D. AU NIVEAU NATIONAL

1. S'agissant des politiques de prévention et de protection

La France s'est dotée en 2013 d'une Stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte qui considère deux options principales ; Dans ce cadre, une mission a été confiée au climatologue Jean Jouzel sur le climat de la France au XXI e siècle. Dans le volume 5 de son rapport 130 ( * ) publié en mars 2015 consacré au changement climatique et niveau de la mer : de la planète aux côtes françaises, une première appréciation des principaux impacts physiques sur les côtes (submersion, érosion, intrusions salines) et les infrastructures a été réalisée. Il s'agit là d'une première ébauche méthodologique, mais il constate que « les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes, restent à réaliser ».

En France en 2015, environ un habitant sur quatre et un emploi sur trois seraient directement concernés par le risque d'inondation. Les évènements tragiques de 2010 ( Xynthia , inondations dans le Var), ont accéléré la mise en oeuvre des Plans de prévention des risques inondations (1995) et la mise en place pour les communes littorales des plans de prévention des risques de submersions marines (PPRSM). Toutefois, ces démarches continuent de souffrir du manque d'effectifs pour conduire les études préalables et des réticences d'une partie des populations locales directement concernées par les contraintes qu'ils imposent. En outre, l'aggravation des risques à mesure du changement climatique devrait inciter à revoir régulièrement ces plans, notamment les plus anciens, et à introduire des marges de précaution.

Enfin, bien qu'il soit envisageable de construire des ouvrages de protection dans les zones à fort enjeux, il paraît important dès à présent d'identifier et de conduire progressivement des politiques de relocalisation, en créant des incitations (expropriation, rachats préventifs ou après la survenance d'un sinistre, aide à la relocalisation) qu'il s'agisse d'habitats ou d'activités, notamment lorsque celles-ci présentent en outre un risque environnemental ou technologique.

Propositions n° 30, 31 et 32 : Développer les études de l'évolution du niveau de la mer au niveau local, y compris pour les côtes françaises (métropole et DOM-COM) intégrant l'ensemble des processus, y compris ceux qui influencent la morphologie des côtes.

Poursuivre la cartographie des aléas liés à la montée du niveau des mers (et plus généralement), du changement climatique et la mise en oeuvre des PPRL.

Travailler à des plans de relocalisation des activités situées dans les zones les plus risquées.

En écho aux propositions n° 25 et 26, pour satisfaire ses propres besoins d'expertise, pour placer ses entreprises et sociétés de service sur un créneau d'activité en fort développement et également pouvoir proposer des services de qualité à l'international, y compris dans le cadre de l'aide au développement, la France devrait investir dans la recherche et dans la formation dans les domaines concernés.

Propositions n° 33 et 34 : Développer le secteur de la recherche, la formation des ingénieurs en matière de technologies innovantes de protection du littoral respectueuses des équilibres naturels et les méthodologies en matière de gestion des crises.

Développer l'expertise internationale tant en matière de lutte contre les inondations ou la submersion, tant en matière de prévention des risques, de protection et d'organisation des secours .

2. S'agissant des migrations environnementales

Pour ce qui concerne son territoire national, la France dispose de capacités de relogement temporaire de personnes déplacées. Elle a sans doute les moyens et les compétences de résoudre les problèmes liés à une catastrophe de plus grande ampleur, y compris outre-mer.

Elle a évidemment une position beaucoup plus prudente s'agissant de populations étrangères. Si la participation d'experts et le déploiements de moyens de secours lors des catastrophes naturelles (Haïti, Népal), industrielles (Fukushima), sanitaires (Ebola en Guinée) ou humanitaires suite à un conflit armé (Syrie) sont connus, ils restent modestes compte tenu des capacités de notre pays, de sa situation budgétaire et des tensions internes que provoquent les migrations internationales, sans parvenir sans doute, en raison de la faiblesse des moyens, y compris financiers, mis en oeuvre au plus près dans les pays sinistrés ou dans les pays frontaliers, à réguler les phénomènes migratoires.

Elle doit cependant être en mesure de participer aux efforts de la communauté internationale pour permettre l'accueil temporaire ou définitif des populations sinistrées et se donner les moyens juridiques, financiers et techniques d'assurer cet accueil dans les meilleures conditions, y compris dans l'urgence , sur son territoire ou sur un territoire étranger en collaboration avec l'Etat concerné .

