TRAVAUX DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Audition de M. Gérard LARCHER, président de la commission de concertation (mardi 8 avril 2008)

La commission a entendu M. Gérard Larcher, président de la commission de concertation , présenter son rapport établi sur les missions de l'hôpital.

M. Gérard Larcher, président de la commission de concertation , a rappelé que le 16 octobre dernier, le Président de la République lui a confié la présidence d'une commission chargée de conduire une réflexion approfondie sur les missions de l'hôpital, avec un objectif d'optimisation de la qualité des soins et des moyens. Cette commission, composée de vingt-trois personnalités d'origines diverses (praticiens hospitaliers, médecins libéraux, représentants des usagers, de l'assurance maladie, directeurs d'établissements de santé et personnalités qualifiées), assistée de six rapporteurs, a procédé à deux cents auditions et a organisé six débats en région.

Le rapport final, qui sera remis au Président de la République demain, mercredi 9 avril, peut constituer le soubassement d'un futur texte législatif portant réforme du système de santé.

Cette commission s'est attachée à définir le rôle de l'hôpital. Des solutions ont été proposées pour éviter un recours abusif à l'hôpital, notamment en optimisant la permanence des soins qui doit devenir une ardente obligation pour tous les acteurs du système de santé.

Dans ce domaine, les futures agences régionales de santé (ARS) devront détenir des compétences spécifiques et mettre en oeuvre un numéro d'appel unique. L'organisation de la permanence des soins devra associer étroitement les maisons de santé et les hôpitaux locaux. Les centres de santé, notamment ceux présents dans les zones périurbaines, pourront participer à la permanence des soins.

M. Gérard Larcher a précisé que la mission s'est aussi penchée sur les moyens de mieux organiser l'activité non programmée à l'hôpital. Le volume de ces activités dépend essentiellement des passages dans les services d'urgences. Or, l'organisation actuelle ne favorise pas une prise en charge adaptée, elle entraîne des surcoûts financiers et ne répond pas aux besoins exprimés par les populations.

Le caractère insatisfaisant, voire détestable dans certains cas, des relations entre la médecine de ville et la médecine hospitalière a été analysé. Une défaillance de la communication est constatée entre ces deux pôles, ce qui pose des problèmes de fluidité du parcours de soins, notamment lorsqu'il faut préparer la sortie d'un malade après une hospitalisation. Pour les associations d'usagers, l'amélioration des relations ville-hôpital constitue un objectif majeur pour l'optimisation de la qualité des soins.

Avec l'accord du Président de la République, la commission a étendu son analyse aux problèmes de coordination rencontrés entre le secteur médicosocial et les secteurs sanitaires, qui provoquent également des difficultés de prise en charge des patients. Les ARS devront être associées à la gestion du médicosocial, en coopération avec les conseils généraux, pour régler les dysfonctionnements constatés et promouvoir la coopération interdépartementale. Les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac), actuellement définis par les préfets de région, devront être établis par les futures ARS.

A titre expérimental, des plates-formes transversales associant les maisons départementales du handicap et des centres locaux d'information et de coordination (Clic) aux établissements de santé et aux établissements médicosociaux pourraient être mises en oeuvre.

Par ailleurs, il est nécessaire de redéployer les structures hospitalières ayant des activités de soins aigus vers le médicosocial, mutations qui ne soulèvent pas de problèmes juridiques particuliers, puisqu'elles ne nécessitent plus l'autonomisation juridique des structures médicosociales.

Puis M. Gérard Larcher a précisé que l'organisation territoriale de l'hôpital a été la deuxième grande problématique au coeur des travaux de la mission, conformément aux propos du Président de la République qui a évoqué la possibilité d'une réunion des établissements situés sur un même territoire autour d'un établissement référent lors de l'installation de la commission.

Les ARS auront des responsabilités en matière d'organisation de l'offre de soins, notamment pour définir, à partir des besoins exprimés par la population, l'offre de soins nécessaire pour chaque territoire de santé.

