B. SI LA « RÉVOLUTION DES PENSÉES » À BIEN EU LIEU IL Y A VINGT ANS, IL EST TEMPS DE PASSER À L'ACTE

Le succès de Rio 1992 a résidé principalement dans la compréhension de la finitude de nos ressources naturelles. La conscience de cette donnée est acquise. Mais jusqu'à quel point ?

La Conférence « Rio+20 » doit en quelque sorte montrer qu'il est indispensable de passer de la culpabilité à l'action. Comme pour le droit des femmes, il a fallu d'abord poser une prise de conscience partagée pour parvenir à l'action concrète visant à réduire les inégalités et à donner les mêmes droits.

Aujourd'hui, le monde n'est plus dans le déni : et c'est là une franche victoire ! Les propagandistes de l'aveuglement et autres climato-sceptiques sont certes actifs mais marginaux. Les pays émergents aussi, comme la Chine s'éveillent aux énergies renouvelables. Les leaders mondiaux des fabricants de panneaux solaires sont chinois et, surtout, la Chine pense son propre avenir énergétique en investissant sur son propre territoire dans les énergies renouvelables : ainsi en 2010, elle a installé à elle seule 50% des nouvelles capacités éoliennes mondiales.

On peut avoir l'optimisme de considérer que la bataille culturelle est gagnée. D'autant que certains principes de la Déclaration de Rio de 1992 ont eu un fort retentissement dans les négociations internationales, comme le principe « pollueur-payeur » ou encore le principe du droit au développement.

Ainsi, si la mouture de 1992 posait les principes, la Conférence « Rio+20 » devra apporter les réponses et les perspectives concrètes et opérationnelles face à l'urgence des crises qui frappent le monde et pour lesquelles la transition vers une économie décarbonée pourrait constituer une solution.

C. LA CONFÉRENCE « RIO+20 » : QUEL FUTUR VOULONS-NOUS ?

En décembre 2009, lorsque l'Assemblée générale des Nations unies entérine la tenue de la Conférence de Rio en juin 2012, le but est clairement affiché : « l'objectif de la Conférence sera de susciter un engagement politique renouvelé en faveur du développement durable, d'évaluer les progrès réalisés et les lacunes restant à combler au niveau de la mise en oeuvre des textes issus des grands sommets relatifs au développement durable et de relever les défis qui se font jour. » La démarche retenue est une démarche contributive et le processus préparatoire court de 2010 à juin 2012, entre réunions informelles et comités préparatoires afin d'élaborer un projet de document qui sera discuté lors du Sommet.

1. « The Future we want » : institutions du développement durable et économie verte

La Conférence de Rio de juin 2012 portera sur deux thèmes principaux :

- l' économie verte dans un contexte de développement durable et d'éradication de la pauvreté ;

- le cadre institutionnel du développement durable afin d'engager « une meilleure gouvernance planétaire du développement durable, transversale et partagée ».

A l'aune des informations recueillies, de nombreux scénarios demeurent encore possibles, desquels l'issue et la portée de la Conférence dépendront certainement.

Mais l'objectif premier de la Conférence « Rio+20 » devra avant tout consister en un engagement renouvelé en faveur du développement durable. Sur ce point, il n'y a pas encore de consensus entre les pays qui souhaitent que cette Conférence développe et entérine de nouveaux concepts ou principes et ceux qui préfèrent s'en tenir à ceux de 1992, se bornant à développer des approches inclusives et intégrées.

Cet engagement politique renouvelé devrait en tout état de cause se fonder sur un constat commun : celui de la fragilisation du développement durable et de l'émergence de ses principes du fait des crises alimentaire, énergétique et climatique, des lacunes dans la mise en oeuvre de l'Agenda 21 et du Plan d'action de Johannesburg, ainsi que de la fragmentation du droit de l'environnement via la multiplication des accords multilatéraux dans le domaine de l'environnement.

a) La nouvelle gouvernance mondiale du développement durable : plusieurs options envisagées

Le constat est unanime : la gouvernance mondiale du développement durable atteint aujourd'hui ses limites et montre ses lacunes . Plusieurs aspects pèsent sur son bilan : inadaptation de certains organes ; fragmentation des conventions et des agences ; absence de bilan crédible. Tous ces aspects appellent à une nécessaire réforme au plus haut niveau.