Propositions n° 35 : Dans la suite de la proposition n° 27 concernant l'Union européenne et ses Etats-membres, une méthodologie incluant la planification, le déploiement d'une structure de pilotage, le pré-positionnement des services mobilisables en un court délai, leur montée en puissance, le déploiement d'équipement, la détection de structures d'accueil et d'habitation, la fourniture de prestations et la formation des personnels d'intervention, devra être mise au point.

3. S'agissant de la prise en compte des conséquences géopolitiques du changement climatique dans les réflexions stratégiques et de défense

Dans son rapport sur le projet de loi d'actualisation de la loi de programmation militaire, le Président Jean-Pierre Raffarin, rapporteur 131 ( * ) , notait que : « de façon un peu paradoxale, en cette année où la France préside et accueille la COP 21, l'absence de référence au risque climatique qui faisait l'objet d'une mention dans le Livre blanc de 2013. La citation du changement climatique comme une menace et comme un facteur d'amplification des crises aurait été justifiée et cohérente par rapport au discours porté par la France. Elle traduit probablement une insuffisance de la réflexion stratégique française en ce domaine alors même que nos partenaires, notamment les États-Unis, en font un axe important dans leur stratégie de défense et ses déclinaisons opérationnelles. »

De fait, à comparer aux investissements réalisés par le Pentagone et dans une moindre mesure par le Royaume-Uni (avec un certain essoufflement, il est vrai depuis quelques années) 132 ( * ) , l'appropriation de ce sujet stratégique par le ministère de la Défense reste insuffisante. Aux termes d`une étude comparée, exposée dans son rapport 133 ( * ) à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN, le député Philippe Vitel note : « le ministère de la Défense français n'accorde pas au changement climatique en tant que facteur influençant la sécurité internationale la même importance que ses homologues américains, anglais ou allemand ».

« On pourrait même évoquer une forme de régression en termes de traitement de la question si l'on effectue une comparaison entre les éditions 2013 et 2008 » (du Livre blanc) de 2008 et de 2013 », notent Bastien Alex, Alain Coldefy et Hervé Kempf dans leur rapport.

Sans en faire le premier enjeu de sécurité pour la France, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 reconnaissait, entre autres, l'impact que pouvait avoir le changement climatique dans la montée des tensions dans l'océan Indien et dans la déstabilisation du Maghreb et préconisait « de mieux prendre en compte les risques induits par les changements climatiques ». Pour autant, peu d'études ont été commandées et publiées dans cette perspective : un rapport de l'IRSEM en 2011 134 ( * ) et un rapport parlementaire de la Commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale en 2012 135 ( * ) .

Prendre en compte le climat dans la stratégie de défense

Le rapport de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) sorti en juillet 2011 et intitulé Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense , insistait sur la nécessité de « cerner les zones à risques et de mieux connaître les nouveaux environnements (régions du Gange, du Mékong, de l'Arctique) pouvant « devenir des théâtres d'opérations ». Reconnaissant que « le changement climatique pourrait accentuer les risques naturels et sanitaires, modifier la répartition des ressources en eau et affecter la sécurité alimentaire », le rapport pointait la vulnérabilité de certaines zones géographiques, « au-delà des 10 000 km actuellement considérés par la France comme une distance maximale pour des scénarios de projection de forces » (Rive sud de la Méditerranée, Afrique centrale, Corne de l'Afrique, certaines régions d'Asie et du Sud-est de l'Asie). Il recommandait « qu'à l'actualisation du LBDSN soient examinés dans un cadre interministériel des scénarios de crises lointaines et longues, l'opportunité d'assigner éventuellement ces nouvelles missions aux forces armées françaises, d'étudier l'interopérabilité avec les moyens civils et les conséquences sur les moyens militaires, le tout dans un cadre multinational ».