Le territoire de santé constitue le niveau d'organisation pertinent du système de santé. Cette territorialisation des politiques de santé doit être mise à profit pour renforcer les liens entre les établissements de santé publics de cette zone et pour mutualiser leurs moyens.

Cette démarche rompt avec celle habituellement utilisée dans le cadre des opérations de restructuration et s'appuie sur la démographie médicale et sur les exigences de sécurité. Cette situation conduit le réseau hospitalier à subir les restructurations, alors qu'il est indispensable de bâtir une recomposition au sein du territoire de santé dont la communauté hospitalière de territoire, entité juridique nouvellement créée, constituera la colonne vertébrale. Cette communauté hospitalière de territoire, inspirée des principes de l'intercommunalité, sera fondée sur le volontariat et comportera des compétences obligatoires et optionnelles. Les questions relatives à l'investissement et au personnel médical seront assurées par la structure commune, tandis que la gestion du personnel non médical relèvera de la compétence de chaque établissement. Le conseil d'administration de cette nouvelle structure sera composé de délégués de tous les établissements membres du regroupement.

M. Gérard Larcher a indiqué que la commission suggère également une modification importante du statut des établissements publics de santé qui date de 1942. La situation actuelle se caractérise par une irresponsabilité globale, puisque seul le ministre exerce une responsabilité en matière financière. Un établissement peut accumuler les déficits pendant plusieurs années sans être sanctionné et sans que la carrière de son directeur n'en pâtisse.

La commission propose donc un statut spécifique pour les établissements de santé publics qui ne seront ni des établissements publics administratifs (Epa), ni des établissements publics industriels et commerciaux (Epic). Le directeur sera responsable de la gestion de l'établissement sur le fondement d'un contrat d'objectifs et de moyens conclu avec le conseil de surveillance de l'établissement. Un directoire, vice-présidé par le président de la commission médicale d'établissement (CME), assistera le directeur. Un conseil de surveillance, dont le président sera élu parmi le collège des élus locaux et des personnalités qualifiées, se substituera à l'actuel conseil de surveillance. Les associations d'élus ont fait part de leur souhait de conserver la présidence des établissements de santé, fonction que ne revendiquent pas les associations d'usagers, qui souhaitent en revanche être associées à la détermination des orientations stratégiques de l'établissement.

Le directeur sera nommé par le conseil de surveillance, à partir d'une liste de candidats présentés par le centre national de gestion ou parmi ceux proposés par le conseil lui même. La fonction de directeur ne sera plus réservée aux titulaires d'un diplôme de l'école nationale de la santé publique, devenue l'école des hautes études en santé publique. Le centre national de gestion sera chargé d'informer l'ARS et le président du conseil de surveillance des qualités requises pour exercer la direction de l'établissement. Le conseil de surveillance pourra révoquer le directeur en cas de mauvaise gestion.

Les établissements disposeront de l'autonomie financière et seront régis par les règles de la directive européenne relative à la transparence financière et non plus celles du code des marchés publics. Enfin, un commissaire aux comptes certifiera les comptes.

M. Gérard Larcher a précisé que le statut des personnels non médicaux ne sera pas modifié. En effet, la mobilité des personnels, qui concerne entre 5 % et 10 % des effectifs des établissements, permet de mener une politique de gestion des ressources humaines satisfaisante, notamment pour ajuster le nombre d'emplois en fonction de l'évolution de l'activité des hôpitaux.

Le statut des praticiens hospitaliers pourra connaître des évolutions avec l'introduction d'un mode de rémunération mixte tenant compte de l'activité, de la pénibilité et des responsabilités exercées au sein de l'établissement. Ce contrat sera optionnel et les praticiens hospitaliers conserveront un droit de retour vers le statut antérieur. Cette évolution doit encore faire l'objet de discussions avec les présidents de conférences de commissions médicales d'établissements (CME) et les syndicats de praticiens hospitaliers.

Les jeunes médecins sont très attentifs à la qualité du travail et à l'adaptabilité de l'environnement ; ce sont donc deux points sur lesquels l'hôpital public doit s'améliorer pour demeurer attractif.

