2. Des conditions de logement souvent précaires

L'accès au logement des personnes prostituées recouvre des situations très diverses :

- l'absence de logement ; c'est le cas, par exemple, des personnes en errance (des mineurs le plus souvent) ;

- l'hébergement dans un centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), généraliste ou spécialisé 55 ( * ) ;

- le logement à l'hôtel ;

- le logement dans un appartement loué, parfois à des « marchands de sommeil » ;

- le logement par le proxénète, cas le plus fréquent chez les victimes de la traite. Celles-ci sont alors logées dans des appartements collectifs ou dans des chambres d'hôtel ;

- la propriété d'un logement, situation rencontrée chez certaines prostituées dites « traditionnelles ».

Les personnes prostituées ne peuvent parfois pas avoir accès à un logement dans la mesure où elles ne disposent pas de revenus déclarés. « Les difficultés rencontrées pour trouver à être hébergées sont telles qu'aucune solution n'est parfois trouvée » , constate la CNCDH 56 ( * ) .

Comme le souligne le rapport « Geoffroy-Bousquet » 57 ( * ) , l'accès au logement social des personnes prostituées est lui aussi difficile , alors qu'elles entrent théoriquement dans la catégorie des publics prioritaires telle que définie à l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation : « les personnes mal logées, défavorisées ou rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d'ordre financier ou tenant à leurs conditions d'existence » .

En outre, les moyens d'hébergement et de logement dont disposent les associations spécialisées (Amicale du Nid, Mouvement du Nid, réseau Ac.Sé, etc.) sont clairement insuffisants au regard des besoins, en particulier en région parisienne.

Ces conditions d'hébergement, souvent très précaires, constituent en définitive un obstacle supplémentaire à l'accès aux droits et aux soins : risque de propagation des infections, rythme de vie décalé, alimentation peu équilibrée, exposition aux violences, absence d'adresse stable pour la constitution des dossiers administratifs...

3. La stigmatisation et l'isolement

La stigmatisation sociale à laquelle sont confrontées les personnes prostituées au quotidien (mépris, agressivité, manque de respect, insultes, humiliations) constitue un facteur de vulnérabilité particulièrement important. Des propos méprisants comme « de toute façon, tu l'as bien cherché » suffisent à entretenir, chez ces personnes, la peur d'être jugées du fait de leur activité prostitutionnelle . Cette crainte, très souvent évoquée dans les témoignages et les études, peut affecter la qualité des soins : quand elle n'empêche pas de consulter, elle peut dissuader les personnes d'évoquer leur activité, avec pour effet de priver le médecin d'éléments de diagnostic précieux (notamment en termes d'IST et de problèmes gynécologiques).

Parmi les populations qui se prostituent, celle des personnes trans est tout particulièrement exposée car soumise à une double discrimination : en raison de son genre et en raison de son activité prostitutionnelle. Le rapport de l'Igas souligne d'ailleurs les problèmes d'accueil de ce public dans les structures de soins par des personnels non préparés.

Cette stigmatisation se double d'un isolement , qui peut être géographique (notamment pour les personnes prostituées étrangères) et/ou social. L'éloignement du pays d'origine, la rupture avec la famille, la difficulté à entretenir une relation amoureuse ou une vie de couple en dehors de l'activité prostitutionnelle, sont autant de facteurs qui participent de l'isolement lequel peut, dans les cas les plus extrêmes, conduire à la désocialisation.

Qui plus est, il est aujourd'hui clairement admis que l'incrimination du racolage passif a renforcé, sur le terrain, à la fois la stigmatisation dont les personnes prostituées sont victimes (sentiment d'être des délinquantes, détérioration des relations avec les services de police, augmentation des agressions, sentiment d'impunité des clients...) et leur isolement (phénomène de désertion des lieux traditionnels de prostitution vers des zones périurbaines excentrées).

Ces évolutions ne sont évidemment pas sans lien avec les problèmes psychiques qu'elles peuvent rencontrer (troubles psychosomatiques, troubles anxieux, troubles du sommeil...).

Pour vos rapporteurs, il est temps que la société change son regard sur les personnes prostituées afin qu'elles ne soient plus automatiquement considérées comme des présumées coupables .


* 55 Certaines CHRS, gérés par des associations comme l'Amicale du Nid, le Mouvement du nid ou le réseau Ac.Sé, sont spécialisés dans l'accueil des personnes prostituées.

* 56 Commission nationale consultative des droits de l'homme, « La traite et l'exploitation des êtres humains en France », 2010.

* 57 Rapport précité.

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