C. LES DÉPENSES D'INTERVENTION

Les crédits destinés à couvrir les dépenses d'intervention liées à l'assistance sanitaire et juridique rendue aux étrangers en rétention administrative sont inscrits à l'action 3 relative à la lutte contre l'immigration irrégulière du programme 303.

Ainsi, en LFI 2008, 5 M€ étaient inscrits au titre de la prise en charge sanitaire et 4,5 M€ au titre de l'accompagnement social et juridique (coûts salariaux et frais de fonctionnement et de déplacement des intervenants sociaux associatifs appelés à intervenir sur l'ensemble des CRA).

Le montant des crédits consommés, en 2008, s'est élevé à 11,80 M€ (6,72 M€ d'assistance sanitaire, 3,99 M€ d'accompagnement juridique par la Cimade et 1,09 M€ par la Croix Rouge). Cette dernière intervient dans la zone d'attente des personnes en instance (ZAPI) au sein de l'aéroport de Roissy.

1- L'accompagnement sanitaire

L'article R 553-8 du Ceseda et la circulaire interministérielle du 7 décembre 1999 prévoient que les modalités d'intervention sanitaires font l'objet d'une convention entre le préfet de département responsable d'un CRA et un établissement hospitalier local. Les prestations (nombre d'emplois et d'heures au sein du CRA, fourniture des matériels et médicaments etc..) sont différentes d'un CRA à l'autre en fonction du nombre de places de rétention et des possibilités de l'établissement hospitalier local. A la fin 2008, le ministère de l'immigration a ainsi relevé des écarts de coûts importants par place théorique entre les CRA (de 2 429 € à Coquelles à 6 492 € à Bordeaux, voire 19 266 € à Nantes). Le coût moyen par place a été évalué à 4 146 €.

Il apparaît souhaitable, à tout le moins, qu'une étude détaillée des prestations fournies au regard des conditions financières prévues dans les différentes conventions soit réalisée par le ministère avec les préfectures et les DRASS.

Selon le ministère de l'immigration, l'exécution budgétaire 2008 (5 M€ prévus, 7,8 M€ consommés) fait apparaître que ces crédits délégués aux préfets sont aussi utilisés pour les dépenses sanitaires dans les centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA) car les préfets peuvent privilégier l'asile et, par fongibilité, transférer des crédits du titre 3 (lutte contre l'immigration irrégulière) vers le titre 2 (asile) du même BOP.

En tout état de cause, les crédits du titre 3 sont insuffisants. Indépendamment des mouvements de fongibilité entre les titres 2 et 3 réalisés par certains préfets, ce poste reste très nettement sous-budgétisé. Les besoins de crédits sont évalués a priori en multipliant le nombre de places (2030) par un coût moyen de 2 463 €, soit environ 5 M€. Ils devraient plutôt l'être sur la base du coût moyen réel constaté (4 164 €), soit 6,59 M€, très proche du montant réel dépensé (6,72 M€).

2- L'accompagnement social et l'assistance juridique

Les représentants de l'Anaem assurent l'accompagnement social des retenus (contacts avec les administrations, banques, préparation matérielle au départ, contact avec les familles, fourniture de vêtements).

L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (Anaem)

L'ANAEM est un établissement public créé par le décret n° 2005-381 du 20 avril 2005 dont les missions sont, d'une part, l'accueil et l'accompagnement des étrangers lors de leur migration vers la France, et d'autre part, l'accompagnement des Français et des travailleurs dans leur migration hors de France.

La loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion modifie les compétences de l'ANAEM qui n'a plus de responsabilités dans l'emploi des Français à l'étranger à l'exception du Québec. En revanche sa compétence est élargie à l'intégration en France des étrangers.

Le décret n° 2009-331 du 25 mars 2009 substitue la dénomination « Office français de l'immigration et de l'intégration » (OFII) à celle d'« Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ». Ces textes créent un opérateur unique, chargé de l'ensemble du parcours d'intégration des migrants primo-arrivants de la gestion des procédures de l'immigration, de la promotion de l'immigration professionnelle, des aides au retour et à la réinsertion des étrangers dans leurs pays d'origine, et de l'accueil des demandeurs d'asile.

Le décret du 30 mai 2005 (art R. 553-14 du Ceseda) dispose que les personnes placées en CRA bénéficient sur place d'une information et d'une aide destinées à exercer leurs droits.

Cette prestation est réalisée par la Cimade dans le cadre d'une convention passée avec l'État qui est arrivée à échéance à la fin de l'année 2008 et qui a été prolongée, par avenant, jusqu'au 30 juin 2009. A Mayotte, une association locale non spécialisée était seule présente jusqu'en début 2009 (cf. infra).

Le ministère de l'immigration a souhaité renouveler la convention sur la base d'un appel d'offres avec mise en concurrence de plusieurs intervenants. Le décret du 23 août 2008 adapte l'organisation de l'assistance juridique aux étrangers dans les lieux de rétention dans cette perspective, en introduisant la possibilité pour toute personne morale de soumissionner, et non uniquement « une association à caractère national » et en prévoyant qu'il ne peut y avoir qu'un seul intervenant par CRA. L'objectif affiché du ministère dans le PAP 2009 est de maîtriser, grâce à la mise en concurrence de plusieurs intervenants, le coût global de l'accompagnement social, compte tenu de l'accroissement du nombre de places en CRA et de l'extension à l'outre-mer

L'appel d'offres publié après le décret a divisé en huit lots, selon des zones géographiques, le marché de l'aide juridique. La consultation lancée le 28 août 2008, à laquelle six candidats avaient répondu, a été annulée le 30 octobre par le tribunal administratif de Paris pour des motifs de forme ne remettant pas en cause le fond de la démarche retenue par le ministère.

