B. TOURNER DAVANTAGE LES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES VERS LE COMMERCE INTERNATIONAL

1. Une culture de l'export insuffisante dans nos filières
a) L'individualisme, un mal français

La question essentielle de la culture de l'export se pose dès lors que l'on se retourne vers l'amont des filières exportatrices. Les auditions et les déplacements conduits par vos rapporteurs spéciaux leur ont en effet appris que nos filières agricoles sont insuffisamment tournées vers l'export . Le fait de « chasser en meute » n'est malheureusement pas une disposition très française, à la différence de nombre de nos concurrents.

Le rapport de Louis Gallois, commissaire général à l'investissement, sur la compétitivité de l'industrie française, remis au Premier ministre en novembre 2012, a souligné la moindre solidarité au sein de l'ensemble des filières de notre économie comme un facteur handicapant à l'export .

Les entreprises développent en effet plutôt des stratégies individuelles , parfois même des opérations au coup par coup , révélant ainsi la fragilité de l'appareil exportateur français. À la faible propension à exporter des PME s'ajoutent la difficulté à pérenniser leur présence sur les marchés à l'exportation et un phénomène d'intermittence à l'exportation 34 ( * ) .

b) Diffuser la culture de l'export

Ces caractéristiques sont sans doute amplifiées dans le monde agricole, traditionnellement éclaté en unités de production et très inégalement structuré selon la filière considérée. Et c'est pourquoi vos rapporteurs spéciaux suggèrent de renforcer la culture de l'export, aujourd'hui largement insuffisante dans les filières agricoles et les interprofessions . Une avancée récente peut toutefois être notée, avec la signature à Paris le 19 juin 2013 du contrat de filière alimentaire, dans la mesure où elle cherche à mobiliser les acteurs des filières, mais elle semble encore timide en matière d'export par rapport aux enjeux. Selon votre rapporteur spécial Yannick Botrel, les filières agricoles et les interprofessions gagneraient à se tourner davantage vers le dynamisme et l'international et à être un peu moins dans le lobbying législatif et réglementaire . Il faut saluer, à cet égard, le lancement par l'association nationale des industries agroalimentaires (ANIA) d'opérations de sensibilisation à l'export 35 ( * ) .

Au total, vos rapporteurs spéciaux recommandent de diffuser une culture de l'export dans les filières agricoles , FranceAgriMer pouvant de ce point de vue jouer un rôle majeur. Cet organisme, qui résulte de la fusion de l'ensemble des offices agricoles, pourrait ainsi contribuer à diffuser la culture de l'export dans nos filières agricoles et agroalimentaires, en structurant les filières en ce sens, mais aussi en agissant concrètement pour assurer une meilleure maîtrise des langues étrangères. Faisant le constat d'une culture de l'export insuffisante dans les filières agricoles et face à la structuration inégale des filières, l'amont doit être tourné davantage vers l'international, en structurant les filières dans ce sens grâce à la mobilisation de FranceAgriMer (recommandation n° 10) .

2. Fournir des infrastructures de qualité

Pour ce qui concerne les infrastructures, comme ont pu le constater vos rapporteurs spéciaux lors de leurs déplacements, en particulier avec l'exemple des Pays-Bas, il s'agit d'un point essentiel et nos installations routières, ferroviaires et portuaires doivent permettre de relever ce défi de s'appuyer sur des plateformes logistiques d'envergure internationale .

Votre rapporteur spécial Joël Bourdin a quant à lui identifié lors de son déplacement à Rouen et au Havre, l'atout majeur que représentent nos infrastructures portuaires . La réunion au début de l'année 2012 des ports de Paris, du Grand Port Maritime de Rouen (GPMR) et du Grand Port Maritime du Havre (GPMH), de Rouen au sein du groupement d'intérêt économique (GIE) Haropa (HAvre-ROuen-PAris ou Harbours of Paris), véritable alliance stratégique, est apparue comme la structure la plus adéquate à la situation : les modalités de fonctionnement de ce type de structure 36 ( * ) répondent au mieux aux besoins de réactivité, de souplesse, de coordination qu'exigent les projets envisagés. Il doit s'agir au fond, par cette alliance aujourd'hui opérationnelle dans les domaines du développement et de l'action commerciale, de conserver un avantage concurrentiel face aux grands ports d'Europe du Nord (Zeebrugge, Anvers et Rotterdam notamment) ou, du moins, de ne pas perdre de parts de marché. Il s'agit, en effet, d'une façade maritime de premier plan puisque Haropa est le premier port européen exportateur de céréales , le premier port pour le commerce extérieur de la France , le premier port français pour les conteneurs , le premier port fluvial européen pour le vrac et le premier port français pour l'approvisionnement énergétique. Ce capital est à faire fructifier.

Présentation de Haropa

Les ports de Paris, Rouen et Le Havre se sont unis afin de proposer les solutions logistiques les plus pertinentes pour leurs clients. Connecté au monde entier grâce à une offre maritime internationale, Haropa constitue le cinquième ensemble portuaire nord-européen et assure le trafic de plus de 120 millions de tonnes de marchandises.

1 - La vallée de la Seine, espace de développement

- Un savoir-faire industriel de pointe (pétrochimie, automobile, aéronautique/spatial, agriculture, NTIC...) : première région industrielle de France ;

- Une main d'oeuvre qualifiée : 160 000 emplois directs et indirects ;

- Un fort potentiel en termes de recherche et d'innovation : universités, centres de formation, pôle de compétitivité...

- Plusieurs milliers d'hectares de terrains et réserves foncières destinés à des implantations industrielles et logistiques ;

- Premier marché de consommation français et second européen ;

- Accès fluide et rapide au Grand Ouest européen.

