III. UNE OFFRE DE SERVICES DIVERSIFIÉE EN MATIÈRE DE TRANSPORT EST IMPÉRATIVE POUR PRÉVENIR L'AGGRAVATION DE LA FRACTURE TERRITORIALE

Le bilan des trente dernières années est très contrasté en matière d'infrastructures de transport : alors que les grandes voies au départ de Paris ont été considérablement améliorées par le développement des autoroutes (ou leur équivalent dans l'ouest de la France) et, sur l'axe Paris-Marseille, par le TGV, certaines zones peu peuplées du territoire, situées pour l'essentiel dans les régions Centre, Auvergne et Limousin ont été délaissées.

L'équité a été abandonnée au profit de la compétitivité, dans un contexte de renoncement à la politique d'aménagement du territoire « dissoute » dans celle de décentralisation.

Cependant, il n'y a pas de fatalité de déclin pour les territoires à faible densité, pour peu que soient mobilisées à bon escient toutes les possibilités financières disponibles pour renforcer leur desserte par des services de transport diversifiés . Ceux-ci sont composés d'un indispensable renforcement du réseau routier de proximité , d'une priorité à donner aux lignes ferroviaires à moyenne vitesse, et à grande vitesse pour la partie centrale de la France et, pour le fret et le tourisme, d'une rénovation du réseau fluvial .

A. LE MAINTIEN EN BONNE CONDITION DU RÉSEAU ROUTIER ET AUTOROUTIER EST INDISPENSABLE À L'ACCESSIBILITÉ ET À LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

1. La modernisation du réseau routier de proximité est une priorité à réaliser à un coût raisonnable

Les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ont remplacé, en 2009, les contrats de plan État-Régions (CPER). Le ministère de l'Écologie et du Développement durable les présentait ainsi lors de leur création :

« Ces programmes recouvrent l'ensemble des opérations de modernisation du routier non concédé existant, sans créer de nouvelles fonctionnalités, et sans augmenter substantiellement la capacité du réseau. Ils seront établis pour la période 2009-2014 en tenant compte des nouvelles orientations qui se sont dégagées du Grenelle de l'environnement.

Ils traduisent ainsi le schéma national des infrastructures de transport institué par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

Ce schéma fixe les orientations de l'État en matière d'entretien, de modernisation et de développement des réseaux, de réduction des impacts environnementaux et de la consommation des espaces agricoles et naturels, et en matière d'aides apportées aux collectivités territoriales pour le développement de leurs propres réseaux.

Dans ce cadre, les nouvelles priorités en matière de modernisation du réseau routier consistent à :

- améliorer la qualité environnementale des infrastructures et le cadre de vie des riverains (traitements anti-bruit, mise aux normes assainissement, déviations localisées) ;

- optimiser leur fonctionnement en améliorant la fiabilité des temps de parcours pour les usagers, les services proposés (aire de service ou de poids lourds, par exemple) et la sécurité routière ainsi qu' en renforçant l'accessibilité des territoires .

L'optimisation des routes existantes par des aménagements localisés est privilégiée à des augmentations importantes de la capacité ou à la création de nouvelles fonctionnalités. En outre, cette première génération de PDMI devra permettre d'éviter l'arrêt de chantiers déjà en cours et de terminer les travaux déjà engagés lors de précédents contrats. »

Ce programme avait deux objectifs essentiels : remédier au « mitage » des itinéraires en les achevant, et réduire la congestion dans les zones périurbaines .

Vos rapporteurs déplorent que le « renforcement de l'accessibilité des territoires » arrive en dernier lieu des priorités assignées aux PDMI, et que « l'organisation de l'existant » soit privilégié au détriment de « la création de nouvelles fonctionnalités ».

Certes, des arbitrages sont nécessaires en période de tensions budgétaires, mais ces deux éléments conduisent à figer le réseau routier dans sa configuration présente. Rien n'est donc envisagé pour prévenir l'aggravation de la fracture territoriale .

De plus, les conséquences de la crise économique de 2008 ont compromis la réalisation des PDMI . C'est ce que constate notre collègue Ronan Dantec, dans son avis sur le PLF pour 2013 en matière de transports routiers, au nom de la commission du Développement durable (avis n° 153, page 4) :

« Les programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI) ont succédé pour la période 2009-2014 au volet routier des contrats de plan État-Régions. Ils ont prévu 6,1 milliards d'euros d'investissements - via l'AFITF - pour les cinq ans sur l'ensemble du réseau national non concédé, dont 3,6 milliards de l'État et 2,5 milliards (40 %) des collectivités locales. Ces fonds ne doivent pas servir à des augmentations de capacité, mais bien à de l'amélioration de service.

À côté des opérations classiques de modernisation du réseau - déviations d'agglomération, aménagements de carrefours -, les PDMI intègrent des aménagements d'ordre environnemental, comme des protections acoustiques, des ouvrages de protection de la ressource en eau ou de protection de la biodiversité.

