EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 9 septembre 2015, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de MM. Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, sur l'association des collectivités territoriales à la maîtrise des finances publiques : deux exemples européens (Autriche et Italie).

M. Charles Guené , rapporteur . - La loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 a créé un objectif d'évolution de la dépense publique locale (Odedel). Non contraignant, il se justifie par la nécessité de piloter les finances de toutes les administrations publiques.

L'étude commandée l'année dernière par notre commission à la direction générale du Trésor ayant montré la diversité des règles adoptées par les différents pays européens afin de transposer leurs obligations européennes en matière budgétaire, nous avons choisi deux États dont l'organisation institutionnelle et le mode de financement des collectivités territoriales sont très différents : le modèle italien est similaire au nôtre, alors que le système autrichien se distingue par une importante association en amont des collectivités territoriales aux projets de réformes les concernant.

En juin dernier, quand nous nous sommes rendus à Vienne puis à Rome pour recueillir des informations techniques, le ressenti des élus locaux en France était assez violent, tant sur l'importance de la baisse des dotations que sur les délais de redressement des finances publiques. Nous sommes d'ailleurs un certain nombre à penser que la gouvernance des finances publiques dans notre pays n'est pas satisfaisante.

M. Claude Raynal , rapporteur . - L'Autriche est un État fédéral qui comprend neuf Länder et 2 100 communes dont l'autonomie fiscale est très réduite : ceux-ci perçoivent principalement une proportion d'impôts nationaux, comme l'impôt sur le revenu ou la TVA. La négociation tous les trois ans de leur répartition leur donne une certaine prévisibilité quant à leurs recettes. De plus, toute amélioration de la conjoncture profite à la fois à l'État fédéral et aux collectivités territoriales.

Dès 2001, l'Autriche a adopté un pacte de stabilité interne qui décline les obligations découlant des traités européens aux niveaux national et local. Le sixième pacte, adopté en 2012, repose sur quatre règles principales. D'abord, une trajectoire du déficit public est définie jusqu'en 2016 et déclinée au niveau fédéral, mais aussi à ceux du Land et des communes. À partir de 2017, le déficit structurel des Länder et des communes devra être inférieur à 0,1 % du PIB, et celui de l'État fédéral à 0,35 %. L'objectif est décliné par Land, notamment en fonction de sa population. En troisième lieu, la croissance des dépenses locales doit être inférieure au taux de croissance potentiel, sauf si elle est compensée à due concurrence par une hausse des recettes : il s'agit de garantir que le solde structurel n'est pas dégradé en raison d'une hausse des dépenses ou d'une baisse des recettes. Enfin, si la dette publique représente plus de 60 % du PIB, elle doit diminuer en moyenne de 5 % par an sur trois années. La répartition de l'effort entre l'État fédéral, chaque Land et les communes dépend, dans ce cas, de la part respective de ceux-ci dans la dette publique.

Un mécanisme de contrôle et de sanction est prévu : si la Cour des comptes constate qu'une règle n'est pas respectée, la collectivité dispose d'un délai de deux mois pour présenter à un comité des sanctions - composé de deux représentants du ministère des finances, deux représentants des Länder et deux représentants des communes - les mesures qu'elle envisage de mettre en oeuvre. Si ces mesures ne sont pas jugées suffisantes, une sanction de 15 % de la déviation est infligée à la collectivité.

La conclusion du pacte de stabilité interne a été précédée d'importantes négociations entre l'État et les collectivités. Cette coordination est institutionnalisée et tant le pacte que les règles de répartition des recettes sont issus d'un consensus. En effet, politiquement et institutionnellement, l'État fédéral n'est pas en mesure d'imposer des mesures aux Länder.

Aussi, lorsqu'un projet de réforme est envisagé, une réunion du comité de coordination, où siègent des représentants du ministre des finances et des communes ainsi que les gouverneurs des Länder, inaugure une série de réunions techniques quasi-quotidiennes auxquelles les agents des collectivités participent, aux côtés des fonctionnaires de l'État. Ces réunions évaluent la situation, font le bilan des précédentes réformes et préparent les décisions. À ce jour, la coordination ne pose pas de problème en Autriche.

