II. LES ÉVOLUTIONS DÉJÀ ENGAGÉES DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UNE ÉVALUATION CRITIQUE ET APPROFONDIE ET ÊTRE COMPLÉTÉES PAR D'AUTRES MESURES STRUCTURELLES

A. LE RENFORCEMENT DES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS DES SERVICES D'AIDE ET D'ACCOMPAGNEMENT À DOMICILE

1. Assurer un soutien accru et durable de l'Etat en faveur du secteur de l'aide à domicile
a) Les aides ponctuelles déjà apportées

La loi de finances pour 2012 a créé un premier fonds de restructuration d'un montant de 50 millions d'euros versé en deux tranches de 25 millions d'euros chacune, en 2012 puis 2013 34 ( * ) . Un deuxième fonds du même montant a été mis en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, lui aussi alloué en deux temps 35 ( * ) .

Inscrits au budget de la CNSA, ces fonds ont été répartis entre les agences régionales de santé (ARS), chargées ensuite de distribuer les crédits. Une fois l'aide accordée par les ARS 36 ( * ) , les services devaient signer une convention de financement pluriannuelle organisant leur retour à l'équilibre sur la base d'objectifs visant par exemple à la réduction des frais de structures, à l'optimisation du temps de travail ou à la mise en oeuvre de dispositifs de télégestion.

La DGCS a publié en octobre 2013 un bilan provisoire du versement de cette aide exceptionnelle à la restructuration des services d'aide à domicile. Le fonds 2012-2013 a bénéficié à 601 services. En 2013, sur 823 services ayant demandé une aide, 700 ont été déclarés éligibles. Au mois d'octobre 2013, 528 avaient été aidés, dont près d'un tiers avaient déjà été accompagnés au titre du premier fonds.

Les caractéristiques des structures aidées sont retracées dans le tableau suivant.

Figure n° 5 : Les services d'aide à domicile ayant bénéficié d'une aide exceptionnelle en 2012 puis 2013

Services aidés en 2012

Services aidés en 2013

Régime juridique

Autorisés

58,0%

38,0%

Agréés

27,0%

29,0%

Autorisés et agréés

15,0%

33,0%

Statut

Associatif

84%

80%

Entreprise

3%

5%

CCAS/CIAS

9%

14%

Autre/Non renseigné

4%

1%

Nombre d'emplois concernés

35 000

52 860

Nombre d'ETP concernés

21 000

36 713

Volume d'activité auprès des publics fragiles

34,2 millions d'heures

51,1 millions d'heures

Source : DGCS - Premiers éléments de bilan : aide exceptionnelle à la restructuration des services d'aide à domicile 2013-2014

En moyenne, 37 % des montants demandés par les structures d'aide à domicile ont été effectivement couverts en 2012. Ce pourcentage s'élève à 56 % en 2013. Selon la DGCS, l'aide moyenne attribuée par service est passée de 900 euros en 2012 à 1 100 euros en 2013.

Certaines ARS ont fait le choix d'aider l'ensemble des services déclarés éligibles tandis que d'autres ont préféré concentrer leur soutien sur les structures les plus en difficulté.

Figure n° 6 : Fonds 2013 : services demandeurs, éligibles et aidés

Source : DGCS - Premiers éléments de bilan : aide exceptionnelle à la restructuration des services d'aide à domicile 2013-2014

En 2014, sur les 100 millions d'euros du produit de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa) finalement dirigés vers le budget de la CNSA, 30 millions devaient être prélevés pour aider à la restructuration des services d'aide à domicile 37 ( * ) .

Ces aides ponctuelles, si elles apportent une respiration indispensable au fonctionnement des structures qui en ont bénéficié, doivent être confortées par des mesures plus durables.

b) La nécessité d'un effort accru de la part de l'Etat

Le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement entame une timide avancée dans le domaine.

Au sein du produit de la Casa, 25 millions d'euros devraient être fléchés vers la revalorisation des indemnités kilométriques de 0,35 à 0,37 euro et l'augmentation d'un point de la valeur du point d'indice dans la branche de l'aide à domicile.

