G. LA TRANSITION POLITIQUE EN TUNISIE

Un an et demi après la fuite de l'ancien président Ben Ali, la commission des questions politiques et de la démocratie a souhaité aborder la mutation politique en cours en Tunisie. Les élections législatives d'octobre 2011 se sont traduites par la victoire du parti islamiste modéré Ennahda . Si cette formation a défendu, durant la campagne, des idées conservatrices et tend à incarner une rupture complète avec l'ancien régime, elle tient, depuis son entrée au gouvernement et au sein de l'Assemblée nationale constituante, un discours insistant sur le respect de la démocratie et des libertés individuelles. Le parti a d'ailleurs renoncé à inscrire une référence à la Charia au sein de la future Constitution. Celle-ci, dont une première version a été présentée le 6 juin dernier, devrait être finalisée et adoptée d'ici à la fin 2012. Des élections législatives devraient être organisées au cours du deuxième trimestre 2013.

Le processus en cours est néanmoins fragilisé par les incertitudes économiques et la montée en puissance de la mouvance salafiste, qui contribue à tendre le climat politique et social. M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UC) a, dans son intervention, mis en avant la question de l'apparition de l'Islam politique dans ce pays :

« Le 29 mars dernier, le gouvernement provisoire tunisien a autorisé la constitution en parti politique du mouvement salafiste Jabhet el-Islah - le Front de la réforme -, qui pourra donc se présenter devant les électeurs à l'occasion des scrutins prévus l'an prochain. Cette formation a dû, au préalable, indiquer que ses intentions étaient compatibles avec la démocratie et qu'elle n'aurait pas recours à la violence. Cette autorisation a, par ailleurs, été rendue possible par un décret-loi datant de septembre, abrogeant une loi de 1988 qui interdisait la constitution d'un parti politique sur des fondements religieux.

S'il est trop tôt pour déterminer l'écho que peut rencontrer ce parti chez les électeurs, sa constitution témoigne de la montée en puissance de l'islam politique dans ce pays, après la victoire électorale d' Ennahdha au début de l'année dernière.

La révolution du Jasmin a ouvert, à n'en pas douter, de nouveaux horizons pour l'islamisme radical, toutes tendances confondues   piétistes, politiques ou djihadistes. Leurs représentants, bien que minoritaires, ne se gênent pas pour donner de la voix, multipliant les manifestations de rue, les prêches dans les mosquées, les violences ici ou là, afin de permettre, voire imposer la burqa aux jeunes filles inscrites dans une université de la capitale tunisienne, obtenir la fermeture de débits de boissons et de bars dans la région de l'ouest de la Tunisie. On note aussi des coups de force pour faire pression sur le Gouvernement et sur l'Assemblée constituante, qui devrait adopter, à la fin de l'année, une nouvelle Loi fondamentale.

Si le nouveau pouvoir a récemment refusé l'intégration expresse de la Charia au sein de la future Constitution, on peut s'interroger sur une apparente forme de complaisance de la part du gouvernement Ennahdha à l'égard de ces mouvements. Il semble ainsi que leurs dérapages ne soient pratiquement pas sanctionnés. Je sais que la situation pour Ennahdha est en fait délicate. Le parti islamiste aspire à montrer sa capacité à gérer les affaires politiques avec modération et sans radicalisme, à l'image de l'AKP en Turquie.

Il existe cependant, chez les islamistes tunisiens, une tentation identitaire très forte pour satisfaire une base électorale conservatrice. Ennahdha souhaite à la fois participer au pouvoir et conserver son potentiel contestataire, forcément mobilisateur. C'est à ce titre qu'il est conduit à se rallier à certaines positions salafistes pour éviter de se voir dépasser dans ce domaine. C'est du moins l'impression que l'on a.

Cette radicalisation n'est pourtant pas une fatalité. Le Conseil de l'Europe doit refuser une lecture théocratique de la société tunisienne, opposant de façon manichéenne religieux et laïcs. La situation - le Président de l'Assemblée tunisienne me dira si j'ai raison - me semble beaucoup plus complexe et le clivage est sans doute plus entre conservateurs et modernistes. À l'heure actuelle, le rapport de force est favorable aux conservateurs, qui n'hésitent pas à remettre en cause les acquis de la Révolution conduite naguère par M. Bourguiba.