Le rapport de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale explorant « l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense », dans ses conclusions, qualifiait « les conséquences du changement climatique en matière de sécurité et de défense » d'« enjeu fondamental, dont les pouvoirs publics doivent se saisir d'urgence». Le rapport identifiait plusieurs enjeux géopolitiques (migrations climatiques, compétition pour les ressources naturelles et pour les territoires, risque de multiplication des conflits) et préconisait un travail d'anticipation de l'impact en matière de défense. Il proposait même de s'appuyer sur les travaux du Service européen d'action extérieure ( Towards a renewed and strengthened EU climate diplomacy , SEAE, 9 juillet 2011) afin de construire une doctrine européenne en la matière, arguant que « les capacités militaires de chaque pays étant insuffisantes pour intervenir efficacement dans les questions de défense et de sécurité, et compte tenu des contraintes budgétaires, seule une réflexion commune à l'échelle européenne permettra de développer les matériels adaptés aux risques et menaces du XXI e siècle ».

Le nouveau Livre blanc publié en avril 2013 rappelle que « certaines études sur le changement climatique suggèrent que l'amplitude ou la fréquence des phénomènes extrêmes pourraient s'accroître et fragiliser davantage encore les régions aujourd'hui les plus exposées à ces phénomènes ». Il indique que « les conséquences régionales précises du réchauffement climatique à horizon de plusieurs décennies sont encore très incertaines », le document reconnait que « la diminution de la superficie des glaces de mer en Arctique n'est pas sans conséquences stratégiques, que la perspective d'une utilisation régulière de nouvelles routes maritimes arctiques se rapproche et rappelle l'importance de la défense des enjeux de souveraineté » et de garantir « la sécurité de nos concitoyens dans des zones exposées aux aléas climatiques, notamment au travers des Accords FRANZ (France - Australie - Nouvelle-Zélande) ».

En-deçà de ces références, le rapport annexé au projet de la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013 ne contenait dans sa version initiale aucune référence au dérèglement climatique dans l'analyse des risques . Un amendement mentionnant le changement climatique au rang des risques et menaces a été introduit à l'Assemblée nationale, par le député Philippe Nauche.

Rapport annexé à la Loi de Programmation Militaire

1.1.2. Des risques et des menaces qui demeurent élevés


L'analyse de ce contexte met en évidence la persistance d'un très large spectre de risques et de menaces. L'augmentation rapide des dépenses militaires et des arsenaux conventionnels dans certaines régions du monde vient rappeler que les conflits entre Etats restent une possibilité que notre défense ne saurait ignorer. La France et l'Europe doivent prendre en compte les menaces de la force (tensions géopolitiques, effort d'armement, déstabilisation de certaines régions), les menaces de la faiblesse (difficultés pour certains Etats de contrôler leurs frontières ou leur territoire, facilitant la création de sanctuaires pour des groupes criminels, d'espaces de transit des trafics ou de bases arrière pour les groupes terroristes), et les effets multiplicateurs de la mondialisation sur les facteurs de risque et de menace pour notre sécurité et celle de l'Europe (terrorisme, trafics, risques pesant sur la sécurité maritime, changement climatique, menaces cybernétiques visant les infrastructures ou les systèmes d'informations, prolifération nucléaire, biologique et chimique ou prolifération des missiles balistiques).

Sans doute la réflexion est-elle en cours dans les Armées, la commande d'un rapport de prospective par le Centre Interarmées de concepts, de doctrine et d'expérimentation le démontre, comme l'intérêt manifesté par les autorités militaires à la suite de la publication du Livre vert de la défense à l'initiative de la sénatrice Leïla Aïchi ou encore la programmation d'un atelier de débat lors de la 13 e Université de la Défense à Strasbourg en septembre 2015.

L'étude de l'IRIS sur les conséquences du dérèglement climatique pour le ministère de la défense met en évidence que « le changement climatique doit constituer désormais, de façon pérenne, un des éléments de la réflexion prospective de défense ». Il estime toutefois qu'en France le risque de voir ce sujet repoussé sine die est réel et connu. « Au terme d'une analyse rigoureuse conduite par tous les états-majors, directions et services concernés, la prise en compte effective des conséquences opérationnelles des risques et menaces liés au dérèglement climatique est loin d'être assurée ».

« Pressé par des contraintes budgétaires sans précédent, le ministère n'est plus en mesure d'investir dans ses équipements futurs à la hauteur des enjeux climatiques tels qu'exposés dans ce rapport ». (...)

« En revanche, très concerné par le second volet du sujet (celui qui couvre en particulier le bilan énergétique global et, pour les forces armées en opérations, la réduction des consommations et l'adaptation a minima des équipements), il adopte déjà une politique vigoureuse allant dans ce sens. (...)

