II. MALGRÉ UNE AUGMENTATION DE LA PRODUCTION ALIMENTAIRE...

Dans le passé (1961-2003) la dynamique de la production alimentaire a été forte avec plus d'un doublement (une multiplication par 2,4) et une croissance de plus de 6 % par an.

La production alimentaire mondiale 1961-2003

(en Gkal/jour)

Sur une plus longue période (1970-2010), la production agricole mondiale a connu un triplement principalement sous l'effet de la croissance intervenue dans les pays en développement.

L'évolution de l'indice de la production agricole de la FAO en témoigne.

Indice de la production agricole par région

Source : Projections FAO-OCDE - Perspectives agricoles de l'OCDE
et de la FAO 2009-2018. Edition 2009

Dans ce contexte, les différentes régions mondiales ont toutefois connu des trajectoires diversifiées.

Évolution mondiale des productions alimentaires
(
en dollars)

 

1961

2003

Variation en points

Monde

13 550

32 550

X 2,4

OCDE

5 800

10 200

75,9 %

AN-MO

400

1 400

X 3,5

Amérique du Sud

1 000

4 200

X 4,2

Asie

3 800

13 000

X 3,4

Afrique subsaharienne

750

20 000

X 2,7

Ex-URSS

1 800

1 750

- 2,8

Source : B. Dorin à partir de données FAO

Évolution de la production agricole dans les pays en développement
(en % par an)

 

1961/2007

1981/2007

1991/2007

Pays en développement

3,5

3,6

3,5

hors Chine et Inde

3

3

3,1

Afrique subsaharienne

2,6

3,3

3,1

Moyen Orient

3

2,7

2,5

Amérique du Sud

3

3

3,4

Asie du Sud

2,8

2,8

2,4

Asie du Sud-Est

4,3

4,5

4,3

Source : FAO - Josef Schmidhuber, Jelle Bruinsma, Gerold Boedeker

Globalement, la croissance annuelle de la production des pays en développement a atteint un rythme à peu près constant de l'ordre de 3,5 % par an, soit un rythme plus rapide que celui de l'accroissement démographique.

La croissance a été particulièrement forte en Chine et en Inde. Elle a été relativement faible en Afrique du Nord-Moyen Orient et dans de nombreux pays asiatiques.

C'est en Amérique du Sud et en Asie, en comptant la Chine, que le différentiel entre la croissance de la production agricole et de la population a été le plus élevé à la faveur de la première citée.

L'augmentation de la production a été particulièrement élevée en Amérique du Sud, suivie sur ce plan par l'Afrique du Nord-Moyen-Orient et l'Asie.

La production a plus que doublé en Afrique subsaharienne tandis que dans la zone OCDE elle a progressé de façon plus mesurée pour reculer légèrement dans les pays de l'ex-URSS (avec toutes les réserves qu'impliquent les limites des connaissances statistiques).

Lorsqu'on compare ces évolutions avec celles de la population mondiale qui est passée de 3 à 6,2 milliards au cours de la période, on observe que la production alimentaire a progressé à un rythme plus rapide que celui de la croissance démographique (avec un multiplicateur autour de 2,5 contre une croissance de 2,1 pour la population).

En conséquence, la disponibilité alimentaire théorique par personne a progressé de l'ordre de 20 % (de 2 500 à 3 000 kcal/par habitant).

Une redistribution de la géographie de la production alimentaire mondiale est intervenue.

Au terme de ces quarante années, l'Asie est devenue la première productrice devant l'OCDE alors qu'elle était largement distancée au début des années 60.

Évolution de la structure de la production alimentaire mondiale 1961-2003
(en % du total)

 

1961

2003

Variation en points

Monde

100

100

-

OCDE

42,8

31,4

- 11,4

AN-MO

2,9

4,3

+ 1,4

Amérique du Sud

7,4

12,9

+ 5,5

Asie

28

40

+ 12

Afrique subsaharienne

5,5

6,1

+ 0,6

Ex-URSS

13,4

5,3

- 0,3

En quarante ans, la dépendance alimentaire mondiale aux performances de la zone OCDE qui, en 1961, réalisait plus de 40 % de la production a été considérablement atténuée.

Désormais, l'Asie est en tête des régions du monde avec une proportion de la production alimentaire mondiale à peu près au niveau de celle de l'OCDE il y a quarante ans.

Une sorte d'échange des positions de même nature mais plus faible en niveau s'est produite entre l'ex-URSS et l'Amérique du Sud.

Mais la structure de la population mondiale a elle-même sensiblement évolué au cours de cette période.