Selon nos interlocuteurs, le pacte de stabilité interne n'est pas critiqué en tant que tel par les élus locaux. Ils considèrent qu'il s'agit de l'unique moyen pour l'Autriche de respecter ses engagements européens.

M. Charles Guené , rapporteur . - L'intérêt de l'exemple italien réside dans sa grande proximité avec la France : l'Italie a ainsi récemment prévu la « dévitalisation » de ses départements, mis en place des métropoles et encouragé le développement de l'intercommunalité. Si la situation financière des collectivités territoriales des deux pays est proche, l'organisation territoriale est plus régionalisée en Italie et la baisse des ressources des collectivités territoriales y a été plus forte qu'en France, atteignant 26 milliards d'euros entre 2010 et 2017.

Notre attention s'est concentrée sur le pacte de stabilité interne (PSI), mis en place dès 1999, qui encadre de façon particulièrement précise les finances des collectivités territoriales, et sur un outil original de mesure des charges des collectivités, les « besoins de financement standard ».

Le PSI est adopté chaque année en loi de finances. Un niveau de contrainte globale est fixé, décliné collectivité par collectivité. Selon les années et la catégorie de collectivités, la contrainte a pu porter sur le solde budgétaire ou sur l'évolution des dépenses. Le périmètre du pacte a fortement évolué, excluant souvent les communes les moins peuplées. Les agrégats pris en compte ont eux aussi beaucoup varié : ont ainsi pu être écartées les dépenses exceptionnelles ou les dépenses de santé des régions. Les investissements ont été pris en compte à partir de 2005, mais des souplesses ont été mises en oeuvre par la suite.

Le pacte a souvent distingué collectivités « vertueuses » et « non vertueuses », en se basant par exemple sur le niveau moyen de dépenses par habitant ou sur des indicateurs plus complexes faisant intervenir le poids des dépenses de personnel.

Le PSI prévoit des incitations et des sanctions. Les premières peuvent prendre la forme de meilleures conditions de financement ou d'un assouplissement de l'objectif les années suivantes ; les secondes, celle d'une diminution automatique des concours de l'État, d'un gel des embauches de personnel, d'une interdiction d'endettement ou encore d'une réduction de 30 % des indemnités des élus locaux.

La technique du rabot atteint vite ses limites, dans la mesure où elle n'assure pas que les efforts seront consentis là où ils seraient le plus efficaces économiquement. C'est pourquoi l'Italie a développé les « besoins de financement standard », qui mesurent très précisément le coût de fourniture d'un service public local dans chaque collectivité, en fonction de ses caractéristiques, afin de répartir en conséquence les fonds de péréquation.

Le travail considérable de recueil de données et de traitement a été confié à une société privée, en y associant les représentants des collectivités territoriales. Douze services publics fondamentaux ont été identifiés, ainsi que treize facteurs de coût, alimentés par 122 critères. Ce travail a établi que le nombre d'habitants explique 43 % du coût des transports publics, les caractéristiques du territoire 15 %, le prix des intrants 5 %, etc.

Au-delà de cette utilisation technique, les besoins de financement standard ont favorisé la transparence, puisque les données sont publiées sur un site internet où figurent également des indicateurs de la qualité du service rendu. Les citoyens peuvent ainsi mesurer la performance de leur collectivité au regard des moyens alloués et la comparer à d'autres communes, et les collectivités les utiliser en tant qu'outils de contrôle de gestion.

M. Claude Raynal , rapporteur . - Voici maintenant nos principales observations. En premier lieu, la volonté d'encadrer les finances des collectivités territoriales n'est pas une affaire franco-française : confrontés aux mêmes règles communautaires et au même contexte économique et financier, de nombreux pays européens ont suivi cette voie. L'Autriche et l'Italie ont pris une avance certaine en mettant en place il y a plus de dix ans, avec une ambition forte, des règles certes contraignantes mais lisibles pour les collectivités.