Leur taux d'avancement varie fortement d'une région à l'autre - de 5% en Alsace à 61 % en région Centre -, du fait de la diversité des opérations programmées ; il s'établit en moyenne à 37 % fin 2012. Surtout, le ministère reconnaît que l'objectif d'achèvement des PDMI pour fin 2014 sera très difficile à tenir et qu'il faudra probablement le décaler dans le temps. »

Le développement des infrastructures routières a reçu 731 millions d'euros pour 2013, constitués uniquement de fonds de concours de l'AFITF et des collectivités territoriales au titre des contrats de plan État-régions (CPER), et des programmes de modernisation des itinéraires routiers (PDMI). L'objectif explicite de l'État est de limiter strictement l'augmentation de capacité du réseau routier au traitement des points de congestion et des problèmes de sécurité.

Le transport routier n'est donc pas concurrent, mais complémentaire du réseau ferroviaire.

Ce dernier présente de nombreux avantages, notamment la possibilité d'accomplir de longues distances dans un temps réduit pour les lignes TGV. Mais il laisse subsister un besoin de déplacements individuels par la route pour relier la gare d'arrivée et la destination finale.

De plus, la population située en zone rurale ne peut se voir proposer à un coût acceptable pour la collectivité, État ou collectivités territoriales, des transports publics couvrant l'ensemble de ses besoins de mobilité.

Le véhicule individuel est donc indispensable, et le réseau routier est le seul à pouvoir assurer le « désenclavement primaire » des régions les plus éloignées des grands axes. La route est donc un mode de transport souple et économique, qu'il ne faut pas délaisser.

2. Le réseau autoroutier concédé doit être plus accessible, notamment en zones périurbaine et rurale

Le péage est la clé de voûte du système autoroutier français 11 ( * ) , mais n'est pas une spécificité de notre pays.

En 1995, sur 40 000 km d'autoroutes européennes en service, 40 % (16 114 km) étaient à péage. Les usagers s'en acquittent en songeant qu'il vaut mieux « des autoroutes à péage plutôt que pas d'autoroutes du tout ».

Le péage est lié à la difficulté pour l'État à financer le réseau autoroutier sur fonds budgétaires, et a été justifié comme la contrepartie d'un service rendu par la société concessionnaire : en effet, l'automobiliste circule plus rapidement et dans de meilleures conditions de confort et de sécurité sur une autoroute que sur le réseau traditionnel. Prélevé sur le bénéficiaire direct de l'infrastructure, le péage paraît équitable. De plus, il a l'avantage de faire participer les automobilistes étrangers à la construction et à l'entretien des artères qu'ils empruntent ; le péage est donc également une source de devises pour la France .

Si la notion de service rendu est toujours la principale justification du péage, d'autres considérations sont venues s'y ajouter au fil du temps. Les premières autoroutes , correspondant aux itinéraires les plus chargés, ont permis aux concessionnaires de dégager, au bout d'un certain temps, des bénéfices. Ces bénéfices auraient dû profiter aux usagers sous la forme de réduction, puis de disparition des péages, mais l'État a invité les concessionnaires à utiliser ces ressources pour financer de nouvelles autoroutes à faible trafic et donc initialement déficitaires, au nom d'un nécessaire aménagement du territoire . De plus, il leur a aussi recommandé d'harmoniser le taux des péages pour éviter que les sections récentes ou celles ayant nécessité des ouvrages d'art coûteux ne soient pénalisées par des tarifs élevés.

Une partie des péages alimente le budget de l'État : en effet, les sociétés concessionnaires paient la TVA sur leurs investissements et leurs dépenses d'entretien. Elles versent également la taxe professionnelle dans chacune des communes qu'elles traversent. En outre, depuis 1989, les concessionnaires contribuent au fonctionnement des prestations de service de la gendarmerie sur leur réseau. Enfin, une nouvelle contribution est apparue avec la loi du 4 février 1995 sur l'aménagement du territoire, qui a institué le Fonds d'Investissement des Transports Terrestres et des Voies Navigables, alimenté en partie par une taxe sur les péages (2 centimes par km en 1995) ; la création de ce fonds étend donc l'affectation des recettes de péage au financement d'infrastructures autres que les autoroutes concédées.

Le niveau des péages n'est pas libre ; il est fixé par l'État, sur proposition des sociétés concessionnaires.

Ce mode de financement par concessions, qui ont été conclues pour la plupart jusqu'en 2028-2030, a eu le mérite de ne pas solliciter les finances publiques pour équiper notre pays d'un réseau d'autoroutes long de 8 890 km en 2012 (premier rang en Europe), dont le taux d'accidentalité est cinq fois inférieur au reste du réseau routier (143 morts en 2012) .

Les sociétés concessionnaires investissent environ 2 milliards d'euros par an pour leur entretien.


* 11 Source : Alain Barre, Annales de géographie, 1997.

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