CHAPITRE III : RÉÉQUILIBRER LE GOUVERNEMENT DES ENTREPRISES

RÉSUMÉ DU CHAPITRE

Face aux tendances lourdes, deux types d'inflexions peuvent être recherchées.

- Une consolidation du rôle des partenaires sociaux : initiée par le renforcement de leur légitimité (loi du 20 août 2008), cette consolidation pourrait passer notamment par une réforme de leur financement et par l'apparition d'un « syndicalisme de services » plus proche des préoccupations concrètes des salariés. La question du dialogue social dans les petites et moyennes entreprises pourrait également resurgir. Enfin, la représentativité des organismes patronaux demeure une question non résolue.

- Une gouvernance plus partenariale , n'excluant pas une réflexion sur la codétermination, et une protection renforcée de l'actionnariat de long terme, afin de favoriser l'inscription des stratégies d'entreprises dans temps long, ainsi qu'une évaluation multicritères systématisée de leurs performances .

I. LA CONSOLIDATION DU RÔLE DES PARTENAIRES SOCIAUX

Pour répondre au malaise du salariat, le canal traditionnel du renforcement de la représentation collective peut être employé. Il a d'ailleurs commencé à l'être, au cours des années récentes, par des réformes qui demeurent pour l'heure insuffisantes mais se révèleront peut-être rétrospectivement avoir constitué des « signaux faibles » porteurs d'avenir.

La loi tend à investir les partenaires sociaux de pouvoirs croissants dans le champ social :

- au niveau national, le rôle institutionnel des partenaires sociaux s'est accru, par le biais de leur consultation préalablement à toute réforme sociale ;

- au niveau décentralisé, le champ des accords d'entreprises, désormais susceptibles d'intervenir non seulement in melius mais aussi in pejus , s'est élargi au fil des ans.

Ces évolutions juridiques ont accentué la nécessité d'une légitimation nouvelle des partenaires sociaux, qui demeure inachevée .

A. LA LOI DU 20 AOÛT 2008

La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail s'est efforcée d'améliorer les conditions du dialogue social, dans le cadre de la procédure de concertation mise en place par la loi de modernisation du dialogue social de 2007.

Son premier volet établit de nouvelles règles de nature à consolider la légitimité des organisations syndicales et des accords collectifs.

1. La rénovation des critères de représentativité syndicale.

Ces critères, fixés par une circulaire de 1945, repris par la loi du 11 février 1950, étaient les suivants :

- les effectifs ;

- l'indépendance ;

- les cotisations ;

- l'expérience et l'ancienneté ;

- l'attitude patriotique durant l'occupation.

Les dispositions datées de l'après-guerre avaient toutefois été complétées par une jurisprudence tendant à prendre en considération l'audience des syndicats, leur activité et leur influence.

Par ailleurs, l'existence d'une présomption irréfragable de représentativité, au bénéfice des cinq principales confédérations syndicales françaises, constituait un obstacle à l'émergence de structures syndicales nouvelles.

LA PRÉSOMPTION IRRÉFRAGABLE DE REPRÉSENTATIVITÉ (1966-2008)

Un arrêté du 31 mars 1966 avait conféré à cinq confédérations syndicales une présomption irréfragable de représentativité. Ces cinq confédérations étaient les suivantes :

- la Confédération générale du travail (CGT), créée en 1895 ;

- Force ouvrière (CGT-FO), née en 1947 d'une scission avec la précédente ;

- la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), fondée en 1919 ;

- la Confédération démocratique du travail (CFDT), née en 1964 d'une scission avec la précédente ;

- la Confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFD-CGC), créée en 1944.

La loi de rénovation de la démocratie sociale de 2008 a mis fin à cette présomption irréfragable.

Après une période de réflexion, marquée par les rapports de Raphaël Hadas-Lebel 324 ( * ) et du Conseil économique et social 325 ( * ) , et à la suite d'une phase de négociation, ayant abouti à l'adoption d'une position commune par une partie des partenaires sociaux 326 ( * ) (9 avril 2008), les règles de la représentativité syndicale ont été modifiées par la loi précitée du 20 août 2008, pour donner une place plus grande à l'audience des organisations, telle que mesurée lors des élections professionnelles.

Les nouvelles dispositions législatives font reposer la représentativité syndicale sur 7 critères cumulatifs 327 ( * ) :

- le respect des valeurs républicaines ;

- l'indépendance ;

- la transparence financière ;

- une ancienneté minimale de deux ans ;

- l'influence, prioritairement caractérisée par l'activité et l'expérience ;

- les effectifs d'adhérents et les cotisations ;

- l'audience , établie à partir des résultats aux élections professionnelles 328 ( * ) . Ce nouveau critère d'audience s'accompagne de la fixation d'un seuil, en deçà duquel un syndicat ne peut être considéré comme représentatif. Ce seuil est de 10 % des suffrages exprimés au premier tour, au niveau de l'entreprise et de 8 % au niveau des branches ou au niveau national interprofessionnel .

Ces seuils, relativement élevés, compte tenu de la diversité syndicale française, sont de nature à favoriser des regroupements d'organisations pour celles dont l'avenir est incertain (par exemple la CFE-CGC).


* 324 « Pour un dialogue social efficace et légitime : représentativité et financement des organisations professionnelles et syndicales », rapport au Premier ministre de M. Raphaël Hadas-Lebel, président de section au Conseil d'État (mai 2006).

* 325 « Consolider le dialogue social », avis du CES présenté par Paul Aurelli et Jean Gautier (2006).

* 326 Position commune du 9 avril 2008 signée par la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME. Ont en revanche refusé de signer ce texte : FO, la CFTC, la CGC et l'UPA.

* 327 Article L. 2121-1 du code du travail.

* 328 Élections des titulaires au comité d'entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel, quel que soit le nombre de votants.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page