C. ACCOMPAGNER LES MOBILITÉS

1. L'évolution de l'approche européenne : vers une gestion concertée

L'approche globale de l'Union européenne en matière de migration

Adoptée en 2005, elle est fondée sur un partenariat avec les pays tiers et couvre l'ensemble des questions ayant trait aux migrations d'une manière exhaustive et équilibrée (migration légale, lutte contre l'immigration illégale, lien entre migration et développement et dimension extérieure de l'asile).

Dès sa création, cette approche a reçu le soutien de la France, pour qui elle constitue le pendant européen de sa propre politique bilatérale (accords de gestion concertée des flux migratoires). Le Pacte européen sur l'immigration et l'asile adopté par le Conseil européen le 16 octobre 2008 souligne l'importance de créer un partenariat global avec les pays d'origine et de transit favorisant les synergies entre les migrations et le développement.

Pour sa mise en oeuvre, l'Union européenne s'appuie sur des processus régionaux (processus dit de Rabat avec l'Afrique de l'ouest) et les partenariats pour la mobilité. En 2006, à l'occasion de la Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement de Rabat, un processus de dialogue opérationnel entre les Etats de l'Union européenne dans leur ensemble et les pays d'Afrique de l'ouest a été engagé. Le Maroc, la Tunisie et la Libye participent à ce processus régional, l'Algérie n'est pas signataire des déclarations finales et a assisté en tant qu'observateur. Après cinq ans de mise en oeuvre de coopérations pratiques, la Conférence de Dakar (novembre 2011) a constaté une communauté d'analyses et de vues, notamment sur la question de la migration illégale.

Dans le contexte des mouvements de personnes induits par le « Printemps arabe », le Conseil et la Commission ont décidé de lancer des dialogues sur la migration, la mobilité et la sécurité avec les pays de la rive sud de la Méditerranée. Ces dialogues doivent aboutir à la conclusion de partenariats pour la mobilité pour assurer la mise en oeuvre concrète et concertée des 4 volets de l'approche globale . Le 7 juin 2013, un partenariat pour la mobilité a été signé avec le Maroc 334 ( * )

. Un deuxième est envisagé avec la Tunisie.

2. L'assouplissement de l'approche française

Des conditions particulières d'entrée et de séjour, en général plus souples que le droit commun, ont été décidées avec ces pays aux moyens d'accords bilatéraux au bénéfice de leurs ressortissants.

Entre la France et l'Algérie, la circulation des personnes reste une question sensible , régie par un statut spécifique prévu par l'accord du 27 décembre 1968 et ses trois avenants. La circulation, le séjour et le travail des Algériens en France qui relèvent d'un régime spécifique sont facilités par l'absence d'exigence de visa de long séjour pour la délivrance de titres de séjour aux conjoints et parents de Français. Les Algériens bénéficient de la liberté d'établissement pour exercer une activité de commerçant ou une profession indépendante. Les ressortissants algériens peuvent accéder plus rapidement que les ressortissants d'autres États à la délivrance d'un titre de séjour valable 10 ans. En revanche, certains titres de séjour prévus dans le cadre du droit commun en matière d'immigration professionnelle n'ont pas d'équivalent dans l'accord franco-algérien.

Le nombre de visas délivrés a atteint environ 200 000 en 2012 (contre 57 000 en 1997) avec un taux d'acceptation d'environ 70% . Les conditions d'instruction et de délivrance des visas se sont améliorées.

Les deux parties ont décidé de maintenir l'accord spécifique de 1968 tout en en améliorant la mise en oeuvre notamment pour favoriser encore davantage la mobilité de tous ceux (étudiants, artistes, entrepreneurs, chercheurs) qui animent la relation franco-algérienne.

La France et la Tunisie ont signé le 28 avril 2008 un accord sur la gestion concertée des migrations et le développement solidaire. Il s'agit de la première convention signée en la matière avec un pays du nord de l'Afrique. Le contenu de cet accord poursuit quatre grands objectifs : faciliter la circulation des personnes entre la France et la Tunisie, faciliter l'accès au marché français du travail pour les Tunisiens possédant des compétences de haut niveau ou recherchées par la France, appuyer les actions de développement solidaire entre les deux pays et enfin, lutter contre l'émigration irrégulière par la collaboration entre les préfectures françaises et les consulats tunisiens en France au cours des procédures de réadmission des personnes en situation irrégulière.

L'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 régit de manière exclusive la situation des Marocains souhaitant bénéficier d'une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». La délivrance des autres types de titre de séjour relève des dispositions de droit commun.

La politique de la France est en cours d'assouplissement avec l'abrogation de la circulaire Guéant et des mesures annoncées pour faciliter la mobilité de tous ceux (étudiants, artistes, entrepreneurs, chercheurs) qui animent les relations bilatérales. Le rapport de mission 335 ( * ) remis en juin 2013 par le député Matthias Fekl préconise de généraliser la délivrance de titres de séjour pluriannuels, ce qui suppose une modification du code de l'entrée, du séjour des étrangers et de l'asile par voie législative. Un projet de loi est en préparation.

3. Adapter la politique aux évolutions démographiques

À plus long terme, face à la démographie vieillissante du Nord, la main d'oeuvre du Sud apparaîtra peut-être comme une chance dont il faudra tirer des bénéfices mutuels 336 ( * ) .

Des solutions existent, qui vont de la colocalisation de la production des entreprises sur l'ensemble de la région, au nord comme au sud, à la mobilisation des compétences des migrants pour le développement de leurs pays d'origine. La colocalisation exige la mobilité des chefs d'entreprise, des cadres, des professeurs, avocats et experts , des étudiants, des chercheurs, des salariés et donc un assouplissement des règles d'entrée et de séjour.

En conséquence, le partenariat pour la mobilité devra s'appuyer sur :

• la collaboration pour lutter contre l'immigration clandestine : accords de réadmission, contrôle partagé de police aux frontières... ;

• l'assouplissement des formalités pour faciliter la délivrance des titres de séjour pour les mobilités, professionnelles et estudiantines ;

• le développement des partenariats Afrique subsaharienne-Maghreb-Europe pour limiter l'immigration de transit par les pays du Maghreb.


* 334 Le texte de la déclaration établissant le partenariat pour la mobilité entre l'Union européenne et le Maroc  est consultable à l'adresse suivante : http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/news/2013/docs/20130607_declaration_conjointe-maroc_eu_version_3_6_13_fr.pdf

* 335 Matthias Fekl « Sécuriser les parcours des ressortissants étrangers en France » http://www.gouvernement.fr/sites/default/files/fichiers_joints/rapport_matthias_fekl.pdf

* 336 EuroMed2030 - «  Défis à long terme pour la région méditerranéenne » (exercice de prospective demandé par la Commission européenne - Bruxelles décembre 2010

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