B. UN ÉCHEC QUALITATIF : UNE ADMINISTRATION EXSANGUE

Cette réduction des effectifs n'a pas été sans conséquences sur l'efficacité de l'administration centrale de l'outre-mer.

En effet, ses moyens humains ne semblaient déjà pas à la hauteur des missions qui lui étaient confiées antérieurement à sa réorganisation. Ainsi, le rapport public annuel de la Cour des comptes précité de 2005 constatait que « l'administration centrale de l'outre-mer ne dispose pas [...] des moyens humains adaptés à l'exercice de ses missions » et que « le ministère ne dispose pas non plus des moyens administratifs et humains lui permettant d'appliquer ce que devrait être la politique définie pour l'outre-mer ».

En pratique, d'après ce que votre rapporteur spécial a pu constater au cours de l'ensemble des entretiens qu'il a conduits, de son déplacement rue Oudinot et dans le cadre des réponses fournies par le ministère aux questionnaires qu'il lui a adressés, la réorganisation de l'administration centrale de l'outre-mer se traduit par un échec qualitatif .

1. Un taux de renouvellement facteur de déstabilisation pour la DéGéOM

Outre une réduction drastique de ses effectifs, la réorganisation de l'administration centrale de l'outre-mer a induit des mouvements d'agents particulièrement importants . Ainsi, de manière générale, le taux de remplacement des cadres du ministère, toutes catégories confondues, a été de 44,19 %.

Renouvellement des agents de la Daesc et de la Dapaf
lors de la création de la DéGéOM

Agents précédemment affectés à la Dapaf ou à la Daesc

Catégories

Affectés au 31/12/09

Nouveaux arrivants

Changement d'affectation

Maintien sur le poste

Taux de remplacement 1

A +

14

11

1

2

78,57 %

A

68

36

18

14

52,94 %

B

16

4

4

8

25,00 %

C

31

6

12

13

19,35 %

Total

129

57

35

37

44,19 %

1 Ce taux est le rapport entre les agents qui n'appartenaient pas à l'ancien périmètre de la Daesc et de la Dapaf et le nombre total d'agents nommés à la DéGéOM.

Source : réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial

Ce taux masque des disparités importantes selon les catégories statutaires et selon les domaines fonctionnels des agents concernés.

a) Un renouvellement des cadres presque intégral

On peut relever en particulier que la catégorie A + a fait l'objet d'un renouvellement quasi-intégral avec un taux de remplacement de plus de 78 %. Ainsi, comme l'indique le ministère chargé de l'outre-mer, outre le délégué général et son adjoint, l'ensemble de l'encadrement supérieur du service des politiques publiques et de celui du service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat est arrivé au secrétariat de l'outre-mer au moment de la création de la DéGéOM, entre la fin de l'année 2008 et le début de l'année 2009.

Le taux de remplacement des cadres de catégorie A, pour sa part, est un peu plus faible (52,94 %). Cela résulte, d'après la DéGéOM, de « la volonté de reclasser des agents de l'ancienne structure dans de nouveaux domaines fonctionnels, agents qui ne peuvent donc être qualifiés de nouveaux arrivants. En effet, si l'on ajoutait les 18 agents de catégorie A du périmètre de la Daesc et de la Dapaf recrutés sur de nouveaux domaines le taux de remplacement pour la catégorie A serait proche de 80 % » 27 ( * ) .

Le taux de remplacement des agents de catégories B et C est plus faible avec respectivement 25 % et 19 % de mobilité.

b) Seul le service des affaires juridiques et institutionnel a été préservé

Les taux de remplacement ont été particulièrement importants dans les deux principaux services de la DéGéOM : le service des politiques publiques et le service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat .

Au service des politiques publiques, les taux de remplacement par département ont été les suivants :

- 64 % pour le département de la cohésion sociale, de la santé et de l'enseignement ;

- 77,7 % pour le département de l'écologie, du logement, du développement et de l'aménagement durables ;

- 66,6 % pour le département de la vie économique, de l'emploi et de la formation ;

- 57,1 % pour le département des politiques agricoles, rurales et maritimes ;

- 50 % pour le département des politiques européennes, d'insertion régionale et de valorisation de l'outre-mer.

Le service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat a pour sa part connu un taux de remplacement de ses effectifs de 72 %, qui traduit le recrutement de nouveaux profils pour des fonctions d'évaluation et de prospective nouvellement créées.

