LE DÉVELOPPEMENT DES SOINS PALLIATIFS EN FRANCE, SPÉCIFICITÉS D'UN MODÈLE DE SOIN ET D'UNE POLITIQUE PUBLIQUE - (JEAN-CHRISTOPHE MINO, MÉDECIN CHERCHEUR)

Cette intervention a pour objet d'exposer en quoi les soins palliatifs représentent un modèle spécifique de soin dont la diffusion prend en France une forme originale au travers du développement d'une démarche dite palliative. Cette démarche particulière peut représenter une ressource indispensable pour tous les professionnels de santé dans leurs pratiques auprès des personnes atteintes d'une maladie grave en phase avancée et de leurs proches. Lors de cette présentation, nous nous appuierons sur une analyse épistémologique et socio-historique des soins palliatifs dans notre pays permettant de mieux comprendre d'où vient selon nous l'idée de démarche palliative et quel rôle la politique de santé a pu jouer dans sa genèse. Les évolutions futures du système de soins et de la société, notamment le vieillissement de la population et la multiplication de longues maladies chroniques in fine incurables, appellent, nous le pensons, à l'adaptation, à la formalisation et au développement de cette démarche afin de fonder une véritable "médecine de l'incurable"

1. Les soins palliatifs, naissance d'un modèle spécifique de soin

Ces cinquante dernières années, le travail médical qui accompagne la phase dite "terminale" des maladies a connu des mutations importantes. Celles-ci sont la conséquence de transformations culturelles qui se sont d'abord exprimées dans les pays anglo-saxons avec un renouveau de l'intérêt pour la mort concomitant à l'évolution technique et organisationnelle de la médecine. En occident, le développement de nouveaux moyens diagnostiques et thérapeutiques a en effet permis l'émergence d'une médecine dite "curative", dont résulte en partie un changement des pathologies. Cette "transition épidémiologique" se caractérise par une diminution des maladies infectieuses et aiguës au profit de maladies chroniques dont l'évolution même a été transformée par les traitements. La notion exprime le passage d'une espérance de vie courte, où la mortalité est d'abord causée par les maladies infectieuses, à une espérance de vie plus longue dominée par d'autres types de pathologies (dégénératives, métaboliques ou cancéreuses 25 ( * ) ). Les nouvelles possibilités d'intervention médicale ont alors amené les professionnels de santé, et plus particulièrement les médecins, à se poser des questions sur leur rôle et les meilleures décisions à prendre lorsque la maladie échappe aux traitements usuels ou lorsque la vie ne peut être maintenue que par des moyens dits "extraordinaires" (machines de réanimation, traitements "héroïques"). En d'autres mots, non seulement la médecine moderne a concouru à la quasi-disparition de certaines pathologies et ce faisant de certaines formes et causes de mort, mais elle a en quelque sorte favorisé de nouvelles conditions pour la mort engendrant des questions inédites pour les professionnels, les personnes malades et leur entourage : quel type de traitement décider ? Qui en décide ? Que dire au patient ? Comment ? A quel point du développement de la maladie ?

Le cancer est l'exemple d'une pathologie typique de ces bouleversements où se redéfinissent sans cesse les frontières entre l'intervention thérapeutique et l'abstention en fin de vie. C'est un cas d'autant plus intéressant que les soins aux malades cancéreux ont été le lieu d'émergence d'un modèle spécifique pour la prise en charge des personnes mourantes, modèle porté par le "mouvement des soins palliatifs". Au moment où dans les années 60 de nouvelles questions sur la médecine et la mort se faisaient jour aux Etats-Unis et où paraissaient des travaux de sociologie de la médecine comme ceux de Renée Fox ou de Glaser et Strauss, les soins palliatifs prenaient leur essor en Grande-Bretagne. A Londres, celle qui deviendra la figure charismatique du mouvement, sa fondatrice Cecily Saunders, cherchait à améliorer la prise en charge en fin de vie des patients atteints d'un cancer. Ils étaient à cette époque souvent laissés seuls avec leur douleur après des traitements très lourds et invalidants. Par un travail de recherche, C. Saunders, successivement infirmière, assistante sociale puis médecin, montra que l'administration régulière d'antalgiques morphiniques permettait de contrôler la douleur des malades sans les transformer en "drogués". Elle contribua à élaborer un nouveau modèle de soin organisé à partir du concept de "douleur totale", c'est à dire à partir de la reconnaissance de la présence et de l'intrication des dimensions physique, psychologique, sociales et spirituelle de la douleur .

2. Un modèle de soin comportant 3 axes : clinique, éthique et organisationnel

Le modèle des soins palliatifs mêle indissociablement contrôle des symptômes et accompagnement du malade. En reprenant la définition de la Société Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), ce modèle dessine plusieurs axes, clinique, éthique et organisationnel :

"Les soins palliatifs sont des soins actifs dans une approche globale de la personne atteinte d'une maladie grave, évolutive ou terminale. Leur objectif est de soulager les douleurs physiques ainsi que les autres symptômes et de prendre en compte la souffrance psychologique, sociale et spirituelle.

Les soins palliatifs et d'accompagnement sont interdisciplinaires. Ils s'adressent au malade en tant que personne, à sa famille et à ses proches, à domicile ou en institution. La formation et le soutien des soignants et des bénévoles font parties de cette démarche.

