B. UN PROBLÈME DE GOUVERNANCE ET DE PILOTAGE : UNE MULTIPLICITÉ D'OUTILS SANS HIÉRARCHISATION ET COORDINATION, NI LIEUX DE DÉCISIONS

1. Une multiplicité d'outils insuffisamment hiérarchisés et coordonnés

Il existe une multiplicité d'outils de planification susceptibles d'avoir une action en faveur de la réduction de la pollution atmosphérique, véritable inventaire à la Prévert. Ces instruments passent par des plans et programmes plus ou moins contraignants, et plus ou moins spécialisés :

- le Schéma régional sur l'air, le climat et l'énergie (SRCAE) : cet outil est élaboré conjointement par le préfet de région et le président du conseil régional. Il s'agit d'un document d'orientation non opposable . Il fixe à l'horizon 2020-2050 les orientations pour atténuer les effets du changement climatique, les objectifs régionaux en matière de maîtrise de l'énergie, ainsi que les orientations permettant de réduire la pollution atmosphérique ;

- le Plan régional de la qualité de l'air (PRQA) : élaboré par le conseil régional pour une durée de cinq ans, il fixe les orientations visant à réduire la pollution atmosphérique. Son contenu est intégré dans les nouveaux SCRAE ;

- le Plan de protection de l'atmosphère (PPA) : il est élaboré par le préfet dans les agglomérations de plus de 250 000 habitants et dans les zones où les normes de qualité de l'air ne sont pas respectées. Il s'agit d'un document prescriptif qui permet la mise en oeuvre de mesures réglementaires. Il a pour but, dans un délai qu'il fixe, de ramener à l'intérieur de sa zone d'action la concentration en polluants dans l'atmosphère à un niveau conforme aux valeurs réglementaires. Il doit être compatible avec les orientations du SRCAE. Il peut notamment proposer d'interdire l'accès des centres-villes aux poids lourds et véhicules utilitaires légers, ce qui implique la définition d'un périmètre de système et de contrôle.

- les Zones d'action prioritaires pour l'air (ZAPA) : elles sont issues de la discussion sur le péage urbain dans le cadre du Grenelle II. Si ce texte a finalement renoncé au péage, il a conservé le principe de l'expérimentation de ZAPA concernant la circulation en zones urbaines. La circulaire ministérielle du 7 septembre 2010 enjoint ainsi aux préfets de renforcer très rapidement les PPA et notamment d'étudier la faisabilité de mise en place de ZAPA dans les agglomérations faisant l'objet de contentieux sur les particules PM 10. De plus, dans les communes ou établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 100 000 habitants où une mauvaise qualité de l'air est avérée, une ZAPA, dont l'accès est interdit aux véhicules les plus polluants, peut être instituée à titre expérimental pour une durée de trois ans. Ce statut expérimental suscite néanmoins des interrogations. Une fois réalisées les études de faisabilité, il conviendra de trouver un vecteur réglementaire adéquat ;

- le plan de déplacement urbain (PDU) : codifié dans le code des transports, il détermine les principes régissant l'organisation du transport de personnes et de marchandises, la circulation et le stationnement dans le périmètre urbain défini. Arrêté par l'organe délibérant de l'autorité organisatrice de transport, il est soumis pour avis aux conseils municipaux, aux conseils généraux et au conseil régional ;

- le Plan climat énergie territorial (PCET) : il doit être réalisé dans les collectivités de plus de 50 000 habitants. Il définit les objectifs stratégiques et opérationnels visant à lutter contre le réchauffement climatique, améliorer l'efficacité énergétique et à augmenter la production d'énergie renouvelable.

Or, ces outils tendent à se superposer, sans articulation hiérarchisée, ni vision d'ensemble . Par exemple, les PPA sont sous l'autorité des préfets de départements concernés, alors que les ZAPA sont des expérimentations menées par les collectivités territoriales. Malgré tout, le SRCAE marque un progrès, car la plupart de ces instruments doivent être compatibles avec ce nouvel outil, ce qui introduit un élément de cohérence bienvenu.

Le schéma ci-après résume bien la complexité de la gouvernance de la qualité de l'air .

2. Une gouvernance inexistante, qui reste à construire

La difficulté de réagir pour répondre au contentieux sur la qualité de l'air tient à l'absence de gouvernance, contrairement à ce que l'on peut constater sur les problématiques liées à l'eau. En effet, comme le montre bien le schéma ci-dessus, il n'existe aucun lieu de décision et de discussion commun aux différents acteurs, ce qui empêche un traitement global du problème . Au contraire, les actions sur les différents facteurs en cause sont actuellement cloisonnées et non coordonnées .

Cette absence d'approche intégrée en termes de gouvernance, sinon à travers le réseau des AASQA, constitue bien la clé du problème. Au contraire, la politique de l'eau a été traitée globalement dès le début avec la création des agences de bassin, qui bénéficient d'une recette identifiée, les redevances sur l'eau.

De même, au niveau central, le traitement de la question est éclaté entre plusieurs ministères , dont la coopération est loin d'être optimale . Le ministère de l'écologie et le ministère de la santé devraient notamment renforcer leur dialogue et leur coordination sur la résolution des problématiques de santé environnement, dans une démarche de mode projet.

De surcroît, la complexité des périmètres territoriaux gérant des activités ayant des conséquences sur l'air et l'énergie, tout comme l'éclatement des compétences, n'aident pas les acteurs sur le terrain à se sentir solidaires et coresponsables , d'autant plus que les sanctions financières relatives aux contentieux sont à la charge de l'Etat. Les plans d'action doivent être portés au plus près du terrain pour être efficaces .

Enfin, si le SRCAE constitue bien un progrès en termes d'intégration des problématiques , à travers une prise en compte transversale des problèmes atmosphériques, sous la double gouvernance de l'Etat et de la région, ce plan n'est pas prescriptif .

Au total, la France s'est indéniablement dotée d'outils nouveaux de politiques publiques territoriales pour la qualité de l'air , mobilisant davantage les compétences complémentaires de l'Etat et des collectivités territoriales. Elle est dans une période de mise en oeuvre de ces politiques , et la mobilisation des acteurs sur le terrain s'est fortement accrue, comme votre rapporteur a pu le constater au cours de ses déplacements à Lyon, Bordeaux et Strasbourg.

Cependant, le poids des conditions climatiques, des facteurs de dispersion, des pollutions transfrontalières et la prise en compte des délais incompressibles d'un certain nombre d'actions nationales ou européennes tendent à ralentir les résultats escomptés. Enfin, quelle que soit l'action menée, elle ne pourra se faire sans l'acceptation des mesures par la population , d'où l'importance de la transparence de l'information et de la sensibilisation aux enjeux sanitaires de la pollution atmosphérique pour lancer une dynamique de mobilisation.

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