La question de l'attractivité de l'hôpital pour les personnels non médicaux devra également être prise en compte, notamment par le biais de la délégation d'actes, de l'intéressement, de la valorisation des métiers, ainsi qu'en favorisant l'émergence de nouvelles professions.

M. Gérard Larcher a ensuite évoqué la question des établissements de santé privés à but lucratif. Au moment où le déficit des établissements publics peut être estimé à 900 millions d'euros pour 2007, la société « Générale de santé », qui gère des établissements de santé privés, verse 400 millions d'euros de dividendes à ses actionnaires, bénéfices réalisés pour moitié grâce à son activité médicale et pour l'autre moitié grâce à une redéfinition de sa politique immobilière ! Il faut d'ailleurs mesurer le service rendu ici par les groupes privés, qui occupent une place de plus en plus importante dans les activités de chirurgie ; en Auvergne par exemple, en dehors de l'hôpital de Clermont-Ferrand, tous les établissements qui assument des activités de chirurgie sont détenus par un actionnaire privé.

Il est donc légitime d'organiser cette coopération et d'associer, dans des contrats de service public, les établissements de santé privés à but lucratif afin de définir les modalités de leur participation aux activités de permanence des soins, aux urgences, à la prise en charge des patients bénéficiant de la couverture maladie universelle et même à la formation des professionnels de santé : il faut savoir que dans certains domaines spécialisés par exemple celui de la chirurgie de la main, la formation de jeunes chirurgiens ne peut pas être assurée de façon convenable par l'hôpital, car il n'existe plus que trois équipes publiques. Enfin, il est indispensable que ces contrats fixent les conditions dans lesquelles certains de ces actes doivent être facturés en tarifs opposables du secteur 1.

La concentration capitalistique peut également poser des problèmes d'éthique médicale. Telle est la raison pour laquelle la commission propose de confier aux CME un droit d'alerte médicale, sur le modèle du droit d'alerte sociale dont disposent les syndicats dans les entreprises privées.

Par ailleurs, une réflexion a été menée sur les conséquences que peut avoir, sur le système de santé, l'entrée de fonds financiers attirés par la rentabilité actuelle du secteur privé hospitalier. Les pouvoirs publics doivent se préoccuper des actions à mener en cas de création d'un monopole dans une région, d'une part, en définissant cette situation de monopole, d'autre part, en confiant à une autorité de la concurrence le soin de fixer les seuils sur chaque territoire de santé. Ils doivent également favoriser les investissements à long terme en s'appuyant sur des partenaires institutionnels tels que la Caisse des dépôts et consignations ou les grands groupes bancaires afin d'éviter que les investisseurs ne se retirent brutalement si la rentabilité financière du secteur vient à se réduire. Enfin, les médecins et les chirurgiens doivent être incités à porter une partie du capital des établissements privés où ils exercent. En tout état de cause, la France est un des seuls pays à disposer d'établissements privés à but lucratif en nombre aussi important.

M. Gérard Larcher a ensuite abordé la question de la recherche et de l'enseignement. Il a fait valoir que 30 % des publications scientifiques émanent du secteur médical et que 85 % de ces publications sont le fait de 15 % des équipes médicales publiques. Cette efficacité doit être préservée grâce au développement d'une politique interministérielle spécifique prenant appui sur l'agence nationale de la recherche (ANR) et l'institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ; il faut favoriser la labellisation d'équipes à dimension interrégionale. La formation des médecins doit être adaptée aux besoins régionaux et les insuffisances du système d'information hospitalier sont regrettables.

M. Nicolas About, président , a souligné la convergence de vues entre les travaux de la commission des affaires sociales et les propositions émises par la commission de concertation. Il a voulu savoir si des recommandations ont été faites dans le secteur de la prise en charge psychiatrique.

