2. Le retard de la métropolisation française

Lorsque l'on compare les grandes villes françaises à leurs consoeurs européennes ou internationales, force est de constater que les grandes villes françaises, hors Paris, n'ont pas le poids démographique de leurs homologues. On observe, en particulier, l'absence de grandes agglomérations de plus de deux millions d'habitants. Cette situation trouve son origine à la fois dans la prédominance historique de Paris mais aussi dans l'importance du fait rural sur notre territoire.

De nos jours, on estime que la France a une densité de population moyenne. Elle dispose d'un ensemble de villes nombreuses (30 agglomérations de plus de 200 000 habitants contre 34 pour l'Allemagne et 32 pour la Grande-Bretagne) mais dont la « maille » est particulièrement large. L'enjeu de la métropolisation consiste donc à densifier ce réseau en favorisant en province l'émergence de villes de plus de 100 000 habitants et en luttant contre l'étalement urbain.

Si sept ou huit grandes agglomérations de province connaissent un véritable processus de métropolisation, elles restent néanmoins très en retard dans le classement des métropoles européennes de plus d'un million d'habitants. Dans une étude de 2003 consacrée à une analyse comparative de 180 villes européennes, la DATAR avait ainsi estimé que Lyon se classait 17 ème , Marseille 23 ème et Toulouse 28 ème .

Cette situation est devenue d'autant plus préjudiciable que les métropoles sont devenues des facteurs essentiels de la croissance économique. Voilà pourquoi la politique de métropolisation nécessaire au territoire français ne doit pas être réservée à la capitale ou même à quelques grandes agglomérations, elle doit être globale et comporter à la fois un programme d'investissements ambitieux et une modification des règles de gouvernance. Comme le souligne Dominique Perben : « rien ne se fera sans une volonté politique forte qui saura prendre le risque de remettre à plat puis de transformer radicalement l'organisation territoriale de la France ainsi que les compétences qui constituent le cadre des relations entre les différents acteurs de la vie économique du pays » .

Même si tel n'était pas son objet, Dominique Perben a également été amené à évoquer, dans le cadre de sa mission parlementaire sur l'avenir des métropoles, la question de la gouvernance des métropoles. Il a ainsi constaté que le modèle aujourd'hui en vigueur conçu pour une France essentiellement rurale ne convenait pas à un pays dominé maintenant par ses aires urbaines et ses métropoles. Il a aussi estimé que la multiplication des intercommunalités « défensives » et l'émiettement intercommunal pesaient sur la capacité des grandes agglomérations à devenir des pôles véritablement attractifs.

Pour améliorer la gouvernance des métropoles, le député du Rhône propose plusieurs pistes de réflexion. La première consisterait, comme le proposent les députés Jean-François Mancel et Jérôme Bignon, à fusionner les départements et les régions à travers l'élection de « conseillers territoriaux » qui siègeraient dans chacune de ces instances. Une deuxième piste consisterait à étendre le périmètre géographique des intercommunalités. Enfin, Dominique Perben fait observer que « pour les agglomérations, la structure communale est à la fois trop grande pour prendre en compte les quartiers et trop étroite pour appréhender le phénomène métropolitain et les problèmes de périphéries. Le canton n'a plus de sens, surtout pour les urbains. Quant à l'intercommunalité, elle s'amplifie, mais trop souvent de manière défensive. Tous ces constats soulèvent le problème de la prise en compte des agglomérations métropolitaines, de leur population et de leur représentation. Ces populations n'ont pas toujours le sentiment d'appartenir à une métropole. Il manque aux aires métropolitaines françaises et européennes une légitimité politique » .

Pour tenir compte de ces nouvelles réalités, le député du Rhône propose, comme troisième piste, d' élire au suffrage universel les Présidents des communautés urbaines et des communautés d'agglomération de plus de 500 000 habitants. Selon lui, il s'agirait d'une rupture majeure par rapport à la tradition institutionnelle française où les Présidents des assemblées territoriales sont élus par les membres de ces assemblées 9 ( * ) mais cette évolution constituerait le seul moyen de concilier la mise en place d'une vraie légitimité politique de la métropole et le respect de la réalité communale.

Proposition de loi n° 655 du 29 janvier 2008
visant à confier à des conseillers territoriaux
l'administration des départements et des régions
présentée par MM. Jean-François Mancel et Jérôme Bignon

Article 1 er

À dater du renouvellement cantonal de 2011, les conseillers généraux, désormais dénommés conseillers territoriaux, règlent par leurs délibérations les affaires départementales au chef-lieu du département et les affaires régionales au chef-lieu de région, en lieu et place des conseillers régionaux.

Article 2

Le mandat des conseillers régionaux est prorogé jusqu'en 2011, date de renouvellement des conseillers généraux qui, devenant conseillers territoriaux, se substitueront à eux.

L'élection des conseillers régionaux est supprimée à dater du renouvellement des conseillers généraux devenus conseillers territoriaux en 2011.

À titre transitoire, la durée du mandat des conseillers territoriaux élus en 2011 ne sera que de trois ans afin qu'un renouvellement de l'ensemble des conseillers territoriaux ait lieu en une seule fois simultanément aux élections municipales en 2014.

Article 3

À dater du renouvellement de 2014, les conseillers territoriaux sont renouvelés en une seule fois pour une durée de cinq ans.

Article 4

Avant mars 2010, le découpage des cantons existant instaurera des territoires exclusivement urbains dans les communes de plus de 30 000 habitants dont les représentants seront élus au scrutin proportionnel de liste.

Article 5

Le gouvernement présentera avant le 1 er mars 2013 un rapport d'évaluation de cette loi, proposant les éventuelles dispositions légales et réglementaires à modifier.

Qu'il s'agisse des contours exacts de la métropolisation ou des formes de gouvernance les plus adaptées, il va de soi que les règles applicables à des métropoles de taille nationale ou européenne ne sont pas forcement adaptées à une métropole de taille mondiale comme Paris. C'est pourquoi il importe d'examiner les spécificités de celle-ci au regard des défis particuliers qu'elle doit relever.

* 9 A noter que dans son rapport n° 74 du 7 novembre 2007 sur l'émancipation de la démocratie locale, M. Jean Puech a proposé de renforcer la légitimité des chefs d'exécutifs locaux (maires et Présidents de conseils général et régional) en les faisant élire au suffrage universel direct.

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