Les soins palliatifs et l'accompagnement considèrent le malade comme un être vivant et la mort comme un processus naturel. Ceux qui les dispensent cherchent à éviter les investigations et les traitements déraisonnables. Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. Ils s'efforcent de préserver la meilleure qualité de vie possible jusqu'au décès et proposent un soutien aux proches en deuil. Ils s'emploient, par leur pratique clinique, leur enseignement et leurs travaux de recherche, à ce que ces principes puissent être appliqués." (SFAP)

L'axe clinique du modèle s'inscrit d'emblée dans le cadre d'un renoncement à agir sur la cause de la maladie que l'on sait désormais incurable. D'autre part, il s'agit - ce point est important à souligner - d'un modèle de soins actifs qui vise à préserver la qualité de vie, à soulager les symptômes, à prendre en compte la souffrance du patient ainsi que celle de son entourage. L'abstention vis-à-vis de la maladie, qui accompagne classiquement la phase où pour les médecins "il n'y a plus rien à faire", n'empêche pas une action orientée vers le confort puisque selon les termes mêmes de C. Saunders, "les soins palliatifs, c'est ce qui reste à faire lorsqu'il n'y a plus rien à faire". Bien sur, les médecins n'utiliseront pas de dispositifs techniques pour retarder la survenue de la mort (réanimation cardio-respiratoire, mais aussi transfusions sanguines, perfusions ou mesures de renutrition). Les soins palliatifs manifestent autant un rejet de l'acharnement thérapeutique que de l'euthanasie. La mort est "un processus naturel" (SFAP) qu'il ne s'agit ni de hâter ni de retarder en cherchant "à éviter les investigations et les traitements déraisonnables" (SFAP).

Par ailleurs, selon le modèle, la personne est vivante jusqu'au bout et il s'agit de "l'accompagner". La personne a toute sa place dans les soins tout au long du "mourir", période pleinement signifiante de l'existence humaine. Le choix de ne plus lutter contre la cause de la maladie et de laisser les choses suivre leur cours doit éviter de déposséder le patient de sa propre mort. Pour ceci, aider à la prise de conscience de la mort prochaine est, dans l'idéal, au coeur de la mise en oeuvre du dispositif d'accompagnement. Le modèle préconise que la relation au malade et à son entourage puisse s'établir avec franchise, qu'ils s'expriment et qu'ils échangent à propos de la maladie, des soins, et même de la mort qui approche. A ce propos, à partir des années 60, les travaux d'Elizabeth Kubler Ross, psychiatre suisse immigrée aux Etats-Unis, ont joué un grand rôle. Selon elle, les patients passent par certaines "étapes" face à l'évolution de leur maladie et à l'approche de la mort (déni, colère, marchandage, dépression et acceptation), ce qui nécessite une réaction adaptée des soignants. Ainsi, le modèle des soins palliatifs place la personne mourante au centre du soin. Il s'agit de la considérer comme un être social jusqu'à sa mort biologique, de chercher à préserver sa conscience le plus longtemps possible pour faciliter les relations avec ses proches et de lui donner l'occasion de régler ses affaires matérielles et affectives, de l'accompagner durant ses derniers moments. C'est l'axe majeur du projet éthique des soins palliatifs. Par ailleurs, une place importante est donnée dans ce projet à des personnes bénévoles qui contribuent à faire le lien et à le relayer dans la société civile.

Pour assurer le confort du patient ou au moins améliorer sa qualité de vie, et lui permettre de garder un rôle social, le modèle des soins palliatifs propose un mode d'organisation spécifique du travail garant de la continuité des soins. Les professionnels doivent essayer de répondre à l'ensemble des "besoins" sur plusieurs plans (physique, psychologique, social, spirituel). Une attention particulière est portée aux symptômes cliniques douloureux ou pénibles mais aussi à la souffrance psychique et à l'anxiété, aux possibles conflits personnels ou familiaux, à la question du sens donné par chacun à la maladie. Traiter des problèmes d'une telle complexité requiert un travail en équipe "multidisciplinaire", constituée d'intervenants de métiers différents (médecins, infirmières, aides soignantes, psychologues, assistantes sociales et bénévoles). Son organisation repose sur une exigence de collaboration et de coopération entre les membres de l'équipe, nécessite de disposer de temps et demande un ratio de personnel important. L'enjeu de ce travail "multidisciplinaire" est "l'approche globale" des problèmes du malade et une meilleure articulation des interventions. Le rôle des "soignantes" (infirmières et aides soignantes) est défini comme central. Les clivages hiérarchiques sont, toujours selon le modèle, atténués, chaque professionnel, et non plus les seuls médecins, ayant quelque chose à dire et devant participer aux décisions. La communication est fréquente, notamment à l'occasion de réunions et de transmission pluri-quotidiennes. Enfin, l'environnement des soins rappelle plutôt la maison que l'activité fébrile de l'hôpital. Destiné à accueillir les familles, la mort ne doit plus y être tabou.

