B. L'AVENIR DES BALKANS OCCIDENTAUX

La commission politique de l'Assemblée de l'UEO présente chaque année un rapport sur l'évolution de la situation politique et militaire au sein des Balkans occidentaux. Deux missions sur place ont permis aux rapporteurs d'étayer leurs travaux et d'effectuer un constat mesuré sur l'avenir de la région.

La question kosovare demeure ainsi au centre des préoccupations de la commission . L'État kosovar n'est pas jugé viable, demeurant tributaire de la communauté internationale et miné par des affaires de corruption . Une réforme des institutions locales apparaît d'ores et déjà. Le conflit latent avec la Serbie n'est toujours pas tranché, la Cour internationale de justice devant bientôt intervenir sur la légalité des circonstances dans lesquelles le Kosovo a proclamé son indépendance.

La Serbie a, quant à elle, adopté une position nettement pro-européenne , multipliant les signes de coopération avec l'Union européenne , comme en témoigne l'arrestation de Radovan Karadzic. La capture de Ratko Mladic pourrait permettre une application de l'Accord de stabilisation et d'association avec l'Union européenne.

Deux contentieux traversent également la région. L'un oppose Grèce et ex-République yougoslave de Macédoine au sujet du nom de ce dernier pays, la commission politique estimant que la médiation des Nations unies actuellement en cours est porteuse d'espoir. Le différend sur les frontières maritimes entre la Slovénie et la Croatie devrait, quant à lui, être tranché par la Cour internationale de justice, à moins qu'une position commune puisse être trouvée autour des propositions du Commissaire de l'Union européenne à l'élargissement.

La plus grande inquiétude de la commission politique demeure néanmoins la question de la Bosnie-Herzégovine . Invitée à intervenir dans l'hémicycle, Mme Ana Triiæ-Babiæ, vice-ministre des affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine n'a pas caché les difficultés que traversait son pays en vue d'obtenir un accord entre les peuples constitutifs sur la réforme des institutions de son pays. La modification de la constitution devrait en effet faciliter l'allègement de la tutelle internationale sur le pays et permettre ainsi l'émergence d'une nouvelle génération d'hommes politiques, actuellement rétifs à oeuvrer dans des conditions dignes d'un protectorat. La ministre bosnienne a insisté sur la vocation européenne de son pays, rappelant son ambition d'intégrer l'OTAN puis l'Union européenne. La réforme de sa défense pour respecter les critères euro-atlantiques ou la participation de soldats bosniens à la Force internationale d'assistance en Afghanistan (FIAS) sont ainsi avancés comme une preuve de sa bonne volonté en la matière. La coopération régionale fait également figure de priorité aux yeux de la ministre bosnienne ainsi que la collaboration avec le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie.

La coopération avec le TPIY était au coeur de l'intervention de Mme Françoise Hostalier (Nord - UMP) :

« Je tiens d'abord à remercier M. le rapporteur pour le panorama clair et sans concession qu'il a brossé de l'ensemble des pays des Balkans. Même si je trouve ses recommandations un peu en retrait en comparaison du ton de son rapport, je le voterai néanmoins volontiers. Merci aussi à Mme la Ministre de nous avoir éclairés sur les progrès réalisés dans son pays et surtout sur la volonté politique forte de normaliser sur tous les plans les relations de la Bosnie-Herzégovine avec l'ensemble de la Communauté européenne.

S'agissant du rapport, mon cher collègue rapporteur, vous insistez, dans les paragraphes 48 et 54, sur les larges fractures qui existent actuellement au sein de la société en Bosnie-Herzégovine - fracture entre l'élite politique et le peuple et fracture entre les différentes ethnies. Je puis en témoigner. J'ai vu les dégradations régulières, notamment dans la région de Tuzla où la plupart des enfants des différentes ethnies ne peuvent plus être scolarisés dans les mêmes classes. Une situation comparable existe dans les entreprises. Une fracture se voit également, que vous ne mentionnez pas, entre les zones urbaines et les zones rurales. De ce fait, il importe d'être très vigilant en matière d'harmonie sociale et de mettre en place une politique bien plus volontariste.

Plus généralement, l'avenir des Balkans passe par la réconciliation entre les peuples et par l'assurance d'une paix durable. Elle passe donc par la justice.

D'ici quelques semaines, le 11 juillet, nous commémorerons le 14ème anniversaire de Srebrenica. Le Parlement européen vient d'ailleurs de voter, à l'unanimité, une résolution reconnaissant le 11 juillet comme journée officielle de commémoration du plus grand massacre commis en Europe depuis la Seconde guerre mondiale.

Beaucoup de responsables directs ou indirects de ces épouvantables événements sont toujours en liberté. Si Radovan Karadzic a enfin été arrêté le 21 juillet dernier, le général Ratko Mladic court toujours grâce, semble-t-il, à de nombreuses complicités.

M. le rapporteur, j'aimerais connaître votre sentiment sur les délais sans fin des procès de ces criminels et sur le fait que certains semblent avoir « disparu » ou soient intouchables et, en tout cas, pas inquiétés.

