Discours de M. Jean-Pierre Bel, Président du Sénat

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues, et je veux saluer mes prédécesseurs, les présidents Christian Poncelet et Gérard Larcher, que j'associe cet après-midi à cet hommage que nous rendons,

Mesdames les résistantes,

Mesdames, Messieurs,

Je suis particulièrement fier et honoré d'accueillir au Sénat cet après-midi cette première célébration de la Journée nationale de la Résistance.

Il faut le rappeler, c'est à une loi dont notre collègue Jean-Jacques Mirassou a pris l'heureuse l'initiative l'an dernier que nous devons de commémorer ce 27 mai 1943 où Jean Moulin, à quelques pas d'ici, dans un immeuble de la rue du Four, a pour la première fois rassemblé le Conseil national de la Résistance, donnant ainsi une impulsion historique à la lutte pour la libération de notre pays.

À l'initiative de la délégation aux droits des femmes, dont je salue la présidente, Brigitte Gonthier-Maurin, ce premier 27 mai au Sénat est dédié aux femmes, à ces résistantes dont le colonel Rol-Tanguy disait : « Sans elles, la moitié de notre travail eût été impossible » .

Tout à l'heure, un colloque sur les femmes résistantes rassemblera, salle Clemenceau, des spécialistes et des témoins que je remercie d'être présents parmi nous.

En organisant cette manifestation, l'intention de la délégation aux droits des femmes était double : il s'agissait de mettre à l'honneur toutes ces anonymes dont les actes ont parfois paru tout simples, ont parfois paru anodins, tellement quotidiens que leur contribution pour mettre fin à l'occupation nazie a parfois semblé méconnue. Il s'agissait aussi de montrer le lien entre la participation des femmes à la Résistance et la volonté de plusieurs d'entre elles, une fois la paix revenue, de continuer leur combat, notamment par un engagement politique. Parmi ces dernières, certaines ont siégé dans notre hémicycle, en qualité de membre du Conseil de la République, puis du Sénat ; c'est à ces femmes résistantes, puis sénatrices, que le Bureau du Sénat a décidé, le 12 février 2014, de rendre un hommage particulier.

Je ne pourrai pas avoir un mot pour chacune des anciennes sénatrices que le Sénat met à l'honneur aujourd'hui ; pour beaucoup, elles sont présentes parmi nous à travers leurs familles et leurs proches qui nous font l'honneur d'assister à cette cérémonie.

Ce qui frappe, quand on étudie la vie de nos collègues qui ont participé à la Résistance, c'est une extraordinaire diversité.

Diversité des origines, tout d'abord, puisqu'à toutes les régions de la métropole se joint l'Outre-mer qui, dans cette assemblée, nous est particulièrement cher : la Guadeloupe - Kader Arif l'a indiqué - avec Eugénie Eboué-Tell et l'Outre-mer le plus lointain avec Jane Vialle, née au Congo et sénatrice de l'Oubangui-Chari, en Afrique équatoriale française.

Diversité des sensibilités politiques ensuite puisque les sénatrices issues de la Résistance sont présentes dans tous les groupes.

Diversité des parcours politiques aussi puisque certaines, comme Yvonne Dumont, ont siégé dans notre Hémicycle dès décembre 1946, tandis que d'autres, riches d'une expérience d'élues locales, ont rejoint le Sénat beaucoup plus tard : en 1975 pour Brigitte Gros et en 1977 pour Hélène Edeline. Pour d'autres encore, comme Françoise Seligmann qui devint sénatrice en 1992, l'entrée au Sénat sera le prolongement d'un engagement associatif de toute une vie au service des droits de l'Homme...

Diversité aussi dans la longévité au Sénat puisque certaines ont été nos collègues pendant un temps très bref, comme Marie-Hélène Lefaucheux (un an seulement, de 1947 à 1948) ; d'autres ont fait une véritable carrière sénatoriale comme Marie-Hélène Cardot, qui siégea dans notre hémicycle pendant 25 ans, de décembre 1946 à septembre 1971...

Diversité, encore, dans la notoriété puisqu'à côté de noms illustres (ceux de Gilberte Brossolette ou de Nicole de Hauteclocque), la Résistance des femmes est représentée au Sénat par des héroïnes à la notoriété plus discrète aujourd'hui comme Claire Saunier, agent de liaison du mouvement Franc-tireur.

Certaines, comme Germaine Pican, Juliette Dubois, Marie Oyon et Isabelle Claeys, ont ajouté au titre de résistante celui de déportée : ce sacrifice nous rappelle, comme l'a magnifiquement exprimé André Malraux en 1975 devant les baraquements du camp de Ravensbrück, que les résistantes étaient les « volontaires d'une atroce agonie » . A tout le moins elles en avaient, en toute conscience, assumé le risque.

Cette menace, cette épreuve terrifiante de la torture, de la détention et de la déportation, plusieurs sénatrices en ont donc fait la tragique expérience.

Et pourtant, il faut constamment avoir cela présent à l'esprit, les résistantes, qui toutes, étaient prêtes au sacrifice ultime, n'avaient pas le droit de vote...

Ce contraste entre le droit de mourir pour son pays et l'absence de droits politiques fait ressortir de manière d'autant plus édifiante la phrase que le Bureau du Sénat a choisie pour introduire et symboliser l'hommage rendu par le Sénat aux sénatrices résistantes sur la plaque que nous allons dans un instant dévoiler.

Son auteure est Marie-José Chombart de Lauwe, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, dont la présence ici aujourd'hui nous touche et nous honore.

Cette phrase, je vous en fais lecture avec une particulière émotion : « Nous n'étions pas des citoyennes à part entière, nous n'avions pas le droit de vote, il faut toujours le rappeler, mais nous avions une conscience politique et nous avons lutté contre l'oppression nazie, pour la patrie et les valeurs républicaines de liberté, de justice, de fraternité » .

Je vous remercie.

Dévoilement de la plaque en hommage aux sénatrices résistantes, salle des Conférences


M. Kader Arif, secrétaire d'État aux Anciens combattants et à la Mémoire, Mme Marie-José Chombart de Lauwe, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Déportation, M. Jean-Pierre Bel, président du Sénat et Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes.

Galerie des Bustes

Plaque en hommage aux sénatrices résistantes

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page