III. L'ÉLABORATION RÉCENTE D'UN PLAN DE PROMOTION DU BIODIESEL

Le programme national en faveur du biodiesel, lancé en septembre 2004 par les autorités brésiliennes, constitue le second pilier de la stratégie nationale de développement des biocarburants. Ce plan présente des enjeux tant énergétiques qu'environnementaux et sociaux.

Le Brésil est avant tout un important consommateur de diesel puisque celui-ci représente plus de la moitié des carburants vendus dans le pays. Bien que l'utilisation du diesel par les véhicules légers soit interdite depuis 1976 49 ( * ) , ce sont près de 40 millions de tonnes de diesel qui sont consommées chaque année , dont 75 % pour le transport routier et 16 % pour les tracteurs agricoles.

Même si le Brésil est un pays producteur de pétrole, 10 % du diesel consommé sont importés, le pays ne disposant pas des capacités de raffinage adéquates. Afin de réduire cette situation de dépendance et d'alléger la facture énergétique liée à l'importation du diesel, qui s'élève à environ 1,3 milliard de dollars chaque année, mais aussi pour diminuer les émissions de CO 2 , le gouvernement a décidé de stimuler la production et l'utilisation du biodiesel. Dans ces conditions, il a rendu obligatoire , depuis le 1 er janvier 2008, l'incorporation dans le diesel d'une proportion de 2 % de biodiesel , celle-ci devant passer à 5 % à compter de 2013 . Cela signifie que, depuis le début de l'année 2008, le Brésil doit être en mesure de produire annuellement près d'un milliard de litres de biodiesel (et 2,4 milliards de litres en 2013 pour remplir l'objectif des 5 %).

Le parc productif brésilien de biodiesel compte 41 usines , soit une capacité totale de 1,8 milliard de litres, ce qui est suffisant pour respecter l'objectif d'intégration de 2 %. En outre, 120 nouveaux projets d'usines sont aujourd'hui à l'étude. A titre d'exemple, Petrobras prévoit de porter ses capacités actuelles de 20,4 millions de litres de biodiesel à 171 millions de litres. Le pays compte par ailleurs 6.000 points de vente de biodiesel, dont 94 % appartiennent à Petrobras . En effet, compte tenu de sa dimension politique, la distribution du biodiesel a été confiée à cette société , seul acteur autorisé à acheter et à commercialiser le carburant lors de ventes aux enchères. Ce monopole a d'ailleurs été prolongé jusqu'en janvier 2009. Enfin, les exportations de biodiesel sont pour le moment interdites .

Le biodiesel peut être produit à partir de soja, de palme (dendê), de ricin (mamona), de jatropha 50 ( * ) , de tournesol et d'arachide, mais aussi à partir d'huiles usagées ou de graisses animales. Ces différentes matières premières revêtent toutefois des caractéristiques agro-énergétiques très différentes. A titre d'exemple, l'huile de palme offre le rendement à l'hectare le plus intéressant (4.500 kilos d'huile). Le soja fait partie des cultures les plus disponibles au Brésil mais la teneur en huile du soja et son rendement à l'hectare sont faibles (600 kilos). La graine de ricin est, parmi ces matières premières, la plus riche en huile, mais son résidu est inutilisable.

Contenu en huile de la

matière première (%)

Rendement en huile

(tonne par hectare)

Palme

26

3 - 6

Jatropha

33

1,5 - 2,8

Tournesol

42

0,8 - 1,5

Ricin

44

0,8 - 1,2

Arachide

45

0,7 - 1,1

Soja

18

0,4 - 0,6

Coton

15

0,4 - 0,6

Source : Guy Dupire Consultoria

Ces chiffres montrent cependant que le rendement énergétique de ces plantes oléagineuses utilisées pour la production de biodiesel est largement inférieur à celui de la canne à sucre pour l'éthanol. Ainsi, un hectare de palme permet de produire 4.000 litres de biodiesel, ce chiffre s'élevant à moins de 1.000 litres pour le ricin et même à 600 litres pour le soja (contre 7.000 litres d'éthanol pour un hectare de canne à sucre). Au surplus, la production de biodiesel, même défiscalisée 51 ( * ) , reste bien plus coûteuse que celle du diesel : le biodiesel produit à base d'huile de ricin coûte plus de 3 reais par litre, celui à base d'huile de palme plus de 2 reais. Un litre de diesel ordinaire coûtant un peu moins de 1,5 real par litre, la seule plante offrant un coût compétitif reste aujourd'hui le soja, pour un prix au litre légèrement inférieur .

Lors de sa visite du centre de recherche de Petrobras , il a été précisé à votre délégation qu'il était impératif de réduire ces coûts pour véritablement favoriser l'utilisation du biodiesel. L'entreprise estime en effet être en mesure d'effectuer des progrès substantiels à moyen terme avec le développement des biocarburants de deuxième génération produits à partir de la cellulose.

Toutefois, au-delà de cette question des coûts, votre délégation a pleinement perçu le fait que le programme biodiesel poursuit une forte finalité sociale. A l'instar du sénateur Heráclito Fortes, président de la commission des relations extérieures et de la défense nationale du Sénat fédéral, qui revendique la vocation sociale de cette politique, les autorités du Brésil font valoir que la mise en oeuvre du plan « biodiesel » a pour ambition de sortir de la misère plusieurs centaines de milliers de familles brésiliennes, souvent de petits agriculteurs vivant de la culture de plantes oléagineuses. Selon le président Lula da Silva, la mise en oeuvre du programme aurait ainsi déjà permis de donner du travail à 250.000 personnes .

*

* *

* 49 L'utilisation du diesel est autorisée pour les véhicules 4x4, les autobus et les véhicules d'une capacité utile de plus de 1.000 kilos.

* 50 Plante de la famille des euphorbiacées, le jatropha est une espèce végétale originaire d'Amérique du Sud dont il existe plus de 160 variétés. La plus répandue dans le sous-continent est le jatropha curcas , arbuste dont les fruits sont riches en huile.

* 51 Les exonérations fiscales diffèrent selon les régions de production au Brésil (l'exonération la plus élevée étant réservée à l'agriculture familiale du nord-est) et selon les produits. Le bénéfice de l'exonération totale dépend de l'obtention ou non d'un label.

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