D. POURSUIVRE LA RÉFORME DE LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE EN EUROPE

Vos rapporteurs croient nécessaire la poursuite de la réflexion sur la réforme de la gouvernance économique en Europe et estiment que le groupe de travail du Président Van Rompuy ne doit pas cesser de se réunir après la présentation de son rapport au Conseil européen des 28 et 29 octobre prochains. Ils souhaitent que le mandat de ce groupe de travail soit prolongé .

Certains sujets ont été très peu débattus au sein du groupe de travail du Conseil.

C'est en particulier le cas de la mise en place d'un mécanisme permanent de résolution des crises , qui avait été annoncée par la Commission parmi ses premières propositions et constitue aussi le troisième objectif fixé par le groupe de travail. Le « papier » franco-allemand du 21 juillet 2010 sur le gouvernement économique européen souligne également la nécessité de « mettre en place un cadre crédible pour la résolution des crises respectant la compétence budgétaire de chaque État membre ».

Le dispositif actuel, instauré dans l'urgence début mai pour désamorcer le risque systémique qui menaçait la stabilité de la zone euro, est provisoire, son existence étant limitée à trois ans.

Naturellement, la pérennisation d'un mécanisme de gestion des crises, qui pourrait alors préfigurer ce Fonds monétaire européen (FME) que d'aucuns appellent de leurs voeux, requiert la modification des traités, à moins qu'il ne soit instauré en dehors de ceux-ci.

Un tel dispositif, qu'on l'appelle FME ou non, permettrait de réagir immédiatement face à un déséquilibre avant que celui-ci ne dégénère en crise systémique, au lieu de négocier pendant trois mois comme on l'a fait pour le plan d'assistance à la Grèce.

Sa mise en place est délicate et se heurte en particulier aux réticences de plusieurs États membres devant les exigences de l'Allemagne , qui n'accepterait ce dispositif qu'avec des garanties très fortes afin de se prémunir contre le risque d'une assistance permanente de certains États économiquement fragiles. C'est pourquoi l'Allemagne demande que les finances publiques soient profondément assainies en Europe et qu'un État membre puisse être mis en faillite, voire sortir de la zone euro.

La réflexion sur certains sujets n'est manifestement pas mûre. C'est par exemple le cas de l' idée d'une gestion commune, ou partiellement commune, des dettes souveraines . Actuellement, plusieurs États membres, dont l'Allemagne, sont hostiles à un tel mécanisme qui ne leur apporterait rien et qui pourrait les engager contre leur gré. L'un de vos rapporteurs, M. Richard Yung, considère qu'un mécanisme distinguant la dette de haute qualité, dite « dette bleue », celle respectant le seuil de 60 % du PIB, du reste de la dette, dite « dette rouge », concentrant le risque de dépôt, pourrait être étudié. Une gestion commune de la « dette bleue » permettrait à tous les États membres de bénéficier de meilleurs taux sans risques ni engagement de leur part. Ce pourrait être une proposition de la France à l'Allemagne. Il tient à rappeler que le parlement européen a récemment demandé la réalisation d'une étude de faisabilité destinée à examiner les risques et les avantages d'un système d'émissions obligataires commun aux États membres.

C'est pourquoi vos rapporteurs souhaitent que la réflexion se poursuive afin de dégager des propositions à moyen et long terme . Après les propositions qu'il a formulées et qui s'inscrivent dans le cadre des traités en vigueur, le groupe de travail devrait prolonger ses activités pour débattre des sujets qui ne peuvent faire l'économie d'une révision des traités . Ils rappellent que le Président Van Rompuy, à plusieurs reprises, a indiqué que la question de la modification des traités n'était pas taboue et partagent ce point de vue.

La création d'un dispositif permanent de gestion de crise est une question à débattre dans ce cadre, mais elle n'est pas la seule.

Vos rapporteurs estiment que la crise des premiers mois de l'année 2010 a aussi mis en évidence les problèmes soulevés par l'absence d'une représentation extérieure de l'euro, notamment au FMI et au G 20. Ils partagent le point de vue de Pervenche Berès qui, dans son rapport présenté au nom de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale du Parlement européen, a proposé d'instaurer un « Monsieur/Madame euro » , qui serait vice-président de la Commission, présiderait le Conseil ECOFIN et l'Eurogroupe et représenterait l'Union européenne dans les instances internationales, au même titre que Catherine Ashton pour la politique extérieure.

Vos rapporteurs relèvent certaines avancées très récentes . Ainsi, la France et l'Allemagne, dans la Déclaration conclue à Deauville, le 18 octobre dernier, « considèrent qu'il est nécessaire de réviser le traité ». Les deux pays proposent de demander au Président Van Rompuy de présenter, « en étroit contact avec les membres du Conseil européen », des « options concrètes permettant l'établissement d'un mécanisme robuste de résolution des crises avant la réunion de mars 2011 ». La mise en place d'un tel mécanisme serait l'un des deux points, avec la suspension des droits de vote, faisant l'objet d'une révision du traité. Il s'agit, en quelque sorte, d'intégrer dans le traité le Fonds de stabilisation financière, mis en place en mai dernier pour trois ans. On notera que la Déclaration mentionne « une participation adéquate du secteur privé ». Enfin, ce texte précise que « les amendements nécessaires devraient être adoptés et ratifiés par les États membres en accord avec leurs règles constitutionnelles respectives, en temps utile avant 2013 ». Concrètement, il semble que l'on envisage de procéder à la ratification de cette révision du traité via le prochain traité d'adhésion, celui de la Croatie.

Sur un plan plus général, vos rapporteurs estiment que la gouvernance économique européenne nécessite davantage d'Europe , comportant des politiques intégrées plus nombreuses . Une politique de grandes infrastructures, en matière de transports par exemple, une politique commune de l'énergie, une politique de recherche appliquée aux domaines d'avenir, tels que les biotechnologies, la médecine ou les technologies de l'information et de la communication, seraient de puissants moteurs d'une croissance forte et durable.

Une réflexion sur les ressources communautaires, sur le niveau du budget et sur les possibilités d'emprunts devra être menée dans le cadre des négociations sur les nouvelles perspectives financières.

Cela devrait également être le cas pour mettre en place, progressivement, les éléments d'une véritable politique fiscale commune. Rappelons d'ailleurs que la Cour des comptes devrait publier, au premier trimestre 2011, un rapport sur la comparaison des fiscalités allemande et française, des particuliers et des entreprises, de manière à analyser les voies possibles d'une convergence.

Vos rapporteurs considèrent que l'élan qui a permis d'avancer très rapidement en matière de gouvernance économique en Europe ne doit pas retomber , maintenant que les plus fortes turbulences sont passées et que les effets de la crise de l'euro sont moins perceptibles. Ce risque est réel et l'on ressent moins d'entrain chez certains États membres. La réforme de la gouvernance économique européenne n'est pas achevée.

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