« Les phénomènes de montée des eaux (Arctique) se dérouleront comme prévu. Les tensions issues de nouvelles zones de crises décrites dans le rapport, la plupart à proximité du littoral, vont concerner les ressortissants français, européens et les intérêts de la France. (...)

« Les catastrophes naturelles dues aux désordres climatiques vont aller en s'accroissant, et du fait de notre économie (énergie, commerce) qui, en mer et à terre, ne peut s'affranchir des contraintes de l'interdépendance, les armées devront intervenir sur un spectre de missions inédit dont la multiplication des crises humanitaires. Les manifestations de plus en plus prégnantes du dérèglement climatique vont provoquer une inflation des missions de sécurité civile assumées par l'armée. De même, les matériels devront être adaptés aux nouvelles missions mais aussi aux conditions de conduite des opérations car les évolutions de certains paramètres climatiques et géophysique auront un impact sur les usages. A ce titre, des études techniques devront être menées en parallèle des études géopolitiques et stratégiques afin d'orienter les investissements à effectuer. Cela doit être porté à la connaissance de nos dirigeants. (...)

« Les probabilités d'occurrence des risques sont difficiles à déterminer. Néanmoins, le risque que certaines situations dégénèrent, soit du fait de la survenance d'un aléa climatique majeur, soit en raison de politique d'adaptation dont les effets néfastes auront été négligés par leurs promoteurs, est non négligeable. (...)

« Le fait que les contours de l'image soient flous ne veut pas dire que nous ne voyons rien. Le dérèglement climatique, malgré le fait qu'il soit un sujet de long terme, difficile à appréhender, fait indéniablement partie des paramètres de l'équation sécuritaire, et son importance va s'accroitre. Il nous faut donc, dès maintenant, développer les outils adéquats pour nous prémunir des conséquences directes ou indirectes sur la sécurité ».

Les auteurs formulent 11 recommandations dont certaines sont reprises par le groupe de travail.

Mais les intentions tardent à se concrétiser par des orientations au niveau politique. En témoigne la disparition de la mention du changement climatique à l'occasion de l'actualisation de la loi de programmation militaire par la loi du 28 juillet 2015.

Sans doute, peut-on espérer qu'à différents niveaux de recherche et de décision, au sein des Armées, de la DGA et des organismes de la Défense, des travaux de recherche techniques ou opérationnels sont menés, mais ils ne font pas l'objet d'une information ouverte et ne sont pas suffisamment portés pour être rassemblés dans un document d'orientation d'ensemble.

Le groupe de travail espère que la conférence et la réunion des ministres de la défense organisées le 14 octobre prochain à Paris, dans le cadre des manifestations préparatoires à la COP 21, sera l'occasion d'une inflexion plus vigoureuse et d'une mise en ordre de bataille du secteur de la Défense (forces et industriels) à défaut duquel, la France risque de prendre du retard dans un certain nombre de domaines.

Pour le groupe de travail, il est légitime d'intégrer le dérèglement climatique à la réflexion prospective en matière de défense.

Plusieurs fonctions stratégiques, telles que définies par le Livre blanc, sont potentiellement concernées :

La connaissance et l'anticipation , tout d'abord : le changement climatique doit être pleinement intégré aux travaux d'analyse des risques et menaces auxquels la France pourrait être directement ou indirectement confrontée au cours des prochaines décennies ;

La protection du territoire , ensuite : alors que l'opération Sentinelle a été déployée pour protéger le territoire et la population contre le terrorisme, nos forces seraient-elles en nombre suffisant si venaient s'ajouter à cette menace terroriste plusieurs catastrophes naturelles de grande ampleur ?

3 e fonction stratégique à envisager , la prévention des crises au niveau international : l'accent doit être mis sur la prévention des tensions sur les ressources, notamment dans les régions pauvres ou les États fragiles, déjà déstabilisés. Des instruments financiers rapidement mobilisables doivent être mis à disposition des États, y compris les plus pauvres, afin de limiter les conséquences secondaires de long terme des catastrophes naturelles (sur la santé, la scolarisation, l'activité des populations etc.). L'aide financière est aujourd'hui souvent trop longue à venir.

