2. La mise en oeuvre d'une politique routière d'accessibilité dans le cadre du Grenelle de l'environnement

a) Des opportunités à saisir

En dépit d'une enveloppe globale consacrée à la route en forte diminution, les orientations du Grenelle de l'environnement peuvent toutefois servir d'appui à une politique visant à favoriser les projets de désenclavement par rapport aux projets concernant les grands axes et les agglomérations.

En effet, le principe selon lequel les alternatives à la route doivent être privilégiées dans tous les cas signifie que lorsque la voie ferrée ou le transport collectif en site propre peuvent être développés, ils doivent l'être. Mais en revanche, il devrait aussi logiquement se traduire par une augmentation de la part des crédits routiers consacrés aux zones où ces alternatives à la route sont malheureusement difficiles à développer, du fait notamment de la densité de population et de la faiblesse du maillage ferroviaire.

Or, comme votre délégation a déjà eu l'occasion de le souligner, tel n'est pas aujourd'hui le cas puisque l'on constate une très forte priorité budgétaire accordée par l'Etat aux infrastructures routières, dans des zones déjà très développées, au détriment des zones les plus enclavées.

Le Grenelle de l'environnement peut être l'occasion de modifier cet ordre de priorité, en fonction des nouveaux critères annoncés par le Gouvernement.

En effet, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat chargé des transports, a non seulement indiqué que les projets routiers et autoroutiers déjà existants seraient réexaminés 45 ( * ) mais il a aussi précisé que ne seront retenus désormais que les projets répondant à une situation de congestion du trafic, à un problème de sécurité ou à un intérêt local 46 ( * ) .

Du point de vue du désenclavement, cette conception de la justification des projets constitue une opportunité dans la mesure où elle ne met plus tous les projets sur le même plan, ce qui, comme cela se faisait auparavant, aboutit trop souvent à favoriser les infrastructures urbaines ou le renforcement des grands axes existants.

Reste à saisir cette opportunité, comme le propose votre délégation.

b) Les propositions de votre délégation

PROPOSITION

Votre délégation propose que l'Etat programme désormais clairement le montant qu'il souhaite consacrer à chacune des trois catégories d'investissements routiers indiquées par le ministre.

Cette programmation nécessaire, pluriannuelle, pourrait être effectuée à l'occasion d'un prochain CIACT et encadrerait les décisions prises ensuite, soit dans le budget général, soit au travers de l'AFITF. Elle permettrait :

- d'une part, d'inscrire pleinement la politique des transports dans une logique de justification et d'évaluation de la dépense publique dans l'esprit de la LOLF, tout en mettant en évidence la légitimité du financement de ces infrastructures notamment au regard des arguments environnementaux qui leur sont opposés tant au plan national que local ;

- d'autre part, et surtout, cette programmation reviendrait à « sanctuariser » les crédits consacrés aux investissements présentant un « intérêt local ». En effet, elle permettrait de s'assurer qu'une partie de l'enveloppe financière serait consacrée à des projets évalués en fonction de cette notion spécifique d'« intérêt local », que la proposition tend à préciser.

PROPOSITION

Votre délégation propose que les projets d'infrastructures ne soient plus évalués en fonction d'un intérêt socio-économique, calculé comme c'est le cas aujourd'hui, de la même façon pour toutes les opérations. Mais elle souhaite que pour chacune des trois catégories de projet, l'évaluation de leur intérêt soit propre à chacune de ces catégories.

Par exemple, si un projet prétend être financé au titre de la catégorie « amélioration de la sécurité », il sera évalué en fonction d'une formule où les gains en termes de réduction de risque d'accidents seront très fortement pondérés.

Parallèlement, si ce même projet présente un intérêt en termes de décongestionnement, celui-ci pourrait être évalué au regard des critères propres à la catégorie « décongestionnement » qui privilégieront les gains en termes de fluidité du trafic, en particulier lors des périodes ou des heures de pointe.

Le projet en question apparaîtra peut-être alors comme finançable sur la base de l'un ou l'autre des critères (sécurité ou décongestionnement) ou à l'inverse, il apparaît comme non éligible si des projets mieux classés ont épuisé les crédits de l'enveloppe disponible fixée préalablement pour chacune des catégories.

