3. Une partie importante de la population reste sans assurance

Ce système d'assurance laisse de côté une fraction non négligeable de la population.

a) La mesure du phénomène

Selon les derniers chiffres rendus publics par le Census Bureau (service en charge du recensement) américain, le nombre de personnes aux Etats-Unis qui ne bénéficiaient d'aucune couverture maladie était de 46,3 millions à la fin de l'année 2008, ce qui représentait 17 % de la population âgée de moins de soixante-cinq ans . Ce chiffre, qui n'était que de 44 millions en 2007, est en forte augmentation en raison de la crise économique et de la montée du chômage. Une étude récente a évalué à au moins sept millions le nombre de personnes qui pourraient perdre leur assurance en 2009-2010 3 ( * ) .

Parmi les personnes dépourvues de couverture maladie, le nombre d' immigrants en situation irrégulière est estimé à six millions.


Qui sont les personnes non assurées ?

- 80 % des Américains sans assurance maladie appartiennent à un ménage dont au moins un des membres a un emploi ;

- 38 % disposent de revenus inférieurs au seuil de pauvreté 4 ( * ) , 29 % de revenus compris entre le seuil de pauvreté et le double de ce seuil ;

- en raison de la faiblesse de leurs revenus, les jeunes de dix-neuf à vingt-neuf ans constituent la classe d'âge qui compte le pourcentage de non assurés le plus important (30 %) ;

- 62 % des adultes sans assurance ont un niveau d'éducation inférieur ou égal au niveau lycée ( high school , dans la terminologie américaine) ;

- les minorités sont davantage concernées : 13 % des Blancs n'ont pas d'assurance, contre 21 % des Noirs et un tiers des Hispaniques ; les étrangers ont trois fois plus de risques que les Américains d'être non assurés ;

- les trois quarts des personnes sans assurance en sont dépourvues pendant une période supérieure à un an ;

- enfin, près de la moitié souffrent d'une maladie chronique (diabète, cholestérol, arthrite, hypertension, asthme, problèmes cardiaques...) ; il leur est très difficile, pour cette raison, de trouver une assurance privée à un prix abordable.

Source : « The uninsured : a primer - Key facts about Americans
without health insurance », the Kaiser Foundation, octobre 2009.

La part de la population âgée de moins de soixante-cinq ans qui n'est pas assurée varie selon les Etats : de l'ordre de 6 % au Massachusetts, elle dépasse 25 % au Texas ou au Nouveau-Mexique. La Californie, avec un pourcentage un peu supérieur à 20 %, se situe au-dessus de la moyenne nationale.

Proportion de la population de moins de soixante-cinq ans
qui n'est pas assurée

b) Les ultimes filets de sécurité

En vertu de l' Emergency Medical Treatment and Active Labor Act de 1986, les personnes non assurées peuvent recevoir des soins en se présentant dans les services d'urgence des hôpitaux , qui ont l'obligation de les examiner et de stabiliser leur condition médicale. Les hôpitaux n'ont pas le droit de refuser des soins d'urgence à un patient pour des raisons financières, ni de retarder ces soins pour vérifier si le patient est assuré ou a les moyens de payer.

La loi ne vise que les seuls soins d'urgence : elle n'ouvre donc pas un droit à bénéficier d'un traitement préventif, ni à être reçu pour une consultation ordinaire, et n'oblige pas non plus les hôpitaux à assurer le suivi d'un patient après son hospitalisation.

Par ailleurs, les soins délivrés par les hôpitaux ne le sont pas nécessairement à titre gratuit, même en cas d'urgence. Au contraire, les frais qu'ils facturent aux patients non assurés sont souvent d'un montant très supérieur à ceux facturés aux patients couverts par un assureur privé ou par un régime d'assurance publique. En effet, les assureurs privés négocient avec les hôpitaux pour obtenir des tarifs avantageux, tandis que Medicare et Medicaid leur imposent un niveau de remboursement prédéterminé.

