C. DES DIFFICULTÉS CROISSANTES À METTRE EN oeUVRE UNE POLITIQUE DE RÉSORPTION DE L'HABITAT INSALUBRE

1. La politique de résorption de l'habitat insalubre (RHI) en outre-mer : 52 millions d'euros en 2007

Au sein de la LBU, en 2007, ce sont 52,44 millions d'euros qui ont été consacrés à la résorption de l'habitat insalubre (RHI) dans les DOM et à Mayotte ainsi qu'à la participation à l'aménagement des quartiers (PAQ). Le montant des crédits consacrés à la RHI varie fortement d'une année sur l'autre car, comme l'indique le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, les objectifs de construction de logements sociaux sont privilégiés, la RHI servant de variable d'ajustement.

Depuis 2000, on constate une hausse des crédits consacrés à la RHI qui s'établissent en moyenne à 44 millions d'euros par an , soit près de 17 % de la dotation budgétaire moyenne consacrée au logement.

Crédits consacrés à la politique de résorption de l'habitat insalubre

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

Guadeloupe

7,26

6,88

8,75

Guyane

11,31

9,16

10,55

Martinique

3,51

5,29

4,97

Réunion

26,05

20,35

17,62

Mayotte

9,70

7,55

10,55

Total

57,83

49,23

52,44

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

La logique de la politique de résorption de l'habitat insalubre est de mettre en oeuvre des opérations globales. L'objectif est de réaménager l'ensemble d'un quartier en créant ou en modernisant tous les équipements nécessaires : immeubles, réseaux d'assainissement, voirie, etc . Cette politique est en général appliquée aux secteurs urbains les plus dégradés, qui s'apparentent à des « bidonvilles », afin de les transformer en quartiers de logements et d'équipement salubres et intégrés aux réseaux urbains 35 ( * ) . Certaines réalisations sont ainsi particulièrement réussies, comme a pu le constater votre rapporteur spécial à Saint-Denis de La Réunion, à tel point que des habitations de défiscalisation en logement libre se construisent à côté des anciens bidonvilles réhabilités en zones de logement social.

La mise en oeuvre de ces politiques se fait sous la conduite des maires. Les communes sont maîtres d'ouvrage des opérations mais sont fréquemment amenées, du fait de l'insuffisance de leurs services techniques, à faire appel à des sous-traitants, tant pour la conceptualisation que pour la réalisation de ces réhabilitations de quartiers.

Ces opérations de réhabilitation présentent un intérêt à la fois sur les plans sanitaires et sociaux. Ils permettent aussi fréquemment de procéder à une densification de l'occupation des terrains qui est doublement bénéfique. D'une part, elle favorise l'augmentation de l'offre de logements dans le contexte de pénurie du foncier disponible et d'accroissement démographique qui caractérise les collectivités territoriales d'outre-mer. D'autre part, elle permet, en augmentant le nombre de foyers de la zone de rendre l'investissement plus profitable.

Saint-Denis de La Réunion : exemple de bidonville, situé à quelques centaines de mètres de la préfecture

Saint-Denis de La Réunion : exemple d'ancienne zone de bidonvilles réhabilitée en logements sociaux

1. 2. Malgré les réalisations, les besoins restent constants et sont de plus en plus difficiles à satisfaire

a) Une évaluation difficile du nombre de logements insalubres : plus du quart du parc immobilier ?

L'évaluation du nombre de logements insalubres dans les collectivités territoriales d'outre-mer reste complexe étant donné le caractère dispersé et parfois non déclaré des logements concernés. Le secrétariat d'Etat à l'outre-mer reconnaît lui-même que « les éléments de connaissance sur la situation de l'insalubrité sont très parcellaires » 36 ( * ) . Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le nombre de logements insalubres dans les DOM s'élève à près de 55.000, soit environ le quart du parc immobilier .

Ces chiffres recouvrent une réalité très diverse que votre rapporteur spécial a pu constater sur place : l'habitat insalubre peut aussi bien être un « bidonville » constitué de murs en tôle, sans eau ni électricité qu'une maison illégale, en briques, raccordée aux réseaux urbains.

Selon les données fournies par l'Agence pour l'observatoire de La Réunion, l'aménagement et l'habitat (AGORAH), le nombre de ménages vivant en situation d'insalubrité est d'environ 20.000 à La Réunion . Cette estimation date du dernier recensement exhaustif de 1998.

Un nouveau recensement du logement insalubre à La Réunion est en cours. Il semble, selon les informations recueillies sur place par votre rapporteur spécial, que ce nombre soit resté constant depuis 10 ans et qu'il soit encore aujourd'hui proche de 20.000. Les difficultés rencontrées dans l'évaluation du nombre de logements insalubres expliquent que les chiffres les plus récents communiqués par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer sur l'évolution du nombre de logements insalubres datent de 2003.

