II. UNE GESTION AU « FIL DE L'EAU » DE L'ÉPIZOOTIE

Votre rapporteure spéciale a bien noté les difficultés très particulières auxquelles le ministère de l'agriculture et de la pêche a été et est encore aujourd'hui confronté dans le cas de la gestion de l'épizootie de FCO. Le caractère inattendu de l'introduction de la maladie, l'ampleur de son expansion, ainsi que l'absence, dans un premier temps, de moyens de lutte efficaces, l'ont en effet contraint à une gestion « au fil de l'eau » de l'épizootie.

Dans ce contexte, la réactivité du ministère de l'agriculture et de la pêche semble néanmoins avoir été réelle , en témoignent :

- la tenue rapide et régulière du « comité de suivi sur la FCO », présidé par le ministre de l'agriculture et de la pêche ou son directeur de cabinet et réunissant l'ensemble des professionnels concernés : organismes professionnels agricoles, centrales de livraison, experts et vétérinaires. Ce dispositif a été également décliné au niveau local ;

- la nomination de deux interlocuteurs destinés à faciliter la relation entre le ministère de l'agriculture et de la pêche et les éleveurs ;

- les démarches entreprises auprès des industriels du secteur de la santé animale pour accélérer la mise sur le marché d'un vaccin contre le sérotype 8.

Au niveau local, votre rapporteure spéciale a pu, en outre, noter, au cours de ses déplacements, la qualité du système de surveillance vétérinaire et du réseau de laboratoires vétérinaires départementaux , ainsi que les relations régulières entretenues entre le préfet, les chefs des services déconcentrés et les acteurs concernés au sein d'instances informatives. Elle avait déjà dressé ce constat lors de sa mission de contrôle sur la gestion des crédits destinés à la lutte contre l'influenza aviaire 19 ( * ) .

Votre rapporteure spéciale a néanmoins noté certaines insuffisances : une application difficile sur le terrain du plan de vaccination , une mauvaise appréciation et anticipation des besoins budgétaires et une coopération européenne encore inaboutie .

A. UNE STRATÉGIE VACCINALE CONTRAINTE ET D'APPLICATION COMPLEXE

La stratégie vaccinale élaborée par le ministère de l'agriculture et de la pêche peut se décomposer en deux étapes : dans un premier temps, elle a consisté en l'incitation des laboratoires pharmaceutiques à développer leur recherche en vue de découvrir un vaccin contre le sérotype 8 ; dans un second temps, à gérer la « pénurie de vaccins » et ainsi à élaborer un ordre de priorités des régions et animaux vaccinables.

1. Une stratégie vaccinale difficile à établir

a) La gestion de la « pénurie de vaccins »
(1) Les incitations des laboratoires

Comme il l'a déjà été indiqué, seule une campagne de vaccination massive constitue un moyen de lutte efficace contre la FCO . Pourtant aucun vaccin contre le sérotype 8 n'existait au moment de l'introduction du virus au mois d'août 2006.

C'est pourquoi, dès le début de l'épizootie, les autorités françaises ont pris contact avec les industriels du secteur de la santé animale afin de les inciter, d'une part, à intensifier leur recherche en vue de découvrir un vaccin contre le sérotype 8 et, d'autre part, à accélérer le développement du vaccin contre le sérotype 1 qui, lui, existait déjà. Ces démarches ont permis le lancement précoce de programmes de développement et de production des vaccins.

Comme l'a expliqué, à votre rapporteure spéciale, M. Renaud Lancelot, chargé de mission en santé animale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), ces incitations se sont traduites par la transmission, aux industriels du secteur de la santé animale, des souches virales isolées par les services vétérinaires et les laboratoires de référence européens afin de leur permettre de développer un nouveau vaccin.

Ce vaccin a ensuite fait l'objet d'une évaluation sur dossier de la part de l'AFSSA qui a délivré aux professionnels une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) 20 ( * ) , procédure administrative simplifiée par rapport à l'autorisation de mise sur le marché (AMM) qui permet ainsi de réduire les délais de mise à disposition des médicaments vétérinaires et des vaccins 21 ( * ) .

Ces démarches ont abouti à la mise à disposition effective des premières doses vaccinales dès le début de l'année 2008, soit moins de 18 mois après le diagnostic des premiers cas de FCO, alors que le délai moyen de mise au point d'un vaccin est généralement compris entre cinq et sept ans .

Les étapes d'élaboration et de mise sur le marché d'un vaccin vétérinaire

Les représentants des trois principaux laboratoires du médicament vétérinaire ont indiqué à votre rapporteure spéciale que l'élaboration d'un vaccin nécessitait en règle générale une période comprise entre cinq et sept ans pouvant être décomposée selon les étapes suivantes :

1- L'obtention du virus et sa culture (entre plusieurs mois et plusieurs années) ;

2- L'élaboration de « vaccins - prototypes » destinés à étudier, au cours de protocoles expérimentaux, l'innocuité et l'efficacité des produits (entre 1 et 3 ans) ;

3- Le « strategic development process », c'est-à-dire la réflexion industrielle qui doit permettre à l'entreprise de prendre la décision de lancer le produit en question après une analyse du marché, de la situation financière de l'entreprise et de l'environnement macro-économique (2 ans) ;

4- La production à grande échelle du vaccin (entre 1,5 et 2 ans).