Cette répression ne peut qu'effrayer les secteurs économiques dont le dynamisme est nécessaire au développement de la Tunisie, largement incluse dans la mondialisation économique. Je veux croire que les radicaux ne spéculent pas sur l'aggravation des difficultés économiques du pays. Selon les données que nous avons, la fréquentation touristique, qui fait vivre directement plus de 10 % de la population, s'est déjà tarie. Je ne parle même pas des investissements privés externes, qui voyaient dans la Tunisie stabilité et modernisation sociale.

J'invite donc la commission des questions politiques à demeurer vigilante sur cette dimension économique et sociale, tant elle me semble indispensable pour appréhender la suite des événements en Tunisie.

Je souhaite aussi que cette commission et, au-delà, l'ensemble du Conseil de l'Europe travaille avec tous les dirigeants islamistes qui arrivent au pouvoir. Invitons-les dans les commissions ; multiplions les échanges, travaillons pour pouvoir, s'ils sont d'accord, réfléchir à ce qu'est l'islam politique.

Travaillons, par exemple, avec la mosquée al-Azhar en Égypte, qui, par sa déclaration du 19 juin 2011 sur les principes de la Constitution et celle du 18 janvier 2012 sur les libertés fondamentales, a apporté au débat sur l'islam politique des éléments fondamentaux. Si l'échange est accepté, le Conseil de l'Europe jouera bien son rôle. Nous devons échanger avec nos amis du monde islamique. Si nous arrivons à accomplir ce travail, le Conseil de l'Europe pourra participer à l'évolution démocratique de ces pays qui sont nos voisins, si proches par l'histoire et la géographie. »

La montée en puissance du salafisme a également été abordée par M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC) :

« Le 11 juin dernier, en recevant le prix Julia Taft, le Docteur Mohamed Belhocine, représentant le Programme des Nations Unies pour le développement en Tunisie, a dit que « le mérite [de la transition démocratique] revient avant tout au peuple tunisien. Ils ont décidé de répondre à l'appel du poète tunisien Aboul Kacem Ech Chebbi, qui écrivit, il y a quelques dizaines d'années : «Si un jour le peuple désire vivre, le Destin lui répondra sûrement, l'oppression alors disparaîtra. Et ses entraves se briseront certainement.» »

Malheureusement, les événements de la mi-juin semblent à même de freiner le caractère démocratique de cette transition.

L'exposition artistique de La Marsa a servi de catalyseur aux groupes salafistes armés qui estiment que les oeuvres exposées dans le cadre du « printemps des arts » à Tunis étaient blasphématoires. Les violences ont fait un mort et plus d'une centaine de blessés. Le couvre-feu a été décrété et il n'a été levé que la semaine dernière.

Ce n'est pas la première fois que de tels incidents, souvent organisés et coordonnés via les réseaux sociaux, se produisent. En mai, c'est la diffusion du dessin animé « Persépolis » sur la chaine Nesma qui avait provoqué l'ire des intégristes.

L'ambiguïté des autorités et en particulier du parti Ennahda devant cette violence est inquiétante. Les protagonistes ont été renvoyés dos à dos : les agissements des groupes extrémistes qui menacent la liberté sont dénoncés, mais les artistes sont accusés d'avoir enflammé le pays !

La montée de la violence et de l'emprise des intégristes dans le pays est une réalité. Ce phénomène ne touche pas que les lieux d'expression artistique. Comme le rappelait le sociologue Gilles Kepel sur France Culture, les salafistes traduisent en langage islamiste des revendications sociales, en particulier dans les zones rurales ou les banlieues les plus défavorisées. Il est clair, par ailleurs, que des groupes de casseurs se joignent aux mouvements de violence, sans doute dans l'espoir d'un affaiblissement de l'État tunisien.

Certes la situation en Tunisie n'est pas celle de l'Égypte, mais il faut, pour que la transition politique aboutisse bien à une Tunisie démocratique, que les autorités réagissent avec force et condamnent ceux qui, manifestement, voudraient entraîner le pays dans le chaos.

Il faut que la transition politique reprenne et que le pouvoir constituant puisse travailler dans la sérénité.