Evolution du nombre de logements insalubres en outre-mer

Guadeloupe

Guyane

Martinique

Réunion

Mayotte

Total

1998

20.000

6.000

5.500

21.400

10.041

62.941

2003

21.000

7.800

5.000

20.600

14.277

68.677

Evolution sur 5 ans

+ 5 %

+ 30 %

- 9,1 %

- 3,74 %

+ 42,19 %

+ 9,11 %

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

b) L'insuffisance du logement social et la dispersion de l'habitat insalubre expliquent la permanence de l'insalubrité

Votre rapporteur spécial constate donc que la politique de résorption de l'habitat insalubre (RHI) à La Réunion, malgré ses réalisations importantes, permet d'endiguer, mais non de résorber réellement l'habitat insalubre .

Une des raisons qui expliquent cette difficulté résulte des changements constatés dans la structure de l'habitat insalubre. Il y a dix ans, les poches d'insalubrité étaient constituées de secteurs relativement vastes, identifiables et concentrés, qui s'apparentaient à des « bidonvilles » étendus. Les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteur spécial font ainsi référence à des surfaces de 20 à 30 hectares. Suite aux efforts poursuivis, notamment dans les années 80, pour résorber ces zones, l'habitat insalubre a pris une forme plus diffuse, consistant en plusieurs groupes d'habitations très dispersés et moins facilement repérables . L'insalubrité s'est aussi déplacée sur les hauteurs des villes et dans les profondeurs des parcelles, par exemple derrière des constructions légales, ce qui la rend moins visible .

Les opérateurs font donc face à des opérations rendues plus difficiles, le mode habituel de réaménagement complet de grands secteurs urbains au travers de larges opérations de RHI n'étant plus adapté à la lutte contre ces habitats insalubres.

L'autre raison qui explique la permanence du nombre de logements insalubres est la chute des réalisations de logements sociaux . Les deux problématiques sont liées puisque les personnes qui ne trouvent pas à se loger dans des logements sociaux et qui n'ont pas les moyens de se loger en logement libre sont plus à même de constituer des poches d'insalubrité, en se logeant où ils le parviennent. Ce constat est un argument supplémentaire qui plaide pour une augmentation forte de la production de logements sociaux en outre-mer. En favorisant la production de davantage de logement social, l'Etat lutte parallèlement contre le logement insalubre et évite ainsi des coûts supplémentaires qui résulteraient nécessairement de la politique de RHI à mettre en oeuvre.

c) L'immigration clandestine est facteur d'habitat insalubre

Si le manque de logement social peut, en partie, expliquer la permanence de zones d'habitat insalubre, elle n'en est pas seule responsable. En effet, les étrangers en situation irrégulière ne peuvent bénéficier de logements sociaux, ceux-ci étant réservés aux Français ainsi qu'aux étrangers en situation régulière.

Par conséquent, la présence d'immigrés clandestins, qui disposent souvent de peu de ressources, conduit à l'existence de logements illégaux qui sont plus à même d'être en situation d'insalubrité . Ainsi, dans les collectivités territoriales d'outre-mer où l'immigration clandestine est la plus forte, c'est-à-dire Mayotte et la Guyane, la lutte contre l'habitat insalubre est rendue plus difficile. Elle passe en partie par une meilleure maîtrise des flux migratoires et un contrôle plus efficace des filières d'immigration clandestine.

3. Des recommandations de l'audit de modernisation qui restent à mettre en oeuvre

Une mission d'audit de modernisation s'est penchée sur la question du pilotage de la politique de résorption du logement insalubre en outre-mer et a rendu son rapport en janvier 2006 37 ( * ) .

Constatant notamment « la difficulté des collectivités territoriales à s'engager dans des opérations de RHI », elle a formulé plusieurs propositions de réformes, dont un des objectifs majeurs serait d'assurer un meilleur partenariat entre l'Etat et les communes . Ce partenariat est nécessaire. En effet, l'Etat, en vertu de la circulaire interministérielle du 26 juillet 2004 38 ( * ) , est le principal contributeur aux opérations de RHI puisqu'il subventionne en général les opérations à hauteur de 80 %, tandis que les communes, du fait de leurs prérogatives en matière d'urbanisme, sont les maîtres d'ouvrage de ces opérations.

Si, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le secrétariat d'Etat à l'outre-mer semble favorable aux orientations dégagées par l'audit de modernisation, il en est encore au stade de la formulation de propositions de réformes devant permettre une meilleure collaboration entre l'Etat et les communes et surtout une plus grande implication de celles-ci dans la politique de RHI, objectif que partage entièrement votre rapporteur spécial.

Votre rapporteur spécial tient à souligner l'urgence de la situation, certaines familles vivant aujourd'hui dans des situations d'insalubrité qui ne sont pas dignes de la République .

* 35 Voir photos pages 39 et 40.

* 36 Réponse aux questionnaires transmis par votre rapporteur spécial.

* 37 « Rapport sur la contribution de l'Etat à la politique de résorption de l'habitat insalubre mise en oeuvre en outre-mer », mission d'audit de modernisation, janvier 2006, inspection générale de l'administration, inspection générale des finances, conseil général des ponts et chaussées et contrôle général économique et financier.

* 38 Circulaire interministérielle DAESC/ASC/DHPV n°4013 du 26 juillet 2004 relative aux modalités de financement et de déconcentration de la procédure de résorption de l'habitat insalubre dans les DOM.

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