Sous tendu par des techniques et des valeurs, le modèle des soins palliatifs se caractérise donc par un mode d'organisation rendant possible de nouvelles pratiques . Historiquement, il découle de lieux de soins spécialisés, spécifiquement créés et organisés pour l'accompagnement des malades. Le premier d'entre eux, le " Saint Christopher Hospice " , a été fondé par Cecily Saunders à Londres en 1967. C'est un établissement financé par des fonds privés, s'inscrivant dans la tradition des établissements anglais caritatifs destinés aux mourants ( hospices ), mais qui applique les méthodes antalgiques de la médecine moderne et représente aussi un lieu de recherche. Ses équipes soignantes s'attachent à soulager les douleurs et les symptômes des personnes atteintes principalement de cancer en phase terminale, à les soutenir psychologiquement et émotionnellement, à les accompagner ainsi que leurs proches au cours des derniers moments. L'organisation du travail y est effectivement plus souple et moins hiérarchique que dans un hôpital "classique". Le " Saint Christopher " est devenu dans les années suivant son ouverture "l'établissement phare des soins palliatifs". La multiplication des lieux de ce type dans le monde a permis la mise en oeuvre du modèle et donné lieu à des pratiques réellement innovantes ne se résumant pas à une simple abstention thérapeutique doublée de compassion. Depuis les premières structures, c'est ce même modèle qui est présenté comme philosophie et comme idéal, repris en tant qu'épine dorsale de projets très différents . Le développement d'un secteur 26 ( * ) spécifique pour les soins palliatifs emprunte alors des formes très variées. Par exemple dans notre pays où il reste malgré tout limité, on recense des maisons spécialisées, des unités avec des lits hospitaliers (USP), des équipes mobiles, des hôpitaux "de jour", des lits dédiés à l'hôpital, des équipes d'hospitalisation à domicile, des équipes de soutien et conseil au domicile, des réseaux de soins ville - hôpital etc.

3. La longue histoire des soins palliatifs dans notre pays

En France, l'histoire des soins palliatifs débute de manière obscure dans les années 70. Quelques pionniers s'inspirent des techniques développées au Saint Christopher hospice , dont on commence à peine à parler, et mènent des initiatives dispersées dans le domaine de la lutte contre la douleur cancéreuse. Parallèlement, un débat public sur la mort surgit au travers de la question de "l'euthanasie". C'est un aiguillon pour la structuration institutionnelle du milieu des soins palliatifs : création de l'association de bénévoles JALMAV (Jusqu'A La Mort Accompagner la Vie) en 1983, de l'Association pour le développement des Soins Palliatifs (ASP) en 1984. Le secrétaire d'Etat chargé de la Santé, Edmond Hervé, réagit lui aussi en confiant à un haut fonctionnaire, Geneviève Laroque, la présidence d'une commission regroupant médecins, infirmières, travailleurs sociaux, psychologues, représentants de l'ADMD, représentant d'association et administrateurs. Celle-ci est chargée de "réfléchir sur les conditions de la fin de vie et de proposer des mesures concrètes pour améliorer l'accompagnement des mourants". Le rapport de ce groupe est publié avec une circulaire ministérielle "relative à l'organisation des soins et de l'accompagnement des malades en phase terminale 27 ( * ) ". Cette circulaire est considérée par beaucoup comme le "véritable acte de naissance des soins palliatifs en France" car elle institue une forme de légitimité politique quant à leur place dans la prise en charge des malades en fin de vie. Elle affirme des principes et donne des indications d'organisation, préconisant notamment la création d'un nombre limité d'unités spécialisées.

Jusqu'au début des années 90, le développement du secteur des soins palliatifs en France se fera donc sur le modèle des hospices anglais et prendra essentiellement la forme de services d'hospitalisation spécifiques, les "unités de soins palliatifs" (USP) . En 1992, sur 32 structures spécialisées, 26 sont des USP. Dans la circulaire du 26 août 1986, ces unités sont d'abord vues comme des centres d'excellence selon le modèle classique de la spécialisation hospitalière. Leur mission est de traiter les cas les plus complexes, initier des recherches et participer à la formation de l'ensemble des professionnels de santé. Le secteur des soins palliatifs (au moins sous la forme d'unités d'hospitalisation spécialisées) est appelé à rester un domaine restreint qui doit diffuser savoirs et savoir-faire car "à terme, tous les services hospitaliers prenant en charge des malades lourds doivent être en mesure de pratiquer les soins palliatifs" (circulaire du 26 août 1986). Les USP n'ont pas vocation à accueillir un grand nombre de personnes mourantes : "d'une manière générale, il est indispensable, autant que faire ce peu, de ne pas changer le cadre dans lequel la personne a été soignée : les soins palliatifs doivent être dispensés aussi bien au domicile que dans les établissements sanitaires et sociaux" (circulaire du 26 août 1986). En d'autres termes, dès cette époque, les USP ne sont pas pensées comme devant connaître un développement systématique dans les hôpitaux, d'autant plus qu'en pratique, la circulaire n'est accompagnée d'aucuns moyens financiers.

Quelques mois plus tard, début 1987, soit vingt ans après la fondation du " Saint Christopher ", la première unité de soins palliatifs 28 ( * ) (USP) ouvre ses portes. La réalisation de ce projet d'une dizaine de lits a nécessité de constituer un environnement spécifique, jusque là inconnu dans un hôpital : architecture pensée sur le modèle d'une maison afin de reproduire un milieu de vie quotidienne et faciliter la venue des familles 29 ( * ) ; forte densité de personnel, organisation du travail et type de travail permettant une présence importante des médecins et des soignants auprès de chaque patient ; recrutement d'un psychologue et organisation de groupes de parole pour les professionnels (et pour les personnes en deuil). Bref, on a voulu mettre en oeuvre les principes et les modes de fonctionnement que nous venons d'exposer. Le financement de la construction de cette structure originale est assuré de manière paritaire par l'hôpital et par l'association pour le développement des soins palliatifs (l'ASP) qui assure avec 40 bénévoles une présence permanente. Cette première unité de soins palliatifs est située dans un établissement privé à but non lucratif et non dans un hôpital public. C'est un signe du contexte problématique voire hostile au sein de la médecine que doivent affronter à cette époque les promoteurs des soins palliatifs et ceci malgré le soutien officiel des pouvoirs publics.

