B. UNE AFFAIRE D'ÉTAT ET D'EXPERTS.

Le second présupposé, justement, c'est que les décisions en matière de protection ne sauraient être de nature politique, une affaire de délibération de la population et de ses élus, nationaux comme locaux, en un mot, une affaire de choix. Elles sont affaire d'État, d'administration, de science et d'experts. Au besoin, on fera donc le bien de la population contre elle et surtout contre des élus disqualifiés en tant que porteur de la moindre parcelle de l'intérêt général pour électoralisme primaire. Que l'intérêt général ne puisse être porté que par ceux qui ne sont pas élus n'est pas le moins répandu des lieux communs dans notre démocratie moderne. Évidemment, élus, services locaux, formations de volontaires et population, sont mobilisés quand la crise est là, mais seulement comme supplétifs d'un dispositif entièrement dirigé, comme on l'a vu, par l'État, son administration, ses forces armées. Là encore, il s'agit d'une concession aux rugosités du réel et non d'une volonté politique.

C. L'UNIVERS DE L'HARMONIE PRÉÉTABLIE

Le troisième présupposé, c'est que tous les objectifs des politiques d'État sont conciliables sur un territoire, à condition de prendre le temps des études, de l'instruction des demandes d'autorisation, des conventions nécessaires. Protection de la population contre l'inondation, protection du milieu aquatique et de la biodiversité, dynamisation de la production de logements et densification de l'urbanisation, économies d'énergie ou production d'hydroélectricité, réduction des temps de transport et développement du transport fluvial, développement de l'emploi, etc. Tous ces objectifs sont conciliables par construction. Il n'est donc prévu aucune instance et lieu où en discuter concrètement. S'il manque des logements, c'est la faute des maires ou des préfets ; s'ils sont construits en zone inondable parce qu'ils n'ont pas d'autres choix, aussi (voir les polémiques au sujet de l'application de la loi SRU).

Dans cet univers où l'harmonie est préétablie, tout est possible pourvu qu'on y mette un peu du sien, tous les intérêts des divers territoires, communes ou quartiers sont spontanément conciliés. Ainsi est-il entendu que la vocation des communes rurales est de recevoir les zones d'expansion de crues qui protègent les villes, celle des secteurs périurbains cultivés de rester inondables ou celle d'une commune mal située de se vider de son activité économique si ses habitants peuvent trouver à s'employer dans la même intercommunalité. Pour le préfet coordonnateur du bassin rhodanien, par exemple, interdire le développement économique de la commune de Givors pour risque d'inondation ne posera aucun problème à ses habitants puisque la commune appartient à la communauté urbaine du Grand Lyon (COURLY). La question n'étant jamais posée clairement, la réponse va de soi. Tel est le premier non-dit.

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