2. Intercommunalité et mutualisation : un lien quasiment exclusif du fait de la faible place offerte à la mutualisation horizontale

La loi française ne contient pas de disposition autorisant, d'une manière générale et hors création d'un organisme ad hoc (syndicat intercommunal, par exemple), une mutualisation intervenant directement entre communes.

Faut-il déduire de ce silence l'impossibilité d'une mutualisation purement conventionnelle entre communes ? Il faut le craindre, nonobstant le principe selon lequel tout ce qui n'est pas formellement interdit est autorisé. C'est ainsi que, dans un arrêt récent, pourtant souvent présenté comme une victoire pour les partisans de la mutualisation entre collectivités publiques 11 ( * ) , le Conseil d'État a réitéré l'exigence du recours à une structure particulière :

« les collectivités publiques peuvent recourir à leurs propres moyens, pour assurer, dans le cadre de leurs compétences, les prestations répondant à leurs besoins ; elles ne sont pas tenues de faire appel à des tiers, en particulier à des entreprises, en passant avec eux des marchés publics ; si plusieurs collectivités publiques décident d'accomplir en commun certaines tâches et de créer à cette fin, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires qui leur sont applicables, un organisme 12 ( * ) dont l'objet est de leur fournir les prestations dont elles ont besoin, elles peuvent librement faire appel à celui-ci, sans avoir à le mettre en concurrence avec des opérateurs dans le cadre de la passation d'un marché public, dès lors qu'il leur consacre l'essentiel de son activité et qu'elles exercent conjointement sur lui un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services, un tel organisme ne pouvant en effet être regardé, alors, comme un opérateur sur un marché concurrentiel » (4 mars 2009, « SNIIS »).

Sans doute faut-il y voir l'empreinte encore pesante du droit communautaire, d'autant que l'arrêt en question a été rendu avant l'arrêt du 9 juin 2009 de la CJCE, « Commission contre Allemagne » (autrement dit avant l'ouverture des « fenêtres » que semble désormais ouvrir la jurisprudence communautaire et que le Président Alain Lambert a présentées). Peut-être le Conseil d'État considérera-t-il lui aussi que les récentes évolutions du droit communautaire permettent un assouplissement de sa jurisprudence.

Toujours est-il que, pour l'heure, l'absence de base législative pour les mutualisations conventionnelles entre communes (et, d'une manière générale, entre collectivités territoriales) conduit à subordonner celles-ci à la création d'une structure ad hoc. La mutualisation conventionnelle doit donc être « portée » par une intercommunalité. Cette position de principe est saine, mais des spécificités locales peuvent parfois conduire à des rapprochements qui ne nécessitent pas une intervention de l'intercommunalité : la question se pose alors de savoir si, dans ces cas particuliers et à condition qu'elle ne concurrence pas l'intercommunalité, une coopération renforcée entre quelques communes ne mériterait pas, sinon d'être encouragée, du moins d'être autorisée.

On doit d'ailleurs observer que le législateur s'est engagé dans cette voie en prévoyant, pour les gardes champêtres et la police municipale dans les zones rurales, la possibilité de mutualisations conventionnelles entre communes.

La mutualisation de la police municipale

1) La mutualisation via un EPCI (art. L. 2212-5 CGCT)

Depuis la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, un EPCI peut recruter des agents de police municipale pour les mettre à disposition des communes membres, à la demande d'une majorité renforcée de celles-ci.

Art. L. 2212-5 CGCT : « A la demande des maires de plusieurs communes appartenant à un même établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, celui-ci peut recruter, après délibération de deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou de la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population, un ou plusieurs agents de police municipale, en vue de les mettre à disposition de l'ensemble de ces communes. Leur nomination en qualité de fonctionnaires stagiaires ne fait pas obstacle à leur mise à disposition.

(...) Pendant l'exercice de leurs fonctions sur le territoire d'une commune, (les agents de police municipale ainsi recrutés) sont placés sous l'autorité du maire de cette commune. »

Ce dispositif appelle notamment les observations suivantes :

- sa mise en oeuvre n'opère pas un transfert de compétence entre les communes et l'EPCI : l'exercice de la police municipale continue de relever des maires ;

- il aboutit à une dualité d'autorité : l'autorité de gestion (recrutement, rémunération,...) est l'EPCI ; l'autorité dans le cadre opérationnel est le maire ;

- il constitue donc une forme de « mutualisation descendante » (puisque des personnels de l'EPCI sont mis à la disposition des communes), à savoir celle qui est considérée comme la moins problématique au regard du droit communautaire.

2) La mutualisation directe entre communes

« Les communes de moins de 20 000 habitants formant un ensemble de moins de 50 000 habitants d'un seul tenant peuvent avoir un ou plusieurs agents de police municipale en commun, compétents sur le territoire de chacune d'entre elles.

Pendant l'exercice de leurs fonctions sur le territoire d'une commune, ces agents sont placés sous l'autorité du maire de cette commune.

Chaque agent de police municipale est de plein droit mis à disposition des autres communes par la commune qui l'emploie dans des conditions prévues par une convention transmise au représentant de l'État dans le département. Cette convention, conclue entre l'ensemble des communes intéressées, précise les modalités d'organisation et de financement de la mise en commun des agents et de leurs équipements.

(...)

Une commune appartenant à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ne peut mettre en commun des agents de police municipale lorsqu'il met des agents à disposition des communes dans les conditions prévues à l'article L. 2212-5... »

* 11 En ce qu'il les dispensait expressément d'une procédure de passation de marché public.

* 12 Dans un arrêt du 6 avril 2007 (« Commune d'Aix-en-Provence »), le Conseil d'État avait précisé ce qu'il convenait d'entendre par « organisme » permettant à des communes de s'affranchir de la passation d'un marché public pour la gestion d'un service public hors régie. Il doit s'agir d'un « organisme dont l'objet statutaire exclusif est, sous réserve d'une diversification purement accessoire, de gérer ce service et (sur lequel les communes) exercent un contrôle comparable à celui qu'elles exercent sur leurs propres services leur donnant notamment les moyens de s'assurer du strict respect de son objet statutaire ». Le Conseil d'État avait alors ajouté, évoquant en ceci la question de la mutualisation : « un tel organisme peut notamment être mis en place lorsque plusieurs collectivités publiques décident de créer et de gérer ensemble un service public ».

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