2. Instituer un schéma d'aménagement des zones littorales à risque

Il est toutefois possible que ces innovations ne suffisent pas à créer une politique intégrée de gestion du littoral, dans la mesure où elles ne répondent pas directement au problème de la « fragmentation des outils et des législations » que votre mission a mis en évidence.

Dès lors, votre mission entend tirer les leçons des échecs passés en proposant la création d'un document permettant de gérer, de manière unifiée, l'ensemble des sujets afférents au littoral -c'est-à-dire d'un véritable « schéma d'aménagement des zones littorales à risque ».

En effet, pour votre mission, les secteurs exposés à un risque de submersion marine ne doivent pas être abandonnés, mais reconvertis. La conscience du risque ne doit pas être synonyme de désertification : elle doit au contraire pousser à une réorganisation de l'espace respectueuse à la fois des risques naturels, de l'environnement et des besoins des populations locales.

Pour ce faire, un schéma d'aménagement des zones littorales à risque visant à créer un équilibre global entre les zones qui doivent être rendues à la nature, celles qui peuvent accueillir des activités économiques et celles, enfin, qui sont destinées à une occupation humaine, devra être instauré. Impliquant non seulement les seules « zones d'extrême danger », mais aussi toutes les zones incluses dans le bassin de vie concerné, il permettrait donc la mise en place d'une réflexion urbanistique globale.

Pour la cartographie nationale, votre mission a, dans ses propositions n° 9 et n°10, suggéré, d'une part, de distinguer, au sein de la future cartographie nationale des zones dangereuses, les différents types de risques naturels auxquels ces zones sont exposées et, d'autre part, de clarifier le statut des futures « zones d'extrême danger », afin de déterminer si elles seront inhabitables ou inconstructibles -et, le cas échéant, sous quels critères-, et les délimiter en concertation avec les élus locaux et les habitants.

Dans le même esprit mais cette fois-ci au niveau local, le schéma d'aménagement des zones littorales à risque distinguerait quatre types de zones :

- les zones qui doivent être laissées ou rendues à leur état naturel parce qu'elles exercent un rôle de « tampon » et limitent l'impact des inondations -c'est notamment le cas des marais, qui fonctionnent fréquemment comme des « absorbeurs » naturels dans les zones littorales- ou en raison de leur intérêt écologique. Pour sanctuariser ces zones, plusieurs outils pourraient être envisagés : zones de préemption au bénéfice du Conservatoire du Littoral ou des collectivités territoriales, ou encore mise en place d'expériences de « recul stratégique » sur la base du volontariat.

Les expériences de recul stratégique : l'exemple du lido de Sète et Marseillan

Situation actuelle

Le lido de Sète à Marseillan est une bande sableuse de 11 km de longueur et de 1 à 2 km de largeur, qui sépare l'Étang de Thau de la mer. Espace emblématique du littoral languedocien, il présente un fort intérêt écologique, notamment sur sa façade vers l'étang. Traversé par une voie ferrée à haut trafic (ligne Bordeaux-Nice) et une voie littorale importante reliant Sète à Marseillan et Agde, il abrite des activités économiques importantes (tourisme balnéaire, camping, viticulture, etc.).

Le site subit une forte érosion côtière (perte de 45 hectares entre 1954 et 2000), aggravée par la présence de la route littorale construite en haut de plage. Cette érosion a, depuis les grandes tempêtes de 1982 et 1997, un impact important sur les activités présentes sur le lido et peut remettre en cause, à terme, leur pérennité. Elle se traduit surtout par des coupures de plus en plus fréquentes de la route, qui nécessitent, chaque année, des interventions lourdes et coûteuses (enrochements).

Par ailleurs, la présence de la route encourage, en été, une fréquentation touristique aussi forte (plus de 800 000 visiteurs par an) qu'anarchique, avec le stationnement le long de la voie, presque sur la plage, de milliers de véhicules et de camping-cars, qui accentuent l'image très dégradée du site.