En deuxième lieu, le bilan du PSI italien invite à veiller à la préservation des investissements des collectivités. Il est vrai qu'il a eu un effet modérateur et permis une relative maîtrise des finances locales italiennes ; l'effort considérable a pu être absorbé sans réduire excessivement l'offre de services publics, en améliorant la qualité de la dépense et, au moins partiellement, en ayant recours au levier fiscal. Cependant, les règles choisies ont pu avoir des effets pervers tels que la créativité comptable, le recours aux emprunts structurés ou l'externalisation des dépenses. Enfin, le pacte de stabilité a provoqué un véritable effondrement des investissements des collectivités territoriales, montrant la nécessité de définir une règle qui les préserve, par exemple en les excluant de la contrainte ou en prévoyant des souplesses spécifiques, comme l'a fait l'Italie par la suite.

En troisième lieu, le succès d'un pilotage des finances locales passe par l'association des collectivités territoriales à son élaboration afin de rétablir un dialogue confiant. Il convient de rénover la gouvernance des finances publiques françaises, en particulier des finances locales, pour qu'émergent, sur le modèle autrichien, des instances ayant le temps et les moyens d'une véritable concertation entre tous les acteurs impliqués. De même, afin d'éviter les différences d'analyse, un groupe de travail paritaire et pérenne entre l'État et les collectivités territoriales pourrait établir un diagnostic partagé des efforts passés en matière de dépenses et des efforts à fournir à l'avenir. Enfin, il semble nécessaire de donner un cap aux collectivités territoriales, en définissant un objectif de moyen long-terme pour les collectivités comme pour les citoyen, et en prévoyant dès aujourd'hui l'évolution des concours de l'État une fois la situation des finances publiques assainie, afin de donner des perspectives positives aux collectivités. Ces mesures pourraient être formalisées dans un pacte de stabilité interne, qui contribuerait à rétablir la confiance entre l'État et les collectivités territoriales, en énonçant des règles claires et durables dans une logique pluriannuelle.

En quatrième lieu, on pourrait envisager de décliner la contrainte globale collectivité par collectivité et d'adopter des règles mieux adaptées à la diversité des territoires. Comme dans le cas autrichien, ces règles pourraient concerner non seulement les dépenses, mais aussi le déficit et la dette publics afin de mettre en évidence le poids de chaque secteur d'administration publique, l'État compris. Étant donnés le faible poids du déficit et de la dette des collectivités territoriales françaises et l'exigence de la règle d'or, le sujet central de l'encadrement des finances locales françaises demeure néanmoins le niveau de leurs dépenses. Les règles pourraient être déclinées collectivité par collectivité, comme c'est le cas dans les deux pays étudiés, dans un souci de responsabilisation ; en contrepartie, les collectivités territoriales devraient bénéficier d'un allégement des normes et d'une plus grande liberté en matière de gestion.

L'exemple italien montre que les rabots de ressources ou de dépenses, s'ils ont le mérite de la facilité, présentent des limites en termes d'efficacité économique faute de tenir compte de la situation réelle de chaque collectivité. Il pourrait être utile d'étudier l'opportunité de mettre en place un outil de mesure des charges des collectivités s'inspirant des fabbisogni standard italiens. Les indices synthétiques français n'apprécient pas assez finement les contraintes de chaque territoire et leur définition n'est jamais consensuelle.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Votre exposé met en évidence, dans deux pays dont les collectivités ressemblent aux nôtres, un système différent de discussion entre l'État et les collectivités territoriales. Nous pourrions envisager un dialogue de ce type en France et, pourquoi pas, des objectifs contraignants. Cependant, comme nous l'avons souligné dans les débats sur la loi de finances 2015, nous sommes préoccupés par les contraintes que l'État impose aux collectivités. Ce matin, Philippe Dallier rappelait que les revalorisations des traitements des fonctionnaires de catégorie C s'imposent automatiquement aux autorités locales. On pourrait également parler du RSA. Ce type de normes imposées unilatéralement existe-t-il en Italie et en Autriche ? Le cas échéant, un mécanisme de neutralisation y est-il associé ? L'amendement introduit l'année dernière par la majorité sénatoriale neutralisait dans l'Odedel les transferts de normes évalués chaque année par la Commission consultative d'évaluation des normes.

M. François Marc . - L'analyse des charges des collectivités est une question fondamentale ; elle implique cependant un jugement sur la pertinence de l'action conduite, ce qui est particulièrement délicat.