350 millions d'euros seraient par ailleurs destinés à l'augmentation des plafonds des plans d'aide ainsi qu'à la diminution des restes à charge. Selon les données fournies par le rapport annexé au projet de loi, les plafonds d'aide mensuels seraient revalorisés de 400 euros pour les GIR 1, de 250 euros pour les GIR 2, de 150 euros pour les GIR 3 et de 100 euros pour les GIR 4. La baisse du ticket modérateur APA pourrait quant à elle atteindre au maximum 60 % pour la part du plan d'aide comprise entre 350 et 550 euros, 80 % au-delà. Le nouveau barème serait construit de façon à ce qu'aucun bénéficiaire de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) n'ait à acquitter le ticket modérateur.

Cependant, ces efforts ne permettront pas de rééquilibrer le financement de l'APA entre l'Etat et les départements .

Pour cette raison, vos rapporteurs proposent que l'étude nationale de coûts confiée en février dernier par la DGCS à un cabinet de conseil extérieur permette de fixer un tarif national de référence de l'APA . Ce tarif prendrait en compte les différents coûts supportés par les services mais également les exigences de renforcement de la qualité des prestations délivrées aux usagers ainsi que d'amélioration des conditions de travail des personnels. Afin de respecter la liberté dont doivent disposer les conseils généraux, le tarif national de référence pourrait être modulé en tenant compte de certaines caractéristiques, notamment géographiques.

L'augmentation des tarifs serait entièrement prise en charge par l'Etat, au moins pour la partie supérieure à la moyenne actuelle pratiquée par les départements. Le mécanisme adopté serait conçu de façon à ne pas créer d'effet d'aubaine pour des départements qui auraient délibérément sous-évalué les tarifs tout en tenant des contraintes financières rencontrées par les collectivités.

Proposition

Renforcer durablement la participation de l'Etat dans le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) afin d'assurer la solvabilisation et la qualité des interventions des structures d'aide à domicile.

Sur la base de l'étude nationale de coûts engagée dans le secteur, définir un tarif national de référence de l'APA, modulable suivant les caractéristiques des départements.

2. Des efforts de mutualisation et de modernisation indispensables pour assurer à la fois la viabilité financière des structures et la qualité des interventions

Dans un secteur où les charges de personnel représentent 80 % à 90 % des coûts supportés par les services, les efforts de mutualisation ne peuvent avoir qu'une portée limitée.

Ils apparaissent cependant indispensables pour remédier à l'éparpillement des structures et leur permettre d'atteindre une taille critique. La mise en commun de fonctions supports, de personnels d'encadrement ou de certains personnels d'intervention (ergothérapeutes, psychologues...) doit également être considérée comme un levier indispensable à l'amélioration de la qualité du service rendu et de la situation des personnels.

Les regroupements de services au sein de structures du type groupements de coopération sociale et médico-sociale (GCSMS) peuvent constituer des pistes intéressantes. Il s'agit là de l'une des recommandations effectuées par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale des finances (IGF) en 2010, qui appelaient les conseils généraux à encourager, que ce soit par le biais tarifaire ou par un accompagnement juridique et technique, ces mutualisations entre structures de petite taille 38 ( * ) . Lors de leur déplacement dans le Val-de-Marne, vos rapporteurs ont constaté que le regroupement de plusieurs services d'aide à domicile au sein du GCSMS « Bien vieillir en Ile-de-France » avait permis à ces structures, dont certaines étaient confrontées à des difficultés financières, de continuer à développer leur activité dans des conditions plus satisfaisantes. Le fait que le groupement comporte également un service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) contribue par ailleurs à un décloisonnement des prises en charge.

D'autres mesures doivent également aller dans le sens de la modernisation des structures . Pour les services prestataires, cette modernisation passe par la généralisation des dispositifs de télégestion , qui permettent d'assurer un meilleur suivi de la consommation des plans d'aide, ainsi que par l'amélioration des systèmes d'information utilisés par les structures.

Sur ces points, la CNSA apporte un soutien non négligeable au titre de ses missions relevant de la section IV de son budget 39 ( * ) . Elle a notamment noué des conventions avec des départements ainsi qu'avec les principales fédérations du secteur. Au 1 er janvier 2014, 46 départements et 8 fédérations étaient accompagnés par la CNSA pour des montants de subventions respectifs de 40 et 45 millions d'euros, versés sur plusieurs années.

Figure n° 7 : Conventions signées par la CNSA avec les départements
et les fédérations d'aide à domicile en cours d'exécution
au 1 er janvier 2014

Nombre de conventions signées

Durée moyenne des conventions

Montant des programmes accompagnés
(en millions d'euros)

Montant de la subvention CNSA
(en millions d'euros)

Conventions départementales

46

3 ans

92,5

40,3

Conventions fédérations

8

2,5 ans

85,2

45,2

Source : CNSA

La CNSA a également lancé le projet Esppadom , qui vise au développement d'un système d'information permettant de standardiser les échanges de données relatives aux plans d'aide, à la facturation et à la télégestion, entre les structures d'aide à domicile et leurs financeurs.

