B. UNE NOUVELLE ÉTAPE : LA DIVERSIFICATION DE L'ÉCONOMIE PRODUCTIVE LOCALE

Si les pôles urbains regroupent, toutes activités économiques confondues, un peu plus des deux tiers des établissements et les trois quarts des salariés, une analyse plus fine montre que le périurbain et l'espace rural bénéficient d'une spécialisation sur certaines activités et disposent d'atouts pour leur développement futur.

Historiquement dominée par l'agriculture, cette économie « productive » -par opposition à l'économie résidentielle et présentielle précédemment évoquée- a vu se développer au cours de ce siècle des activités industrielles, que sont aujourd'hui en passe de relayer des activités de service et d'autres types d'activités innovantes, dans le respect des principes de développement durable.

1. La place encore dominante de l'agriculture

Si ruralité, agriculture et paysannerie sont souvent associées, c'est qu'elles ont longtemps dessiné le visage des zones non urbaines. Cependant, la place et la consistance du secteur primaire a évolué au fil des progrès technologiques, des ruptures sociologiques et des réformes institutionnelles, au point d'offrir aujourd'hui un visage nouveau , peut-être moins central dans le développement des espaces ruraux, mais mieux adapté à leur nouveaux enjeux.

a) Une activité toujours structurante en milieu rural

La physionomie de notre territoire national est, aujourd'hui encore, très largement dessinée par sa destination essentiellement agricole . Le territoire agricole occupe en effet 32 millions d'hectares sur les 55 que compte le territoire métropolitain français. Les bois et les forêts recouvrent près de 16 millions d'hectares et le reste, soit environ 7 millions d'hectares, représente le territoire non agricole (soit les sols bâtis et les espaces naturels tels que fleuves, lacs ou glaciers). Avec plus de la moitié de son territoire utilisé à des fins agricoles, notre pays se plaçait, en 2002, au neuvième rang des 25 pays que l'Union européenne comptait alors.

La superficie agricole utilisée n'est pas répartie de façon homogène sur tout le territoire . Son importance relative dans la surface totale de chaque département permet d'opposer schématiquement, le long d'une ligne Bordeaux-Nancy, une moitié nord plus agricole et une moitié sud regroupant les zones de montagne et la plupart des zones agricoles défavorisées.

Si le nombre d'agriculteurs se réduit progressivement, la « galaxie » d'emplois occupés ou induits par l'activité agricole reste extrêmement importante . La notion de « complexe agroalimentaire », qui prend en compte l'ensemble des emplois liés à ceux du secteur primaire au sens strict, de l'aval à l'amont, « de la fourche à la fourchette », rend bien compte de cet effet de polarisation propre à l'agriculture. Dans un ouvrage consacré au « système alimentaire » français 84 ( * ) , le professeur Jean-Louis Rastoin estime ainsi à 1.000.000 les emplois relevant de la production agricole proprement dite, auxquels s'ajoutent 300.000 dans l'agrofourniture et 600.000 dans l'industrie agroalimentaire. Il fait également état, dans le secteur des services, de 1.200.000 emplois dans le secteur de la distribution, 600.000 dans la restauration hors foyer et 300.000 dans d'autres activités liées. On arrive ainsi, au total, à environ 4 millions d'emplois se rattachant, de près ou de loin, à l'activité agricole, dont une partie majoritaire se situe en zone rurale ou périurbaine.

Largement implantée territorialement et occupant un nombre important d'actifs, l'agriculture et, plus largement, le secteur agroalimentaire, conservent par ailleurs une importance économique et stratégique fondamentale pour notre pays. Avec 7 % des échanges mondiaux de produits agroalimentaires, la France est le deuxième exportateur de produits alimentaires et le premier exportateur de produits alimentaires transformés dans le monde. Ceci contribue directement à l'équilibre de notre commerce extérieur, l'excédent des échanges agroalimentaires français s'élevant à un milliard d'euros en avril 2008, dont 377 millions pour les produits agricoles bruts.

Au-delà de ces données économiques, une analyse plus sociologique montre combien les agriculteurs demeurent très investis dans la vie de territoires ruraux qu'ils continuent de modeler et d'animer. Dépositaires actifs d'un héritage symbolique, celui des campagnes qui ont modelé l'âme de notre pays, ils s'investissent plus que la moyenne dans les activités de socialisation locales. 60 % d'entre eux déclarent participer aux activités d'un club, groupe ou association extraprofessionnelle. Si la proportion des agriculteurs parmi les maires est passée de 39,5 % en 1977 à 18 % en 2001, il n'en demeure pas moins que leur catégorie socioprofessionnelle est surreprésentée dans les instances locales au regard de sa place dans la population active nationale. Voyant dans la ruralité un patrimoine à défendre, les agriculteurs s'estiment pourvus d'une légitimité à représenter les campagnes en raison d'un savoir et de compétences au coeur d'une profession qui s'est largement technicisée.

* 84 Economie et stratégie agroindustrielle : le système alimentaire, professeur Jean-Louis Rastoin, ENSA Montpellier, 2004.

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