Pourriez-vous revenir sur le dispositif de péréquation décentralisé en Italie ? Le concours des collectivités dans la répartition est-il le résultat d'échanges internes ? Par quels acteurs la péréquation est-elle mise en oeuvre, et quelles comparaisons peut-on établir avec notre situation ?

En Suède, où les externalisations de dépenses par le transfert de certaines missions à des agences ont été très pratiquées pour améliorer la productivité et rechercher l'équilibre budgétaire, les résultats n'ont pas été satisfaisants, si l'on en croit les plaintes entendues lors des dernières élections sur la baisse de qualité des services publics. Y a-t-il eu des tentatives analogues en utriche et en Italie ?

M. Jacques Chiron . - Ce rapport montre que les pays européens ont les mêmes contraintes. Les entreprises publiques locales, nombreuses en Italie, ont-elles porté une partie des investissements des collectivités ? C'est une solution pour mobiliser l'investissement privé.

M. Philippe Dallier . - Le chiffre de 26 milliards d'euros de baisse des ressources en Italie fait plutôt peur. En France aussi, on craint une baisse de l'investissement des collectivités. Existe-t-il des dispositifs de soutien de l'investissement en Italie ? On parle chez nous de créer un fonds d'un milliard d'euros. Je ne suis pas vraiment favorable à ce genre de dispositif.

M. Francis Delattre . - C'est un point de vue largement partagé.

M. Philippe Dallier . - Ceux qui ont déjà les moyens d'investir obtiendront des subventions ; les autres, qui surnagent avec peine, ne pourront pas présenter de dossiers.

M. Maurice Vincent . - Les chiffres de la trajectoire de finances publiques pour l'Autriche semblent très durs, avec un retour à l'équilibre budgétaire dès 2016, alors même que la dette ne semble pas très élevée. C'est regrettable : pour créer de la croissance, les pays européens ne doivent pas chercher à retrouver trop vite l'équilibre budgétaire.

Vos propositions, destinées à encourager la coopération entre le Gouvernement et les collectivités territoriales, me semblent adaptées. Un fonds d'un milliard d'euros a été annoncé ; le préfinancement du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) par la Caisse des dépôts et consignations soutient également l'investissement tout en assurant la contribution des collectivités à l'effort budgétaire.

M. Michel Bouvard . - Une partie de l'effort des collectivités italiennes a été rendue possible par la disparition ou l'absorption de l'échelon provincial. En outre, dans certains cas, les collectivités italiennes ont besoin d'une autorisation de l'État, même dans les opérations pour lesquelles elles disposent de la trésorerie nécessaire. Nous l'avons bien vu à propos du financement des opérations transfrontalières dans le cadre de programmes européens.

La typologie des collectivités déterminant les charges à supporter en fonction de leur caractère urbain, rural ou montagnard est un élément particulièrement intéressant pour la réforme de la dotation globale de fonctionnement. Le Premier président de la Cour des comptes a rappelé que le rabot ne suffisait pas, qu'il fallait prendre en compte les caractéristiques des collectivités. Je ne suis pas sûr que la direction générale des collectivités territoriales ait une typologie comparable. Ou alors qu'elle nous en donne communication...

M. Bernard Lalande . - L'investissement en Italie a-t-il servi de variable d'ajustement par rapport aux dépenses de fonctionnement, ou sa baisse s'explique-t-elle par un endettement des collectivités limitant l'effet de levier ?

M. Éric Doligé . - Les comparaisons offrent toujours des enseignements intéressants. L'Italie a diminué les ressources des collectivités dès 2011, alors que nous ne l'avons fait qu'en 2014. Ces objectifs ont-ils été atteints ? Je m'interroge également sur la fiabilité des chiffres : lors d'un voyage à Berlin, nos interlocuteurs nous ont affirmé que tous les chiffres européens sur les dépenses des collectivités étaient faux.

M. André Gattolin . - Les statistiques de l' Istituto nazionale di statistica (Istat), et notamment les données Soluzioni per il Sistema economico (SOSE) sur lesquelles j'ai travaillé, sont aussi fiables que les nôtres. Quant à la réduction de 30 % des indemnités des élus locaux en guise de sanction, qui a suscité des haussements de sourcils, il faut savoir que l'Italie est le pays européen qui payait le mieux, voire sur-payait, ses élus. Il s'agit d'un retour à la normale.