Seul le service des affaires juridiques et institutionnelles a connu un taux de remplacement relativement faible de ses effectifs, à hauteur de 16,7 %, ce qui s'explique, d'une part, par la permanence des fonctions juridiques et la nécessité d'une continuité d'expertise sur des sujets institutionnels extrêmement techniques et, d'autre part, par le renouvellement important qu'avait déjà connu, en 2007, la sous-direction des affaires politiques de l'ancienne Dapaf.

c) Des difficultés en matière de formation des nouveaux arrivants

Or, ce taux de renouvellement s'est accompagné de difficultés rencontrées pour leur assurer la formation nécessaire au processus d'apprentissage de leur métier par les nouveaux arrivants . Le ministère chargé de l'outre-mer reconnaît ainsi que les actions de formation ont été « souvent difficiles à mettre en oeuvre par le ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales du fait d'une très grande spécialisation des postes » de l'administration centrale de l'outre-mer, ce qui a entraîné « un certain nombre de désistements » et a « rallongé très nettement les délais dans lesquels les postes sont pourvus » 28 ( * ) .

En favorisant les recrutements en provenance des ministères avec lesquels les départements sont en relation, la DéGéOM a toutefois tenté de minimiser les pertes de « mémoire » pour les dossiers les plus stratégiques. Le ministère reconnaît néanmoins une « certaine déperdition temporaire de connaissances dans les premiers mois de montée en charge de la structure ».

Votre rapporteur spécial estime pour sa part que la déperdition de connaissances a été réelle et que le taux de renouvellement global de l'administration centrale de l'outre-mer traduit en réalité une reconstruction presque intégrale de cette administration, qui est « repartie de zéro » à la fin de l'année 2008 et commence à peine à fonctionner à nouveau de manière correcte . Stéphane Diémert, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane, a ainsi estimé devant votre rapporteur spécial que « les compétences relatives aux tâches de conception confiées à l'administration centrale de l'outre-mer ont été perdues » et s'est globalement montré très inquiet sur la continuité du traitement des dossiers lors de la réorganisation de la DéGéOM. Ces pertes de connaissances s'ajoutent, selon Didier Pérocheau, adjoint au sous-directeur chargé du service des politiques publiques à la DéGéOM, à la disparition de tous les réseaux construits par les personnes antérieurement affectées à la Dapaf et à la Daesc.

2. Des moyens insuffisants affectés à l'évaluation des politiques publiques

L'échec qualitatif de la mise en place de la DéGéOM se traduit surtout par les difficultés pour cette administration à répondre à l'un des principaux objectifs de la réforme qui consistait à renforcer ses capacités d'expertise et d'évaluation des politiques publiques menées en outre-mer .

En termes de ressources humaines, les effectifs dédiés à l'évaluation ne seront que de 3,5 ETPT, si l'on répartit à parts égales les 7 ETPT chargés d'une part de l'évaluation et d'autre part de la prospective. Or, il est évident qu'un effectif aussi restreint ne permettra pas de couvrir toutes les politiques de l'Etat menées dans chacune des collectivités territoriales d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie. D'après les entretiens que votre rapporteur spécial a eus avec Anne Bolliet, inspectrice générale des finances, Alexandre Rochatte, sous-directeur, chef du service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat, et Juliette Amar, chef du département de l'évaluation des politiques publiques et de la prospective à la DéGéOM, l'évaluation devait, selon les projections initiales de la RGPP, faire l'objet d'un service entier, c'est-à-dire d'un effectif d'au moins 30 ETPT. Force est de constater que cet objectif a été abandonné.

Il en résulte des difficultés pratiques réelles pour répondre aux demandes d'évaluations, notamment celles formulées par les parlementaires. Ainsi, Didier Pérocheau, adjoint au sous-directeur chargé du service des politiques publiques, et Véronique Deffrasnes, chef du département de la cohésion sociale, de la santé et de l'enseignement au service des politiques publiques, ont expliqué à votre rapporteur spécial les difficultés pratiques qu'ils ont rencontrées pour faire face à la demande, émanant du cabinet du ministre, d'effectuer un bilan de la défiscalisation pour l'année 2008, devant être transmis au Parlement. En raison de la faiblesse tant de ses moyens humains que de ses outils informatiques - un fichier Excel qui ne fait qu'enregistrer les dossiers de défiscalisation - la DéGéOM n'a pu produire qu'un rapport très succinct, de 8 pages, pour faire le bilan de 400 dossiers de défiscalisation représentant un milliard d'euros de dépense fiscale.

