II. QUELLE RESTRUCTURATION POUR LES ACTEURS DE LA SÉCURITÉ EN SANTÉ-ENVIRONNEMENT ?

Un premier constat s'impose : les missions de production de connaissances, d'exploitation de données, de veille, d'alerte et d'expertise sont très éclatées entre différents organismes.

Pourtant, l'article 3 de la loi n° 98-535 du 1 er juillet 1998 avait fait obligation au Gouvernement de remettre au Parlement, dans le délai d'un an, un rapport proposant « la restructuration des organismes de droit public propre à éviter une confusion des missions et la dispersion des moyens de la veille sanitaire ».

Mais ce rapport est encore attendu près de dix années plus tard .

A part le transfert des compétences du Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF) et de celles du Haut Comité de la santé publique (HCSP), remplacé en 2002 par le Haut Conseil de la santé, au Haut Conseil de santé publique en 2004, la simplification n'a pas semblé constituer une priorité.

Le rapport de l'OPECST de 2005 avait noté aussi que le foisonnement comprenait des recouvrements de champs de compétences ( INPES et ministères et AFSSA) mais n'excluait pas des « zones blanches » ou zones non couvertes en dépit des juxtapositions de compétences multiples ; c'est ainsi que la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC) ne parvenait pas à embrasser tout son champ de compétence.

Ce rapport avait critiqué vivement la création de l'AFSSE , « agence aux compétences potentielles très larges et aux moyens des plus réduits, sans rapport avec les objectifs fixés » dont les compétences comportent « de nombreuses interfaces non rationalisées avec la plupart des organismes préexistants ». Un rapport sur la rationalisation du système d'expertise dans le domaine de compétence de l'AFSSE devait être établi dans les deux ans.

Le rapport de l'OPECST de 2005 avait trouvé surprenant que six ans après la création des agences sanitaires des matières non placées dans le champ de compétence de telle ou telle agence puissent encore exister.

Tel était le cas des produits chimiques « dont l'analyse n'a été ni organisée ni même prévue dans une perspective de risque général ».

Ce rapport soulignait avec raison que la distinction entre le milieu professionnel et le milieu de la vie quotidienne était de plus en plus dépourvue de consistance : « la même substance peut être utilisée en usine, à la maison par un bricoleur ou par des personnels chargés de l'entretien ou du nettoyage, etc... le recours incontrôlé à l'amiante a indiqué il y a déjà longtemps que beaucoup de risques ne se segmentent pas ».

Le rapport avait aussi attiré l'attention sur les produits phytosanitaires dans la mesure d'abord où la Commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés (Comtox) demeurait sous la tutelle du ministre de l'agriculture battant ainsi en brèche le principe de séparation entre l'évaluation et la gestion du risque ; dans la mesure ensuite où l'AFSSA n'avait compétence dans le domaine des produits phytosanitaires que si des résidus de ces produits se retrouvaient dans les aliments.

C'est pourquoi, après une série de rapports sur la présence de résidus de pesticides dans les milieux avec lesquels l'homme est en contact, les ministres en charge de l'écologie, de la santé, de l'agriculture, du commerce et de la consommation ont décidé, en 2003, de créer un Observatoire des résidus de pesticides ayant notamment pour mission de rassembler toutes informations sur les résidus de pesticides et d'estimer les niveaux d'exposition des populations .

Cet observatoire est un comité de pilotage associant la DGS, le DGAL, la DE, la DGCCRF, l'AFSSE, l'AFSSA et l'IFEN ainsi que, en tant que de besoin, d'autres instituts et agences publics concernés.

Au cours de l'identification des pathologies causées dans divers milieux par des substances et des produits chimiques, les qualités et les lacunes du système français et européen, public et privé, collectif et individuel, de veille et d'alerte sont déjà en partie apparues.

Un tour d'horizon des organismes en charge de la veille, de l'alerte et de l'expertise va compléter les informations réunies et permettre de suggérer des propositions d'amélioration.

A. LA CRÉATION SUCCESSIVE D'INSTANCES DISPARATES

La mission et les actions des principaux organismes en charge de la veille sanitaire sont examinées ci-dessous et une liste des très nombreuses instances en charge des produits chimiques figure en annexe 7.

Ces organismes, quels que soient leur dénomination ou leur statut, sont classés par ordre chronologique en fonction de leur date de création afin de faire apparaître la logique de la construction - ou du simple empilement - réalisée et, le cas échéant, les modifications ou les compléments à y apporter.

1. l'INRS, Institut national de recherche et de sécurité (créé en 1947 et transformé en 1968)

La mission de cette association de la loi de 1901, placé sous la tutelle de la CNAMTS (voir son audition) et du ministère chargé du travail consiste à prévenir les risques professionnels notamment ceux liés à l'emploi de produits chimiques dangereux .

L'INRS assume plusieurs missions stratégiques : recherche, conseil, édition, formation (dont celle des médecins du travail) en liaison avec les caisses d'assurance maladie.

A la demande des pouvoirs publics, il contribue aux travaux nationaux et européens d' évaluation des propriétés dangereuses des substances et des préparations chimiques .

Divers textes réglementaires désignent l'INRS pour participer aux activités réglementaires :

- d'évaluation des substances nouvelles,

- d'évaluation des risques, de classification et d'étiquetage des substances chimiques existantes,

- de collecte d'informations sur les compositions des préparations chimiques dangereuses,

- d'évaluation des substances et produits biocides et de collecte d'informations sur les produits biocides.

Cependant des critiques ont pu être émises à l'encontre de l'INRS sur son absence d'indépendance tant au sujet du risque amiante - il a été à l'origine de la création du Comité Permanent Amiante - que du risque éthers de glycol, notamment lors de l'annulation - elle-même annulée - du symposium international organisé par M. André CICOLELLA en 1994 et du licenciement de celui-ci quelques jours avant l'ouverture du symposium dont il présidait le comité scientifique et le comité d'organisation dans des conditions sur lesquelles la Cour de Cassation s'est prononcée clairement en faveur de M. CICOLELLA..

La composition de son conseil d'administration (pour moitié représentants des employeurs et pour moitié représentants des syndicats de salariés), peut en effet légitimement être considérée comme induisant un conflit d'intérêt puisque l'organisme est censé évaluer les risques induits par les entreprises siégeant audit conseil.

Au sujet des éthers de glycol, l'INRS reconnaît qu'en 2006, sur les huit familles de solvants existantes, seulement trois d'entre elles ont été bien étudiées à ce jour (les éthers de glycol, les solvants chlorés et les solvants aromatiques) . D'ores et déjà, il est reconnu que parmi les cinq familles de solvants encore à étudier, des lacunes d'étiquetage et de connaissance demeurent pour les alcools, les esters et les cétones (par exemple, l'incidence sur la fécondité de l'éthanol et de l'acétate d'éthyle).

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