II. QUEL EST LE VRAI TAUX DE CONTRIBUTION FISCALE DES BANQUES ?

L'appréciation précise du taux d'imposition des banques à l'impôt sur les sociétés vise à identifier les prélèvements sur les bénéfices qu'elles supportent en tant que personnes morales.

Cette question répond à une préoccupation générale concernant l'équilibre entre leurs contributions et leurs capacités contributives renouvelée à l'occasion de la crise financière et de ses effets systémiques sur la collectivité publique ; ceux-ci sont passés par l'octroi de soutiens directs aux banques par les autorités publiques (Budget et autorités monétaires), ainsi que par des pertes de production et d'opportunités exerçant des effets en retour sur les budgets des autres agents économiques. Dans ces conditions, la considération des prélèvements sur les banques est aussi à considérer sous l'angle d'un meilleur équilibre entre les profits privés et les coûts publics reportés sur les tiers dans la crise.

La question a été abordée par le CPO mais avec des conclusions contrastées et surtout une communication ambivalente sur les conclusions des études alors publiées.

Le rapport principal fait ressortir des résultats intéressants mais qui sont présentés sous une forme banalisée. Les rapports « associés », dont principalement le rapport n° 3 dont votre commission a auditionné l'un des auteurs, met davantage en exergue la différenciation entre les résultats des banques et leurs contributions à l'impôt sur les sociétés.

Le taux implicite d'imposition des banques qui n'est appréciable que moyennant beaucoup d'appréciations dans les conditions actuelles de l'information, semble s'écarter sensiblement de son taux théorique, en raison de l'essor des activités internationales mais aussi de choix financiers et fiscaux aboutissant à une optimisation qui doit susciter des investigations adaptées.

A. DES TRAJECTOIRES DES PROFITS ET DE L'IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES QUI DIVERGENT

Les prélèvements obligatoires sur les entreprises financières représentent 4,9 % de l'ensemble des prélèvements et 10,9 % de ceux recensés comme à la charge des entreprises. En niveau, leur montant s'élève à 40,3 milliards en 2010 dont 37 % correspondant à des cotisations sociales (14,8 milliards d'euros) qui devraient plutôt être recensés comme des éléments salariaux ou d'assurance. Dans le solde- 25,5 milliards d'euros-, 6,5 milliards d'euros sont dus à l'impôt sur les sociétés ( en net) à quoi s'ajoutent 3,9 milliards au titre des plus-values.

Ces sommes renvoient à une répartition des impôts du secteur financier qui apparaît singulière par rapport à la structure des prélèvements payés par les autres secteurs .

Part des différents prélèvements obligatoires dans le total des prélèvements par secteur, en 2010

Le poids relatif des prélèvements obligatoires sur le travail ressort comme relativement faible et, inversement, pour l'imposition des sociétés.

Il y a une correspondance entre ce profil singulier et les conditions particulières de la répartition de la valeur ajoutée du secteur financier. Celle-ci fait ressortir un partage de la VA avec une proportion comparativement élevée des profits, qui, pour aller de pair avec un niveau de rémunération individuelle du travail plus élevé que dans les autres secteurs, n'en traduit pas moins une part salariale dans la valeur ajoutée du secteur sensiblement plus faible.

Cette répartition ne peut être considérée comme le reflet d'un niveau de capital productif plus élevé. Au contraire, le coefficient de capital du secteur financier est plus bas que dans le reste de l'économie. Mais, la productivité par salarié y ressort comme nettement plus élevée. Ce dernier constat est lui-même essentiellement comptable, le niveau de la productivité du travail dans le secteur financier résultant de facteurs en grande partie exogènes. Même si le capital par salarié a augmenté et si des progrès dans le capital humain du secteur sont probablement intervenus ( cf. infra ), on ne peut sérieusement attribuer à des gains d'efficacité fondamentaux, la totalité des gains de productivité apparente du travail, pas davantage d'ailleurs que les rendements du capital engagé dans le secteur financier ne résultent exclusivement de tels processus.

Les banques payent les deux tiers de l'ensemble des prélèvements obligatoires du secteur financier, les organismes d'assurances 21 % et les auxiliaires financiers le solde, soit 17 %.

Certaines études font apparaître une hétérogénéité des poids relatifs des prélèvements obligatoires sur le secteur financier au niveau international. Une étude de PWC pour le Royaume-Uni fait ressortir une part relative du secteur financier de 5,3 % du total en 2010 (6,5 % en 2007) à 28 milliards de livres soit nettement moins qu'en France alors que le secteur financier occupe une place relative dans le PIB britannique bien supérieure.

La tendance observée depuis dix ans situe les PO supportés par le secteur financier sur une trajectoire plus inerte que celle de ses profits.

Au total, ceux-ci appréhendés à partir du solde des revenus primaires du secteur financier, qui agrège les ressources courantes (c'est-à-dire hors plus- values) nettes des coûts d'exploitation, ont crû de 8,1 % l'an (4,5 % pour la production et 3,6 % pour la valeur ajoutée) tandis que les PO n'ont augmenté que de 3,2 % en dépit des prélèvements supplémentaires institués au cours de cette période.

Ce sont, à titre principal, les évolutions des recettes d'impôt sur les sociétés qui expliquent cette discordance, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Évolution par catégorie de prélèvements obligatoires
(1999-2010)

(en milliards d'euros)

Croissance moyenne annuelle (1999-2010) des prélèvements obligatoires, de la production, de la valeur ajoutée et du solde des revenus primaires des entreprises du secteur financier

Elles ont contrasté très nettement avec l'évolution des dividendes versés par le secteur.

En données brutes, le cumul des quotités d'impôt sur les sociétés du secteur financier s'est élevé autour de 70 milliards d'euros entre 2002 et 2010.

Sur la même période, les dividendes versés ont atteint 348,3 milliards d'euros .

Les dividendes versés représentent donc cinq fois le montant de l'impôt sur les sociétés.

En outre, ces données n'ont pas connu une évolution parallèle : jusqu'en 2008, les dividendes ont été sensiblement plus dynamiques que l'impôt sur les sociétés qui a, globalement, stagné. Par la suite, les évolutions ont été moins éloignées mais en raison des effets de la crise.

Il faut observer que ces constats rapprochent des données qui ne sont pas identiques dans leur champ.

Les charges d'imposition ici envisagées correspondent à l'application de la législation fiscale qui prévoit d'appliquer l'impôt à la seule assiette des revenus correspondant à l'activité comptée comme se rattachant au territoire français 2 ( * ) .

De leur côté, les dividendes sont comptabilisés à raison de leur distribution par des entités françaises, qui peuvent verser des dividendes à partir de résultats non imposables en France.

Ces différences de champ sont au coeur des problèmes d'identification des taux d'imposition supportés par le secteur financier, qui sont également tributaires des règles fiscales mentionnées ci-dessus.


* 2 Les impôts prélevés à l'étranger au titre des bénéfices qu'y réalisent les entités liées à celles recensées par la comptabilité nationale ne sont pas inclus.

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