2 - Haropa, accès privilégié à un hinterland européen majeur

Haropa constitue la «supply-chain» d'un bassin de vie de 25 millions de consommateurs et participe à la création de valeur d'un nouveau territoire unifié par l'axe Seine.

Alors qu'un tiers du PIB français est concentré autour des berges de la Seine, Haropa est la porte d'entrée sur la région parisienne.

3 - Les atouts de Haropa

- La qualité de service sur l'axe Seine : les marchandises sur la voie de l'excellence, avec un engagement en termes de sûreté et de qualité de service grâce à la certification ISO 28 000 en matière de sûreté au port du Havre et la certification ISO 9001 à la capitainerie de Rouen pour l'accueil des navires, le transit des marchandises optimisé avec des procédures douanières simplifiées, un guichet unique : le Cargo Community System AP+ ;

- Une offre multimodale connectée à l'international : des connexions maritimes internationales avec tous les continents grâce à une position géographique idéale à l'import/export en Europe du Nord, plus de 500 ports touchés dans le monde, des transit-times compétitifs, une liaison directe avec 2 aéroports internationaux, 6 opérateurs de transport combiné fluvial répartis sur 10 plateformes assurant la liaison permanente et régulière entre les terminaux du Havre, Rouen et Paris, une infrastructure ferroviaire qui monte en gamme pour le fret, en particulier avec le projet de contournement ferroviaire Nord de Paris, un projet de terminal multimodal pour industrialiser les flux de marchandises, avec Port Seine-Métropole un projet de plate-forme multimodale à la confluence de l'axe Seine et du futur canal Seine Nord Europe, plus de 500 professionnels (commissionnaires de transport, armateurs, agents maritimes, logisticiens), un réseau de correspondants dans le monde entier, une expertise et des services conteneurs, vracs et conventionnel ;

- Une solution logistique compétitive et durable : intermodalité fleuve/fer/route, plus de 200 km de voies navigables à grand gabarit, 5 000 tonnes transportées par voie fluviale = 250 camions en moins sur les routes et 500 tonnes de CO 2 économisées par convoi, plus de 50 terminaux.

4 - Bilan et perspectives

La première année de travail commun a évidemment été marquée par un contexte économique difficile. Pourtant, malgré un marché maussade, Haropa développe sa prise de position dans des filières stratégiques (conteneurs, automobile, chimie, logistique, agroalimentaire, croisière), notamment à l'export, grâce à la confiance renouvelée des clients. Sur les marchés historiques, la conjonction entre des marchés difficiles (notamment une année céréalière de quantité moyenne après des années record) et la reconfiguration des trafics énergétiques (baisse des trafics de pétrole brut) entraîne une baisse sensible des trafics globaux d'Haropa (- 9 %).

En 2013, Haropa, fort de bons fondamentaux, ambitionne une hausse sensible de ses trafics, avec une accélération sur les segments stratégiques, en particulier les conteneurs et les céréales. La récente décision de MSC, 2 ème armateur mondial de conteneurs, d'ajouter dès à présent trois lignes, soit 350 000 EVP, au Havre, témoigne ainsi de cette dynamique nouvelle.

En 2012, les grands acteurs du monde maritime et portuaire ont accueilli positivement la démarche innovante de Haropa et de ses trois ports. En témoigne l'exceptionnelle série de trophées décernés à Haropa en 2012 jusqu'à ce début d'année 2013 :

- Best Seaport in Europe pour Haropa-Le Havre ;

- Trophée CALA (China Automotive Logistics Association) pour le terminal roulier du Havre ;

- Meilleur port mondial de vracs solides aux IBJ Awards à Hambourg pour l'alliance Haropa ;

- Port de l'année aux Trophées du Shortsea et de l'intermodalité pour l'alliance Haropa ;

- Trophée Roi de la Supply Chain pour le projet RORO MAX (terminal roulier Haropa-Port du Havre).

Source : Haropa


* 34 On constatait ainsi en 2011 que seulement 18 % du total des entreprises exportatrices avaient exporté tous les ans depuis 5 ans. Et en 2009, sur les 17 031 primo exportateurs accompagnés dans le cadre des dispositifs de soutien à l'export, 70 % prolongeaient leur effort au-delà de la première année, un chiffre qui tombait à 21 % pour la deuxième année et atteignait seulement 8 % après trois années. Enfin, 50 % des exportateurs n'avaient qu'un pays de destination : très souvent, les entreprises françaises obtiennent un contrat à l'international avec un acheteur, puis abandonnent une fois le contrat réalisé.

* 35 Vos rapporteurs spéciaux ont ainsi pu le constater lors de la « 4 ème journée export de l'ANIA » organisée le 3 juillet 2012 sur le thème « Comment exporter en Chine et en Asie du sud-est ».

* 36 Constitué des trois directeurs généraux des trois ports de Paris Seine Normandie, le conseil d'administration chargé de la direction du GIE, a notamment pour fonction de valider les décisions stratégiques. La présidence du GIE est tournante, pour une durée de 1 an, assurée alternativement par chaque directeur général des ports. Le Président a notamment pour fonction de s'assurer du fonctionnement du GIE, de la réalisation et de l'avancement des projets. Il représente le Conseil d'administration dans les relations institutionnelles. Par son rôle d'animateur, le GIE a pour mission de rénover profondément les rapports avec les différents acteurs d'HAROPA en les invitant à participer aux réflexions stratégiques dans le cadre d'une instance de concertation. Cette structure accueille diverses parties prenantes : collectivités territoriales, tutelle d'État et opérateurs de réseaux (VNF, RFF) mais aussi des entreprises (notamment des clients d'HAROPA), des syndicats de salariés et des associations environnementales.

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