B. LA STRATÉGIE DES ENTREPRISES FRANÇAISES ÉNERGÉTIQUES

La Russie est un pays stratégique pour les entreprises énergétiques étrangères : elle possède le premier secteur électrique en Europe, en termes de capacités installée, ainsi que le premier système de réseaux de chaleur au monde, et s'est hissée au rang de premier producteur de gaz et de deuxième producteur de pétrole au monde.

Si la coopération entre entreprises françaises et russes se développe dans l'ensemble des secteurs de l'énergie, elle reste encore en deçà du niveau atteint par les entreprises allemandes ou italiennes dans les secteurs gazier et électrique, et par les entreprises britanniques dans le secteur pétrolier.

Comme dans d'autres pays étrangers, les entreprises françaises énergétiques abordent trop souvent le marché russe dans le désordre, sans un minimum de concertation entre elles, si bien que les négociateurs russes peuvent aisément jouer les unes contre les autres.

1. Dans le secteur des hydrocarbures

a) Total

Premier acheteur de brut russe, Total poursuit une stratégie de montée en puissance dans l'amont russe. Depuis 1999, Total est opérateur d'un consortium exploitant le gisement pétrolier de Khariaga (territoire autonome des Nenets) dans le cadre d'un accord de partage de production (PSA). Le consortium associe Total au norvégien Statoil-Hydro, à la société locale Nenets Oil Co et, depuis fin 2009, à la société pétrolière russe Zaroubejneft. Le projet Khariaga, modeste par la taille (24 000 barils/jour, avec une montée en puissance prévue jusqu'à 80 000 barils/jour), est l'unique champ produit à ce jour par Total dans le pays. Il a permis à la société française de faire son apprentissage de la Russie, dans un cadre juridique, le PSA, qui n'a toutefois plus la faveur des autorités russes.

En s'assurant au sein de la société Shtokman Development AG (51 % Gazprom, 25 % Total, 24 % Statoil Hydro), créée en février 2008, un partenariat privilégié avec Gazprom, Total est en voie de devenir un acteur important du secteur gazier en Russie. Le projet d'exploitation du champ gazier offshore géant de Shtokman en est encore au stade des études de faisabilité technique et commerciale ( voir infra page 37 ).

Le 24 juin 2009, Total a annoncé la signature avec Novatek, second producteur de gaz russe, d'un protocole d'accord en vue de l'achat de 49 % de Terneftgaz, société pour l'heure contrôlée à 100 % par Novatek. Terneftegaz détient une licence de production sur le gisement gazier terrestre de Termokarstovoye (47,3 milliards de m 3 de gaz et 10,3 millions de tonnes de condensat) dans la région des lamalo-Nenets. Ce projet, même s'il demeure de taille modeste comparé à celui de Shtokman, permet à Total d'améliorer son ancrage dans le paysage pétrolier et gazier russe.

b) GDF-Suez

En tant que client historique de gaz russe, GDF-Suez entretient des liens étroits avec Gazprom. Aux termes d'un accord conclu en 2006, les contrats de livraison de gaz russe à la France, qui représentent actuellement 16 % du gaz importé par GDF-Suez, ont été prolongés jusqu'en 2030. A à la différence de l'allemand E.On ou des italiens Enel et ENI, GDF-Suez n'a cependant pas encore transformé cette relation commerciale en véritable relation industrielle.

Cet état de fait pourrait néanmoins bientôt changer, dans la mesure où GDF-Suez et Gazprom négocient actuellement une entrée du groupe français dans le consortium Nord Stream AG, à hauteur de 9 %. Nord Stream est actuellement détenu par Gazprom (51 %), les allemands E.On (20 %) et BASF (20 %) et le néerlandais Gasunie (9 %). Le schéma le plus souvent évoqué pour permettre l'entrée de GDF-Suez dans le consortium est celui d'une cession de 4,5 % des parts de Nord Stream par chacun des actionnaires allemands.

c) EDF

L'opérateur français a signé avec Gazprom un accord global dans le domaine du gaz, prévoyant l'échange de volumes de gaz contre des volumes d'électricité sur le marché européen et la prise de participation d'EDF dans le consortium du projet de gazoduc South Steam.

d) Opportunités pour les fournisseurs français du secteur pétrolier

Hors Schlumberger, Technip, CGG Veritas et Axens, qui ont la taille et l'implantation suffisante pour démarcher des clients russes, les fournisseurs français du secteur pétrolier et parapétrolier misent avant tout sur un développement en Russie dans le sillage du projet Shtokman.

2. Dans le secteur de l'électricité

La Russie a engagé dès 2001 une réforme afin de moderniser ses infrastructures de production et de distribution d'électricité, pour répondre aux besoins d'investissements du secteur. Dans le cadre de ce processus de modernisation, l'opérateur historique public a été scindé en six sociétés de production électriques nationales (OGK) et quatorze sociétés de production électriques régionales (TGK). A l'exception de la société publique Inter RAO, la quasi-totalité de ces sociétés de production d'électricité exploitant des centrales thermiques a été vendue à des investisseurs russes (Gazprom, Loukoil) et étrangers (l'italien Enel, l'allemand E.On, le finlandais Fortum).

a) EDF

EDF privilégie une prise de participation, minoritaire mais visible, au capital d'Inter RAO. Cette société publique, qui bénéficie d'appuis politiques très forts, détient le monopole russe de l'importation et de l'exportation d'électricité, et s'est vue confié le deuxième parc de centrales thermiques du pays. Un protocole d'accord pour le développement de partenariat stratégique entre Inter RAO et EDF a été signé lors du séminaire intergouvernemental de Sotchi en septembre 2008 et l'intention d'une prise de participation d'EDF au sein d'Inter RAO a été confirmée lors du séminaire intergouvernemental de Rambouillet en novembre 2009.

Au cours de ce dernier séminaire, un accord a par ailleurs été conclu pour la création d'une joint venture dans le domaine de l'efficacité énergétique entre Fenice, filiale d'EDF, et Inter RAO.

b) GDF-Suez

En recevant, le 28 juillet 2009, MM. Gérard Mestrallet et Jean-François Cirelli, le Premier ministre Vladimir Poutine a appelé GDF-Suez à investir en Russie dans le développement des ressources en hydrocarbures, dans la production électrique et dans l'amélioration de l'efficacité énergétique. GDF-Suez avait renoncé en 2008 à acquérir la société russe TGK-10.

c) Alstom

Après avoir nettement réduit son périmètre d'activités en Russie depuis 2003, avec la cession de l'activité T&D au groupe Areva et la cession d'une participation dans Nevskiy Zavod (fabrication de turbines) à Siemens, Alstom a conclu en décembre 2006 un contrat pour la fourniture d'une centrale à cycle combiné au gaz à la compagnie moscovite MosEnergo. Mais le carnet de commandes d'Alstom en Russie pour les très grosses turbines demeure aujourd'hui faible. Pour percer, Alstom devra développer une production et des partenariats locaux.

En juin 2007, Alstom a constitué avec Atomenergomash une joint venture pour la production d'îlots conventionnels (turbines et alternateurs) pour les centrales nucléaires. Cependant, cette joint venture doit encore emporter sa première commande de turbine nucléaire pour prendre concrètement part au plan ambitieux de développement du nucléaire envisagé par les autorités russes.

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