Vos rapporteurs appellent à la poursuite et au renforcement de l'ensemble de ces efforts.

Proposition

Approfondir et accompagner les efforts de mutualisation et de modernisation engagés par les services d'aide à domicile dans une optique d'amélioration de leur situation financière et de la qualité du service rendu.

3. Lutter contre la précarité des personnels et renforcer l'attractivité des métiers de l'aide à domicile

Le renforcement de l'effort financier en faveur du secteur de l'aide à domicile devrait contribuer à rendre soutenables les efforts de formation que réalisent depuis de longues années les structures d'aide à domicile au bénéfice de leurs personnels.

Le soutien qu'apporte la CNSA, toujours au titre de la section IV de son budget, dans le cadre des conventions qu'elle signe avec l'organisme paritaire collecteur agréé (Opca) de la branche, Uniformation, devrait pouvoir être conforté. Au 1 er janvier 2014, la convention en cours d'exécution représentait un montant de subvention de 46 millions d'euros.

Dans son dernier rapport d'activité, la CNSA indique que 45 322 professionnels ont bénéficié d'un parcours de formation dans le cadre de la précédente convention conclue avec Uniformation. Selon la DGCS, 10 % des personnes accompagnées ont pu accéder à un diplôme (9 % d'intervenants ; 1 % d'encadrants), les autres salariés ayant bénéficié d'actions professionnalisantes portant, par exemple, sur les troubles de la maladie d'Alzheimer ou sur les enjeux de bientraitance et de maltraitance (88 % d'intervenants ; 2 % d'encadrants).

Figure n° 8 : Convention signée par la CNSA avec Uniformation en cours d'exécution au 1 er janvier 2014

Date de signature

Date de fin de convention

Montant
du programme accompagné
(en millions d'euros)

Montant de la subvention CNSA
(en millions d'euros)

Uniformation

12/10/2012

12/10/2015

78,66

42,00

Source : CNSA

Vos rapporteurs estiment par ailleurs nécessaire de rendre plus simple et plus lisible le paysage des différents diplômes et certifications applicables dans le secteur . Cette recommandation rejoint les préoccupations du rapport Asseraf, publié en janvier 2009, qui dénombrait 26 certifications de niveau IV et V dans le secteur des services à la personne 40 ( * ) .

Il serait aujourd'hui utile d'envisager la création d'un socle de compétences commun au plus grand nombre de professionnels, ouvrant ensuite la voie à des spécialisations différentes et adaptées aux perspectives de chacun. Pour ce faire, la fusion du DEAVS avec le diplôme d'Etat d'aide médico-psychologique (DEAMP) mérite d'être engagée. Les travaux entamés par la DGCS sur le sujet, en lien avec la branche de l'aide à domicile, vont dans ce sens.

A plus long terme, un rapprochement avec les diplômes du secteur sanitaire (aide-soignant, auxiliaire de puériculture) pourrait contribuer à la construction de passerelles entre structures intervenant auprès des publics fragiles. Il s'agirait en outre d'une évolution cohérente avec le souci de rapprochement des secteurs médico-social et sanitaire, dans une logique de prise en compte du parcours de santé des patients.

Le renforcement des capacités d'encadrement dans les services, qui demeurent aujourd'hui l'une des grandes faiblesses du secteur de l'aide à domicile, doit également être assuré. En particulier, l'accès à des fonctions de responsables de secteur, pivots de l'encadrement intermédiaire au sein des structures d'aide à domicile, doit pouvoir être encouragé, notamment en interne par la construction de passerelles entre les différents niveaux de certification.