Comme pour les médicaments humains, les médicaments et vaccins vétérinaires doivent faire l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par la commission de mise sur le marché de l'agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV) placé auprès de l'AFSSA. Dans des cas spécifiques, une autorisation temporaire d'utilisation peut être délivrée selon des modalités fixées par l'article L. 5141-10 du code de la santé publique.

Source : d'après les données des représentants des trois principaux laboratoires auditionnées par votre rapporteure spéciale et le code de la santé publique

Une fois le vaccin contre le sérotype 8 découvert, la France a été le premier Etat-membre de l'Union européenne à lancer un appel d'offres pour la passation d'un marché public, soit au mois de novembre 2007. L'appel d'offres a porté :

- s'agissant du sérotype 8, sur un nombre de doses vaccinales compris entre 27 millions (fourchette basse) et 50 millions (fourchette haute) pour les bovins et un nombre de doses vaccinales compris entre 6,4 millions (fourchette basse) et 17 millions (fourchette haute) pour les petits ruminants ;

- s'agissant du sérotype 1, l'appel d'offres a reposé sur un nombre de doses vaccinales de 4,4 millions pour les bovins et 6,9 millions pour les petits ruminants.

Cependant, de nombreuses questions demeuraient encore en suspens au moment de la passation du marché public, notamment celle de la capacité des laboratoires pharmaceutiques - Mérial, Intervet et Fort Dodge - à faire face, dans les premiers mois de mise sur le marché du vaccin, à la demande de l'ensemble des Etats-membres touchés. Aussi n'était-il pas alors à exclure que l'Union européenne décide de « préempter » les doses de vaccins qui risquaient d'être insuffisantes afin de procéder à leur répartition entre les Etats-membres. La Commission européenne a finalement estimé qu'il ne lui appartenait pas de se substituer aux Etats-membres dans l'organisation des campagnes de vaccination et qu'elle ne s'impliquerait donc pas dans la répartition des doses vaccinales.

Le marché public passé par la France a finalement porté sur un nombre de doses de vaccins contre le sérotype 8 s'élevant à 39 millions pour les bovins (dont 30 millions de doses vaccinales disponibles d'ici le mois d'août 2008) - ce marché a été obtenu par le laboratoire Intervet - et à 10,6 millions de doses s'agissant des petits ruminants , disponibles d'ici le mois de juillet 2008 - ce marché est assuré par le laboratoire Merial. Cette quantité de vaccins devrait, selon le ministère de l'agriculture et de la pêche, permettre de vacciner l'ensemble du cheptel bovin et ovin français 22 ( * ) . Le laboratoire Fort Dodge fournit, quant à lui, les doses vaccinales contre le sérotype 1 (4,4 millions de doses pour les bovins et 6,9 millions de doses pour les petits ruminants).

Le montant total du marché public s'est ainsi élevé à environ 33 millions d'euros selon les données du ministère de l'agriculture et de la pêche, soit près de 3 % du chiffre d'affaires du marché du médicament vétérinaire réalisé en France.

Le secteur du médicament vétérinaire en France

Le marché français du médicament vétérinaire s'est élevé à 1,156 milliard d'euros en 2007. Il concerne, pour plus de la moitié, les animaux de rente 23 ( * ) (52,29 % en 2007) et, pour un tiers environ, les animaux de compagnie (32,68 % en 2007).

C'est un marché en forte croissance qui a enregistré une progression de 7,6 % en 2007 et de 4,22 % en 2006.

Le marché du médicament vétérinaire est très concentré puisque les quatre premiers laboratoires ont réalisé 48,7 % du marché des produits de santé animale en 2007 et les dix premiers laboratoires, plus de 80 % de celui-ci.

Source : Syndicat de l'industrie du médicament vétérinaire (SIMV)

* 19 Rapport d'information n° 451 (2005-2006).

* 20 Avis du 11 décembre 2007 de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'AFSSA (vaccin du laboratoire Intervet) ; avis du 19 février 2008 de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'AFSSA (vaccin du laboratoire Merial).

* 21 L'atricle L. 5141-10 du code de la santé publique prévoit qu'en cas d'épizootie et en l'absence de médicament vétérinaire autorisé approprié, l'AFSSA peut autoriser, pour une durée limitée, l'utilisation de médicaments vétérinaires n'ayant fait l'objet d'aucune autorisation de mise sur le marché (AMM).

* 22 Soient 19,5 millions de bovins nécessitant deux injections de dose vaccinale - 39 millions de doses au total - et 10,6 millions de petits ruminants nécessitant une seule injection de dose vaccinale - 10,6 millions de doses nécessaires.

* 23 Animaux traditionnellement élevés pour leur chair ou leurs produits (ruminants, porcs, volailles, notamment).

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