N° 392

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 juin 2008

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour la Planification (1) sur la stratégie de recherche et d' innovation en France ,

Par MM. Joseph KERGUERIS et Claude SAUNIER,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Joël Bourdin, président ; M. Pierre André, Mme Évelyne Didier, MM. Joseph Kergueris, Jean-Pierre Plancade, vice-présidents ; MM. Yvon Collin, Claude Saunier, secrétaires ; MM. Bernard Angels, Gérard Bailly, Yves Fréville, Yves Krattinger, Philippe Leroy, Jean-Luc Miraux, Daniel Soulage .

INTRODUCTION

Les études économiques convergent pour reconnaître à la recherche et à l'innovation un rôle central pour la croissance économique. Toutefois, certains assimilent hâtivement croissance, innovation, R&D, R&D publique et recherche fondamentale publique : si chacun des ces éléments sont corrélés positivement, le lien est cependant loin d'être mécanique.

Il convient, par exemple, de distinguer la recherche de l'innovation : seule l'innovation est créatrice de richesse tandis que la recherche conditionne, dans une certaine mesure, l'innovation.

Par ailleurs, recherche et croissance sont, elles-mêmes, indissolublement liées à l'enjeu de développement durable. Comme l'a souligné le Grenelle de l'environnement 1 ( * ) , si la réflexion sur la croissance doit prendre en compte le développement durable, l'orientation de la recherche peut concilier des perspectives trop souvent présentées comme antinomiques 2 ( * ) .

Le diagnostic d'un handicap structurel de l'Europe par rapport aux États-Unis a été formulé par la commission européenne 3 ( * ) au milieu de années quatre-vingt-dix. Il repose sur la difficulté de l'Europe à valoriser suffisamment les résultats de sa recherche fondamentale, dont la qualité intrinsèque est peu contestée par ailleurs.

Ce « paradoxe européen » a suscité des politiques tendant à resserrer les liens entre la recherche publique et le monde de l'entreprise, avec quelque succès, si l'on considère, en particulier, les résultats de pays comme l'Allemagne, la Suède ou la Finlande.

Mais en France, de nombreux observateurs déplorent encore une recherche publique dont l'organisation serait inadaptée ainsi qu'un manque d'intérêt des chercheurs pour la valorisation économique de leurs inventions, qui expliqueraient la difficulté que nous connaîtrions pour multiplier les innovations de croissance.

Ce constat s'effectue dans le cadre d'un système de recherche public où la place de l'université est minorée face au rôle prééminent des grands organismes, ce qui constitue une autre spécificité française.

Ces critiques ont justifié l'intervention du législateur : on mentionnera la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, puis la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche, enfin la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

Si ces derniers textes n'ont pu, encore, déployer tous leurs effets, la question méritait d'être posée -et elle le mérite toujours- des performances du système français de recherche et d'innovation, ce qui implique une réflexion sur les premiers maillons de la chaîne de l'innovation : l'invention, le développement et l'investissement.

*

La recherche publique détermine, de la façon la plus immédiate, la compétitivité à moyen terme des acteurs économiques français, par le soutien à la compétitivité industrielle au travers de la maîtrise technologique.

Dans ce cadre, l'administration se livre à un exercice de recensement des technologies clés, qui identifie les technologies stratégiques pour la nation. Réalisé par trois fois depuis 1995, le dernier exercice s'intitule « Technologies clés 2010 ». Conduit par la direction générale des entreprises (DGE) 4 ( * ) avec une grande partie des acteurs de la recherche, il a identifié en 2005-2006 les technologies essentielles pour la France à l'horizon de 2010.

Dans une première approche, il a paru utile à votre Délégation de qualifier l'adéquation des objectifs et des moyens des principaux organismes de recherche publics vis-à-vis des technologies clés ainsi répertoriées . Elle s'est appuyée, pour ce premier travail, sur une étude du BIPE, missionné pour la circonstance, annexée au présent rapport.

Pour effectuer ce travail, le BIPE a identifié, parmi les 83 technologies clés répertoriées par le document « Technologies Clés 2010 », 36 technologies « émergentes » 5 ( * ) , qui « représentent un point essentiel pour la bonne gouvernance stratégique de la recherche », car « ce sont elles sur lesquelles les organismes publics ont le plus de leviers, les technologies plus matures par définition étant sous la maîtrise des entreprises ».

*

Le présent rapport du Sénat élargit cet angle d'approche :

- en amont, en précisant les enjeux de la recherche et de l'innovation en termes de croissance économique , puis en positionnant la recherche française , aussi bien publique qu'effectuée par les entreprises, dans l'économie mondiale ;

- en aval, par un examen critique du système français de recherche de l'innovation, en traitant la question de la programmation de la recherche et de sa valorisation , partie liée à la problématique de l'évaluation .

NB : au sein du présent rapport, l'accent est mis, dans le prolongement des travaux du BIPE, sur l'efficacité des organismes publics de recherche. L'Université ainsi que le statut des chercheurs et enseignants-chercheurs constituent des problématiques qui, bien que fortement connexes, ne font pas ici l'objet d'un traitement autonome.

.

* *

*

* 1 Le sixième groupe de travail du « Grenelle » était intitulé « Promouvoir des modes de développement écologiques ».

* 2 Il s'agit de « mener une politique ambitieuse en matière de recherche-développement pour les innovations éco-responsables, en mettant l'accent sur la phase de transition vers l'industrialisation. C'est pourquoi une attention particulière doit être accordée à la mobilisation et la coordination des pôles de compétitivité travaillant dans le domaine de l'environnement, à l'augmentation du crédit impôt-recherche et au financement de démonstrateurs ».

* 3 Livre vert de la Commission sur l'innovation, 1995.

* 4 Au ministère de l'économie, des finances et de l'emploi.

* 5 Technologies clé n'ayant pas encore atteint un degré de maturité suffisant pour être utilisées par le marché et/ou parce que le marché à qui elles sont destinées n'est pas encore suffisamment développé.

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