M. Alain Milon a indiqué que la mise en oeuvre d'une rémunération mixte, comprenant une part fixe et une part variable en fonction de l'activité, constitue une revendication des praticiens hospitaliers. Les pouvoirs publics doivent également se pencher sur la situation des internes en médecine, et notamment leur rémunération, quand on sait qu'une garde leur est payée moins qu'elle ne l'est au personnel infirmier.

Mme Isabelle Debré a déploré la disparité territoriale de l'accès aux soins palliatifs, à laquelle il convient impérativement de remédier.

M. Alain Vasselle a fait valoir l'intérêt de créer un lien entre la rémunération des médecins et leur niveau d'activité, notamment avec l'introduction des nouvelles modalités de financement des établissements de santé qui dépendent désormais à 100 % de leur activité réelle.

Il a demandé quel est le montant des frais supportés par la sécurité sociale au titre du centre national de gestion et s'est s'interrogé sur l'impact financier des réformes proposées et notamment sur les résultats financiers qui peuvent être attendus lorsque la productivité des établissements sera améliorée.

M. François Autain a fait part de son intérêt pour la création des communautés hospitalières de territoire. Les différentes solutions expérimentées pour optimiser la permanence des soins ont jusqu'à présent échoué et ce problème ne pourra pas être résolu sans une vraie réforme de l'organisation du système de santé.

Il a souhaité que la révision des modes de rémunération des praticiens hospitaliers soit mise à profit pour réfléchir aux moyens d'unifier les modalités de rémunération des médecins.

L'intervention de plus en plus importante des capitaux privés dans le secteur privé doit être prise en compte par les autorités sanitaires en charge de la détermination des tarifs, et donc, de la rentabilité du secteur privé.

M. Gérard Larcher a indiqué qu'en raison des délais qui lui étaient impartis, la mission a renoncé à traiter deux sujets dont l'importance et la spécificité impliqueraient qu'un rapport particulier leur soit consacré : l'outre-mer et les activités de psychiatrie. Elle a en revanche abordé la question des soins palliatifs, et notamment du développement des équipes mobiles. Une réflexion a également été menée sur la localisation d'antennes Samu chargées d'assurer la prise en charge des accidents cardiovasculaires.

Pour ce qui concerne la rémunération des internes, cette question a été abordée dans le cadre des Etats généraux de l'offre de soins organisés au début de l'année sous l'égide de la ministre de la santé.

Enfin, la commission de concertation n'a pas évalué le coût de ses propositions. Elle a jugé que les nouvelles règles imposées aux établissements de santé sont contraignantes et permettront aux directeurs d'exercer leurs responsabilités en matière financière, responsabilité qu'ils ne sont pas en mesure d'assumer aujourd'hui, faute d'outils de régulation.

Examen du rapport (18 juin 2008)

Réunie le mercredi 18 juin 2008 , sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport d'information , établi au nom de la Mecss, de MM. Alain Vasselle et Bernard Cazeau sur le coût de l'hôpital .

M. Alain Vasselle, rapporteur , a rappelé que le Président de la République a exprimé son souhait de placer l'hôpital au centre des préoccupations des autorités sanitaires. De nombreuses études sur ce thème ont été lancées dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, la principale d'entre elles étant celle établie par la commission de concertation relative aux missions de l'hôpital, présidée par Gérard Larcher. La Mecss a jugé également nécessaire de travailler sur ce sujet de l'hôpital, dont les dépenses représentent 44 % de l'Ondam pour 2008, en s'attachant à l'analyse du pilotage de la politique hospitalière, notamment dans la perspective de la création des agences régionales de santé (ARS). Le rapport qu'elle a établi a pour ambition d'étudier des thèmes moins connus, qui constituent pourtant des enjeux majeurs pour l'avenir de l'hôpital.