Les dix années suivant l'ouverture de la première USP, le développement des soins palliatifs est lent et difficile . Appelées à se créer à moyens constants sur la base d'un redéploiement des ressources, les quelques structures nouvelles sont le fruit d'initiatives locales d'établissements privées à but non lucratif et/ou décidées hors "budget global 30 ( * ) ", sur des enveloppes financières supplémentaires consacrées au sida, plus rarement à la gériatrie. En d'autres termes, ce sont, au début des années 90, les moyens débloqués pour l'épidémie du sida, alors à son acmé avec plusieurs milliers de morts par an, surtout des personnes jeunes et actives, qui sont la ressource principale pour le développement des soins palliatifs en France. Pourtant, paradoxalement les unités fixes d'hospitalisation en soins palliatifs (USP) continuent à s'occuper en premier lieu de patients cancéreux. En 1993, un rapport remis par Henri Delbèque au ministre de la Santé d'alors, Bernard Kouchner, souligne l'absence de pilotage politique, le manque de moyens matériels et humains et la faiblesse de la formation en soins palliatifs des professionnels. Seules 26 USP (et 6 équipes mobiles hospitalières) sont recensées sur tout le territoire, dont la moitié (17) dans des établissements publics. Il y a peu de ressources pour les USP. Les Centres Hospitaliers Universitaires sont peu nombreux (7 sur une trentaine) à s'en être doté. L'absence de politique et de planification sanitaire aboutit à des disparités géographiques, la moitié des lits se trouvant en Ile de France.

Du côté de la profession médicale, l'Ordre des médecins, tout en soutenant l'approche des soins palliatifs, prend une position contraire au développement d'un secteur de lits dédiés aux personnes mourantes. Un tel développement est rejeté au nom de la déontologie des professions de santé et car il représenterait une forme inacceptable de ségrégation. Ainsi, la dernière version du code de déontologie médicale qui date de 1995 pose qu'il appartient d'abord à tout médecin tant en ville qu'à l'hôpital de s'occuper des soins en fin de vie. L'article n°38 énonce : "le médecin doit accompagner le mourant jusqu'à ses derniers moments, assurer par des soins et mesures appropriés, la qualité d'une vie qui prend fin, sauvegarder la dignité du malade et réconforter son entourage". Réaffirmant cet impératif, le document "Déontologie médicale et fin de vie" publié l'année suivante met en avant la responsabilité des médecins jusqu'à la mort de leur patient. Ils doivent dispenser eux-mêmes les soins palliatifs à l'hôpital ou en ville. Pour le Conseil de l'Ordre, les soins palliatifs sont d'abord conçus comme des pratiques dans une phase de soins. Ils se caractérisent par certaines attitudes, des gestes diagnostiques et thérapeutiques accessibles à tout professionnel sous réserve d'une formation adéquate, une attention aux besoins psychologiques du malade et de ses proches, un travail en équipe. Les soins palliatifs ne se résument pas à un état d'esprit et nécessitent un véritable savoir-faire qui demande un apprentissage : "La compétence technique ne doit pas être sous-estimée. Elle ne va pas de soi et doit s'acquérir. (...) Ce sont des soins à part entière, parfois décisifs pour la survie, souvent déterminants pour la qualité de vie. Pas plus que les soins curatifs, ils ne doivent être laissés à l'improvisation ou au système D" (document "Déontologie médicale et fin de vie").

4. Le modèle des soins palliatifs n'est pas qu'un beau discours. Il a vocation à être "mis en actes" dans tout le système de santé au travers du développement d'une démarche palliative.

En 1997, on dénombre seulement une cinquantaine d'unités de soins palliatifs dans les 3 500 hôpitaux français et autant d'équipes mobiles. Différents rapports au parlement (rapport Neuwirth sur la politique de développement des soins palliatifs et de l'accompagnement en 1998) et au Conseil économique et social (rapport Decisier sur l'accompagnement des personnes en fin de vie en 1999), mettent en évidence cette faiblesse de moyens. Devant ce constat, un plan triennal de développement 1999-2001 est lancé en 1998 par le ministre de la Santé, Bernard Kouchner. Il a pour objectif de développer les structures à l'hôpital et au domicile, de renforcer la formation des professionnels et l'information du public, et ainsi "de créer et de diffuser une culture de soins palliatifs à la fois chez les professionnels de santé et dans le public pour que chacun ait droit à une mort décente" (souligné par moi). Un an plus tard, à la suite des rapports parlementaires, le sénateur Neuwirth est à l'initiative d'une proposition de loi votée à l'unanimité par l'Assemblée Nationale et le Sénat 31 ( * ) . C'est un tournant majeur pour la reconnaissance des soins palliatifs dans notre pays. Ceux-ci sont définis comme des pratiques de soins qui peuvent être prodiguées par tout professionnel de santé : "Toute personne malade dont l'état le requiert a le droit d'accéder à des soins palliatifs et à l'accompagnement. Les soins palliatifs sont des soins actifs et continus pratiqués par une équipe interdisciplinaire en institution ou à domicile. Ils visent à soulager la douleur, à apaiser la souffrance psychique, à sauvegarder la dignité de la personne et à soutenir son entourage" (article L 1 er de la loi n°99-477).

