4. Des dynamiques nationales de protection sociale par habitant très variables

- L' analyse de la dynamique des dépenses de protection sociale, effectuée au regard de leur poids dans le PIB - qui débouche simplement sur des constats relatifs à l'évolution de la part du PIB allouée à des dépenses de protection sociale - ne permet pas de rendre compte de la variation des dépenses de protection sociale en elles-mêmes .

Avec une même augmentation de ces dépenses, deux pays qui connaissent des rythmes de croissance économique différents enregistreront des évolutions contrastées du poids des dépenses de protection sociale dans le PIB .

Pour appréhender la dynamique absolue des dépenses sociales , il faut donc se référer à d'autres données : les dépenses sociales par habitant ou, mieux encore, les dépenses sociales par habitant en parités de pouvoir d'achat, qui permettent des comparaisons internationales plus robustes.

a) Les dépenses sociales par habitant

Le tableau ci-après , qui récapitule les variations des dépenses de protection sociale par habitant, en monnaie constante, rend compte des évolutions en volume des dépenses de protection sociale .

De plus, l'approche par habitant présente le grand avantage d'analyser l'évolution des bénéfices sociaux individuels concrètement distribués en Europe .

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE PROTECTION SOCIALE PAR TÊTE
(1992-2001) - EN NIVEAU ET EN MONNAIE CONSTANTE

Pays

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Variation 1992/2001
(en % annuel)

Rang
par ordre décroissant

EU-15

4 928

4 941

4 977

4 985

5 133

5 223

5 302

5 471

5 681

5 762

+ 1,7

NS

Belgique

5 105

5 559

5 702

5 867

5 889

5 740

5 809

5 981

5 976

6 115

+ 2,0

9

Danemark

6 986

7 568

8 243

8 479

8 441

8 250

8 331

8 505

8 492

8 654

+ 2,4

5

Allemagne

5 798

6 113

6 246

6 645

6 783

6 525

6 632

6 856

6 923

6 990

+ 2,1

8

Grèce

2 194

2 054

1 950

1 917

1 987

2 091

2 113

2 345

2 452

2 599

+ 1,9

10

Espagne

3 016

2 825

2 561

2 516

2 590

2 534

2 560

2 633

2 715

2 786

- 0,8

14

France

5 485

5 877

5 986

6 131

6 235

6 179

6 325

6 487

6 555

6 692

+ 2,2

7

Irlande

2 512

2 526

2 600

2 669

2 769

3 097

3 057

3 230

3 361

3 666

+ 4,3

4

Italie

5 026

4 310

4 131

3 631

4 043

4 309

4 294

4 415

4 522

4 671

- 0,7

13

Luxembourg

6 421

7 187

7 497

7 998

8 179

8 148

8 293

8 993

9 066

9 485

+ 4,4

3

Pays-Bas

5 698

6 061

6 137

6 340

6 194

6 059

6 056

6 164

6 309

6 403

+ 1,3

11

Autriche

5 571

6 040

6 375

6 657

6 619

6 276

6 399

6 747

6 795

6 830

+ 2,3

6

Portugal

1 615

1 691

1 694

1 824

1 810

1 900

2 039

2 191

2 308

2 431

+ 4,6

2

Finlande

5 885

5 123

5 629

6 159

6 136

6 014

5 876

5 935

5 918

6 047

+ 0,3

12

Suède

9 057

7 835

7 719

7 439

8 100

7 926

7 767

8 112

8 524

7 940

- 1,3

15

Royaume-Uni

4 286

4 298

4 418

4 175

4 363

5 237

5 449

5 678

6 546

6 611

+ 4,9

1

Source : Statistiques sociales européennes. Commission européenne. Calculs de l'auteur.

* Les dépenses sociales par habitant ont augmenté en moyenne annuelle, et en volume, de 1,7 % dans l'Europe des Quinze, entre 1992 et 2001 .

Alors qu'avec une analyse conduite à l'aune de leur poids dans le PIB, on observe que, dans la plupart des pays européens (10 pays sur 15), une diminution relative des dépenses de protection sociale s'est produite, seuls trois pays connaissent une diminution absolue des dépenses de protection sociale par habitant : l'Espagne, l'Italie et la Suède .