Le premier d'entre eux est le processus de détermination des tarifs. La mise en oeuvre de la tarification à l'activité, la T2A, suppose la réalisation, sous l'autorité de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (Dhos), de plusieurs études sur les coûts de production des différentes catégories d'établissements afin d'éclairer la détermination des tarifs et l'ampleur de l'écart à réduire dans le cadre du processus de convergence tarifaire entre les établissements publics et privés. A ce jour, deux catégories d'études sont attendues : d'une part, une étude nationale de coûts qui permettra de comparer les coûts de fonctionnement respectifs de chaque secteur, d'autre part, des études complémentaires, indispensables pour analyser les différences de nature des charges portant notamment sur le coût du travail, la prise en charge de la précarité, la permanence des soins, l'impact de la taille des établissements sur les coûts de production et le montant des créances irrecevables.

Or, la situation actuelle est confuse. En effet, le Gouvernement s'était engagé à présenter un bilan des travaux sur la mesure des écarts avant le 15 octobre prochain mais l'échéance sera difficile à respecter car la réalisation des différentes études a accumulé les retards et seuls des résultats partiels seront disponibles pour orienter la campagne budgétaire 2009. Ce n'est donc probablement pas avant les campagnes budgétaires de 2010 ou de 2011 que le détail des écarts de coûts entre public et privé sera connu, rendant impossible de mener le processus de convergence tarifaire à son terme en 2012. Cette situation est également pénalisante pour les établissements de santé car les modifications tarifaires sont reportées d'année en année alors que la communauté hospitalière réclame des ajustements, pour la prise en charge des patients en situation de grande précarité par exemple.

Puis M. Bernard Cazeau, rapporteur , a abordé le deuxième thème du rapport relatif à la situation d'enlisement financier de l'hôpital. Le déficit prévisionnel des établissements de santé a atteint 256 millions d'euros en 2006, les données provisoires de 2007 font état d'un déficit prévisionnel de 400 millions d'euros pour les seuls centres hospitaliers universitaires (CHU) et l'année 2008 devrait voir pour la première fois certains établissements placés sous administration provisoire, signe d'une dégradation supplémentaire de leur situation financière. Pourtant une politique d'aide aux établissements a été mise en oeuvre depuis 2004. Elle se compose d'une aide nationale non reconductible de 300 millions d'euros et repose sur une base contractuelle : les contrats de retour à l'équilibre financier (Cref).

La mise en service de ces contrats a été vivement critiquée par l'Igas car les mesures d'économies qu'ils fixent sont généralement peu ambitieuses, en particulier en ce qui concerne la masse salariale. Le principal défaut de ces contrats est en outre d'avoir tablé sur un développement peu réaliste de l'activité pour redresser la situation financière des établissements concernés. Ces prévisions de recettes irréalistes accompagnées de mesures d'économies insuffisantes expliquent pour l'essentiel que ces Cref n'aient pas atteint leurs objectifs financiers mais seulement permis, dans la majorité des cas, une amélioration apparente de la situation financière grâce aux aides exceptionnelles consenties.

Les problèmes rencontrés proviennent également d'un pilotage national aléatoire, contradictoire, peu en phase avec les actions menées par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) ou les établissements. C'est ainsi que la mise en oeuvre des Cref a coïncidé avec la multiplication de mesures (plan Hôpital 2007, plans de santé publique) pouvant entraîner des augmentations de dépenses. De même, plusieurs séries de dispositifs ont été préconisées pour le redressement financier des hôpitaux. Cette accumulation complique la tâche des gestionnaires. Elle souligne la difficulté de choisir entre le recours à des outils spécifiques de redressement et l'intégration des mesures de retour à l'équilibre dans des dispositions de droit commun.

En définitive, l'examen détaillé de la situation financière actuelle des établissements de santé milite incontestablement en faveur d'une réelle amélioration du pilotage, tant national que régional, des établissements de santé.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a ensuite exposé le troisième thème du rapport, celui de l'emploi, sujet qui, à certains égards, semble tabou. Bien que la masse salariale, pour les seuls établissements publics, s'élève à 36 milliards d'euros, soit 23 % de l'Ondam, la question de l'emploi hospitalier suscite peu de débats publics, y compris durant l'examen de la loi de financement de la sécurité sociale. Là encore, un constat de défaut doit être dressé : les autorités de tutelle ne disposent pas d'un outil de gestion statistique performant. Aucune projection démographique centrée sur les effectifs des établissements de santé n'est disponible. Aussi, en pratique, faute d'indicateurs, les estimations des besoins ont tendance à se fonder sur l'offre existante plutôt que sur les réels besoins de santé. Cette situation est dénoncée tant par la Cour des comptes que par l'observatoire national de la démographie médicale des professions de santé (ONDPS).

