5. Faire confiance au pragmatisme du juge tout en relayant la détermination des associations

Les moyens d'assurer une protection rapide et efficace des femmes victimes de violences sont un point central de la réflexion parlementaire. La proposition de créer une ordonnance de protection des victimes, à l'intersection du droit pénal et du droit civil, résulte en grande partie du constat des difficultés de mise en oeuvre. L'insuffisante utilisation de la mesure d'éviction du conjoint violent prévue au troisième alinéa de l'article 220-1 du code civil a montré une procédure insuffisamment utilisée.

Votre rapporteure souligne à cet égard que l'un des principaux enseignements qu'elle a pu tirer de ses investigations réside dans la diversité, sur le terrain, des situations de violences au sein des couples auquel s'ajoute le caractère apparemment paradoxal de certains comportements où alternent les phases de séparation et de réconciliation. Leur traitement judiciaire efficace repose dès lors nécessairement sur la définition de règles générales qui puissent néanmoins permettre au juge de faire preuve de pragmatisme. Ainsi, même si la loi fixe à juste titre le principe de l'éviction du conjoint violent et non pas de la victime, les associations témoignent du fait que beaucoup de femmes veulent se protéger en évitant que leur mari puisse connaitre leur adresse. Elles préfèrent donc quitter un domicile, qui par ailleurs leur rappelle les violences qu'elles y ont connues

6. Améliorer la détection des violences : diffuser les expériences réussies et des outils efficaces en matière de formation et de prévention

Votre rapporteure estime que la formation de tous les intervenants mais aussi, dès l'école, des auteurs et des victimes potentielles ou avérées de violences conjugales est une des composantes essentielles de la prévention et de la pacification des relations de couple.

Au cours des auditions, plusieurs considérations se sont imposées.

- Tout d'abord, pour être efficace, la formation doit être avant tout décloisonnée . Pour se persuader de la nécessité de cette orientation, on peut par exemple rappeler que, comme l'ont dit aux parlementaires de la délégation les associations lors de leur audition, il existe, sur le terrain, une certaine corrélation entre les demandes d'interruption volontaires de grossesse et le malaise ou les violences au sein des couples. Cette simple considération permet de mesurer intuitivement toute l'importance qui s'attache à saisir les occasions d'intervenir de façon précoce pour prévenir l'escalade des violences. Pour cela, les associations préconisent d' « aiguiser » les capacités de détection des signaux de détresse par les interlocuteurs des personnes en difficulté. Conformément au bon sens et à l'objectif de mutualisation des actions des acteurs publics et associatifs, il apparait donc souhaitable de favoriser la mixité professionnelle des publics en formation et des intervenants.

- Plus en amont, dès l'école, il conviendrait de mettre un terme au processus d'éparpillement de thématiques trop spécifiquement cantonnées alors qu'il convient d'établir des liens entre elles (l'éducation sexuelle, les discriminations entre hommes et femmes, les violences conjugales....) pour redéfinir de façon plus globale les contours d'enseignements ou de formations qui pourraient alors gagner en utilité et en intelligence des situations concrètes.

- Dans le même sens, l'une des innovations majeures du texte que nous examinons consiste à transposer la notion de harcèlement moral du monde professionnel aux relations de couple. Symétriquement, il semble naturel de préconiser de s'inspirer, par exemple, de certains stages de gestion des conflits ayant fait la preuve de leur efficacité pour pacifier les relations de travail afin de créer ou de perfectionner les outils existants et de diffuser des supports pédagogiques permettant à chacun de maitriser ses émotions et de réguler les comportements de couple.

- Constatant que l'utilité de la formation des interlocuteurs des victimes recueille, depuis plusieurs années une approbation unanime, votre rapporteure estime qu'il convient désormais de prolonger la formulation de recommandations ou de normes générales par des actions concrètes et efficaces de fabrication et de diffusion de supports multimédia qui peuvent servir de base de discussion et de formation ou même d'auto-évaluation, en formation initiale ou continue.

À titre d'exemple, le mouvement du Planning familial, a porté avec succès son choix sur un programme Québécois de développement affectif et social et a témoigné à votre rapporteure que celui-ci permet un travail de long terme avec les enfants dès le plus jeune âge (4 ans) et tout au long de la scolarité, pour prévenir le mal-être et les comportements violents en favorisant la conscience de soi, l'estime de soi et l'interaction sociale. Il permet aussi de répondre aux attentes des enseignants qui sont en forte demande d'outils pour leur permettre de prévenir le mal être des élèves et les comportements violents qui en découlent. Testé depuis la rentrée 2005 dans certains départements, il a suscité une forte adhésion chez les enseignants qui le mettent en oeuvre. On peut signaler à ce sujet qu'une des composantes de la réussite scolaire des enfants finlandais, tient, en réalité à la prise en compte, dans chaque discipline, de l'importance de ce facteur affectif dans un processus qui se situe aux antipodes de la « sélection par l'échec ».

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