B. UNE DOTATION DE PLUS DE 8 MILLIARDS D'EUROS AU CoeUR DES RÉFORMES DU SECTEUR HOSPITALIER

Les MIGAC représentent trois enjeux majeurs : un enjeu financier ; un enjeu pour les établissements de santé du secteur public et notamment pour le financement de la recherche clinique ; enfin, un enjeu pour la réussite de trois réformes importantes du secteur hospitalier : la tarification à l'activité, la convergence tarifaire et la mise en place des ARS.

1. Un enjeu financier essentiel dans le contexte budgétaire actuel
a) Un poids croissant dans l'ONDAM hospitalier

La dotation MIGAC a été fixée en 2011 (avant gel) à 8,294 milliards d'euros , soit 11,4 % de l'ONDAM hospitalier et 15,4 % de l'ONDAM hospitalier retraçant les seules dépenses des établissements de santé tarifiés à l'activité.

Cette enveloppe a ainsi fortement progressé depuis 2005, enregistrant une croissance de 77,5 % , alors que les dépenses de soins sous tarifs ont augmenté de seulement 14,8 % sur la même période.

Cette augmentation tient principalement à deux éléments :

- d'une part, l'élargissement du périmètre des MIG . En effet, deux missions d'intérêt général auparavant financées par les tarifs ont été intégrées, à partir du 1 er mars 2009, dans la dotation MIGAC : la permanence des soins hospitaliers et les dépenses spécifiques liées à la prise en charge des patients en situation de précarité, ce qui à conduit à un transfert vers l'enveloppe MIGAC de 733 millions d'euros ;

- d'autre part, et surtout, la forte progression de l'enveloppe « AC » qui a plus que doublé entre 2005 et 2010.

Evolution de la dotation MIGAC (2005-2011)

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Enveloppe Merri

N.D

1 544

2 108

2 322

2 420

2 681

2 657

Enveloppe autres MIG

N.D

1 585

1 724

1 918

2 648

2 877

N.D

Enveloppe AC

1 153*

2 322

2 392

2 463

2 610

2 387

N.D

Enveloppe MIGAC

4 671*

5 451

6 224

6 703

7 678

7 945

(8 142 avant gel)

8 294***

(avant gel)

Enveloppe ODMCO

39 689

40 227

41 384

42 226

43 134

44 299**

45 595***

* Réponse de la direction de la sécurité sociale au questionnaire de votre rapporteur spécial

** Circulaire N°DGOS/R1/DSS/2010/177 du 31 mai 2010 relative à la campagne tarifaire 2010 des établissements de santé

*** Circulaire N° DGOS/R1/2011/125 du 30 mars 2011 relative à la campagne tarifaire 2011 des établissements de santé

Source : DGOS

S'il est vrai que la dotation MIGAC connaît une décélération depuis 2005 - à l'exception de l'année 2009 compte tenu du changement de périmètre précité -, les taux d'évolution de l'enveloppe MIGAC ont été largement plus élevés que ceux de l'enveloppe sous tarifs sur la période 2006-2010.

Taux d'évolution des enveloppes MIGAC et ODMCO

Source : commission des finances, d'après les données de la DGOS

En 2011, le taux d'évolution de la dotation MIGAC par rapport à l'enveloppe 2010 initiale est de 1,9 %, soit un taux d'évolution inférieur à celui de l'ODMCO. Néanmoins, il est à noter qu'en prenant en compte la dotation 2010 après mesures de gel, le taux de croissance de l'enveloppe MIGAC atteint alors 4,4 %.

Il en résulte un poids croissant des MIGAC au sein de l'ONDAM hospitalier : si les MIGAC ne représentaient que 8,2 % de l'ONDAM hospitalier en 2005, leur poids atteint 11,4 % de celui-ci en 2011.

Poids de l'enveloppe MIGAC dans l'ONDAM hospitalier

(en %)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

Part de la dotation MIGAC dans l'ONDAM hospitalier

8,2

8,9

9,3

9,9

11,2

11,6

11,4

Source : DGOS - rapport 2010 au Parlement sur les MIGAC des établissements de santé

b) Une dotation qui subit depuis 2009 des mesures de régulation en vue de respecter l'ONDAM

Conséquence de son poids de plus en plus important dans l'ONDAM hospitalier, la dotation MIGAC constitue également, au plan financier, un nouvel enjeu dans le pilotage macro-budgétaire des dépenses d'assurance maladie, particulièrement dans le contexte budgétaire actuel extrêmement contraint.