Dans cette lignée, la circulaire du 19 février 2002 du ministère de la santé qui met en oeuvre la loi et accompagne le second plan quadriennal de développement des soins palliatifs 2002-2005, lancé en 2001 par Bernard Kouchner, affirme : "La démarche palliative n'est pas assez développée à domicile, en institution ou en établissement de santé. (...) Les soins palliatifs doivent progressivement s'intégrer dans la pratique de tous les soignants, à domicile comme en établissement de santé. (...) Tous les professionnels travaillant en équipe interdisciplinaire et en lien avec des professionnels formés spécifiquement, sont concernés par cette démarche 32 ( * ) " (souligné par moi). La stratégie de la politique publique est de diffuser et d'intégrer des savoirs et des savoir-faire, de développer des pratiques caractérisées par une démarche spécifique et non de multiplier des lits. Ainsi, plutôt que d'oeuvrer dans un secteur destiné à accueillir les personnes mourantes, les spécialistes des soins palliatifs doivent faciliter l'intégration des pratiques auprès de tous les professionnels concernés, aider à transformer la prise en charge de la mort à l'hôpital. A propos des USP, la circulaire sus citée fixe comme objectif de disposer à la fin du plan (en 2005) d'une structure de 10 à 15 lits par région dont les missions sont les suivantes : "Elle réserve sa capacité d'admission aux situations les plus complexes et/ou les plus difficiles. Elle assure une triple mission de soins, de formation, d'enseignement et de recherche".

Plutôt que créer des USP, la politique publique a préféré développer prioritairement un autre type de structures, les équipes dites "mobiles" (EMSP) . Celles-ci ont pour mission d'apporter aux professionnels une expertise et des conseils, de les soutenir psychologiquement car ils sont confrontés à des situations lourdes génératrices de stress et d'épuisement. Plus petites et plus légères que les unités de soins palliatifs, les EMSP regroupent habituellement quelques personnes : médecin(s), infirmière(s) et parfois un psychologue. Elles n'ont pas de lits, ni de malades en propre et se déplacent sur appel au chevet des patients qui restent dans le lieu où ils sont hospitalisés. Leur pratique est marquée par le déplacement, la mobilité à l'opposé des services cliniques et des unités de soins palliatifs dites "fixes". La circulaire n°2002-98 du 19 février 2002 précise : "L'équipe mobile de soins palliatifs est une équipe interdisciplinaire et pluriprofessionnelle qui se déplace au lit du malade et/ou auprès des soignants, à la demande des professionnels de l'établissement de santé. L'équipe mobile exerce une activité transversale au sein de l'établissement de santé. Elle a un rôle de conseil et de soutien auprès des équipes soignantes des services de l'établissement, de formation et est éventuellement associée à des fonctions d'enseignement et de recherche. Les membres de l'EMSP se déplacent au lit du malade et auprès des soignants, à la demande des professionnels de santé des services de l'établissement de soins. Ils ne pratiquent pas d'actes de soins. La responsabilité de ceux-ci incombe au médecin qui a en charge la personne malade dans le service." En médecine de ville, on a assisté, dans une moindre mesure, à la création de réseaux de soins dotés en soins palliatifs d'équipes transversales de « coordination » dont le rôle de soutien, de conseil et de formation est relativement proche des équipes mobiles mais également orienté vers l'organisation de la prise en charge au domicile.

Après une première phase où les USP ont été les seules structures créées, ces équipes spécialisées transversales sont devenues majoritaires dans notre pays ( cf. tableau). Ainsi, alors qu'en 1997 le nombre d'EMSP était sensiblement équivalent à celui des USP (une cinquantaine), il y avait huit ans après, fin 2005, quatre fois plus d'EMSP que d'USP (328 versus 80). Comme le souligne le bilan du premier plan triennal de développement : "Un effort particulier a porté sur les équipes mobiles, d'une part parce qu'elles facilitent la diffusion des soins palliatifs et leur intégration dans l'ensemble des services, d'autre part parce qu'elles jouent un rôle pivot dans la mise en place de réseaux ville-hôpital" (souligné par moi). En dix ans, leur nombre a été multiplié par cinquante tandis que celui des USP l'a été par trois. Le nombre de réseau est passé de zéro en 1997 à 110 fin 2005. Que ce soit sous forme d'équipes mobiles ou de coordination, les équipes transversales représentent plus de 80 % des structures spécialisées. Elles sont aujourd'hui la figure dominante du secteur des soins palliatifs en France. A titre de comparaison, le Royaume Uni disposait en 1998 il y a dix ans, pour une population équivalente à celle de la France, de plus de 700 structures fixes soit 220 hospices situés en dehors des hôpitaux et de près de 500 services de soins palliatifs hospitaliers comportant habituellement des lits, une équipe mobile, des consultations externes et parfois un hôpital de jour.