En revanche, paradoxe, Florence Hartmann, journaliste et ex-porte-parole de Carla Del Ponte, ancien procureur du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), a été mise en accusation par ce même TPIY. Elle sera prochainement jugée et risque d'être condamnée à sept ans de prison et à 300 000 euros d'amende pour avoir écrit dans son livre « Paix et châtiment » qu'il existait des documents connus et archivés au TPIY, mais placés sous le sceau de la confidentialité, qui permettraient de rendre justice aux victimes de cette guerre. Ainsi, pour avoir dit la vérité, Florence Hartmann sera condamnée, à moins que chacun prenne ses responsabilités et que le TPIY, Cour suprême s'il en est puisqu'il n'y a même pas de possibilité d'appel, reconnaisse que la justice doit passer avant le secret d'Etat. Merci de me faire connaître votre sentiment à ce sujet, M. le rapporteur. »

M. Bernard Fournier (Loire - UMP) a souhaité revenir sur la situation politique bosnienne dans une question adressée à la ministre bosnienne:

« Au printemps 2008, l'Union européenne et la Bosnie-Herzégovine ont signé un accord de stabilisation et d'association. Depuis, pour la mise en oeuvre de cet accord, l'Union européenne a demandé à la Bosnie-Herzégovine de prendre un certain nombre de dispositions qui devraient mettre le pays sur la voie de l'intégration dans les structures européennes.

Une des conditions les plus importantes était la modification de la Constitution qui, actuellement, il faut bien le dire, entrave le développement de l'État vers la modernité. Or cette condition n'a jamais été remplie.

Je vous pose donc la question suivante, Madame le Ministre : la Bosnie-Herzégovine est-elle toujours intéressée à s'intégrer dans les structures européennes ou bien les partis politiques sont-ils plutôt intéressés à une lutte intérieure pour le pouvoir et la continuité d'un discours nationaliste ?»

Mme Triiæ-Babiæ a, dans sa réponse, insisté sur les réformes déjà accomplies :

«Il est temps aujourd'hui pour mon pays de prendre seul les décisions qui le concernent. Après quatorze années d'existence, ses responsables cherchent aujourd'hui à analyser les événements passés. La guerre a duré trois ans, elle a été épouvantable. Et pourtant, depuis 1996 et les accords de Dayton, une véritable réconciliation a eu lieu dans le pays. Depuis 1998, ses trois groupes ethniques vivent normalement et se déplacent d'une partie à l'autre du pays. Le soutien de l'Union européenne et sa prise en compte des efforts accomplis seront déterminants à l'avenir.

Une énorme réforme a été menée en tout juste cinq ans, et les 400 000 hommes qui composaient les trois armées de Bosnie-Herzégovine n'en forment désormais plus qu'une.

La Bosnie-Herzégovine veut adhérer à l'Union européenne (UE) ; si ses membres prennent sérieusement en compte sa demande, ils comprendront que le moment est venu de transformer le Bureau du Haut représentant en bureau du Représentant spécial de l'UE.

S'agissant de la réforme constitutionnelle, la Bosnie-Herzégovine a signé un accord de stabilisation et d'association, qu'elle met en oeuvre de façon plus ou moins rapide selon les domaines, mais l'Union européenne n'en a jamais fait un préalable à l'adhésion de la Bosnie-Herzégovine. Elle a simplement appelé le pays à mettre en place les instances qui permettront à l'Etat de fonctionner et aux responsables politiques de prendre eux-mêmes les décisions qui s'imposent pour leur pays. Cette réforme serait néanmoins souhaitable et a d'ores et déjà commencé dans les domaines de la défense et de l'économie.

Enfin, s'agissant de la réforme de la police, elle est en cours. Ses débuts ont été douloureux en raison de désaccords sur la manière de l'engager. Le processus a été long - trois ans au bout desquels le Conseil des ministres et le parlement sont convenus de créer quatre nouvelles agences de police pour l'ensemble du pays. La Republika Srpska été pleinement associée à ce processus. Les directeurs de ces agences ont été nommés et le Parlement a approuvé leur budget. »

Comme le souligne le rapport de la commission politique, la situation politique bosnienne s'est toutefois sérieusement dégradée l'année dernière, le discours sécessionniste s'intensifiant notamment en Republika Sprska. La réconciliation espérée n'a pas encore eu lieu comme en témoignent la séparation constatée entre les ethnies dans les écoles, la double nationalité acquise par les bosno-croates ou les bosno-serbes, ou le nombre d'armes de petit calibre encore en circulation. La réduction de la présence de la communauté internationale n'apparaît pas, à cet égard, comme une solution viable, en dépit de la volonté qui y est associée de conférer aux responsables locaux une plus grande autonomie.

La crise économique et financière que traversent également les Balkans incite à maintenir l'aide internationale actuellement sur place , notamment sous sa forme militaire. Les progrès enregistrés ici et là ne sauraient être remis en cause par un désengagement. Les gouvernements des Balkans doivent néanmoins, comme le souligne la recommandation telle qu'adoptée, faire preuve d'initiative et de responsabilité en vue de s'affranchir définitivement de toute forme de tutelle internationale.

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