Un autre exemple est fourni par la situation mahoraise. Ainsi, à l'heure actuelle, Alexandre Rochatte et Juliette Amar estiment le niveau de connaissance statistique de Mayotte « particulièrement préoccupant » eu égard à la perspective de transformation de ce territoire en département d'outre-mer.

En termes de crédits, la mission « Outre-mer » ne comprend pas de ligne spécifiquement dédiée à l'évaluation et à la prospective mais une ligne « recherche, études et évaluation », d'un montant de 630.000 euros dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour l'année 2010, que la DéGéOM juge « insuffisant et majoritairement dédiée aux problématiques de recherche » 29 ( * ) . Votre rapporteur spécial a donc des difficultés à identifier comment seront financées les dépenses qui devront nécessairement être effectuées au titre de l'évaluation et de la prospective.

Enfin, le département de l'évaluation des politiques publiques et de la prospective de la DéGéOM devra assurer le secrétariat général de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer (CNEPEOM) prévue par l'article 74 de la Lodeom. A ce titre, la DéGéOM  conduira ou pilotera les évaluations inscrites au programme de la CNEPEOM, ce qui constituera une part centrale dans la programmation du département.

A ce titre, la CNEPEOM devra rendre, outre un rapport d'activité annuel, un rapport d'évaluation tous les deux ans portant notamment sur l'impact socio-économique des mesures de la Lodeom, qui sont très vastes : zones franches d'activités, défiscalisation des investissements productifs et du logement social, exonérations de charges sociales, politique du logement, dispositifs pour favoriser la continuité territoriale, etc. Son champ de compétence s'étend également à l'impact de l'organisation des circuits de distribution et du niveau des rémunérations en outre-mer sur les mécanismes de formation des prix.

Or, la commission prévue par l'article 74 de la Lodeom ne dispose pas de budget propre. Il est donc probable que la DéGéOM, au vu de ses moyens humains et budgétaires, ne sera pas en mesure de satisfaire pleinement les demandes de la commission.

Article 74 de la loi pour le développement économique des outre-mer

«  Il est créé une Commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer.

«  La commission est composée en majorité de membres des assemblées parlementaires, le nombre de députés étant égal à celui des sénateurs. Elle comprend en outre des représentants de l'Etat ainsi que des collectivités concernées et, le cas échéant, des personnalités qualifiées.

«  Elle assure le suivi de la mise en oeuvre des politiques publiques de l'Etat outre-mer, en particulier des mesures prises pour favoriser le développement économique et social des collectivités concernées, qu'elles soient antérieures ou postérieures à la promulgation de la présente loi.

«  Elle établit tous les deux ans un rapport public d'évaluation de l'impact socio-économique de l'application des titres II à IV de la présente loi. Ce rapport rend compte, en particulier, de l'impact de l'organisation des circuits de distribution et du niveau des rémunérations publiques et privées outre-mer sur les mécanismes de formation des prix.

«  La Commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer remet chaque année au Parlement, avant le 1 er octobre, un rapport d'activité qui présente sommairement les évaluations entreprises.

«  Elle reçoit chaque année du Gouvernement un rapport sur le montant et l'utilisation des dépenses de formation professionnelle résultant de la mise en oeuvre du V de l'article 44 quaterdecies du code général des impôts. Elle rend compte de ces dépenses dans son rapport public d'évaluation biennal. »

Le ministère chargé de l'outre-mer estime donc « indispensable de renforcer le pôle « évaluation », activité totalement nouvelle de la nouvelle organisation et qui ne peut s'imposer progressivement que si elle atteint une masse critique en effectifs, ceux-ci devant nécessairement provenir du périmètre extérieur au ministère de l'Intérieur » 30 ( * ) . Ce jugement recoupe largement les opinions des agents de la DéGéOM que votre rapporteur spécial a pu auditionner dans le cadre de son contrôle.

3. Une organisation ne permettant pas encore à la DéGéOM de jouer un rôle interministériel efficace

Un autre des principaux objectifs de la réforme était de conférer à la DéGéOM une plus grande valeur ajoutée dans le travail interministériel, notamment une plus grande capacité d'influence et de conception dans l'élaboration des textes législatifs et réglementaires auprès des autres ministères.

