D. L'INTERVENTION DU JUGE ADMINISTRATIF : L'INTÉRÊT LOCAL

La coopération décentralisée a également été influencée par les décisions du juge administratif . La décision du Conseil d'Etat du 28 juillet 1995 ( Commune de Villeneuve d'Ascq) a joué un rôle important. En effet, comme le souligne une étude du Conseil d'Etat 7 ( * ) , cette décision a pendant longtemps été interprétée par l'administration et les collectivités territoriales comme l'établissement d'un intérêt local du seul fait de l'existence d'une convention de coopération.

La circulaire conjointe du ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire et du ministre des Affaires étrangères du 21 avril 2001 apporte des éclaircissements à ce sujet. Ainsi, dans le cadre des compétences d'attribution, l'intérêt local est présumé du fait de l'intervention du législateur. De même, l'intérêt local ne doit pas être explicitement démontré lorsqu'il est fait application de la clause de compétence générale.

Cependant, dans les années 2000, des actions de coopération décentralisée ont été remises en cause par plusieurs jugements des tribunaux administratifs. En effet, ces derniers ont recherché si l'action de coopération décentralisée présentait un intérêt local. Or, cette preuve est difficile à apporter et dépend parfois de l'interprétation du juge. Dans un arrêt du 21 octobre 2004, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a jugé que la décision du conseil municipal de la commune de Stains d'octroyer une subvention à l'association France Palestine Solidarité « exclusivement affectée à l'aide médicale et humanitaire » dans les camps de réfugiés palestiniens en Cisjordanie, ne présente pas d'intérêt communal. La délibération est, de ce seul chef, entachée d'illégalité. Moins d'un mois plus tard, le tribunal de Poitiers a estimé que la subvention à une association deux-sévrienne « Solidarité entraide et fraternité franco-malgache » « ne peut être regardée comme répondant à des besoins de la population deux-sévrienne ». Bien que ces actions s'inscrivent dans le cadre d'une convention, la décision du conseil municipal a été annulée par le tribunal administratif au motif de l'absence de retombées concrètes pour la population locale en France.

En revanche, par un arrêt M. Eric Delcroix du 13 mai 2004, la cour administrative d'appel de Douai a admis la légalité d'une subvention octroyée par la région Picardie à une collectivité territoriale béninoise en dépit de l'absence « de répercussions concrètes immédiates sur la région Picardie ». Elle s'est satisfaite de ce que « ce projet doit donner l'occasion à un ensemble de partenaires locaux de la région Picardie - structures agricoles, chambres consulaires, associations, structures intercommunales, universités - de s'associer à cette démarche et de mobiliser à cette fin leur savoir-faire en matière de développement local et d'action décentralisée ».

C'est dans ce contexte que le Premier ministre a demandé au Conseil d'Etat en 2006 une étude sur l'action extérieure des collectivités territoriales. Cette dernière souligne la nécessité d'une modification législative.


* 7 « Le cadre juridique de l'action extérieure des collectivités territoriales », Conseil d'Etat, 2006.

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