A la suite du prononcé de l'ordonnance de référé du tribunal administratif de Paris, le ministère a lancé un nouvel appel d'offres avec des caractéristiques similaires. Celui-ci a été dépouillé en avril 2009. Le coût annuel de ce nouveau marché est de 4,5 M€, en accroissement de 0,5 M€ par rapport aux dépenses 2008 et au montant inscrit en LFI 2009. Celui-ci a été à nouveau annulé par une ordonnance de référé du tribunal administratif de Paris du 30 mai 2009 pour des motifs tenant aux modalités de l'appel d'offre.

La Cimade et son action

La Cimade est un mouvement d'origine protestante fondé en 1939. Après la guerre, son activité s'est développée autour de l'accueil des réfugiés.

Dès l'ouverture des premiers centres en 1984, l'Etat a recherché un partenaire associatif pour mettre en oeuvre une mission d'accompagnement social. Il y avait donc pour la Cimade une certaine cohérence à assumer ce nouveau rôle. Mais, selon ses responsables, les débats internes de l'époque furent vifs entre ceux qui dénonçaient la collaboration avec une politique d'exclusion et ceux qui prônaient une attitude plus pragmatique. La Cimade a finalement accepté cette mission, estimant qu'une présence et un regard extérieurs étaient toujours préférables. Une convention fut donc signée entre la Cimade et le ministère des affaires sociales. La mission confiée à l'association visait à ce que « les étrangers condamnés à la reconduite à la frontière (...) le soient dans des conditions qui respectent leur dignité » et consistait à « visiter les étrangers pour leur donner toutes informations et toute aide utile, à assurer les liens avec l'extérieur et à alerter les services publics sur les conditions dans lesquelles sont retenus les étrangers et formuler des propositions tendant à leur amélioration ».

Depuis 2003, cette action a fait l'objet de deux marchés successifs, reconductibles deux fois. 68 personnes sont, en 2008, salariés par la Cimade pour cette mission, qui est aussi assurée par de nombreux bénévoles (30 dans les CRA, 100 dans les LRA, et 220 interprètes mobilisables gratuitement au téléphone, et maîtrisant au total 64 langues).

L'action des membres de l'association consiste à s'entretenir avec les étrangers retenus afin de les aider à comprendre les procédures complexes du placement en rétention et de l'éloignement du territoire, à établir un diagnostic de leur situation individuelle, et à les assister dans l'exercice de leurs droits, en particulier par la rédaction des requêtes nécessaires et la saisine des juridictions compétentes.

Sur la base de cette compréhension réciproque, l'intéressé décide ensuite des démarches qu'il souhaite entreprendre.

La Cimade a décidé de témoigner sur ces lieux de privation de liberté et de proposer les modifications souhaitables. Cette prise de parole commence par une interpellation des pouvoirs publics (préfecture et ministère en particulier) avant de se traduire éventuellement par une expression publique. Elle publie un rapport annuel sur les lieux de rétention.

Il ne revient pas à la Cour dans le cadre de ce rapport de porter une appréciation sur l'action de la Cimade, ni de déterminer s'il faut une ou plusieurs associations pour assumer cette tâche. En revanche, la démarche du ministère appelle trois remarques au regard de l'utilisation optimale de l'argent public :

- le choix de l'allotissement géographique, censé améliorer l'efficacité de la dépense, n'a pas fait l'objet d'une analyse détaillée préalable de ses coûts et de ses avantages au regard des objectifs fixés.

Le ministère indique certes que ce dispositif permet de formaliser ses exigences pour faciliter la certification du service fait, considérée jusqu'à présent comme insuffisante. Cependant, ce résultat aurait pu être atteint sans l'allotissement.

Il souligne en outre que des éléments d'analyse coûts-avantages ont été employés dans la rédaction des pièces et le dépouillement des offres. Mais ceci relève d'une formalisation de critères de choix plus que d'une étude de l'intérêt ou non de l'allotissement géographique et de ses conséquences ;

- l'utilisation de la procédure d'allotissement, qui fait appel à six personnes morales différentes, nécessite en contrepartie une analyse rigoureuse et approfondie de la qualité de l'expertise et surtout des références dont elles disposent, sur lesquelles la Cour n'a pas eu d'information précise ;

- il est incertain qu'un dispositif éclaté entre plusieurs intervenants par grandes régions puisse être plus efficace et moins coûteux qu'un dispositif national, dès lors qu'il est réellement souhaité conserver une vision d'ensemble sur les conditions d'assistance juridique et garantir qu'un retenu qui changerait de CRA bénéficie d'une continuité dans l'aide juridique apportée.

En définitive, sur le plan budgétaire, la Cour n'est pas convaincue par les arguments donnés par le ministère de l'immigration pour justifier le choix d'un dispositif d'allotissement géographique, de préférence à d'autres modalités pratiques, en vue d'assurer une diversité des personnes morales intervenantes.

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