Or, après dix-huit mois de fonctionnement et malgré de réelles avancées, cet objectif n'est pas encore atteint.

a) Des réels efforts accomplis pour renforcer les relations avec les ministères techniques

Les agents nouvellement arrivés à la DéGéOM en provenance des ministères techniques ont eu pour avantage de créer de nouveaux réseaux de correspondants dans les différentes administrations.

Depuis la création de la DéGéOM, une attention particulière a été apportée à la constitution d'un réseau de relations avec les ministères référents. La préparation du Conseil interministériel de l'outre-mer a également été l'occasion de mettre en oeuvre un travail en partenariat entre la DéGéOM et ces ministères, même si la délégation, en pleine reconstitution, n'a pu jouer son rôle de manière totalement satisfaisante.

(1) Le service des politiques publiques

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, au sein du service des politiques publiques, le département de la cohésion sociale, de la santé et de l'enseignement a mis en place :

- un interlocuteur « outre-mer » clairement identifié à la Direction Générale de l'offre de soins (DGOS) et à la direction de la sécurité sociale (DSS) au ministère de la santé ;

- un interlocuteur « outre-mer » au ministère de l'Education nationale, qui est doté d'un « chef de mission outre-mer » ;

- des contacts directs avec le cabinet du Haut commissariat à la jeunesse.

Par ailleurs, le département de la vie économique, de l'emploi et de la formation est en contact avec l'ensemble des directions placées sous l'autorité du ministre chargé des finances et avec le ministère du travail. Les relations sont en particulier qualifiées par le ministère chargé de l'outre-mer « d'infra-hebdomadaires » avec le bureau des agréments qui, en tenant compte des avis émis par la DéGéOM, procède à l'octroi des mesures de défiscalisation outre-mer.

En ce qui concerne le département des politiques agricoles, rurales et maritimes, le ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche a été l'un des premiers ministères à formaliser, dès la fin de l'année 2008, une coopération spécifique avec la DéGéOM en dédiant un inspecteur général de l'agriculture à l'ensemble des thématiques agricoles des départements d'outre-mer. Philippe Leyssène, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone de l'Océan indien, a estimé que la coopération avec le ministère de l'agriculture était ainsi exemplaire et que les autres ministères pourraient utilement s'en inspirer.

Le Département des politiques européennes, d'insertion régionale et de valorisation de l'outre-mer est, lui, en relation très étroite avec le SGAE et la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR), s'agissant de la gestion des fonds européens, ainsi qu'avec la sous-direction anti-terroriste (SDAT) au ministère de l'Intérieur.

(2) Le service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat

En ce qui concerne le service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat, les relations avec les correspondants des autres ministères dépendent des domaines suivis et des ministères, mais le ministère chargé de l'outre-mer estime que « globalement, elles se sont stabilisées courant 2009, par l'effet des nombreux contacts noués, des relations de travail établies et des dossiers suivis conjointement » 31 ( * ) .

S'agissant de l'évaluation, la DéGéOM développe un réseau interministériel centré sur l'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer, dans le cadre de la mise en place de la commission nationale d'évaluation des politiques de l'Etat outre-mer. Par ailleurs, la délégation, notamment au travers de son département de la statistique et du système d'information outre-mer, entretient d'étroites relations avec les services de la statistique publique, notamment l'Institution national de la statistique et des études économiques (Insee).

Sur ce sujet, votre rapporteur spécial s'étonne toutefois des modalités de financement retenues pour les études de l'Insee relatives aux territoires d'outre-mer. En effet, d'après les informations recueillies auprès d'Alexandre Rochatte, sous-directeur, chef du service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat, et de Juliette Amar, chef du département de l'évaluation des politiques publiques et de la prospective à la DéGéOM, l'Insee ne prend que très partiellement en compte l'outre-mer dans le cadre des études qu'il met en oeuvre. Concernant les départements d'outre-mer, il se contente le plus souvent d'étudier un des quatre départements, tandis que les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie sont en général exclues du champ des études générales menées par l'institut. Il revient donc à la DéGéOM, au vu du programme prévisionnel transmis par l'Insee, de demander, au cas par cas, l'inclusion d'un ou plusieurs territoires d'outre-mer dans le champ des études et, le cas échéant, d'apporter les financements nécessaires à la mise en oeuvre de l'étude sur les territoires concernés.