Votre pays, la Tunisie, Monsieur le Président, est un exemple : la révolution de Jasmin a été le déclencheur du Printemps arabe, comme le statut de la femme tunisienne avait aussi montré la voie. Aujourd'hui, espérons que la Tunisie sera le modèle de démocratie que la région attend depuis longtemps . »

La résolution adoptée insiste sur la nécessité pour l'Assemblée nationale constituante de garantir le respect des valeurs universelles et de ne pas hésiter, à cet effet, à recourir à l'expertise de la commission européenne pour la démocratie dite Commission de Venise. Elle incite ainsi le constituant à bien prendre en compte des principes élémentaires au sein de la nouvelle Loi fondamentale : abolition de la peine de mort, égalité entre les femmes et les hommes, et séparation effective des pouvoirs, y compris l'autonomie financière et administrative du nouveau Parlement.

Elle invite le gouvernement à agir en vue de répondre à la crise économique qui traverse le pays, difficultés qui avaient été à l'origine de la « révolution de Jasmin » de janvier 2011.

M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UC) a également insisté sur cet aspect économique dans son intervention :

« Un an et demi après la chute de l'ancien régime, la révolution du Jasmin semble déboucher sur une refonte du contenu des institutions politiques et la mise en oeuvre de fondements durables pour la démocratie, quand bien même l'émergence du salafisme pourrait rapidement les soumettre à rude épreuve.

Je n'oublie pas cependant que ce mouvement démocratique est né d'une émeute de la faim et d'un geste désespéré face à la cherté de la vie. Je crains néanmoins que l'effervescence politique n'ait conduit à différer une véritable réflexion sur les moyens de faire face à cette urgence économique et sociale.

Pourtant sans pain, la démocratie n'aurait pas d'avenir. Nous le savons bien, nous le constatons chaque jour dans nos propres pays, l'extrémisme se nourrit des frustrations économiques. Il n'y pas lieu de s'étonner d'observer la montée en puissance du radicalisme religieux en Tunisie dès lors que les problèmes qui ont présidé à la chute de Ben Ali se maintiennent, sans que les démocrates n'y apportent de solutions viables.

Pire, il ne semble pas y avoir en Tunisie, à l'heure actuelle, de véritable réflexion économique à moyen et long terme, induisant une réflexion sur le système national de production. La corruption et la prédation qui caractérisaient l'économie tunisienne sous l'ancien régime ne sont pourtant pas les seuls maux qui l'affectaient.

Les défis sont multiples : libéraliser l'économie, tout en tenant compte des équilibres internes mais aussi externes, le pays disposant d'une position géostratégique indéniable. Il convient également de faire face à l'absence de réserve dans les caisses de l'État tunisien, à la situation délicate des banques locales, dont les bilans sont fragilisés par un amoncellement de créances douteuses, une quasi-faillite avant l'heure.

L'équation est finalement simple : il convient de combiner liberté et mieux vivre. À l'heure actuelle, le combat pour la liberté semble effacer toute politique économique. L'un ne va pourtant pas sans l'autre. Le chômage des jeunes, diplômés comme non diplômés, demeure pourtant une préoccupation de tous les instants.

La volonté du gouvernement provisoire de réunir en un seul texte tout le dispositif d'incitation à l'investissement participe néanmoins d'une vision à long terme pour l'économie tunisienne, qu'il convient désormais de décliner dans tous les domaines. Cette simplification en un « code unique » doit permettre de renforcer l'attractivité de la Tunisie en particulier auprès des pays parmi les moins habitués à la destination tunisienne pour leurs investissements : pays scandinaves, Canada, Malaisie, Turquie, pays du Golfe... Il y a également l'aide de l'OCDE ; je fais actuellement un travail au sein de la commission politique de l'OCDE, et il est vrai que la coopération dite MENA ne pourrait que gagner à s'amplifier.

S'il est nécessaire d'encourager ce volontarisme, nous devons aussi bien avoir à l'esprit de ne pas encourager la Tunisie à adopter des mesures démagogiques destinées à calmer son peuple. Les velléités interventionnistes du gouvernement en matière monétaire et le conflit latent avec la Banque centrale de Tunisie doivent, à cet égard, être observées avec vigilance. Les solutions court-termistes en politique économique n'ont jamais consolidé une démocratie.

Ayant dit cela de manière peut-être un peu ferme, je ne voudrais pas pour autant donner l'impression que nous sommes des donneurs de leçons. Nous savons que les choses sont extrêmement compliquées et nous avons beaucoup d'admiration pour les responsables de ce pays, confrontés à toutes les difficultés en même temps. Nous savons bien que si la critique est facile, l'art est difficile. C'est la raison pour laquelle nous sommes là pour vous apporter notre soutien respectueux et nos encouragements pour la tâche difficile et courageuse dans laquelle vous vous êtes engagés avec détermination. »

Le texte rappelle la nécessité de demeurer vigilant face à l'émergence du radicalisme islamiste dans le pays. La commission des questions politiques souligne, dans le même temps, que la confiance de la société dans les nouveaux pouvoirs en place passe par une profonde réforme des secteurs de la justice et du maintien de l'ordre.