1987

1992

1997

2001

2005

USP

6

26

51

65

80

EMSP

0

6

55

150

328

Réseaux

0

0

0

Non connu

110

En France, en 15 ans les équipes transversales se sont donc développées plus vite et d'une manière beaucoup plus importante que les structures fixes. On peut lier ce fait à la volonté des pouvoirs publics, surtout à la suite de la loi de 1999, de ne pas mettre en place des services pour l'accueil des personnes mourantes, de transmettre, par la formation et le conseil, les compétences nécessaires pour que, partout, des pratiques de soins palliatifs soient dispensées 33 ( * ) . Les équipes transversales sont en quelque sorte comme des courroies de diffusion des soins palliatifs puisqu'il s'agit "de permettre au patient décédant (...) de pouvoir également bénéficier d'une approche de type soins palliatifs" (Actualités et Dossier en Santé Publique spécial "Soins palliatifs", 1999).

5. La démarche palliative peut représenter une ressource indispensable pour les professionnels de santé

Ainsi, si nous synthétisons les particularités du développement des soins palliatifs, nous pouvons conclure que depuis les lois de juin 1999 (mais aussi de mars 2002 puis d'avril 2005), l'accès à des soins palliatifs et à l'accompagnement est un droit pour toute personne malade dont l'état le requiert mais qu'il se fait dans notre pays sous une forme originale . En effet, les services d'hospitalisation spécialisés (USP) sont très peu nombreux et accueillent seulement les cas les plus complexes. La quasi-totalité des malades est soignée par des professionnels de terrain non spécialisés en soins palliatifs. Ils peuvent être aidés par des petites équipes transversales (équipes mobiles à l'hôpital et équipes de coordination des réseaux au domicile) qui, grâce à leur expertise, facilitent le soulagement des symptômes, la coordination des soins ainsi que l'aide aux personnes. Par le conseil, la formation et le soutien, elles contribuent à l'application d'une "démarche palliative" là où sont soignés les malades. En France, le droit à recevoir des soins palliatifs n'équivaut donc pas à l'accès à des structures spécialisées mais bien plutôt à la garantie que, le moment venu et quelque soit le lieu où se trouve la personne, les professionnels de santé pourront mettre en oeuvre une telle démarche . Pour les professionnels de santé, cette démarche est une ressource indispensable afin de mieux s'occuper des personnes malades. Elle peut être mise en pratique par des soignants formés, compétents, exerçant en pluridisciplinarité et si nécessaire soutenus et conseillés par une équipe transversale spécialisée. Cette démarche peut permettre aux professionnels d'accomplir un exercice qui corresponde à leur conception d'une médecine et de soins de qualité.

Si l'on reprend les 3 axes du modèle énoncé plus haut, nous pouvons dire que la démarche palliative est simultanément clinique, éthique et organisationnelle . Tout d'abord, les soignants qui la pratiquent cherchent à limiter autant que faire se peut la douleur, les divers symptômes liés à l'évolution de la maladie, les conséquences des soins eux-mêmes. Il s'agit de permettre aux personnes gravement malades de vivre les sensations les moins déstructurantes possibles et d'entretenir un rapport plus pacifié avec leur corps et les soins. C'est une tâche qui demande d'utiliser des médicaments, des dispositifs techniques et des soins infirmiers, diététiques ou de kinésithérapie dont le mode d'administration s'appuie sur un corpus de connaissances et de savoir-faire cliniques complets, sur des compétences techniques certaines. Au-delà du contrôle des symptômes, le travail des équipes soignantes contre l'inconfort physique rassemble tous les gestes, préventifs ou actifs permettant au patient de ne pas trop souffrir : prévention de la douleur provoquée par les actes de soins ou la mobilisation, abstention de certains gestes invasifs, positionnement dans le lit ou au fauteuil, utilisation de coussins ou de fauteuils spéciaux, de lits électriques, mobilisation régulière, humidification et bains de bouche etc. Le lieu d'application principal de ces pratiques reste le corps, et l'on en évaluera l'efficacité auprès du malade. Les principaux critères de jugement ne s'appuient plus prioritairement sur les examens complémentaires mais sur ce que dit la personne. Il en résulte une forme particulière pour la seconde dimension de la démarche palliative, la dimension éthique.

En effet, en passant du contrôle de la maladie à la lutte contre l'inconfort, le professionnel n'ajuste pas son action à des éléments "objectifs" apportés par la biologie, la radiologie ou les explorations fonctionnelles mais à la parole du patient. Ce mode de rapport au patient est largement déterminé par le type de savoir sur la maladie. Et c'est du fait de certaines spécificités physiologico-cliniques que la médecine de la douleur tient a priori la plainte des malades pour valide. Le symptôme douloureux est par excellence subjectif puisqu'on ne peut se fier qu'à celui qui le ressent. Le travail de confort ne visera donc pas à l'ajuster à une valeur biologique ou fonctionnelle externe. Mais une telle approche ne se réduit pas à la maîtrise technique de symptômes désagréables. Elle se définit aussi par la volonté d'instaurer un certain type de relations avec les personnes. Ainsi vise-t-on, autant que faire se peut à prendre les décisions après une recherche active des préférences personnelles des patients et de leurs choix. En théorie, l'exercice de cette démarche cherche à promouvoir des pratiques respectueuses du patient, quel que soit son état clinique et intellectuel. Le travail relationnel peut être multiforme et répondre à plusieurs objectifs : faciliter la formulation et la prise en compte du point de vue du patient comme par exemple son avis sur le lieu de soins (hôpital ou domicile), lui exprimer spontanément de la sollicitude, entendre ses questions ou ses craintes, permettre l'expression de certaines émotions et de ses principaux souhaits, être attentif à son entourage et à ses problèmes etc. Ces pratiques peuvent être rassemblées sous une même logique : toujours agir avec le malade comme avec une personne, sujette et actrice de sa vie.