S'agissant des infrastructures de la catégorie « intérêt local » qui intéresse plus directement le désenclavement, le contenu de la notion semble a priori plus difficile à définir, ne serait-ce qu'en ce qui concerne la définition de ce que l'on entend par « local ». Toutefois, il ne faudrait pas que cette catégorie constitue une sorte de « fourre-tout » résiduel destiné à financer tous les projets « recalés » au titre des deux autres catégories.

PROPOSITION

Aussi, votre délégation propose qu'une fois exclu l'objectif de sécurité routière et celui de décongestionnement, l'évaluation de l'intérêt local devrait donner lieu à une pondération très forte des gains permis par l'infrastructure en terme d'accessibilité, ainsi que des effets sur le développement économique local.

Cette mesure de l'accessibilité étant déjà quantifiée par plusieurs indicateurs (accès à un panel de villes, distance d'une autoroute etc.) 47 ( * ) , reste seulement à déterminer quelle pondération serait réservée à chacun de ces indicateurs. Sur ce point, les échanges de vos rapporteurs avec les services du MEDAD laissent à penser qu'une mesure relativement consensuelle de l'accessibilité est tout à fait envisageable, y compris en prenant en compte les nouveaux critères proposés par vos rapporteurs, notamment celui de l'accessibilité aux services et aux équipements. Ils espèrent qu'il en sera de même pour la mesure d'indicateurs de gains en termes de développement économique dont la réalisation semble plus complexe. 48 ( * )

Ce système de différenciation du mode de calcul de l'intérêt des projets selon leur finalité, permettrait que, désormais, on ne compare que des projets qui sont vraiment comparables et que l'on classe ainsi les infrastructures, par ordre de priorité dans l'accès à une partie des financements de l'Etat. Ne seraient ainsi classés que les projets présentant un réel intérêt en termes de développement et ce, même si leur rentabilité socio-économique, telle qu'elle est mesurée aujourd'hui, peut paraître modeste en comparaison avec des projets « urbains ».

Votre délégation formule cette proposition parce qu'elle estime que les critères d'évaluation des projets d'infrastructures vont prendre une importance croissante dans les décisions publiques. Certes, il n'est pas rare d'entendre dire que les décisions de construction des infrastructures sont in fine des décisions politiques déterminées par des considérations d'opportunité et d'équité ; et qu'en conséquence les évaluations réalisées par les experts ne constituent pas réellement un élément décisif, mais que les études socioéconomiques constituent au mieux un prétexte pour ne pas réaliser les projets. Toutefois, il ressort clairement des auditions des rapporteurs que l'exigence de justification de l'intérêt que représente une infrastructure pour la société devient de plus en plus forte et que cette évolution s'accélère aujourd'hui.

Telles sont les propositions en matière de financement de la politique de désenclavement routier, visant à s'inscrire au mieux dans le cadre de programmations des investissements définis à l'occasion du Grenelle de l'environnement.

La question se pose bien sûr en des termes très différents pour le désenclavement ferroviaire, puisque le mode ferroviaire s'inscrit, à l'inverse du mode routier, dans le cadre d'une hausse annoncée des financements.

* 45 Une ambigüité demeure toutefois sur les risques de remise en cause de projets déjà initiés, c'est-à-dire au moins ceux pour lesquels l'utilité publique a été déclarée.

* 46 Lors de la séance de l'Assemblée nationale du 16 novembre 2007, M. Bussereau a déclaré « Le Grenelle de l'environnement prévoit très précisément que tout nouvel investissement routier ou autoroutier doit être soumis à trois conditions : problème de congestion, problème de sécurité, problèmes d'intérêt local ». Les précisions apportées depuis cette intervention font clairement apparaître que le projet ne doit pas remplir cumulativement les trois critères, mais qu'il suffira qu'il en remplisse un pour être éligible.

* 47 Cf. III.A.

* 48 Une des questions essentielles était de savoir si l'on mesure la croissance économique du territoire (augmentation des revenus) ou bien son développement (mesurée par son PIB). Par exemple, l'arrivée de retraités aisés dans un territoire rural peut augmenter fortement son revenu sans traduire un quelconque développement.

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