Dans les autres pays, la réduction du niveau relatif des dépenses sociales dans le PIB résulte d'un écart de croissance entre dépenses sociales et PIB .

Sans doute la croissance réelle des dépenses sociales par habitant a été moins forte que dans le passé et que celle du PIB par habitant. Mais , dans ces pays, il y a eu croissance réelle des bénéfices sociaux par habitant et non une diminution .

* Dans plusieurs pays les dépenses de protection sociale exprimées en points de PIB ont été nettement réduites , les bénéfices sociaux par habitant ont, au contraire, augmenté , parfois sensiblement : les Pays-Bas, l'Irlande et le Luxembourg sont dans ce cas.

* Dans les grands pays européens :

- le Royaume-Uni se singularise par une forte augmentation - la plus forte de l'échantillon - de la dépense de protection sociale par habitant (+ 4,9 % par an) alors que, vues à travers leur poids dans le PIB, les dépenses de protection sociale apparaissent comme ayant diminué au Royaume-Uni au cours de la période examinée ;

- en France et en Allemagne, les rythmes de progression sont très proches (+ 2,2 % et + 2,1 % respectivement) mais, avec une augmentation du poids de la protection sociale dans le PIB plus forte en Allemagne qu'en France . Ce dernier phénomène traduit le différentiel de croissance à l'avantage de la France qui a caractérisé cette période. En Italie, les bénéfices sociaux par habitant ont été réduits.

* Au total, dans les dix pays qui ont connu une augmentation de la dépense sociale par habitant , celle-ci a été plus ou moins rapide .

- Six d'entre eux ( dont la France , avec + 0,5 points par an par rapport à la moyenne) ont enregistré une variation supérieure à la moyenne de moins de 1 point .

- Mais, quatre pays ont connu un rythme de croissance de la dépense publique sociale par habitant très supérieur :

- l' Irlande : 2,6 points au-dessus de la moyenne ;

- le Luxembourg : 2,7 points au-dessus de la moyenne ;

- le Portugal : 3,2 points au-dessus de la moyenne ;

- et le Royaume-Uni : 3,2 points au-dessus de la moyenne.

* Les trois pays qui ont vu décroître la dépense publique sociale par habitant ont accusé un net décrochage par rapport au rythme de croissance moyen.

Il s'agit de :

- l' Espagne : 2,5 points au-dessous de la moyenne ;

- l' Italie : 2,4 points au-dessous de la moyenne ;

- et la Suède : 3,2 points au-dessous de la moyenne.

Quant à la Finlande, avec un rythme de croissance inférieur de 1,4 point à la moyenne, elle a connu une quasi stagnation de sa dépense publique sociale par habitant .

*

* *

Ces données conduisent à plusieurs observations .

- La réduction des dépenses publiques sociales s'est accompagnée d'une augmentation des dépenses privées qui a limité le repli du poids des dépenses sociales dans le PIB.

- Si les dynamiques des dépenses de protection sociale ont été contrastées, elles ont abouti, dans la quasi-totalité des cas, à une augmentation des bénéfices sociaux par tête .

Le rythme de cette augmentation a été particulièrement soutenu dans les pays où la part du PIB consacrée à la protection sociale a pourtant décliné , excepté le Portugal.

Ce constat n'est pas le fruit du hasard : dans de nombreux pays où le niveau de la protection sociale dans le PIB a décru, cette évolution est venue du dynamisme de la croissance économique plus que de politiques de réduction des bénéfices sociaux publics. Lorsque de telles politiques ont été mises en oeuvre, les dépenses privées les ont souvent compensées.

- Les niveaux des dépenses sociales par habitant sont très inégaux en Europe.

Cependant, sur ce point, pour plus de pertinence, les comparaisons internationales doivent tenir compte des différences de prix entre les pays. En effet, à une même quantité monétaire correspondent des pouvoirs d'achat nationaux différents, puisque les niveaux de prix le sont eux-mêmes dans les différents pays. La méthode de la parité des pouvoirs d'achat permet de neutraliser ce biais.

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