Il peut sembler logique que les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, en raison de leur statut institutionnel particulier et de leurs compétences spécifiques, ne soient pas systématiquement incluses dans le champ des travaux menés par l'Insee. Elles disposent en effet de services autonomes chargés de l'établissement des statistiques.

Le traitement des départements d'outre-mer est en revanche discutable. Votre rapporteur spécial juge nécessaire, eu égard à leur statut de droit commun, que les départements d'outre-mer soient systématiquement inclus dans les études effectuées par l'Insee et que la DéGéOM, dont les moyens financiers sont limités, ne soit pas mise à contribution pour financer les travaux de l'Insee sur ces territoires .

Dans le domaine budgétaire, enfin, le ministère chargé de l'outre-mer indique que « les relations avec les correspondants budgétaires des ministères se sont très largement stabilisées et ont pris appui sur l'exercice du document de politique transversale « Outre-mer », qui pour sa livraison 2010 a permis de récolter des données de la part de 88 programmes budgétaires » 32 ( * ) .

Ainsi, au bout de dix-huit mois de fonctionnement, la DéGéOM relève une nette amélioration dans la qualité des relations avec les ministères de référence, qui s'est notamment traduite par le fait que le nouveau délégué général a rencontré, dès les premières semaines de sa prise de fonctions, l'ensemble des secrétaires généraux et la plupart des directeurs des ministères avec lesquels la DéGéOM est en contact régulier.

b) Une qualité de la coopération qui reste encore insatisfaisante

Malgré cette amélioration générale, plusieurs éléments et témoignages recueillis par votre rapporteur spécial indiquent que la coopération entre la DéGéOM et les ministères référents reste très insuffisante. Comme l'a indiqué Vincent Bouvier, délégué général à l'outre-mer, à votre rapporteur spécial, le ministère chargé de l'outre-mer est encore trop souvent considéré comme « un empêcheur de tourner en rond » .

(1) L'absence de certains interlocuteurs

Certaines directions générales d'administration centrale n'ont pas encore mis en place d'interlocuteurs spécifiques sur les sujets ultramarins, dans des domaines pourtant essentiels .

C'est le cas notamment de la direction général de la santé (DGS), de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et du ministère chargé de l'enseignement supérieur. Alexandre Rochatte, sous-directeur, chef du service de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'Etat, et Juliette Amar, chef du département de l'évaluation des politiques publiques et de la prospective, ont insisté sur le fait que la qualité des relations avec les ministères référents variait très largement selon les ministères concernés, ce qui n'est pas satisfaisant.

Au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, dont le champ de compétences est particulièrement vaste, seule la direction de l'habitat de l'urbanisme et des paysages a mis en place, depuis plusieurs années d'ailleurs, un chargé de mission outre-mer avec lequel la DéGéOM entretient des contacts quasi-quotidiens.

Enfin, le ministère chargé de l'outre-mer relève que, globalement, « les relations avec le ministère de finances pâtissent de la réticence de celui-ci à s'investir sur des sujets qui ne présentent pas, dans sa logique de fonctionnement, un caractère prioritaire » 33 ( * ) .

(2) Une administration peu considérée par les ministères techniques

Les entretiens que votre rapporteur spécial a menés avec les personnels de la DéGéOM ont fait ressortir des difficultés pour la délégation à s'imposer dans les relations interministérielles. Ces difficultés ne résultent qu'en partie de la nouveauté de cette structure, qui n'est plus identifiée comme pouvaient l'être précédemment la Dapaf et la Daesc.

Au-delà de cette méconnaissance, les ministères techniques ne saisissent pas suffisamment en amont la DéGéOM des sujets relatifs à l'outre-mer qui émergent dans leurs projets de textes législatifs. Cela résulte en partie de l'impossibilité dans laquelle se trouve la délégation, eu égard au champ extrêmement vaste de ses compétences - la quasi-totalité des projets de loi revêtent en effet une dimension ultramarine - et à ses moyens humains limités, de participer à l'ensemble des réunions interministérielles auxquelles il serait souhaitable qu'elle participe.