Même la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, qui constitue pourtant un des faits les plus marquants dans le domaine de l'emploi hospitalier au cours des dernières années, ne fait l'objet d'aucun bilan global : ses conséquences financières ne sont pas connues ; une partie des jours de congé et des heures supplémentaires accumulés par les personnels dans les comptes épargne temps (CET), pour assurer la continuité du service lors de l'entrée en vigueur des trente-cinq heures, n'est toujours pas rémunérée. Ces illustrations démontrent que la gestion des ressources humaines ne semble pas constituer une priorité pour les autorités de tutelle, alors que pourtant le principe de la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences a été introduit à l'hôpital dès 1997.

Une gestion active des ressources humaines est désormais impérative pour éviter une crise majeure, d'autant que la fonction publique hospitalière connaît un choc démographique sans précédent : entre 1999 et 2015, 385 000 départs à la retraite sont prévus, soit 55 % des effectifs de 1999. Cette évolution, alliée à la mise en oeuvre de la T2A, constitue une opportunité pour engager une réflexion sur la gestion prévisionnelle des carrières. En prenant appui sur les travaux de la mission d'expertise et d'appui aux hôpitaux (MeaH), les établissements doivent réfléchir à leur organisation. La sous-utilisation de plateaux techniques leur impose, par exemple, des contraintes financières beaucoup plus pénalisantes que celles liées au statut des personnels.

Seules les autorités de tutelle nationale et régionales peuvent accompagner les directeurs dans cette démarche car il est illusoire de penser que les directeurs pourront seuls mettre en oeuvre des plans de retour à l'équilibre comportant des restructurations et des mesures relatives au personnel. Les autorités de tutelle, au premier chef la Dhos, doivent impérativement mettre en place des outils de gestion pour suivre l'évolution des effectifs et des dépenses. Sur ce dernier point, la Cour des comptes a souligné que les dépenses de personnel ne sont pas connues avec suffisamment de précision : il est actuellement impossible de les analyser en distinguant, d'une part, les conséquences de la modification des effectifs, d'autre part, le poids des revalorisations catégorielles, que ces dernières soient communes à l'ensemble de la fonction publique ou propres au secteur hospitalier. Par ailleurs, on ignore souvent les conséquences financières de certaines décisions et le ministère des comptes publics considère qu'il ne détient que peu d'informations sur les mesures catégorielles qui sont financées par la sécurité sociale dans le cadre des lois de financement.

M. Alain Vasselle, rapporteur , en a conclu qu'il serait légitime que le Parlement obtienne des renseignements complémentaires sur un poste budgétaire qui absorbe plus de 23 % du montant de l'Ondam.

M. Nicolas About, président , a souligné la nécessité d'analyser les facteurs ayant permis à certains établissements de santé de restaurer leur situation financière dans le cadre des Cref mis en oeuvre par les autorités hospitalières en 2004.

M. François Autain a indiqué qu'outre le problème de pilotage de la politique hospitalière, mis en exergue par les rapporteurs, le système hospitalier se caractérise par un financement insuffisant, ce dont témoigne le déficit de vingt-neuf des trente et un CHU. Le groupe CRC se propose donc de joindre au rapport de la Mecss une contribution écrite pour souligner ces difficultés qui marquent l'échec des nombreuses réformes engagées depuis 1996. Leur succession à un rythme rapide n'a permis ni leur mise en oeuvre réelle, ni leur évaluation et a conduit, en outre, à la désorganisation des établissements de santé qui ne peuvent faire face à ces évolutions et s'inquiètent des nouvelles réformes d'ores et déjà annoncées pour l'automne. Par ailleurs, le montant des sous-objectifs hospitaliers de l'Ondam est systématiquement sous-évalué par rapport aux besoins de financement des établissements de santé pour couvrir leurs charges, afin de les contraindre à des gains de productivité. Ce choix des autorités de tutelle a pour effet d'aggraver la situation financière des établissements et porte en outre atteinte à la qualité des soins. Les modalités de financement des établissements de santé publics doivent donc être révisées afin de tenir compte de leurs missions spécifiques, par exemple en limitant le financement à l'activité à 50 % de leur budget, le solde étant versé sous forme d'une dotation destinée à couvrir les charges afférentes aux missions de service public.