La résolution invite, en outre, l'Assemblée nationale constituante à demander auprès de l'APCE le statut de partenaire pour la démocratie et renforcer ainsi la coopération entre les deux Organisations. L'APCE exprime, par ailleurs, le souhait de pouvoir observer les élections à venir.

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a, de son côté, attiré l'attention de l'Assemblée sur la question du droit des femmes :

« Un an et demi après la révolution dite du Jasmin, la Tunisie semble évoluer rapidement sur la voie de la démocratie. L'excellent rapport de notre collègue Anne Brasseur souligne précisément les progrès accomplis dans différents domaines, sans mésestimer pour autant les défis auxquels est confronté le pays en matière de justice, de police et d'économie. La commission des questions politiques et de la démocratie a, par ailleurs, raison de montrer du doigt l'émergence du salafisme dans le pays et les menaces que celui-ci fait peser à terme sur des libertés pourtant chèrement acquises.

Nous avons eu, lors de la précédente partie de session, un débat fort intéressant sur la situation des femmes un an après le Printemps arabe. Nous avons souligné les progrès énormes restant à accomplir. Le cas de la Tunisie est, à cet égard, intéressant. S'il est indispensable de saluer les avancées obtenues depuis janvier 2011, elles vont plutôt dans le sens d'une vision exclusivement masculine des droits de l'Homme, au mépris in fine des droits de la femme.

Rappelons ainsi que sur les 12 000 organisations non gouvernementales créées en Tunisie, dont plus de la moitié ont été créées dans le sillage de la victoire du parti islamiste modéré Ennahda , 20 seulement seraient consacrées aux difficultés rencontrées par les femmes.

N'hésitons pas à le dire, il ne semble pas aujourd'hui que les droits de la femme fassent figure de priorité en Tunisie, contrairement à la période du président Bourguiba. Le sujet peut même être considéré comme annexe, dans un contexte politico-religieux peu favorable à un tel combat. Et l'on peut craindre une réelle dégradation, voire une régression de ces droits, si la Charia était retenue.

L'exemple du Planning familial local est assez éloquent. L'Association tunisienne de la reproduction et de la santé, l'ATRS, se heurte aujourd'hui à de nouvelles difficultés pour partie liées à l'écho que rencontre le radicalisme religieux au sein de la population.

La situation est pourtant plus que délicate pour les Tunisiennes, dont le profil statistique dressé sous l'ancien régime de Ben Ali n'était déjà en rien le reflet de la réalité. Le pouvoir précédent a en effet largement sous-estimé la mortalité des mères et des enfants alors même que le nombre d'interruptions volontaires de grossesse a été largement minoré.

La Tunisie est aujourd'hui confrontée à une recrudescence des naissances non voulues, l'avortement étant de plus en plus dénigré dans un pays en plein réveil religieux. La contraception n'est également pas tolérée par une partie de la population masculine en raison de son inadéquation aux principes religieux.

On regrettera en conséquence que les actions de l'ATRS soient entravées par nombre de problèmes financiers, je pense notamment aux actions en zones rurales. L'association ne peut plus en effet, faute de moyens, rémunérer le personnel médical. Les « éducateurs pairs » qui interviennent auprès des jeunes dans les cités universitaires et les centres de formation professionnelle voient, quant à eux, leurs frais de déplacement supportés par une association d'Amérique latine. Quand les pauvres aident les plus pauvres... bel exemple de solidarité !

Ainsi au-delà des justes préconisations du projet de résolution qui nous est soumis aujourd'hui, j'invite notre Assemblée à demeurer extrêmement attentive à la situation des femmes en Tunisie, véritable reflet de l'évolution de ce pays. Un État où seraient ignorés les droits des femmes, notamment sanitaires, ne saurait, à mon sens, être qualifié de démocratique, ce qui justifie pleinement notre vigilance. »

Mme Christine Marin (Nord - UMP) a également tenu a pointé les difficultés rencontrées par les femmes depuis la révolution :

« Les femmes se sont mobilisées dès l'origine du Printemps arabe et pourtant, aujourd'hui, alors que l'Assemblée constituante désignée le 23 octobre 2011 rédige la nouvelle Constitution tunisienne, leurs droits sont menacés.