Le ministère chargé de l'outre-mer indique qu'un « effort doit encore être fait pour que les ministères associent plus systématiquement et plus en amont la DéGéOM lorsque des questions d'application des textes outre-mer se posent, ou lorsque des textes ont un impact significatif sur les économies des territoires ultramarins. La DéGéOM est souvent saisie en urgence sur des textes déjà rédigés ou « oubliée » sur des thématiques pourtant lourdes pour les territoires ultramarins (Grenelle de l'environnement, biodiversité, réforme du code minier, etc.). En conséquent, la DéGéOM n'est pas suffisamment informée en amont des réformes en cours et doit faire face à des délais de réaction extrêmement courts, qui ne permettent pas un travail de qualité et conduisent parfois à exclure, pour tout ou partie, l'outre-mer des textes nationaux et à le renvoyer à un support spécifique, ce qui constitue parfois une solution par défaut. Le cas des études d'impact à produire à l'appui des projets de loi en est malheureusement l'illustration » 34 ( * ) .

Saisie souvent au dernier moment des projets de texte, la délégation n'est donc pas toujours en mesure de faire valoir son expertise et de contribuer à l'élaboration de dispositions spécifiques aux territoires d'outre-mer. Alexandre Rochatte et Juliette Amar ont évoqué lors de leur audition par votre rapporteur spécial, de nombreux cas de saisine de la DéGéOM moins d'une semaine avant l'examen d'un projet de loi par le Conseil d'Etat, sans que la délégation ait été associée aux réunions interministérielles antérieures. Cela conduit souvent le ministère chargé de l'outre-mer à devoir en pratique limiter son examen aux questions d'applicabilité juridique.

La coopération peut parfois même être difficile avec le ministère de rattachement de la DéGéOM. Ainsi, comme l'a indiqué à titre d'exemple à votre rapporteur spécial Stéphane Diémert, ambassadeur, délégué à la coopération régionale Antilles-Guyane, malgré le rattachement de la DéGéOM au ministère de l'Intérieur, le projet de loi renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux, géré par le ministère de l'Intérieur, n'a pas fait l'objet d'une coopération avec la DéGéOM, alors même que cette problématique est particulièrement prégnante dans des territoires comme la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna.

Il faut voir dans ces difficultés de coopération une des raisons qui expliquent la propension du Gouvernement à procéder par ordonnances dès qu'il s'agit de traiter de l'outre-mer dans un texte législatif. Ce fut le cas notamment pour le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, pour le « Grenelle 2 » ou pour le projet de loi pour la modernisation de l'agriculture et de la pêche. Or, cette pratique est préjudiciable au travail parlementaire et, in fine , à l'élaboration de dispositions adaptées à la situation des outre-mer français.

Enfin, Vincent Bouvier, délégué général à l'outre-mer, a indiqué à votre rapporteur spécial que lorsque les dispositifs étaient gérés par le ministère chargé de l'outre-mer, comme, par exemple, les modifications statutaires des territoires ultramarins, la DéGéOM faisait trop souvent face à l'absence ou aux lacunes des réponses des autres ministères.

4. Des avantages qualitatifs limités au rattachement au ministère de l'Intérieur

Si le rattachement de la DéGéOM au ministère de l'Intérieur a sans nul doute permis de rationaliser le fonctionnement de l'administration centrale outre-mer, en mutualisant les fonctions support, ses conséquences du point de vue qualitatif sont plus douteuses .

Le ministère chargé de l'outre-mer estime que les effets qualitatifs positifs du rattachement sont de deux ordres :

- d'une part, il aurait renforcé la position de l'administration centrale outre-mer dans la prise de décisions concernant ces territoires et offert de nouvelles perspectives de carrières aux agents des corps administratifs fusionnés ;

- d'autre part, il aurait permis le recentrage de la DéGéOM sur ses fonctions d'expertise et l'adossement des positions de la délégation à l'influence d'un ministère régalien aurait permis de développer le rôle de pilotage attribué à l'administration centrale de l'outre-mer.

Il est vrai que la fusion des corps des personnels administratifs de l'administration centrale de l'outre-mer avec ceux de l'administration de l'Intérieur a élargi les opportunités de mobilité du personnel affecté à l'outre-mer. Toutefois, cet effet positif n'a pas été à même de contrebalancer les effets dissuasifs résultant de l'application à l'outre-mer du régime indemnitaire du ministère de l'Intérieur. Votre rapporteur spécial ne revient pas sur les difficultés rencontrées par la DéGéOM nouvellement créée pour procéder à des recrutements.