Enfin, 4 e fonction stratégique, l'intervention , afin de défendre nos intérêts et ceux de nos alliés. Le changement climatique est susceptible de faire évoluer les missions, les zones d'engagement, et donc les besoins capacitaires des armées. Des scénarios de crises humanitaires, liées à des catastrophes naturelles, doivent être envisagés, de même que des scénarios d'interventions conjointes civiles et militaires, au niveau international, qui nécessiteront une coordination et une complémentarité des capacités et équipements.

Dans tous ces domaines, la France possède une expertise qu'elle doit mettre en valeur au niveau international, mais dispose-t-elle des capacités adaptées pour assurer ses missions de protections et d'intervention en cas de catastrophes de grande ampleur ou de multiplication d'évènements graves affectant son territoire ou des pays étrangers ?

Dans leur « Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense » 136 ( * ) , les chercheurs de IRSEM écrivent notamment s'agissant de l'évolution des missions : " Aujourd'hui, les capacités militaires dont dispose la France ne sont ni vraiment appropriés ni suffisantes pour intervenir de façon véritablement efficace en situation de catastrophe naturelle de grande ampleur. Il est vrai que les armées française ont l'expérience de missions humanitaires et ont souvent été sollicitées dans le cadre de protection des populations. Toutefois, les caractéristiques des zones d'intervention et l'échelle de ce type de catastrophe nécessiteraient un réexamen précis de l'éventail des capacités à détenir pour que les forces armées puissent intervenir avec une réelle efficacité. Dans ce type de scénarii, il serait sans doute nécessaire d'adapter les savoir-faire "strictement" militaires, de développer des moyens d'intervention spécifiques adaptés aux zones littorale et de mettre l'effort sur la préparation dans des engagements urbains. Le tsunami survenu en 2004 en Asie du Sud-Est est un cas concret qui a montré combien il était particulièrement difficile :

- d'intervenir sur terre uniquement à partir des airs ou de moyens maritimes ;

- de se déplacer sur des terrains où les voies de communication avaient été coupées ;

- d'acheminer en urgence des moyens sanitaires, d'épuration d'eau ou de fourniture d'électricité.

De même, les enseignements tirés sur des lieux de catastrophes naturelles, telles les inondations, ont fait état d'autres déficits importants. La coordination des secours et des moyens en provenance de pays étrangers doit impérativement être optimisés (...). Les forces armées peuvent également apporter leurs compétences en matière d'organisation, de coordination et d'emploi des moyens de secours avec différents moyens mis en oeuvre (...). La France dispose d'unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC) qui interviennent régulièrement dans de telles circonstances. Cependant ces moyens sont insuffisants et largement sous-dimensionnés pour faire face à des situations de catastrophes naturelles de grande ampleur."

Dès lors, le groupe de travail formule les propositions suivantes :

Proposition n° 36 : Impliquer à tous les niveaux, à commencer par le niveau national, les acteurs du secteur de la défense afin d'assurer une contribution significative aux politiques d'atténuation (développement de technologies économes en énergie). Le développement de la recherche et de l'innovation pourrait à terme constituer un avantage important sur les marchés de défense. Soutenir cette politique dans les instances internationales (Union européenne, OTAN et dans les relations bilatérales).

Proposition n° 37 : Inscrire les conséquences géopolitiques du changement climatique dans les réflexions stratégiques et de défense dans le prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, afin de définir, au-delà d'une analyse plus étayée des risques et menaces 137 ( * ) , les capacités d'intervention nécessaires aux intérêts et à la sécurité de la France et le décliner dans les prochaines lois de programmation militaire.

Préparer dans cette perspective un dossier sur la perception sécuritaire du dérèglement climatique par les autorités de Défense des alliés et des principales puissances.

Mettre en place une méthodologie d'examen et d'analyse des vulnérabilités aux risques liés au dérèglement climatique pouvant affecter les installations de la Défense et des opérateurs d'importances vitales.

Inscrire les réflexions sur la répartition des compétences et des moyens entre les différentes forces (armées, sécurité civile, forces de sécurité intérieure) en matière de réponses aux risques de catastrophes naturelles ou technologiques sur le territoire national, et notamment outre-mer, ainsi qu'à l'étranger dans les réflexions du prochain Livre blanc sur la défense et la sécurité, en comprenant l'utilisation de forces de réserves.