La dernière dimension de la démarche palliative concerne le cadre de l'exercice et l'organisation des soins. Sa description ne se limite pas aux seuls aspects cliniques et éthiques décrits dans les paragraphes précédents. D'autres dimensions, politique et d'organisation du travail, sont tout aussi importantes. En effet, la médecine dépend d'un système de santé tout entier et de nombreuses questions d'organisation du travail se posent. Pouvoir répondre à ces questions nécessite un effort de formalisation d'un cadre collectif de travail propice et des moyens particuliers. En s'inscrivant ouvertement dans les objectifs des équipes soignantes, une telle démarche peut faire partie du projet des services (démarche palliative de service), des structures ou des établissements. Réaliser ce projet en équipe pluridisciplinaire demande de formaliser des modes de décision et des stratégies permettant d'administrer aux malades les meilleurs soins de confort possibles. Pour ceci, le travail collectif à partir d'échanges autour du projet médical et de soins doit faciliter la prise en charge des personnes malades et le soutien à leur entourage. Mais promouvoir la démarche palliative ne devrait pas se limiter à l'organisation des soins au sein des seuls services. Entre les établissements et les secteurs institutionnels, les trajectoires de maladie devraient être plus harmonieuses pour éviter les ruptures et les incohérences, condition indispensable pour déployer des pratiques en adéquation avec la qualité de la vie. Là aussi il faut contribuer à reconfigurer les relations entre professionnels, en particulier entre l'hôpital et le domicile, comme ont commencé à le faire de façon plus ou moins formalisée certains réseaux de santé.

Cette conception de la démarche palliative répond aux ambitions du projet historique des soins palliatifs car son enjeu est bien de promouvoir les conditions d'un renouvellement des manières de faire auprès des malades . Dans cette perspective, le développement des soins palliatifs dans le système de soins n'équivaut pas seulement à l'existence d'un nouveau secteur médical spécialisé. A côté des structures de soins palliatifs, la diffusion d'une démarche palliative renvoie aussi à une transformation des manières de travailler au sein même de la médecine, à la façon de prendre les décisions importantes de la prise en charge, aux rationalités et aux objectifs des pratiques quotidiennes, à la façon de collaborer et de se mettre d'accord sur au nom de quoi on intervient. Ces aspects appellent une politique de santé qui soit attentive aux mises en oeuvre concrètes dans les structures et entre elles, au-delà des discours et des principes généraux. Les soins palliatifs en France ne relèvent donc pas que de la multiplication de lits spécialisés. La poursuite de leur développement nécessite de s'appuyer sur une stratégie créative d'organisation des soins et d'élaboration de nouveaux outils pratiques et de gestion destinés à faire évoluer la médecine et à promouvoir la qualité de vie. Cette nouvelle forme d'approche s'inscrit dans la lignée des grandes innovations organisationnelles de ces dernières années telles que les équipes mobiles hospitalières ou les réseaux de soins.

Conclusion : de la démarche palliative à la "médecine de l'incurable"

Mais, en deçà de la toute fin de vie et de la mort, la démarche palliative peut aussi représenter une ressource face aux problèmes posés par le développement futur des nombreuses situations d'incurabilité chronique . Dans notre pays, un nombre de plus en plus important de personnes sont touchées par des pathologies incurables ou du moins inguérissables. Malgré de nombreuses avancées, la médecine contemporaine ne peut pas obtenir la guérison de nombreuses maladies. C'est notamment le cas des maladies chroniques qu'au fur et à mesure de leur évolution les traitements contrôlent de moins en moins, c'est aussi le problème des maladies dégénératives, des cancers non maîtrisées, de la plupart des maladies génétiques et orphelines, cela concerne enfin les situations de handicap sévère. Néanmoins, si elle ne peut pas les guérir voire les traiter, la médecine peut être d'un puissant secours dans de telles situations pour les personnes malades. Des pratiques relevant d'une démarche palliative pourraient être une des pistes à suivre pour aider les soignants et les personnes malades confrontés à ces situations. En visant à protéger les patients activement de certaines souffrances, la formalisation d'une telle démarche peut permettre aux professionnels de mieux dispenser les soins. Il est nécessaire de pouvoir réaménager le principe d'action "curatif" dominant qui légitime parfois le choix d'interventions au nom de l'efficacité thérapeutique sans les contrebalancer par des considérations d'inconfort ou de répercussions néfastes dans la vie des personnes malades. Le fil directeur de la démarche n'est pas tant à rechercher dans le type d'actes opérés que dans le but et la logique pratique qui président à l'arbitrage des choix de la prise en charge selon leurs objectifs, leurs avantages et leurs inconvénients. Loin de se réduire à un antonyme du "curatif", et donc de s'opposer implicitement à la médecine moderne, la démarche palliative fait selon nous partie des ressources médicales indispensables devant certains problèmes complexes. A côté de l'efficacité des traitements, les notions de qualité de vie et de respect du malade sont des attentes fortes du public vis-à-vis de la médecine.

