VI. QUELLES LEÇONS POUR LES ETATS ?

A plus long terme, il paraît nécessaire de tirer les enseignements des déboires du programme A400M afin d'éviter que ceux-ci ne se reproduisent.

A. RENONCER À LA RÈGLE DU « JUSTE RETOUR »

Il semble avant tout nécessaire de renoncer effectivement à toute règle du « juste retour ».

Certes, le juste retour n'est pas forcément inconciliable avec les exigences industrielles, comme le montre l'exemple de l'Agence spatiale européenne (ASE). Cependant, l'ASE dispose de compétences techniques, d'une connaissance de l'outil industriel et de diverses prérogatives qui rendent le juste retour gérable de manière raisonnablement efficace.

Faute d'équivalent, à ce jour, de l'ASE dans le domaine de l'industrie de défense, la règle du juste retour doit donc être abandonnée.

La fonction des programmes d'armement européens est de permettre aux Etats de disposer des meilleurs matériels au meilleur prix. Il s'agit donc d'utiliser les meilleures compétences disponibles en Europe. On souffre déjà trop, en Europe, d'une duplication des compétences industrielles et techniques entre les différents pays, pour aggraver ce problème.

Ce point a été souligné par M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, qui a déclaré au Bourget, le 23 juin 2007 : « Heureusement que l'on a fait l'Europe. Nous avons fait un premier pas avec l'A400M. Mais l'avenir est à des programmes communs et à une intégration européenne de l'industrie, les deux allant, je crois, de pair. Et je serai vigilant, mon général, en tant que chef des armées, à ce que le partage européen du travail consiste pour chaque pays à apporter ses meilleures technologies plutôt qu'à consolider ses points faibles. La logique du « juste retour » au niveau de chaque pays, avec les crispations nationales qu'elle engendre, est un poison qui entrave et affaiblit la mise en oeuvre des programmes européens dans les domaines industriel, technologique et scientifique. Trop de programmes européens d'armement et plus récemment Galiléo en ont fait les frais. C'est là l'une des conditions indispensables à une meilleure maîtrise de l'effort d'équipement des armées, qu'il s'agisse de leur calendrier ou de leurs coûts réels. Nous aurons à en reparler. Il est de ma responsabilité que nos armées disposent des équipements dont elles ont besoin pour remplir leurs missions et satisfaire aux engagements internationaux de notre pays ».

Le Président de la République a récemment confirmé cette orientation, lors de ses voeux aux armées, le 6 janvier 2009. Il a en effet alors déclaré : « La Présidence française de l'UE a marqué une véritable relance de la défense européenne. C'était nécessaire, alors il s'agit de mieux partager le fardeau. Il s'agit de le faire sans naïveté avec pour seul souci la recherche d'un meilleur rapport coût/efficacité. Cela signifie que les programmes européens, pour donner satisfaction, doivent veiller à mettre en synergie les meilleures compétences, et non comme cela a été si souvent le cas par le passé, favoriser la consolidation des pôles de compétences là où ils sont insuffisants, selon une logique de juste retour qui à l'arrivée donne toujours les mêmes résultats : l'accumulation des retards et des surcoûts. Nous devons faire face aux mêmes menaces et notre devoir en Europe c'est de travailler ensemble. L'Europe doit ajouter, pas retrancher. Je le dis clairement : je ne veux plus de programmes européens dont l'objectif principal pour certains participants est moins de répondre aux besoins opérationnels de nos armées que d'acquérir des capacités industrielles et technologiques insuffisamment maîtrisées ».

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