Outre le fait que celle-ci subit indirectement l'effort d'économies imposé par les taux de progression de l'ONDAM, elle fait l'objet depuis 2009 de mesures de mise en réserve, sur le modèle de la réserve de précaution en vigueur dans le budget général de l'Etat.

Dans son rapport sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie d'avril 2010, le groupe de travail présidé par Raoul Briet 8 ( * ) avait en effet proposé l'instauration de mécanismes systématiques de mise en réserve, en début d'année, de dotations s'apparentant à des crédits budgétaires , les mesures de dégel ne devant intervenir qu'en cas de respect de l'ONDAM.

Le groupe de travail évaluait alors à 22 milliards d'euros le montant global des moyens susceptibles d'être mis en réserve. Il visait les crédits du Fonds d'intervention pour la qualité et la coordination des soins (FIQCS), ceux du Fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés (FMESPP), l'ONDAM médico-social et les dotations MIGAC.

L'article 8 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014 consacre désormais ce principe :

« Pour garantir le respect des montants fixés au II [ONDAM], une partie des dotations relevant de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie est mise en réserve au début de chaque exercice. Son montant ne peut être inférieur à 0,3 % de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie . »

En réalité, des mesures de gel avaient déjà été effectuées en 2009 et 2010 9 ( * ) . Elles n'ont porté que sur le compartiment « AC » des MIGAC.

Ainsi, en 2009, un gel de 16,2 millions d'euros a été décidé, portant sur les crédits destinés au Plan Hôpital 2012.

En 2010, le montant des gels MIGAC a atteint 222 millions d'euros, une mise en réserve complémentaire de 40 millions d'euros ayant été levée en fin d'année.

En 2011, 300 millions d'euros devraient être gelés.

Ces mesures ne sont pas sans poser de difficultés pour les établissements de santé, comme le montrera votre rapporteur spécial dans la suite du présent rapport.

2. Un soutien au secteur public hospitalier et plus particulièrement aux activités de recherche des établissements de santé

A l'échelon des établissements de santé, la dotation MIGAC constitue en outre un soutien important, quasi exclusif, au secteur public hospitalier, et plus particulièrement aux activités de recherche de ces établissements.

a) Un soutien à l'hôpital public fortement concentré

Tous les établissements de santé soumis à la T2A ont théoriquement vocation à obtenir des dotations MIGAC, qu'il s'agisse des établissements publics ou privés et quelle que soit leur taille.

Cependant, compte tenu de leur nature, les activités relevant d'un financement MIGAC sont, à ce jour, encore peu prises en charge par les établissements de santé privés.

Ainsi, comme le rappelle le rapport 2010 remis au Parlement sur les MIGAC, en 2009, seul 1,3 % de la dotation MIGAC, soit 102 millions d'euros, ont été alloués aux cliniques privées .

Si sa progression est continue depuis 2005, cette part demeure marginale : la part de la dotation MIGAC allouée aux établissements privés était de 0,4 % en 2005, 0,7 % en 2006, 0,9 % en 2007, 1 % en 2008.

Ce soutien au secteur public est néanmoins très concentré . C'est ce que traduit notamment la valeur de la dotation médiane (370 051 euros), très inférieure au montant moyen alloué aux établissements (6 262 712 euros).

Par ailleurs, il est à noter que la dotation MIGAC par établissement varie de zéro euro, en raison de l'absence de dotation de certains établissements, à 1,2 milliard d'euros pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP). L'AP-HP reçoit ainsi, à elle seule, compte tenu notamment de son activité de recherche et d'enseignement, plus de 14 % de l'enveloppe MIGAC.

Répartition des dotations MIGAC

(en euros)

MIG

AC

MIGAC

Minimum

0

0

0

1 er quartile

27 888

17 001

84 697

Médiane

173 067

175 674

370 051

3 e quartile

1 975 200

1 464 123

3 875 971

Maximum

1 033 996 404

194 659 602

1 228 656 006

Moyenne

4 288 987

1 973 725

6 262 712

Source : DGOS

b) Une participation non négligeable au financement de la recherche clinique et de l'enseignement pratique des étudiants en médecine

Les MIGAC constituent particulièrement une source de financement essentielle de la recherche et de l'enseignement réalisés en établissements de santé.