Dans ces conditions, un problème de santé peut rapidement plonger un ménage dans de sérieuses difficultés financières . En 2009, 20 % des personnes sans assurance déclarent avoir consacré la majorité de leur épargne au paiement de leurs dépenses de santé 5 ( * ) . Lorsqu'elles n'ont pas les moyens de payer ces dépenses, elles s'exposent, comme pour n'importe quel autre type de dette, à une saisie opérée par un organisme de recouvrement (collection agency) .

Une bonne partie de ces ménages étant insolvable, les hôpitaux subissent des pertes qu'ils compensent en majorant les tarifs demandés aux assureurs privés . Les Américains qui disposent d'une assurance s'acquittent donc d'une « taxe cachée », sous la forme de primes d'assurance plus élevées, et prennent en charge, sans en avoir nécessairement conscience, une partie des dépenses de santé réalisées au profit des personnes non assurées. Le montant de cette « surprime » est évalué à 1 000 dollars par an et par assuré 6 ( * ) .

Il existe par ailleurs, aux Etats-Unis, des organisations caritatives , financées grâce à des dons privés et à des subventions publiques, qui offrent aux personnes disposant de peu de ressources des soins gratuits ou à un prix abordable. A Los Angeles, la délégation a pu ainsi visiter la Saban Free Clinic, créée en 1967.


La Saban Free Clinic

La Saban Free Clinic offre aux personnes non assurées, résidant dans le comté de Los Angeles, l'accès à des soins de qualité et à des services sociaux. Elle fait partie d'un réseau comportant une quarantaine d'institutions comparables, qui travaillent en partenariat avec le comté.

Elle a disposé, en 2009, d'un budget de 13 millions de dollars , provenant pour un tiers de dons privés et, pour les deux tiers restant, de subventions publiques et des remboursements assurés par Medicare et Medicaid. Elle emploie une équipe composée de vingt-deux médecins, répartis sur quatre sites, et bénéficie du soutien de plusieurs centaines de bénévoles.

Elle a reçu un peu plus de 21 000 patients entre juillet 2008 et juillet 2009. Il s'agit, à hauteur de 80 %, de personnes vivant sous le seuil de pauvreté et, pour plus de la moitié, de membres de la communauté hispanique.

La récession a placé la Saban Free Clinic dans une situation difficile : le nombre de demandes de consultations s'est en effet accru, tandis que les dons et les subventions ont diminué. Le délai moyen pour obtenir un rendez-vous est ainsi passé, au début de l'année 2009, de trente à quarante-cinq jours.

Jusqu'en 2008, l'établissement portait le nom de L.A. Free Clinic. Il a été rebaptisé pour rendre hommage à ses deux principaux mécènes, Haim et Cheryl Saban, qui lui ont fait don de 10 millions de dollars. Au milieu des années quatre-vingt, Cheryl Saban, mère divorcée de deux jeunes enfants, dépourvue d'assurance maladie, a eu recours aux services de la clinique. Deux ans plus tard, sa situation matérielle a changé lorsqu'elle a épousé Haim Saban, riche producteur et philanthrope. Elle a souhaité venir en aide à ceux qui lui avaient tendu la main lorsqu'elle était elle-même dans la précarité.

* 3 Cf. Todd P. Gilmer et Richard G. Kronick, « Hard times and health insurance : how many Americans will be uninsured by 2010 ? », Health Affairs Web exclusive, mai 2009. Les auteurs soulignent que le modèle qu'ils utilisent pour produire leur estimation tend à sous-estimer l'impact des pertes d'emploi sur l'assurance maladie des Américains. L'estimation qu'ils proposent serait donc un minimum.

* 4 Le seuil de pauvreté aux Etats-Unis, défini au niveau fédéral, varie en fonction de la composition du ménage. Le tableau en annexe p. 59 indique les seuils retenus pour l'année 2009.

* 5 Cf. « The uninsured - a primer. Key facts about Americans without health insurance », the Kaiser Foundation, octobre 2009, p. 9.

* 6 C'est le chiffre avancé par le Président Obama dans son discours prononcé devant le Congrès le 9 septembre 2009.

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