Évolution de la structure de la population mondiale 1961-2003
(en % du total)

 

1961

2003

Variation en points

Monde

100

100

-

OCDE

22

16,1

- 5,9

AN-MO

4,2

6,1

+ 1,9

Amérique du Sud

6,7

8,9

+ 2,2

Asie

50

54,8

+ 4,8

Afrique subsaharienne

7,3

11,6

+ 4,3

Ex-URSS

7,5

4,3

- 3,2

La prédominance démographique de l'Asie s'est renforcée tandis que les populations de l'OCDE et de l'ex-URSS reculaient en termes relatifs, de 9 points au total. La troisième position de l'Afrique subsaharienne s'est affirmée puisque sa part dans la population mondiale a progressé de plus de 4 points.

On peut souligner l'existence d'une corrélation entre la restructuration de la production alimentaire et celle de la population mondiale. Toutefois, cette corrélation n'a pas été parfaite, si bien que la structure de la production alimentaire n'a pas évolué à due proportion de celle de la population mondiale.

Sur ce point, la mise en regard de la répartition de la production alimentaire et de la population mondiale fournit des informations sur la hiérarchie des niveaux de satisfaction alimentaire apparents (inversement de stress alimentaire théorique).

Cependant, il faut garder à l'esprit que les ratios qu'on en tire ne doivent pas être considérés comme des mesures de l'état de nutrition d'un pays ni même de l'autosuffisance alimentaire des régions qu'ils couvrent. Un cas-type permet de le comprendre aisément : une valeur unitaire de chaque ratio signifie qu'il y a une parfaite égalité entre la part de la population mondiale de la région et sa part dans la production alimentaire mondiale. Ainsi, dans l'hypothèse où la production alimentaire mondiale ne permettrait pas de satisfaire les besoins de nutrition des terriens, on voit qu'un ratio unitaire signifierait que la population concernée n'atteindrait pas le niveau nécessaire à une nutrition suffisante.

Plutôt que comme des mesures, les ratios mentionnés ici doivent donc être pris comme indicateurs d'aisance ou, au contraire, de stress alimentaire.

Rapports entre la part dans la production alimentaire mondiale
et la part dans la population totale
Évolutions 1961-2003

 

1961

2003

Variation en points

Monde

100

100

-

OCDE

1,94

1,95

+ 0,01

AN-MO

0,69

0,70

+ 0,01

Amérique du Sud

1,10

1,45

+ 0,35

Asie

0,56

0,73

+ 0,17

Afrique subsaharienne

0,75

0,53

- 0,22

Ex-URSS

1,78

1,23

- 0,56

En les considérant, le sentiment se dégage que la baisse de la part de la production alimentaire mondiale attribuable à la zone OCDE a été indolore tandis que pour la zone de l'ex-URSS elle s'est traduite par une nette dégradation de la capacité théorique à satisfaire les populations locales.

Pour autant, cette capacité subsiste ce qui place cette région parmi les trois régions du monde où une telle situation se vérifie (avec l'OCDE, largement en tête, et l'Amérique du Sud qui a fait d'importants progrès sous cet angle).

Pour toutes les autres zones, il existe des excédents significatifs entre le poids relatif de leur population et celui de la production agricole mondiale qui est le leur.

Ces écarts sont plus ou moins importants selon les régions et ont connu des évolutions différenciées.

La situation de l'Afrique subsaharienne s'est fortement dégradée tandis que l'Asie a progressé.

En conséquence de ces évolutions, si la ration alimentaire disponible théoriquement pour chaque individu a progressé à l'échelle mondiale, les différentes zones ont enregistré des progrès très disparates.

Pour une augmentation moyenne de 20 %, les performances régionales ont varié comme indiqué ci-après :

 OCDE :

+ 23,1 %

 AN-MO :

+ 41,7 %

Amérique du Sud :

+ 25  %

Asie :

+ 42,1 %

 Afrique subsaharienne :

+ 9 %

 ex-URSS :

- 5,7 %

L'évolution de cet indicateur montre, avec les données sur l'évolution de la production alimentaire par région, la très grande diversité des effets des performances du développement agricole au cours de la période 1961-2003.

Évolutions des rations alimentaires individuelles théoriques entre 1961 et 2004

1. Afrique subsaharienne

2. Amérique latine

3. Asie

4. Ex-URSS

5. Afrique du Nord-Moyen-Orient

Source : Rapport Agrimonde - Annexe n° 4

À partir d'une situation initiale où les rations individuelles étaient équivalentes, l'Asie a pu développer celles-ci nettement plus que l'Afrique sub-saharienne grâce aux effets combinés d'une progression démographique moins forte (X 2,3 contre 3,5) et d'une croissance de la production plus élevée (X 3,4 contre 2,7).

L'enrichissement de la ration disponible en Amérique du Sud (+ 25 %) a été plus contenu qu'en Asie, malgré une augmentation de la production plus forte du fait d'une dynamique de la population plus élevée.

Une très forte progression de la ration alimentaire s'est produite en Afrique du Nord-Moyen-Orient en dépit de l'essor démographique de la zone.