*

* *

Si la mobilisation à l'occasion de la COP 21 et les engagements des grandes puissances témoignent d'une prise de conscience des enjeux posés par le changement climatique, il n'est pas acquis que le résultat sera à la hauteur des objectifs attendus.

Et quand bien même, ce dont nous nous réjouirions, il ne sera pas un aboutissement mais une étape, un élan donné qu'il faudra garder, car dans ce combat, l'endurance sera la qualité première.

Notre appréciation sur les risques, compte tenu des limites des données et des modèles de prévision, nous incite à envisager les scénarios les plus pessimistes, s'agissant de la montée du niveau de la mer et de ses impacts. Les conséquences géostratégiques, que nous avons pu esquisser dans la limite des connaissances actuelles, risquent de s'en trouver aggravées.

Sans doute ces conséquences ne sont-t-elles pas immédiatement perceptibles ou clairement attribuables au dérèglement climatique, mais il nous paraît certain qu'elles constituent, et constitueront plus encore dans l'avenir, un déterminant fort des crises qui parcourront le monde.

Dans ce contexte, l'opposition entre pays développés et pays en développement risque de s'accentuer davantage encore, faisant croître les tensions.

Sans doute peut-on encore douter de cette réalité, ou garder une confiance absolue dans les capacités de l'intelligence humaine et de la science pour mettre au point des solutions qui protègeront ou atténueront le changement climatique sans contraindre à l'évolution de nos modes de vie, mais il est de la responsabilité du politique, sans sombrer dans un catastrophisme anxiogène, de faire entendre aujourd'hui une parole grave fut-elle pessimiste et de contribuer au débat pour engager l'action.


* 130

Rapport « Le climat de la France au XXIe siècle » produit dans le cadre de la mission confiée au climatologue Jean Jouzel, en juillet 2010, par le ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie. - Volume 5 mars 2015

* 131 Rapport n° 547 (2014-2015) de M. Jean-Pierre Raffarin, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 24 juin 2015 - http://www.senat.fr/rap/l14-547/l14-547.html

* 132 Bestien Alex, Alain Coldefy et Hervé Kempf - « les conséquences du dérèglement climatique pour le ministère de la Défense » IRIS juin 2014 p 13 à 25 - 93 à 112 ; « Les Etats-Unis, forts de leurs budgets colossaux, sont véritablement désireux de prendre en compte le changement climatique dans la réflexion sur leur appareil de défense. A contrario , la dynamique en vigueur au Royaume-Uni semble s'être essoufflée depuis un an. A cela plusieurs raisons la principale étant, sans doute, que l'outil militaire britannique est exsangue après plus d'une décennie d'engagements opérationnels très élevés en Irak puis en Afghanistan » et Bastien ALEX, "La défense face aux défis du dérèglement climatique", Ceriscope Environnement , 2014, http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/part5/la-defense-face-aux-defis-du-dereglement-climatique

Sur l'intégration du changement climatique dans la stratégie globale des de défense des États-Unis : Jean-Michel Valantin « Guerre et Nature. L'Amérique se prépare à la guerre du climat » Edistions Prisma 2013 et « Guerre, sécurité et changement climatique » http://www.huffingtonpost.fr/jeanmichel-valantin/guerre-securite-et-changement-climatique_b_6734800.html

* 133 Philippe Vitel - Changement climatique et sécurité internationale : vers Paris 2015 rapport soumis à la commission des sciences et des technologies de l'Assemblée parlementaire de l'OTAN - 9 septembre 2015http://www.nato-pa.int/default.asp?SHORTCUT=3932

* 134 Réflexion stratégique sur le changement climatique et les implications pour la défense , IRSEM, juillet 2011

* 135 André Schneider et Philippe Tourtelier, Rapport sur l'impact du changement climatique en matière de sécurité et de défense , Assemblée nationale, 28 février 2012

* 136 Sous la direction de Michel Asencio Laboratoire de l'IRSEM juillet 2011

* 137 Le rapport précité de l'IRIS estime que « considérant l'importance stratégique de l'Afrique pour la France, la vulnérabilité des situations existantes aux aléas naturels qui subiront l'influence du dérèglement climatique devra faire l'objet d'un examen précis, en fonction de critères à déterminer (système d'alliance, relation privilégiée, intérêts stratégiques, présence d'une importante communauté d'expatriés, etc

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