B. UNE POLITIQUE DE DÉSENCLAVEMENT DE MOINS EN MOINS LISIBLE

Si l'on définit une politique par l'existence d'objectifs et de moyens spécifiques , force est de constater que la France ne dispose plus véritablement d'une telle politique aujourd'hui puisqu'elle ne bénéficie plus ni d'un véritable cadre ni d'objectifs permettant de justifier et d'éclairer les choix publics en matière de désenclavement. Le critère de 1995 a en effet été remplacé par les schémas directeurs de services de transport initiés en 1999, mais ceux-ci qui ont été abrogés en 2003 à l'occasion du Comité interministériel à l'aménagement et au développement du territoire (CIADT).

1. Les carences de départ du critère de 1995 se sont aggravées avec le temps

a) Le critère des 45 minutes/50 kilomètres était minimaliste dès l'origine

En premier lieu, la norme des 45 minutes/50 kilomètres n'est pas suffisamment adaptée pour décrire les situations d'enclavement vécues au quotidien par les habitants de certains territoires.

En effet, la mesure proposée ne concerne que le temps ou la distance permettant d'accéder à une grande infrastructure de transport (autoroute ou deux fois deux voies ou gare TGV) et non le temps qui permet de relier effectivement son domicile à son lieu de travail ou d'étude. C'est bien en effet la question du temps passé chaque jour dans les transports qui traduit le mieux la réalité quotidienne de l'enclavement . Or, plusieurs études révèlent qu'être situé à plus de 45 minutes d'un lieu où l'on travaille signifie en fait que l'on ne s'y rendra pas et que l'on perdra donc cette opportunité puisque différentes études réalisées en France témoignent, par ailleurs, que depuis le milieu du XX e siècle, nos concitoyens consacrent quotidiennement en moyenne une heure trente aller-retour pour relier leur domicile à leur lieu de travail 5 ( * ) .

Ceci signifie qu'un réel désenclavement signifierait de pouvoir avoir effectivement accès à un centre urbain ou économique et non seulement à une gare de TGV ou à une entrée d'autoroute 6 ( * ) .

En second lieu, le critère de l'accès à une gare desservie par une ligne ferroviaire à grande vitesse peut paraître lui aussi insuffisant pour traduire la réalité du désenclavement dans la mesure où il repose sur la seule existence de l'infrastructure sans s'intéresser à l'effectivité du service rendu aux habitants.

Or, l'exemple du TGV Est, lancé à l'été 2007, a démontré, s'il en était besoin, à quel point une telle infrastructure ne joue réellement son rôle que si elle s'accompagne d'une fréquence de trains suffisante pour répondre aux besoins, ce qui n'est pas le cas en l'espèce 7 ( * ) , comme en témoignent les tensions sur l'accès aux places dans ces trains.

Le risque de voir se creuser les écarts entre la création de nouvelles gares TGV d'une part, et l'insuffisance de trains d'autre part, pourrait augmenter à l'avenir dans le cadre de la mise en oeuvre de l'objectif, annoncé par le Grenelle de l'environnement, de la construction de 2.000 kilomètres de nouvelles lignes à grande vitesse d'ici à 2020 8 ( * ) . En l'état actuel du modèle économique de la SNCF, il n'est en effet pas du tout évident qu'un service fréquent pourra réellement être assuré sur ces lignes de plus en plus nombreuses et donc, par définition, de moins en moins rentables.

* 5 Ces études sont notamment présentées dans l'ouvrage de M. Jean Poulit : « Des territoires et des hommes », Paris, 2005.

* 6 Ce raisonnement suppose bien sûr que le temps moyen de 45 minutes demeure une référence stable. Or, ceci n'est pas évident dans la perspective de la crise énergétique et de toute façon, il ne s'agit que d'une moyenne qui doit être affinée pour être adaptée aux situations particulières.

* 7 A titre d'exemple, au départ de la gare de « Meuse », seules deux liaisons quotidiennes vers Paris sont proposées en semaine.

* 8 Soit un doublement du réseau existant.

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