Il a en outre jugé que le processus de convergence tarifaire entre les établissements publics et privés est dangereux et inapproprié au regard des missions assurées par chacun des acteurs. Cette disparité des situations respectives des établissements publics et privés est, à son sens, insuffisamment mise en lumière par les rapporteurs.

M. Gilbert Barbier a estimé nécessaire de mettre fin à la culture du « toujours plus » qui anime certains acteurs du système de santé. Les directeurs d'hôpitaux doivent être responsabilisés sur la situation financière des établissements afin de faire cesser des politiques trop attentistes, et jusqu'à présent tolérées par les autorités de tutelle qui ont régulièrement versé des dotations complémentaires pour apurer les déficits.

A son tour, M. Dominique Leclerc a rappelé que le rapport de l'Igas consacré à l'analyse des Cref dresse un tableau précis et argumenté du système hospitalier et souligne la nécessité de fixer des priorités d'action aux directeurs, notamment en matière financière. Cette proposition répond à une préoccupation exprimée par les personnels hospitaliers, notamment dans les CHU, qui souhaitent une évolution de la gouvernance hospitalière dans cette direction. Ce même rapport précise également que les autorités de tutelle ont mené des politiques contradictoires prônant, d'un côté, la réduction des dépenses, de l'autre, une politique d'investissement massif par l'intermédiaire du plan Hôpital 2007 ou des plans de santé publique. Ces investissements ont été concentrés sur une période trop courte pour que les établissements puissent faire des choix toujours pertinents. Cela a pu conduire au maintien d'activités redondantes dans les établissements les plus grands ou ceux installés sur plusieurs sites.

Il a jugé indispensable de développer une gestion plus active des ressources humaines pour tenir compte des progrès techniques et de la nécessité d'instaurer une mobilité des personnels, notamment pour pourvoir les postes vacants mais aussi pour mettre à bas l'idée selon laquelle l'importance d'un service est proportionnelle à ses effectifs.

M. Guy Fischer a considéré que les conclusions des rapporteurs et les données chiffrées qui les illustrent stigmatisent le personnel hospitalier. Par ailleurs, la montée en charge de la T2A qui aurait dû se faire de manière progressive a connu une accélération brutale puisque le Gouvernement a choisi de la mettre en oeuvre à 100 % dès 2008, situation qui fragilise un peu plus encore les établissements publics. Cette politique se traduit également par la fermeture des petits établissements, et seule l'opiniâtreté des élus et des populations permet le maintien d'une offre de soins publique de proximité.

Il a estimé nécessaire de procéder à une évaluation des transferts d'activités, notamment dans le domaine de la chirurgie, entre les établissements publics et privés. Ces derniers ont profité de la réforme pour augmenter leur marge bénéficiaire et n'hésitent pas à recruter d'anciens hauts responsables de la politique hospitalière pour optimiser le développement de leurs activités.

M. Nicolas About, président , a observé que les différences entre les missions assurées par les différentes catégories d'établissements s'estompent, à tel point que les établissements privés vont pouvoir être associés à la formation des professionnels de santé. Ces transferts devront être accompagnés de financements spécifiques.

M. Michel Esneu a jugé nécessaire de préserver les missions du service public et a fait valoir la qualité du travail réalisé par les personnels hospitaliers. Il a souligné la nécessité d'évaluer le coût financier des missions de service public assurées par les hôpitaux.