Le pacte s'inscrit dans une réorganisation complète des collectivités locales et d'une réforme du Sénat, qui doit mieux représenter les régions. Historiquement, la péréquation s'est effectuée dans ce pays au niveau régional. La lecture de la presse italienne suscite quelques doutes quant à la réussite de l'effort de contrôle des dépenses publiques. C'est l'un des principaux soucis du gouvernement.

M. Charles Guené , rapporteur . - La négociation entre l'État et les Länder a toujours été la règle en Autriche et la question des normes se pose différemment. Ainsi, dans le domaine de l'enseignement, le Land décide des embauches qui sont financées par l'État.

En Italie, certaines dépenses ont été exclues du périmètre, afin que leur hausse ne compromette pas le respect du pacte par les communes : c'est le cas des dépenses contraintes ou qui dépendent d'un autre niveau - cela donne à penser quant aux dépenses sociales de départements. L'Italie devait se diriger vers un système fédéral, mais le mouvement s'est ralenti et nous en restons loin.

L'analyse des charges est suffisamment travaillée pour tenir compte de manière satisfaisante des caractéristiques des collectivités. Elle débouche sur un jugement qualitatif sur les dépenses, mais aussi sur le résultat de ces dépenses. Cela rejoint les préoccupations exprimées par Didier Migaud.

Dans notre rapport, nous n'avons pas examiné la question des externalisations et des sociétés d'économie mixte sous l'angle de l'efficacité économique ; nous avons simplement constaté la tentation, pour les collectivités, d'utiliser les externalisations pour satisfaire aux exigences du pacte. Celui-ci a été progressivement ajusté pour en tenir compte.

Quant au choc des 26 milliards d'euros, il ne s'explique pas uniquement par la disparition d'un échelon. La gestion des collectivités laissait peut-être plus de marge que chez nous. Cependant, nous avons senti dans les propos de nos interlocuteurs qu'il était difficile d'aller plus loin dans l'effort : l'impact de la baisse des investissements des collectivités a été évalué à un point de PIB par an.

M. Claude Raynal , rapporteur . - En Autriche, pays germanique, un accord n'est généralement pas remis en cause ; mais en Italie, l'intérêt du pacte n'est plus discuté, les seuls débats portant sur la question du calibrage. Cela nous a surpris : nous nous attendions à une levée de boucliers.

En Autriche, le déficit global était de 2,8 % du PIB en 2014, et n'aurait pas dépassé les 2 % sans la faillite d'un établissement bancaire régional qui a nécessité une intervention de l'État. Pour répondre à Maurice Vincent, l'Autriche partait de moins loin et les collectivités locales bénéficient d'une augmentation des recettes fiscales. La règle du jeu est très claire. Voilà un élément qui manque peut-être dans le discours.

M. Charles Guené , rapporteur . - Les contraintes, en France, sont la baisse de la dotation de l'État et l'Odedel qui n'est qu'indicatif - une grande majorité des élus ignore même sans doute son existence... La déclinaison est différente en Autriche, avec des critères partagés de trajectoire budgétaire, de déficit, d'augmentation des dépenses, et en Italie, où l'on prend en compte le solde et l'évolution des dépenses, mais pas la dette. Ces critères sont déclinés à tous les niveaux, alors qu'en France, il s'agit d'une contrainte qui ne dit pas son nom.

M. Claude Raynal , rapporteur . - Pour répondre à François Marc, il ne s'agit pas, dans le cas italien, d'un système de péréquation décentralisée. C'est un système national de péréquation, en fonction du potentiel financier et des besoins de financement standard. Rien n'interdit cependant à une commune de dépenser davantage, à charge pour elle de le financer et de le porter avec un message politique. Néanmoins, les régions peuvent accorder aux communes des souplesses dans le respect du pacte, à condition de compenser elles-mêmes cet assouplissement. Il existe la même possibilité entre communes. L'essentiel est que le territoire régional respecte globalement la contrainte. Le système autrichien est analogue.