La partie « MERRI » des MIGAC est en effet destinée à financer :

- d'une part, la formation pratique , à savoir « la formation au lit du malade », par opposition à la formation théorique à l'université, des étudiants en médecine ;

- d'autre part, la recherche clinique , c'est-à-dire, selon la définition retenue par l'Inspection générale des affaires sociales dans son rapport sur le financement de la recherche, de l'enseignement et des missions d'intérêt général 10 ( * ) , « l'ensemble des recherches à visées médicales menées sur l'être humain qui, pour l'essentiel, est intégré au fonctionnement des établissements de santé », contrairement à « la recherche fondamentale qui se situe en amont de l'observation ou de l'intervention sur l'être humain ».

Les MERRI représentent une masse financière de près de 2,6 milliards d'euros en 2011 , destinée principalement aux CHU-CHR. A titre d'exemple, ces financements correspondent à environ 17 % des ressources du centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Lille où votre rapporteur spécial s'est rendu en déplacement .

Part des dotations MERRI dans les ressources du CHRU de Lille

(en %)

2004

2005

2006

2007

2008

Part dans les recettes totales

16,63

15,84

17,75

17,97

17,14

Part dans les recettes « Assurance maladie »

20,01

19,14

21,90

22,17

21,33

Source : centre hospitalier régional universitaire de Lille

Les MERRI constituent, en outre, un poids économique loin d'être négligeable au sein des différents supports de financement de la recherche et de l'enseignement supérieur en France. A titre de comparaison :

- les ressources en recherche et développement mobilisées par l'industrie pharmaceutique sont estimées à 5,1 milliards d'euros 11 ( * ) ;

- le budget de la recherche et de l'enseignement supérieur s'est élevé en 2010 à environ 25 milliards d'euros ;

- le programme des investissements d'avenir consacre 21,9 milliards d'euros à la recherche et à l'enseignement supérieur.

A cet égard, les établissements de santé sont pleinement concernés par l'action « Instituts hospitalo-universitaires » de l'emprunt national, soit une enveloppe de 850 millions d'euros, dont 680 millions non consomptibles.

Les instituts hospitalo-universitaires (extraits de l'appel à projets)

L'appel à projets organisé dans le cadre de l'emprunt national a pour objectif de créer cinq 12 ( * ) Instituts Hospitalo-Universitaires (IHU), futurs pôles d'excellence en matière de recherche, de soin, de formation et de transfert de technologies dans le domaine de la santé .

La mission des IHU sera de développer, dans leur domaine thématique, des compétences et une capacité de recherche de niveau mondial, incluant une infrastructure de recherche clinique et une infrastructure de recherche translationnelle ouvertes aux projets émanant de partenaires publics ou privés, d'origine nationale ou internationale. Ces infrastructures de recherche clinique et de recherche translationnelle permettront la valorisation des découvertes émanant du secteur public ainsi que les programmes de recherche partenariale.

Ces cinq pôles d'excellence renforceront la compétitivité scientifique internationale de la recherche française, son attractivité pour les industriels de la pharmacie, des biotechnologies et des technologies pour la santé, et son potentiel de valorisation et de transfert des résultats de la recherche vers le patient.

Ces IHU réuniront une masse critique de chercheurs, d'enseignants-chercheurs et de personnels hospitaliers au sein d'une structure intégrée qui associera à la fois une université, un centre hospitalo-universitaire ou établissement de santé, et un ou plusieurs établissement(s) de recherche.

Les six IHU retenus sont les suivants :

- l'Institut de Neurosciences Translationnelles de Paris qui regroupera l'Université Pierre et Marie Curie, l'INSERM et le CHU Pitié-Salpêtrière (AP-HP) autour d'un projet sur les maladies du système nerveux ;

- l'Institut de Cardiométabolisme et Nutrition dont les porteurs de projets seront l'Université Pierre et Marie Curié, l'INSERM et le CHU Pitié-Salpêtrière (AP-HP) dans le domaine des maladies cardiométaboliques ;

- l'Institut Hospitalo-Universitaire Imagine qui réunira l'Université René Descartes, l'INSERM, et le CHU Necker (AP-HP) pour un projet sur les maladies rares ;