Dans cette perspective, plusieurs options se sont fait jour et trois voies apparaissent dans le « draft zero », première ébauche du document final :

- la première voie consisterait à élargir de façon visible la mission du Conseil économique et social des Nations unies en lui donnant un pilier environnemental, à l'image de ce qui a prévalu pour le Conseil économique et social français devenu Conseil économique, social et environnemental ;

- la deuxième voie consisterait en un renforcement de l'actuelle Commission du développement durable des Nations unies : certains proposent de revenir à son mandat originel, à savoir surveiller et évaluer la mise en oeuvre de l'Agenda 21 ; d'autres voudraient assouplir son programme de travail pluriannuel afin qu'il soit désormais possible d'y inclure des enjeux urgents ou émergents ;

- la troisième voie consisterait en la création d'un Conseil du développement durable au sein des Nations unies.

Est également sur la table des discussions l'idée d'un renforcement du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) : sur ce sujet, la France est aujourd'hui favorable à la transformation du PNUE en une agence spécialisée, par exemple une Organisation mondiale de l'Environnement (OME).

b) Économie verte contre développement durable ?

De manière plus problématique, il apparaît que c'est surtout le nouveau concept « d'économie verte » qui risque de susciter de longs débats. En effet, il n'existe pas aujourd'hui une définition officielle et reconnue par l'ensemble de la communauté internationale de ce qu'est l'économie verte et de ce qu'elle recouvre.

Le récent rapport du CAS 5 ( * ) propose de la définir comme « l'orientation des systèmes de production, de consommation, mais aussi de gouvernance et de coopération locale, nationale et internationale, au service des objectifs sociaux, environnementaux et économiques qui constituent les trois piliers du développement durable ».

Du point de vue de l'Union européenne, elle est « une économie qui génère de la croissance, crée des emplois et permet d'éradiquer la pauvreté par des investissements dans le capital naturel dont dépend la survie à long terme de notre planète » .

Enfin, le Programme des Nations unies pour l'environnement la définit comme une « économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l'équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie de ressources. Elle ne remplace pas le développement durable, néanmoins il est de plus en plus largement reconnu que la réalisation du développement durable dépend presque entièrement d'une bonne approche économique » 6 ( * ) .

Ce flou conceptuel rend les objectifs de la mise en valeur d'une économie verte imprécis et ambigus pour de nombreux pays qui, s'ils ne réfutent pas la nécessité d'une nouvelle approche économique permettant un développement durable et viable de notre planète, craignent néanmoins que ce nouveau concept ne remplace purement et simplement la notion plus englobante de développement durable. Les pays en développement notamment ne souhaitent pas que l'économie verte se substitue au modèle de développement actuel en escamotant les questions sociales et économiques et craignent le retour d'une forme de « protectionnisme vert ».

C'est ce que la ministre équatorienne de la Coordination du Patrimoine, Mme Maria Fernanda Espinosa, a expliqué au groupe de travail, mettant en avant le caractère extrêmement malléable des contours de la définition actuelle de l'économie verte, qui ne repose pas sur les trois piliers indispensables du développement durable : économique, social et environnemental.

Une nette divergence apparaît donc entre les pays, qui cherchent le « lien manquant » entre économie verte et développement durable, et ceux qui tiennent pour acquis que l'économie verte est un passage obligé pour avoir le développement durable. Dans ce contexte, l'Union européenne a proposé d'établir une Feuille de route des Nations unies sur l'économie verte afin de clarifier les étapes à suivre pour intégrer l'économie verte au niveau national et international.

De la même manière, votre groupe de travail considère que la Conférence «Rio+20» ne devra pas rester « floue » et évasive sur ce concept d'économie verte. Elle devra le préciser et en décliner tous les différents aspects, inhérents au développement durable, c'est-à-dire économiques, mais aussi sociaux et environnementaux.

L'économie verte ne doit pas conduire à un recul par rapport à la consécration de la notion de développement durable à Rio en 1992, et, plus encore, par rapport à celle du rapport Brundtland de 1987 7 ( * ) : elle doit permettre d'aller encore plus loin et être un « outil » au service du développement durable.


* 5 Note d'analyse n°261 (janvier 2012) du Centre d'analyse stratégique « Rio+20 : l'heure du réalisme écologique ? »

* 6 « Vers une économie verte. Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté », 2011, PNUE.

* 7 Le rapport Brundtland définit ainsi le développement durable : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. »

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