre elles, quoique n'étant jamais fabriquées, se retrouvent comme co-produits ou impuretés liées au procédé de fabrication d'une autre substance.

Par comparaison avec les niveaux d'utilisation des éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction en France au début des années 1990, à savoir plusieurs milliers de tonnes, les quantités actuellement utilisées sont très faibles. Par exemple, en 2002 par rapport à 1993, seuls 3 % des quantités antérieures des éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2 étaient encore commercialisés et si ces quantités subsistent c'est parce que, d'après l'industrie chimique (voir les auditions du SICOS et de l'OSPA et celle de l'UIC), aucun substitut n'a encore été trouvé pour certaines applications industrielles.

C'est pourquoi l'EGME est encore utilisé en tant qu'intermédiaire de synthèse chimique, l'EGEE est utilisé comme solvant d'extraction en pharmacie, l'EGDME et le DEGME sont utilisés comme solvants dans des procédés de synthèse chimique. Enfin, l'EGEEA et le TEGDME ne sont pas vendus en France.

Au total, c'est moins de 200 tonnes par an d'éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2 qui sont actuellement utilisés et, ce, exclusivement en secteur industriel et professionnel où les niveaux d'exposition peuvent être contrôlés et réduits au plus bas niveau techniquement possible.

Quant aux éthers de glycol non classés toxiques pour la reproduction , ils demeurent des produits très utiles pour l'industrie et représentaient, en 2000, 400.000 tonnes au niveau européen , 3.000 étant utilisées en France en 1999.

L'utilisation des éthers de glycol sur les lieux de travail

Afin de favoriser l'utilisation professionnelle des solvants, un guide de bonnes pratiques destiné aux utilisateurs d'éthers de glycol a été élaboré.

En outre, pour que l'interdiction des éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2 soit respectée, l'OSPA a élaboré en 2004 une Charte éthers de glycol qui impose à tout acheteur, et d'abord aux distributeurs, de signer un engagement de ne pas utiliser ces substances dans des produits destinés au public 21 ( * ) .

La Charte éthers de glycol élaborée par les producteurs d'éthers de glycol membres de l'OSPA a relayé l'accord volontaire de 1996 qui exigeait des acheteurs, dont les distributeurs, sous peine de non livraison , de ne pas utiliser des éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction dans les produits destinés au public et avait limité de manière absolue l'usage des éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2 aux applications industrielles pour lesquelles aucun substitut n'avait encore été trouvé.

De plus, les acheteurs doivent rendre compte chaque année aux producteurs de l'application de cette charte.

Quant aux éthers de glycol classés non toxiques pour la reproduction , les producteurs se sont engagés à poursuivre leurs actions visant à améliorer les connaissances sur les propriétés de ces substances et se sont engagés aussi sur l' innocuité de certains éthers de glycol . En outre, le site Internet de l'OSPA ( http://www.ethers-de-glycol.com ) permet au public de s'informer sur les éthers de glycol.

A noter que la déclaration de l'acheteur distributeur l'oblige à fournir annuellement des informations très détaillées sur les utilisations finales des produits pour chaque client et sur l'envoi effectif des précautions d'utilisation . L'acheteur distributeur doit s'engager à ne pas vendre ses produits pour être utilisés en tant que biens de consommation ou produits ménagers, cosmétiques, pesticides, préparations pharmaceutiques et médicaments, préparations rentrant dans la fabrication de semi-conducteurs ou, enfin, produits utilisés sans vérification adéquate du niveau d'exposition. En cas de non respect de ces diverses obligations, le fournisseur est en droit d'interrompre la vente des produits en cause à l'entreprise fautive.

Certains secteurs professionnels ont même mis en place un système de traçabilité . C'est le cas pour le secteur des peintures avec la Fédération des industries des peintures, encres, couleurs, colles et adhésifs (FIPEC) (voir son audition) qui est parvenue à assurer la traçabilité des matières premières et des fournisseurs dont la traçabilité de la conformité réglementaire des matières, y compris de celles importées, et qui arrive à déceler l'absence d'éthers de glycol classés toxiques pour la reproduction de catégorie 2 dans les préparations achetées. Au-delà des matières premières, cette traçabilité concerne aussi les produits finis . Cette politique novatrice fait l'objet d' engagements de l'industrie et de la Fédération des distributeurs (Fédération européenne des commerces chimiques - FECC).

Enfin, à l'échelle mondiale, le programme High Production Volume Chemicals comprend un engagement des producteurs d'éthers de glycol à fournir des données sur la toxicité des seize éthers de glycol les plus couramment utilisés .

Au terme de cet examen, il a été estimé que des dangers résultant des éthers de glycol déjà utilisés (une quarantaine sur environ quatre-vingts possibles) ont été identifiés et que les mesures prises au fur et à mesure en fonction de l'état des connaissances, des textes applicables et des impacts avérés des éthers de glycol sur la santé humaine ont laissé se produire des contaminations en raison d'une approche ne fonctionnant que sur des certitudes, et avec des délais différents selon les pays.

Certes, il est hors de question d'interdire à l'aveugle ; c'est de l'interdiction des éthers de glycol qui présentent un risque avéré, et de substitution proactive qu'il est judicieux de débattre. Pour mieux arbitrer, en matière de recherche, il faut améliorer les connaissances sur :

• l'évaluation des expositions aux éthers de glycol sur la descendance,

• les effets vasculaires et l'insuffisance rénale chez l'homme,

• la perturbation endocrinienne,

• la cancérogénicité, non seulement des éthers de glycol, mais aussi de leurs métabolites.

Pour autant, pour être bien compris, le point de vue ci-dessus exprimé méritait d'être explicité dans des développements circonstanciés car, encore une fois, de nouveaux dangers liés aux éthers de glycol déjà utilisés peuvent apparaître et de nouveaux éthers de glycol seront vraisemblablement porteurs, eux aussi, de dangers autres.

Il apparaît donc bien qu' il aurait été illogique et incomplet de mener l'étude sur les polluants de consommation courante en excluant les éthers de glycol de son champ et expéditif de renoncer à toute étude sur les éthers de glycol alors que la question de leur utilisation est évolutive et préoccupe à juste titre l'opinion publique .

C'est pourquoi l'Office, après avoir écarté l'idée d'un rapport autonome de l'OPECST sur les éthers de glycol, a traité largement de ces substances chimiques à l'intérieur du rapport sur les autres polluants d'usage courant dont ceux de l'air intérieur.

* 20 La marge de sécurité chez l'homme est calculée selon les recommandations du CSPC (Comité scientifique des produits de consommation) : scénario d'exposition maximalisant prenant en compte une concentration maximale de 1% dans tous les produits cosmétiques utilisés dans une journée .

* 21 Voir ces documents en annexe 4.

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