En conséquence, si la démarche palliative vise à faire face à la maladie en mobilisant des savoirs et des savoirs faire médicaux et psycho-sociaux inscrits dans une certaine organisation du travail, selon une logique spécifique et en référence à des principes éthiques, alors il semble possible d'envisager son application sans faire référence à la fin de vie. La philosophie d'une telle démarche (mais faut-il encore l'appeler palliative ?) articulerait une conception de l'action médicale comme exercice de soulagement et de soutien du patient face à sa maladie selon une éthique de la relation clinique vue comme relation d'aide au service d'un sujet. Cette nouvelle forme de médecine, que l'on pourrait dénommer d'une manière provocatrice une "médecine de l'incurable", n'étant possible que grâce à une organisation collective du travail formalisée entre les différents professionnels et les secteurs de soins. Ainsi, si la démarche palliative a émergé dans le cadre de la fin de vie, les ressources qu'elle propose ne sont pas exclusives de ce moment ultime. En mettant en avant la qualité de vie, l'expérience de la maladie, le point de vue et la place du malade dans les soins, elle nous semble grandement utile pour la gestion de la vie quotidienne dans les pathologies et les situations de vulnérabilité liées au vieillissement de la population. Il serait alors intéressant de pouvoir analyser, développer et enseigner ce nouveau modèle épistémologique et éthique d'intervention en faveur de la vie quotidienne face et avec la maladie. Un nouveau champ de pratique et de recherche pourrait alors s'ouvrir, qui permette à l'exercice de la médecine et des soins de s'adapter, consciemment et en l'assumant ouvertement, aux évolutions en cours de la santé de la population et aux changements profonds à l'oeuvre dans la société vis-à-vis du corps, de la médecine et de la maladie.

Quelques références du même auteur pour approfondir

Mino JC., Fournier E. « Les mots des derniers soins. La démarche palliative dans la médecine contemporaine », Paris, Les Belles Lettres, collection Médecine et Sciences Humaines, 2008, 353 p. Prix d'Ethique Médicale 2008 de l'Institut Maurice Rapin

Mino JC., Frattini MO., Fournier E. « Pour une médecine de l'incurable », Revue Etudes, juin 2008 : 753-764

Mino JC., Frattini MO. « Les soins palliatifs en France. "Mettre en pratiques" une politique de santé. », Revue Française des Affaires Sociales, 2007, 2 : 139-156

Mino JC. « Entre urgence et accompagnement, les équipes mobiles de soins palliatifs », Sciences Sociales et Santé, 2007, 25 (1) : 63-92

Frattini MO., Mino JC. « Les réseaux, un outil de recherche et développement au service de l'évolution du système de santé », Santé Publique, 2006, 3 : 475-481

Mino JC., Frattini MO., Lert F. « Quel avenir pour les structures spécialisées en soins palliatifs en France ? », Médecine Palliative, 2005; 4 : 163-164

Mino JC., Lert F. « Soins palliatifs, souffrance totale et travail en équipe », in Chauvin P. et Parizot I. (dir.), « Santé et expérience de soins. De l'individu à l'environnement social », collection Questions en Santé Publique, Paris, Editions de l'Inserm, 2005 : 61-73

Mino JC. « Les spécificités de la politique de développement des soins palliatifs en France », in Hirsch E. (dir.) « Face aux fin de vie et à la mort », Paris, Vuibert, 2004 : 117-121

Mino JC., Lert F. « Le travail invisible des équipes de soutien et conseil en soins palliatifs au domicile » Sciences Sociales et Santé, 2003, 21 (1) : 35-63


* 25 Mais il faut souligner que l'espérance de vie a aussi fortement cru sous l'effet de l'amélioration des conditions de vie, et ceci bien avant la plupart des innovations techniques de la médecine moderne.

* 26 Le terme secteur de soins palliatifs désigne l'ensemble des moyens, matériels et humains, représentés par les structures spécialisées en soins palliatifs. D'apparition récente, la discipline de soins palliatifs n'est pas une spécialité médicale reconnue : il n'y a pas pour le moment de postes hospitaliers et universitaires spécifiques, pas de catégorie administrative correspondante dans les tableaux de l'Ordre des médecins.

* 27 Cette circulaire du 26 août 1986 (bulletin officiel n°86/DGS/3D) a été dénommée par la suite "circulaire Laroque".

* 28 Avant 1980, il existait 4 lieux pour l'accueil des personnes mourants en France dont 3 étaient des "maisons" tenues par des congrégations religieuses. Un petit hôpital privé parisien disposait de 22 lits depuis 1978 mais curieusement, il n'est jamais mentionné dans les écrits ou les communications publiques.

* 29 Celles-ci peuvent rester dans l'unité 24 heures sur 24, une partie du service leur étant destinée : une cuisine, une salle à manger, un coin salon avec un piano et une chambre.

* 30 Budget fixe attribué chaque année pour les hôpitaux par les pouvoirs publics. Il est remplacé petit à petit depuis quelques années par un financement à l'activité (T2A).

* 31 Loi n°99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit d'accès aux soins palliatifs.

* 32 Circulaire n°2002-98 du 19 février 2002 relative à l'organisation des soins palliatifs et de l'accompagnement, en application de la loi n°99-477 du 9 juin 1999, visant à garantir le droit d'accès aux soins palliatifs.

* 33 Au-delà des aspects déontologiques, on peut penser que des raisons économiques ne sont pas absentes d'un tel choix puisque les moyens nécessaires à la création et au fonctionnement d'une équipe mobile sont incomparablement moindres que ceux d'une unité des soins palliatifs.

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