Objectif de l'opération de recul stratégique

Les études menées, depuis 2001, par les communes de Sète et de Marseillan ont mis en évidence la nécessité de procéder au recul stratégique de la route littorale, comme seule solution pour une protection durable du lido.

Fortement portée par l'État à travers la Mission Interministérielle d'Aménagement du Littoral et le Service Maritime et de Navigation, la réflexion a, depuis lors, été menée avec l'ensemble des partenaires concernés, en s'inspirant notamment de la méthodologie des Opérations Grands Sites et des principes de Gestion Intégrée des Zones Côtières (GIZC).

Elle a permis de faire émerger un projet partagé, avec la signature d'une charte d'objectifs et une première phase de concertation publique, en novembre 2003, et un maître d'ouvrage, la Communauté d'Agglomération du Bassin de Thau.

Le projet vise à reculer la route littorale en arrière du cordon dunaire, le long de la voie ferrée. Ce recul doit permettre de :

- reconstituer une large plage de plus de 70 m et son système dunaire, pour rétablir un fonctionnement normal de la plage et assurer une protection durable contre l'érosion ;

- recréer une voie littorale traitée comme une voie de découverte du lido (et non plus une voie à grande circulation), le long de laquelle le stationnement sera rendu physiquement impossible (plots, barrières, plantations) ;

- mettre fin au stationnement anarchique et dangereux, en créant trois poches de stationnement pour une capacité totale de 3000 places ;

- différentier trois types de plage (sauvage et naturelle, semi-naturelle et urbaine) fonction de leur niveau d'équipement et de leur accessibilité :

- développer les déplacements doux, en créant une navette de desserte en site propre connectée au réseau urbain et une piste cyclable en arrière du cordon dunaire ;

- requalifier les milieux naturels dégradés (reconstitution de la digue des anciens salins, nettoyage généralisé...) et aménager des lieux de découverte et d'interprétation des paysages et des milieux, permettant aux visiteurs de comprendre la richesse et la diversité du lido, sans pour autant favoriser une fréquentation anarchique des espaces de bord d'étang ;

- conserver des conditions d'exploitation viables pour l'activité viticole, élément clé du paysage du lido et de la gestion du site ; assurer le maintien des activités économiques présentes sur le lido (INRA, usine Listel et camping du Castellas).

Source : préfecture du Languedoc-Roussillon

- les zones qui, bien que dangereuses, peuvent recevoir des activités économiques, touristiques ou culturelles diurnes (par exemple, aux Pays-Bas, certaines zones soumises à un risque extrême ont été transformées en zones de loisirs). Dans ce cas, une véritable stratégie de reconversion devrait être élaborée à l'échelle de l'agglomération afin de redéployer les activités économiques ;

- les zones dans lesquelles l'occupation humaine est acceptée, mais de manière limitée et sous condition (c'est-à-dire en imposant aux propriétaires de réaliser certains aménagements) ;

-  les zones soumises à un risque limité, et où l'occupation humaine est autorisée sans restrictions particulières. Ces zones auraient vocation à devenir, à terme, les principaux secteurs résidentiels : l'habitat devrait donc y être densifié pour que la pression démographique qui s'exerce sur le littoral ne se traduise pas par une augmentation de l'exposition au risque pour les populations.

Votre mission souligne que le changement de destination de ces deux premiers types de zones (c'est-à-dire aux zones exposées à des risques forts à extrêmes) pourrait être facilité par un usage concerté du droit de préemption. Lors de leur audition, MM. Pierre Baudry et Stéphane Marco de la SAFER de Poitou-Charentes-Vendée ont estimé que les zones dangereuses pourraient être gérées par le biais des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains (PPAEN), créés par la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 : ces périmètres permettraient d'impliquer l'ensemble des acteurs locaux, puisqu'ils feraient l'objet d'un programme d'action élaboré par le département, en accord avec les communes et les EPCI concernés.

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