D'autre part, le rattachement au ministère de l'Intérieur n'a pas réellement permis de renforcer le rôle interministériel de la DéGéOM, qui reste très difficile à exercer. Il n'a pas non plus permis de faire de la DéGéOM une administration de mission, en raison du maintien dans son périmètre de la gestion d'importants dispositifs budgétaires, et malgré le transfert de certaines dotations à la DGCL.

Certains fonctionnement administratifs sont symptomatiques du manque d'avancées qualitatives ayant résulté du rattachement de l'administration centrale de l'outre-mer au ministère de l'Intérieur. Ainsi, à titre d'exemple, Philippe Leyssène, ambassadeur, délégué à la coopération régionale dans la zone de l'Océan indien, a évoqué le cas d'un arbitrage à opérer entre la DGCL et l'ancienne Dapaf, qui a donné lieu à une demande de réunion interministérielle, alors même que les deux directions relèvent du même ministre.

Les effets qualitativement positifs du rattachement de la DéGéOM à l'administration du ministère de l'Intérieur ne paraissent donc pas de nature à justifier ce rattachement, qui s'est essentiellement fait pour des raisons de rationalisation budgétaire .

5. Un renforcement des liens entre la DéGéOM et les territoires ultramarins

Du point de vue qualitatif, on peut en revanche relever une amélioration des relations de l'administration centrale outre-mer avec les territoires ultramarins, suite à la création de la DéGéOM .

(1) Des réunions de travail régulières

Ainsi, passée la période d'adaptation résultant de la réorganisation de cette administration, les préfets et hauts-commissaires semblent aujourd'hui trouver dans la DéGéOM le relais nécessaire vers les autres administrations centrales. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, les préfets sont régulièrement invités à des réunions de travail par le cabinet du secrétaire d'Etat. Ces déplacements sont également l'occasion de contacts avec la DéGéOM et en premier lieu avec le délégué général.

Outre les relations entre la DéGéOM et les préfets, sont périodiquement organisées, depuis le début de l'année 2010, des réunions entre les secrétaires généraux des préfectures, les secrétaires généraux aux affaires régionales et la DéGéOM. Enfin, les directeurs de cabinet des préfets et hauts-commissaires sont en contact fréquent avec le directeur du cabinet du DéGéOM.

Par ailleurs, des réunions bimensuelles sont organisées entre la DéGéOM et les directeurs départementaux du travail, de l'emploi et de la formation des départements d'outre-mer, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'avec les directeurs départementaux de l'agriculture et de la forêt. Des réunions du même type ont également lieu, de manière moins fréquente toutefois, avec les directions départementales de l'équipement des départements d'outre-mer. Le ministère chargé de l'outre-mer précise que ces réunions ont parfois lieu en présence des administrations centrales des ministères concernés.

(2) Visioconférences et déplacements sur place

En raison de l'éloignement des territoires ultramarins, le recours aux visioconférences ou à des audioconférences est régulièrement pratiqué sur les sujets de préoccupation commune entre l'administration centrale et les services déconcentrés. On peut citer, par exemple, les points hebdomadaires organisés avec les collectivités d'outre-mer par audioconférence s'agissant de l'organisation de la vaccination contre la grippe H1N1.

S'agissant des déplacements sur place des agents de la délégation, la DéGéOM gère elle-même, depuis le 1 er janvier 2009, la prise en charge des frais de déplacements et de missions.

Au cours de l'année 2009, 30 missions de la délégation ont été organisées sur place avec les services déconcentrés outre-mer, dont 10 missions par le délégué général ou les sous-directeurs et chefs de départements. Ces déplacements sont d'autant plus nécessaires que les agents nouvellement affectés à la DéGéOM ont parfois une connaissance limitée de la réalité de la situation institutionnelle, économique et sociale des territoires. Ce rythme de déplacements en outre-mer doit être maintenu car il est nécessaire, eu égard aux spécificités locales, au bon exercice des missions de la DéGéOM.

Déplacements des agents de la DéGéOM organisés en 2009 dans les départements et collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie

Destination

Missions

Dont missions incluant des sous-directeurs et chefs de départements

Réunion

7

3

Saint-Pierre-et-Miquelon

2

2

Guadeloupe et Martinique

5

2

Guyane

4

1

Mayotte

10

2

Nouvelle-Calédonie

2

0

Total

30

10

Source : réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial


* 27 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 28 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 29 Réponses aux questionnaires adressés par votre commission des finances.

* 30 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 31 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 32 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 33 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

* 34 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.

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