- l'Institut de Rythmologie et modelisation Cardiaque qui regroupera l'Université de Bordeaux, l'INSERM et le CHU de Bordeaux autour d'un projet relatif aux maladies cardiaques ;

- l'Institut de Chirurgie Mini Invasive Guidée par l'Image , dont les porteurs de projet seront l'Université de Strasbourg, l'INSERM et le CHU de Strasbourg pour un projet de recherche sur la chirurgie personnalisée ;

- enfin, l'IHU en maladies infectieuses , dirigé par l'Université de la Méditerrannée, l'INSERM et le CHU de la Timone (Assistance publique - hôpitaux de Marseille) pour un projet sur les maladies infectieuses.

Source : commissariat général à l'investissement

3. Un lien étroit avec trois grandes réformes du secteur hospitalier

Enfin, la dotation MIGAC est à la croisée de trois réformes majeures du secteur hospitalier : la tarification à l'activité, la convergence tarifaire et la mise en place des ARS.

a) Un impact direct sur la réforme de la tarification à l'activité

Une idée-force de la T2A consiste, comme cela a été précisé précédemment, à responsabiliser les établissements de santé en substituant au financement par dotation des recettes issues de l'activité de soins effectivement réalisée par l'hôpital.

Comme l'ont souligné de nombreux interlocuteurs de votre rapporteur spécial, l'évolution très importante des MIGAC - dotation dérogatoire à la T2A - a des conséquences directes sur la portée de la réforme de la tarification à l'activité.

Au risque de faire perdre toute pertinence à cette réforme, le montant global des dotations MIGAC doit demeurer en cohérence avec cette dernière .

L'augmentation de l'enveloppe MIGAC a, en tout état de cause, pour conséquence de reporter la recherche de l'efficience vers le pilotage de la dotation MIGAC.

b) Un enjeu au coeur de la convergence tarifaire

L'évolution des dotations MIGAC constitue, en outre, un enjeu important de la convergence tarifaire, qui découle elle-même de la tarification à l'activité.

La logique de la convergence tarifaire est, en effet, d'éliminer progressivement les disparités historiques de financement entre les établissements publics et privés en faisant converger leurs tarifs pour appliquer un principe simple : « à prestation identique, tarif identique ».

Or, les deux principales difficultés de la convergence intersectorielle tiennent, d'une part, aux écarts de périmètre des charges couvertes par les tarifs pratiquées dans les deux secteurs, mais aussi, d'autre part, à la nécessaire différenciation à opérer entre ce qui relève du champ tarifaire et ce qui relève d'un financement par la dotation « MIGAC » .

Le périmètre et la valorisation des MIGAC, aujourd'hui quasi-exclusivement destinées au secteur public, constituent ainsi un élément essentiel dans l'identification du champ de comparaison entre les secteurs public et privé .

c) Un nouveau chantier pour les agences régionales de santé

Le pilotage de l'enveloppe MIGAC constitue, enfin, un défi majeur pour les nouvelles ARS dont le pilotage par la performance des dépenses hospitalières est au coeur de leur « feuille de route » , comme l'a rappelé Roselyne Bachelot-Narquin le 1 er avril 2010 au moment de leur mise en place :

« Mieux répondre aux besoins de santé des Français tout en améliorant l'efficacité des dépenses pour assurer la pérennité de notre modèle républicain de santé, telle est la feuille de route des ARS » 13 ( * ) .

Or, comme le souligne le rapport 2010 au Parlement sur les MIGAC, « à l'instar du financement par la tarification à l'activité dans son ensemble, la dotation MIGAC constitue un outil privilégié pour une allocation de moyens plus efficiente ».


* 8 Groupe de travail présidé par Raoul Briet sur le pilotage des dépenses d'assurance maladie - avril 2010.

* 9 Données de la DGOS.

* 10 IGAS, « Le financement de la recherche, de l'enseignement et des missions d'intérêt général dans les établissements de santé » - novembre 2009.

* 11 D'après les estimations du centre hospitalier régional universitaire de Lille transmises à votre rapporteur lors de son déplacement.

* 12 En réalité, six IHU ont été sélectionnés.

* 13 Création des agences régionales de santé - discours de Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé et des sports - 1 er avril 2010.

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