Je n'ai pas d'éléments précis sur le développement des sociétés locales d'investissement. La Cour des comptes italienne a exprimé des réserves quant à leur efficacité économique. Ce mécanisme a-t-il été utilisé par les communes pour répondre rapidement à la contrainte ? Probablement...

Les chiffres présentés ont été respectés par les collectivités italiennes au moins jusqu'en 2015. Certes, ces collectivités ont pu augmenter la fiscalité, mais l'augmentation des recettes fiscales propres est restée modérée et ponctuelle ; elle ne serait pas envisageable pour l'avenir. Au total, 3 % des collectivités n'ont pas rempli les objectifs du pacte. Les dérapages au niveau global sont donc imputables aux dépenses de santé et à l'État plutôt qu'aux collectivités.

Comme le suggère Bernard Lalande, la baisse de l'investissement des collectivités en Italie ne s'explique pas uniquement par celle des ressources. Elle résulte également d'un phénomène d' overshooting : dans leur crainte de ne pas atteindre les objectifs, nombre de collectivités ont sacrifié l'investissement.

M. Bernard Lalande . - La baisse de l'investissement est parfois imputable à une moindre capacité d'endettement.

M. Charles Guené , rapporteur . - C'est sans doute vrai. En Autriche, si la dette est excessive, les collectivités doivent la réduire en moyenne de 5 % par an sur trois ans.

M. Bernard Lalande . - Par conséquent, l'État décide qu'au-delà d'un certain seuil, les collectivités doivent limiter leur investissement.

M. Claude Raynal , rapporteur . - En Italie, il y a un système d'autorisation préalable pour certaines opérations.

M. Charles Guené , rapporteur . - En France, il n'existe pas d'autre critère que la réduction... arbitraire des dépenses. Ailleurs, le recours à l'impôt local fait figure de sanction. Chez nous, c'est considéré comme un signe d'autonomie !

M. Francis Delattre . - Je crains de détoner dans cette discussion. Si les tapisseries ne représentent plus Don Quichotte, il est désormais parmi nous ! Lui-même en difficulté, l'État a entrepris de réguler les ressources des collectivités. En 2014, la baisse de la dépense publique a été de 3 milliards d'euros. Où l'État les a-t-il pris ? Vous le savez bien...

Quant à l'endettement, les collectivités françaises n'auront bientôt plus à s'inquiéter d'autorisations, parce que leurs budgets de fonctionnement seront réduits à néant. L'endettement des communes représente 10 % de l'endettement global et la loi nous oblige à voter des budgets équilibrés. Pourquoi nous montrer du doigt ? La réalité est que les communes vont réduire l'investissement, et que cela pèsera sur l'emploi. Nous entrons dans un système à inflation zéro et sans croissance. Nos entreprises disparaissent et nos bases fiscales avec elles. C'est tout le système qu'il faut revoir.

La péréquation horizontale va atteindre ses limites, car toutes les communes seront bientôt en position de recevoir ! Il n'est plus possible de continuer sans croissance et sans inflation qui, quoi qu'on en dise, est un amortisseur social. Quand le meilleur économiste de France était à Matignon, nous avions une inflation à deux chiffres.

M. Charles Guené , rapporteur . - Soit, mais notre rapport n'a vocation qu'à apporter des éléments pour contribuer aux choix publics.

M. Francis Delattre . - La péréquation est par nature verticale. Mais nous appliquons des critères nationaux, ce qui est une aberration. Des villes de 50 000 habitants sont en grande difficulté malgré une dette inférieure à 60 millions d'euros. D'autres sont en parfaite santé alors que leur endettement atteint 600 à 700 millions d'euros ! Comment appliquer un rabot national dans ces conditions ?

M. Claude Raynal , rapporteur . - Vos propos abondent dans notre sens. Le système italien est intéressant parce qu'au rabot, il préfère une analyse en profondeur des besoins et de la réalité des dépenses nécessaires, tout en laissant le citoyen se faire une idée sur la gestion de la collectivité. Cet exemple nous montre une manière possible de passer d'un effort de péréquation horizontal à un effort national sur la base des besoins réels. Je salue votre lucidité sur cette question.

M. Francis Delattre . - Et moi votre agilité intellectuelle...

La commission a donné acte aux rapporteurs de leur communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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