Certes, le parti Ennahda a dit qu'il ne modifierait pas l'article 1 er en y introduisant une référence à la Charia. Pourtant, plusieurs associations de juristes et de défense des droits des femmes sont inquiètes, car les positions des autorités politiques ont été très ambiguës depuis le 14 janvier. Les déclarations de certains ministres ou les tentatives de certains parlementaires d'introduire au cas par cas des normes religieuses, en particulier sur le droit de la famille, sont autant de signes négatifs envoyés aux femmes tunisiennes. C'est la préservation du statut de la femme tunisienne, unique dans le monde arabe, qui est en jeu !

Ce Code du statut personnel tunisien a aboli la polygamie, instauré l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de divorce, et octroyé au couple avec ou sans enfant le droit à l'adoption. Il a donné aux femmes une liberté dont elles ont pu jouir au fil des années. Bien sûr, des progrès restent à accomplir, mais ce code est un acquis majeur.

Aujourd'hui, certaines forces conservatrices, voire extrémistes, voudraient remettre en cause ces droits pour lesquels les femmes ont lutté. Certains parcourent les quartiers pour tenter d'imposer le voile, soutenir la polygamie ou interdire l'adoption. L'agression des artistes et des oeuvres du Printemps des arts, les attaques de groupes fondamentalistes contre des femmes non voilées devant l'université, mais aussi la réaction trop mitigée des autorités montrent, s'il en était besoin, que le danger est réel.

Un autre élément important de l'acquis tunisien en matière de droits des femmes est la disposition de 1959 selon laquelle les conventions internationales sont supérieures aux lois nationales. Cette disposition doit être reconduite dans la prochaine Constitution. Comme l'a rappelé Sondes Ben Khalifa, blogueuse tunisienne, le 4 juin dernier devant le Parlement européen : surtout pas de recul en la matière ! Nous serons donc attentifs à la situation faite aux femmes dans la nouvelle Constitution : c'est l'un des points sur lesquels sera jugée la nature réelle du régime mis en place par la constituante.

« Pour les femmes en Tunisie, le Printemps touche à sa fin ! Mobilisons-nous pour faire du droit des femmes un acquis durable » : tel était le slogan d'un colloque dédié aux droits des femmes en Tunisie qui s'est déroulé il y a deux jours à la Maison du Barreau, à Paris. J'ose espérer que l'assemblée constituante que vous présidez, Monsieur Ben Jaafar, saura répondre à cet appel ! »

Invité à intervenir à la fin du débat, M. Mustapha Ben Jaafar, président de l'Assemblée constituante tunisienne, a rappelé qu'il avait fallu moins d'un an pour organiser les premières élections démocratiques, pluralistes et transparentes de l'histoire moderne de la Tunisie. Il a néanmoins souligné la permanence, au sein des forces de sécurité, de l'appareil judiciaire, des médias et de l'administration, de représentants de l'ancien régime, qui pèsent sur le bon déroulement de la transition démocratique. Ils constituent plus une menace à ses yeux que les manifestations de violence des salafistes.

Le président de l'Assemblée constituante a rappelé que la politique du gouvernement à l'égard des islamistes était différente de celle pratiquée auparavant, l'oppression pouvant faire le lit de l'extrémisme. Le dialogue recherché n'exclut pas pour autant, dès lors que la violence apparaît, de faire appliquer l'État de droit. Il a insisté sur le fait que les salafistes demeuraient minoritaires.

En ce qui concerne les femmes, l'ensemble des partis tunisiens reconnaît que les actions menées depuis l'époque de Bourguiba représentent des acquis qu'il est indispensable de préserver. Le président a tenu à rappeler que la Tunisie est encore en phase post-révolutionnaire et que la stabilité économique et sociale n'est pas encore rétablie. De nombreux problèmes restent à régler en matière de lutte contre le chômage, 250 000 jeunes diplômés sont sans emploi. Des inégalités persistent, par ailleurs, entre les régions. La Tunisie doit notamment faire face à des disparités considérables entre la façade maritime et l'intérieur du pays. Le gouvernement qui prendra ses fonctions après les prochaines élections devra mettre en place un nouveau modèle économique. Il conviendra de revenir à une plus grande orthodoxie économique, revoir les choix budgétaires et préserver les grands équilibres.

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