M. Nicolas About, président , a indiqué que les missions de service public doivent être financées, qu'elles soient assurées par le secteur public ou le secteur privé, ce qui suppose de les définir précisément et de prévoir les financements correspondants.

M. François Autain a considéré que la particularité des missions exercées par chaque catégorie d'établissement justifie un financement adapté. Il a rappelé l'opposition du groupe CRC à la tarification à l'activité.

M. Alain Gournac a observé que la pérennité de l'activité des établissements publics passe par une optimisation de leur fonctionnement et par la prise en compte de l'activité du secteur privé.

Il a illustré par des exemples locaux l'insuffisance des données statistiques relatives aux effectifs et aux charges salariales de la fonction publique hospitalière. Cette situation constitue une défaillance des autorités de tutelle qui doivent impérativement renforcer les outils de gestion prévisionnelle des emplois et des effectifs.

M. Bernard Cazeau, rapporteur , a estimé que le rapport livre une analyse critique de l'action des autorités de tutelle en matière hospitalière, c'est-à-dire l'Etat.

Il a rappelé son attachement à l'hôpital public tout en soutenant la nécessité de renforcer les modalités de gestion des établissements de santé et de responsabiliser leurs directeurs qui n'appréhendent pas toujours ces problèmes de gestion. Une meilleure prise en compte de la situation financière est rendue indispensable par la mise en oeuvre de la T2A, à laquelle le groupe socialiste s'était déclaré favorable car elle s'avère indispensable pour optimiser et développer l'activité des établissements publics. Ces problèmes de gestion doivent être distingués des questions relatives à la détermination du périmètre des missions d'intérêt général ou des modalités de financement du secteur public. Par ailleurs, la nouvelle gouvernance hospitalière doit favoriser la collaboration, indispensable, entre le directeur et les représentants de la communauté médicale.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a souligné que l'objectif du rapport est d'évaluer le pilotage de la politique hospitalière, ce qui permet d'aborder les questions relatives à l'utilisation des moyens financiers consacrés aux établissements de santé, à la qualité des soins ou encore les relations entre les établissements et leurs autorités de tutelle. Les conclusions de ce rapport pourraient d'ailleurs valablement être complétées par des travaux ultérieurs sur les politiques de retour à l'équilibre financier développées par les autorités de tutelle, et notamment sur la deuxième génération de contrats mise en oeuvre depuis l'année dernière. Ce complément d'enquête permettrait d'évaluer la manière dont les agences régionales de l'hospitalisation se sont investies dans la contractualisation, de savoir comment les établissements ont perçu cette nouvelle procédure et d'examiner les moyens mis en oeuvre pour améliorer la situation financière des établissements. Il pourrait être aussi utile d'apprécier les effets liés à la T2A, notamment sur la sélection des activités.

Revenant sur la question des études complémentaires qui étaient attendues cette année, M. Alain Vasselle, rapporteur , a rappelé qu'elles sont indispensables pour évaluer le coût des missions d'intérêt général (MIG) prises en charge par les établissements de santé, vérifier que le financement de la totalité des MIG est prévu dans le cadre de la T2A, mais également pour identifier les charges spécifiques qui peuvent peser sur certaines catégories d'établissements. Le retard pris pour leur réalisation et leur publication fait pour l'instant obstacle à d'éventuels ajustements tarifaires et pénalise les établissements.

En conclusion, il a estimé que ce rapport sur le pilotage de la politique hospitalière peut apporter une contribution utile à la mise en oeuvre des agences régionales de santé.

M. Nicolas About, président , a souhaité que, pour tenir compte de la nouvelle orientation prise par le rapport au cours des travaux préparatoires, le titre initial « Coût de l'hôpital » soit modifié pour refléter plus précisément les conclusions des rapporteurs.

M. Alain Vasselle, rapporteur , a proposé qu'il soit intitulé « Pour une gestion responsable de l'hôpital », ce que la commission a approuvé. Elle a enfin adopté les conclusions des rapporteurs et autorisé la publication du rapport d'information .

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