Figure n° 9 : Classification des métiers dans le secteur de l'aide à domicile

Niveau

Définitions

Métiers correspondants dans la branche de l'aide à domicile

I

3ème cycle et plus, école d'ingénieurs

Psychologue
Médecin coordinateur
Directeur(trice) général(e) d'entité

Responsable d'entité
Chef de service
Directeur(trice) de fédération départementale
Directeur(trice) d'entité
Directeur(trice) de service

II

Licence, Maîtrise

Infirmier(e)
Ergothérapeuthe
Coordinateur(trice) de services de soins

Cadre administratif ou technique
Cadre de secteur ou de proximité
Responsable de service

III

BTS, DUT

Educateur(trice) de jeunes enfants
Médiateur(trice) familial(e)
Assistant(e) de direction
Chargé(e) de développement
Comptable
Responsable de secteur
Conseiller(e) technique

Secrétaire de direction
Assistant(e) technique
Secrétaire médical(e )
Chargé(e ) d'évaluation et de suivi social

IV

Brevet professionnel, Bac professionnel

Technicien(ne) de l'intervention sociale et familiale
Aide-comptable
Secrétaire de direction

Aide comptable

V

CAP, BEP

Employé(e) d'entretien
Employé(e) de bureau
Auxiliaire de vie sociale
Aide médico-psychologique
Aide-soignant(e)
Auxiliaire de puériculture
Secrétaire
Hôte(sse) d'accueil

Employé(e) à domicile

Pas de diplôme requis

Agent(e) à domicile
Agent(e) polyvalent
Agent(e) de bureau
Agent(e) d'entretien

Source : Commission des affaires sociales - à partir de la classification des métiers indiquée dans la convention collective de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD)

Par ailleurs, la prévention de la pénibilité constitue un enjeu essentiel dans un secteur où le personnel, très sollicité physiquement, ne doit pas se retrouver prématurément usé par l'exercice de son métier. Au-delà des initiatives individuelles, la structuration et le pilotage d'une véritable politique de prévention pourraient être assurés par la CNSA, en lien avec les fédérations, au titre de ses missions d'accompagnement des services d'aide à domicile.

Enfin, le respect des règles fixées par le droit du travail et les conventions collectives doit faire l'objet d'un suivi renforcé. La direction générale du travail devrait pouvoir assurer le suivi de l'évolution des contentieux dans ce secteur d'activité. L'inspection du travail, dont l'indépendance reste un principe fondamental, devrait malgré tout être sensibilisée à la nécessité d'effectuer des contrôles ciblés plus systématiques auprès des structures d'aide à domicile. Les cahiers des charges imposés aux acteurs par les financeurs et les organismes de certification pourraient quant à eux comporter des dispositions plus complètes sur les conditions de travail.

Propositions

Renforcer l'attractivité des métiers de l'aide à domicile en poursuivant la mise en place de formations qualifiantes et professionnalisantes ainsi qu'en engageant une réforme des diplômes et certifications applicables dans le secteur.

Engager une politique structurée de prévention de la pénibilité dans le secteur de l'aide à domicile via la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Encourager, tout en respectant l'indépendance des inspecteurs du travail dans l'organisation de leurs tâches, des contrôles plus systématiques dans les structures d'aide à domicile.

Renforcer les dispositions relatives aux conditions de travail dans les cahiers des charges applicables aux services d'aide à domicile.


* 34 Article 150 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 35 Article 70 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.

* 36 Les critères d'éligibilité présentés dans le bilan 2013 réalisé par la DGCS sont les suivants : le service doit exister au moins depuis le 1 er janvier 2009 ; il ne doit pas être en situation de liquidation judiciaire ; les déclarations fiscales et sociales doivent être à jour ; au moins 70 % de son activité doit être consacrée aux publics fragiles ; le résultat et/ou les fonds propres doivent avoir été négatifs en 2010 ou 2011 ou avoir connu une forte dégradation en 2012 ; pour les CCAS/CIAS, les dotations exceptionnelles indépendantes de l'activité ne sont pas prises en compte ; pour les services en cours d'expérimentation tarifaire, la situation est appréciée avant la conclusion du Cpom.

* 37 Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

* 38 Igas/IGF, « Mission relative aux questions de tarification et de solvabilisation des services d'aide à domicile en direction des publics fragiles », octobre 2010.

* 39 Le budget de la CNSA est divisé en six sections, décrites à l'article L. 14-10-5 du code de l'action sociale et des familles et correspondant chacune à un ensemble de missions. La section IV est consacrée « à la promotion des actions innovantes, à la formation des aidants familiaux, à la formation des accueillants familiaux mentionnés aux articles L. 441-1 et L. 444-1 et au renforcement de la professionnalisation des métiers de service exercés auprès des personnes âgées et handicapées ».

* 40 ASSERAF Georges, « Pour une simplification de l'offre des certifications dans le champ des services aux personnes fragiles », 2009.

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